Apport de la tomodensitométrie abdominopelvienne dans le purpura rhumatoïde de l’adulte

Apport de la tomodensitométrie abdominopelvienne dans le purpura rhumatoïde de l’adulte

Rev Méd Interne 2001 ; 22 : 132-40 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866300003039/FLA Article origin...

280KB Sizes 36 Downloads 142 Views

Rev Méd Interne 2001 ; 22 : 132-40 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866300003039/FLA

Article original

Apport de la tomodensitométrie abdominopelvienne dans le purpura rhumatoïde de l’adulte H. Mahamedi1, M. André1, C. Privat2, I. Delèvaux1, M. D’Incan3, J.C. Piette4, C. Francès4, O. Aumaître1* 1 Service de médecine interne, hôpital Gabriel-Montpied, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France ; 2service de radiologie, hôpital Gabriel-Montpied, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France ; 3service de dermatologie, Hôtel-Dieu, BP 69, 63000 Clermont-Ferrand cedex 1, France ; 4service de médecine interne, hôpital de la PitiéSalpêtrière, 47-83, boulevard de L’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France

(Reçu le 2 mai 2000 ; accepté le 23 août 2000)

Résumé Propos. – Le purpura rhumatoïde est une vascularite rare chez l’adulte. L’atteinte digestive peut parfois être à l’origine de complications et justifier un traitement adapté. Les données tomodensitométriques de l’atteinte digestive sont peu connues et pourraient être utiles dans la prise en charge. Patients et méthodes. – Six adultes atteints de purpura rhumatoïde (critères de l’American College of Rheumatology) avec des symptômes digestifs ont bénéficié d’une tomodensitométrie abdominopelvienne avant tout traitement. Il s’agissait de quatre hommes et deux femmes âgés de 19 à 74 ans. Les symptômes abdominaux ont été concomitants du purpura dans deux cas, ou lui ont fait suite. Résultats. – Des lésions de l’intestin grêle étaient constantes avec un épaississement pariétal segmentaire prenant l’aspect d’image en double halo chez trois patients. L’atteinte était duodénale chez deux patients, jéjunale chez deux et iléale chez cinq. Deux segments étaient atteints chez un patient et trois segments chez un autre. Un épanchement intrapéritonéal était toujours observé. Il n’existait pas d’atteinte colique radiologique. Une fois les résultats connus, tous les patients ont reçu une corticothérapie générale débutée par voie intraveineuse cinq fois à des posologies de 80 à 1 000 mg/j de méthylprednisolone. L’évolution clinique a toujours été favorable et confirmée par échographie ou tomodensitométrie trois fois. Conclusion. – La tomodensitométrie abdominopelvienne a montré des lésions évocatrices de vascularite intestinale par leur aspect, leur topographie et leur caractère segmentaire et focal. Elle a aussi contribué à la recherche d’une éventuelle cause néoplasique sous-jacente, a permis d’écarter une autre cause de douleur abdominale et surtout une complication abdominale du purpura rhumatoïde contre-indiquant la corticothérapie. Ces éléments ont conforté l’indication d’une corticothérapie générale et aucun malade n’a eu de complication sévère requérant une chirurgie. Ces images ne sont cependant pas spécifiques du purpura rhumatoïde et doivent être replacées dans le contexte clinique et biologique. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS purpura rhumatoïde / tomodensitométrie / abdomen

Summary – The usefulness of abdominopelvic CT in adult Henoch-Schonlein purpura. Purpose. – Henoch-Schonlein purpura is a rare eventuality in adulthood. Abdominal involvement can worsen the short-term prognosis and justify medical treatment to avoid surgery. Methods. – Abdominopelvic computed tomography (CT) was performed in six adult patients (four men and two women; age range, 19–74 years) with Henoch-Schonlein purpura before any treatment.

*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (O. Aumaître).

