Implantodontie 14 (2005) 15–22
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TECHNIQUE
Apport de la radiochirurgie en implantologie The contribution of radiosurgery to implantology B. Guillaume (médecin stomatologue, Président du Collège français d’implantologie, Chargé d’enseignement, Expert près la Cour d’appel de Paris) Faculté de médecine d’Angers, unité Inserm : EMI 0335 Biomatériaux-Tissu calcifiés, expert près la Cour d’appel de Paris, 6, rue de Rome 75008 Paris, France Disponible sur internet le 09 mars 2005
MOTS CLÉS Radiofréquence ; Implant ; Bistouri ; Radiochirurgie ; Haute fréquence
KEYWORDS Radiofrequency; Implant,; Bistouri; Radiosurgery; High frequency
Résumé L’utilisation de la radiochirurgie par courant électrique à haute fréquence (4 MHz) et à basse température est désormais largement répandue dans de nombreux domaines chirurgicaux comme l’O.R.L, la dermatologie, et la chirurgie plastique. Cette technique de radiochirurgie de part ses propriétés physiques, accroît le confort opératoire tout en améliorant l’environnement tissulaire tant au stade chirurgical qu’à la phase prothétique. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The radiosurgery use of high frequency (4 MHz) low temperature radio wave is used now in several surgical acts in ENT, Dermatology, Plastic surgery. This procedure increases comfort during the operation while also improving the gingival environment both at the operation and prosthetic phase. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction Le bistouri électrique classique utilise des fréquences de l’ordre de 1 MHz environ. Il est utilisé pour l’incision et la thermocoagulation avec élévation thermique tissulaire associée à une dégradation cellulaire suivie de cicatrisation tissulaire fibreuse. La radio chirurgie à très haute fréquence et basse température (4 MHz) permet une approche opératoire différente et des résultats cliniques plus spécifiques notamment en implantologie. Un courant spécifique de 4 MHz permet de réaliser par une visibilité opératoire maximale, des inciAdresse e-mail :
[email protected] (B. Guillaume).
sions fines sur les sites implantaires et un aménagement tissulaire adapté.
Matériels et méthode Caractéristiques Physiques La radiochirurgie à très haute fréquence utilise un courant à quatre millions d’oscillations par seconde (4 MHz) par ondulation et filtration du courant, spécifique du générateur utilisé avec un niveau d’énergie délivré très bas de l’ordre de 8 à 25 Watts. Pour rappel la fréquence utilisée par un bistouri électrique classique varie de 450 KHz à 1 MHZ. Plus la fréquence est élevée moins on a besoin d’un courant fort, générateur d’effet Joule, ce qui
1158-1336/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.implan.2005.02.001
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explique les basses température observées de l’ordre de 90 contre 800 °C pour un bistouri électrique [2,3,9]. Ces courants à très haute fréquence génèrent une hyperfréquence moléculaire au niveau tissulaire par agitation ionique des molécules d’eau intracellulaires, source de volatilisation cellulaire immédiate. Au niveau macroscopique on constate des plans de coupe fins sans carbonisation des parois de l’incision (Photo 1). Sur le plan électrophysique lors d’une oscillation du courant électrique, seule la crête de l’oscillation est responsable de phénomènes physiques utilisés en chirurgie lors de l’électrosection ou l’électrocoagulation (Photo 2). Plus la valeur de la crête sera étroite, plus l’effet électrophysique recherché sera réduit. En effet, l’effet de coupe se produira pendant un temps trop bref et l’action de coupe sera minime. Cette insuffisance d’action est rectifiée par un transistor créant une durée de passage de courant de crête plus long et plus efficace. Ainsi trois types d’ondes existent : • ondes modulées partiellement rectifiées (mode coag) : débit intermittent d’ondes à haute fré-
Photo 3 Onde modulée partiellement rectifiée.
quence intéressant pour la coagulation et l’hémostase vasculaire (Photo 3) ; • ondes modulées totalement rectifiées (mode cut–coag) : ondes source d’un effet de section et de coagulation des surfaces tissulaires (Photo 4) ; • ondes totalement rectifiées et filtrées (mode cut) : débit continu et non pulsé d’ondes de haute fréquence permettant une action de micro coupe. La chaleur latérale dégagée par l’électrode demeure très faible (Photo 5).
Matériel Il est constitué d’un générateur source d’un courant de 4 MHz (Photo 6), d’électrodes de forme variable selon l’indication opératoire, d’une plaque d’isolation et d’une commande externe. L’électrode du bistouri joue le rôle d’anode active (Photo 7). En mode monopolaire, une antenne réceptrice (la cathode) est nécessaire sous forme de plaque placée dans le dos du patient.
Photo 1 Incision par radiofréquence sur la crête.
Photo 4 Onde modulée totalement rectifiée.
Photo 2 Oscillation du courant alternatif.
Photo 5 Onde totalement rectifiée et filtrée.
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17 La gencive péri-implantaire sera sculptée de façon extrêmement précise en vue de son repositionnement autour du col de l’implant et pourra aussi être reprise sans difficulté si nécessaire une fois la vis de couverture posée sur l’implant (Photos 8,9). Il importe bien évidement de n’avoir pas de contact prolongé avec l’implant pour éviter toute source d’élévation thermique osseuse. En cas de contact ponctuel, il est rare que le patient ressente une gêne.
Photo 6 Générateur à très haute fréquence.
Ainsi, sur des épaisseurs de 5 dixièmes de mm, il est aisé d’aménager la gencive de façon précise autour de l’implant. La volatilisation cellulaire par hyper fréquence tissulaire entraîne très rapidement une fibrose réactionnelle de la muqueuse responsable de l’apparition secondaire d’une gencive postopératoire non inflammatoire sur la périphérie de la tête implantaire (Photos 10–12).
Photo 7 Différents types d’électrodes.
La délivrance du courant électrique s’effectue par commande au pied, l’intensité étant réglée préalablement sur le générateur. À la différence d’une incision par lame froide, le geste opératoire ne devra pas être appuyé mais au contraire l’électrode sera passée comme un fil sur la surface du tissu ouvrant progressivement les parois tissulaires [13–14]. La forme de l’électrode élimine les risques liés au maniement d’une lame froide dans des zones peu accessibles tout en assurant par ailleurs une cautérisation du site opératoire. Il en résulte un repositionnement aisé postopératoire des lambeaux aux bords d’incisions nets peu sujet à développer des hématomes postopératoires [6,7].
Le résultat postopératoire à 15 jours, après utilisation de ce courant se traduit par le développement d’une gencive fibreuse favorable à la stabilisation tissulaire péri-implantaire et au delà lors de la phase prothétique (Photos 13–16).
Photo 8 Adaptation gingivale autour d’implants non enfouis.
Indications en implantologie L’intérêt majeur de l’utilisation de la radio chirurgie est de pouvoir préparer l’environnement tissulaire péri implantaire.
Implantologie en un temps L’indication de pose d’implant non enfoui ne cesse de croître par la fiabilité et la pérennité reconnues de ce protocole et par l’absence d’une deuxième intervention de dégagement relativement peu appréciée par le patient. [8].
Photo 9 État cicatriciel à 20 jours.
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Photo 10 Incision crestale sans carbonisation tissulaire. Photo 13 Incision sur la crête mandibulaire.
Photo 11 Dégagement du site maxillaire. Suintement hémorragique limité des tissus muqueux.
Photo 14 Visibilité et respect des tissus.
Photo 12 Le mode cut–coag permet une découpe précise sans rétraction des berges tissulaires.
Évolution clinique L’utilisation dans ces conditions ne perturbe pas l’ostéo-intégration dans les mois qui suivent la pose d’implants, les radiographies à un an ne montrant aucune modification radiographique évocatrice d’alvéolyse péri-implantaire.
Implant enfoui et mise en fonction Le dégagement du tissu gingival recouvrant la vis de couverture lors de la mise en fonction d’un implant
Photo 15 Environnement péri-implantaire non inflammatoire.
enfoui est parfois une opération délicate par lame froide (lame 15, lame 11) ou par emporte-pièce. Cette incision s’accompagne en général d’un suintement hémorragique gênant pour l’opérateur, d’une source éventuelle de contamination bactérienne et d’une adaptation tissulaire irrégulière. L’utilisation du bistouri électrique quant à lui est contre-indiquée en raison de la puissance thermique délivrée sur la tête de l’implant. Les électrodes
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Photo 16 Contrôle radiographique normal.
en radiofréquence permettent l’élimination non hémorragique de capuchons muqueux ainsi qu’une cautérisation du plan incisé. Il est possible lors de cette étape de découper un cylindre trans muqueux jusqu’à la base de l’implant qu’il s’agisse d’implant à hexagone externe ou d’hexagone interne. Cela est rendu possible par l’élimination progressive du tissu sans carbonisation ni hémorragie. Il importe seulement de s’assurer que le contact entre l’électrode et tête de l’implant soit réduit au minimum. La chaleur dégagée à la pointe est nettement inférieure à celle délivrée par un bistouri électrique classique mais comme toute source d’énergie, il est recommandé d’éviter des contacts prolongés avec l’implant. Du fait des conditions d’accès particulièrement visibles, il est possible d’éliminer progressivement le tissu muqueux sans quasiment être en contact avec la tête implantaire. Il en résulte un contrôle précis de l’adaptation des bagues de cicatrisation ou des transferts prothétiques. Ainsi visualisé, on mesurera aisément la hauteur gingivale supra-implantaire, d’où un choix adapté des composants prothétiques (Photos 17,18). La cicatrisation de ces tissus se traduit par une muqueuse à l’aspect cicatriciel non inflammatoire (Photos 19,20).
Photo 17 Découpe atraumatique du manchon muqueux recouvrant un implant enfoui.
Photo 18 Maintien des papilles et absence de rétraction.
Étape prothétique Une fois la bague de cicatrisation posée, débute l’étape prothétique par la phase de prise d’empreinte. Il est toujours possible de remodifier la périphérie du sertissage gingival autour de la tête de l’implant pour obtenir une optimisation esthétique du contour gingival prothétique (Photos 21,22). Pour obtenir une empreinte précise et permettre au matériau d’empreinte de fuser légèrement en sous-gingival, l’élimination d’une épaisseur extrêmement fine de la gencive peut aussi être obtenue
Photo 19 Découpe progressive et fine de la muqueuse sus implantaire.
en mode cut–coag. On pourra aussi avoir recours à la radiochirurgie, au stade prothétique lors d’un descellement d’un pilier ou d’une couronne afin de
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Photo 20 Résultat de la cicatrisation.
Photo 21 Recouvrement partiel d’un implant non enfoui.
Il n’y a pas de rétraction tissulaire lors de la coupe initiale mais une ouverture modérée du plan superficiel. Des passages successifs permettront d’aller jusqu’au plan périosté. L’énergie de volatilisation est transmise essentiellement par la pointe de l’électrode. Ceci explique l’absence de lésions thermiques sur les parois de l’incision lors des passages successifs de l’électrode. Les suites sont donc considérablement améliorées par une cicatrisation sans hématome, ni œdème réactionnel. La finesse du trait d’incision assure un repositionnement aisé des bords de l’incision (Photos 5,13,14). Dépose d’un implant Une perte conséquente de l’ostéo-intégration implantaire impose de retirer l’implant. En effet, cette complication se caractérise par le développement d’un tissu de granulation hyperplasique inflammatoire et hémorragique masquant particulièrement la périphérie implantaire. La radiochirurgie en mode cut–coag ou coag s’effectue aisément sans hémorragie. On constate une élimination progressive de ces tissus avec peu de saignement et une cicatrisation des tissus grâce à une cautérisation peropératoire essentielle pour ces territoires infectés. Les suites opératoires s’accompagnent d’une absence quasi totale d’hématome et d’œdème (Photos 23,24).
Discussion Utilisée dans des spécialités chirurgicales comme la carcinologie, l’ophtalmologie (blépharoplastie), la chirurgie plastique, l’otorhinolaryngologie [11] dans le traitement du ronflement, les courants par haute fréquence apporte un champs d’action nouveau et des indications de plus en plus larges. (Photos 25–27) Ainsi en chirurgie plastique on a comparé les effets de coupes de tissu par lame froide, bistouri Photo 22 Dégagement des excès muqueux par radiofréquence.
remodeler à nouveau la gencive avant la nouvelle empreinte [1].
Autres indications Préparation tissulaire Utilisée en chirurgie stomatologique (dent de sagesse, kyste, greffe osseuse) la radiochirurgie permet bien évidement des incisions pour la réalisation de lambeaux de pleine épaisseur ou d’épaisseur partielle. Celle ci peut débuter soit sur la ligne de crête gingivale soit être décalée, assurant une ligne d’incision non hémorragique [4–5].
Photo 23 Implant fracturé entouré de tissu inflammatoire.
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Photo 24 Elimination du tissu de granulation et absence d’hémorragie locale peropératoire.
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Photo 27 Greffe osseuse d’apposition préimplantaire.
tement plus irrégulière avec un bistouri électrique. [Aymard et al. (Surgical technology international VII)] (Photos 28,29). En ophtalmologie Welche et al., notent une nette diminution des lésions tissulaires latérales lors d’incisions par radiofréquence comparées aux incisions par laser CO2. (WELCH DD. Occuloplastic and reconstructive surgery. September 1st 2001. LOWERYJ. Review for Ophtalmology. Oct 2001.)
Photo 25 Chirurgie plastique mammaire (Docteur STAN).
Photo 28 Résultat d’une coupe histologique par laser Nd-YAG. Dégradation d’une paroi par effet thermique.
Photo 26 Réduction partielle du lobe de l’oreille par radiofréquence.
électrique et radiofréquence. L’étude sur 8, 30 et 60 jours montre que l’inflammation tissulaire disparaît dans les mêmes proportions entre une lame froide et la radiofréquence [10,12]. En revanche l’inflammation est nettement plus forte avec un bistouri électrique. La cicatrisation est plus fine à 60 jours par radiofréquence et net-
Photo 29 Aspect histologique par radiofréquence. Les parois de l’incision sont conservées.
22 Enfin lors d’une étude comparative entre radiofréquence, laser CO2 et Nd-YAG laser sur des ovocytes humains, l’extension de la dégradation tissulaire est de 0,3 mm pour la radiofréquence, 0,6 mm pour le laser CO2 et 0,8 mm pour le Nd-YAG laser.(AUGUST and coll. Annals of clinical and laboratory science 1999.) En implantologie plusieurs modes opératoires existent : La lame froide de bistouri de par sa structure impose une pression de coupe. La lame étant rigide, celle-ci ne peut facilement s’adapter à toutes le zones anatomiques et peut être source de risque opératoire. Le site opératoire est rapidement hémorragique. Enfin il n’y a pas de cautérisation peropératoire par la lame. L’incision par laser se fait en fibre souple. Il y a une cautérisation du site peropératoire mais on note un dégagement de chaleur latérale plus important. Le coût d’équipement d’un laser reste important notamment en omnipratique. La radiochirurgie traditionnelle assure une accessibilité opératoire intéressante mais les courants à basse fréquence sont générateurs d’élévation thermique importante. La radiochirurgie à haute fréquence facilite l’acte opératoire par une grande visibilité et une dégradation tissulaire moindre qu’avec les autres procédés.
B. Guillaume La maniabilité des électrodes rend ce geste particulièrement adapté pour l’adaptation des tissus péri-implantaires.
Références [1]
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Conclusion La radiochirurgie à haute fréquence, de part ses caractéristiques électrophysiques et son adaptabilité opératoire, apporte une sécurité opératoire et un acte thérapeutique de grande précision en implantologie. L’absence d’élévation thermique lors d’incision non hémorragique favorise une cicatrisation optimale des plans tissulaires.
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