Tomodensitométrie abdominopelvienne et purpura rhumatoïde

133

Abdominal symptoms were concomitant with the purpuric rash in two cases and followed it in the other cases. Results. – The small bowel was always involved with a parietal thickening, and the target sign was observed in three patients. The lesions were located in the duodenum in two patients, the jejunum in two and the ileum in five. Two segments were involved in one patient and three segments in another patient. A peritoneal effusion was always present. No colonic lesion was discovered on CT. Once the results were known, all patients received steroids with initially intravenous methylprednisolone in five patients at doses ranging from 80 to 1,000 mg/day. On follow-up, none of the patients underwent surgery. Conclusion. – Abdominopelvic CT scan demonstrated signs suggestive of intestinal vasculitis. An underlying neoplasia or an eventual other cause of abdominal pain were explored and a steroid therapy was then began with a good outcome. Abdominal CT can be helpful in the diagnosis of abdominal involvement in Henoch-Schonlein purpura. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS Henoch-Schonlein purpura / adult / CT scan / abdomen

Maladie rare plus fréquente chez l’enfant, le purpura rhumatoïde est une vascularite d’individualisation plus récente chez l’adulte. Son diagnostic avant tout clinique repose sur des signes témoignant d’une atteinte cutanée, digestive, articulaire, rénale, le plus souvent associés. La fréquence de la symptomatologie digestive dans le purpura rhumatoïde de l’adulte est d’environ 50 % [1-3]. Elle peut s’exprimer par des symptômes non spécifiques (douleurs abdominales, hémorragies, vomissements…), voire mimer un syndrome chirurgical abdominal en orientant vers une atteinte spécifique d’organe. Le diagnostic devient alors difficile et il peut être retardé en l’absence des autres manifestations de la maladie. Si le lavement aux hydrosolubles et l’échographie abdominale sont des explorations de choix pour l’atteinte abdominale et pour la recherche de complications digestives telles que l’invagination intestinale aiguë du purpura rhumatoïde de l’enfant [4, 5], la tomodensitométrie abdominopelvienne est chez l’adulte un moyen précis de détection et d’évaluation de l’atteinte digestive. Nous rapportons les résultats de la tomodensitométrie abdominopelvienne effectuée chez six patients ayant un purpura rhumatoïde avec une symptomatologie douloureuse abdominale aiguë et leurs conséquences thérapeutiques. PATIENTS ET MÉTHODES Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur six patients vus de 1995 à 1999. Tous les malades avaient un purpura rhumatoïde défini selon les critères de l’American College of Rheumatology [6]. Ils ont tous

bénéficié d’une tomodensitométrie abdominopelvienne avant tout traitement en raison d’une symptomatologie abdominale aiguë. Quatre patients provenaient d’un service de médecine interne et deux du service de dermatologie. Il s’agissait de quatre hommes et de deux femmes âgés de 19 à 74 ans (âge moyen : 46 ans). Pour deux patients, le début de l’affection se situait à l’adolescence. Il s’agissait d’une femme de 30 ans dont le purpura rhumatoïde diagnostiqué à l’âge de 13 ans avait déjà rechuté à l’âge de 20 et 23 ans, et d’un homme de 19 ans dont le purpura rhumatoïde survenu à l’âge de 15 ans avait rechuté à l’âge de 16 ans. Il s’agissait de la première poussée pour les quatre autres patients. L’exploration tomodensitométrique a été effectuée avec et sans injection de produit de contraste sur des appareils High Speed Advantage General Electrics (GE), Light Speed Advantage GE en mode matriciel et C.T.Pace plus GE en mode incrémental et Philips en mode incrémental. Des coupes de 5 mm ont été effectuées chez cinq patients et de 10 mm chez le sixième. Un épaississement pariétal était défini par une augmentation de la paroi intestinale supérieure à 3 mm ; le signe du double halo ou de la cible (alternance de trois couches successives hyper- et hypodenses traduisant un œdème de la sous-muqueuse) lié à une paroi intestinale épaissie était recherché. Un engorgement des vaisseaux mésentériques était systématiquement recherché ainsi que des adénopathies et un éventuel épanchement intra-abdominal. Tous les examens tomodensitométriques ont été revus par deux radiologues expérimentés et leurs résultats acceptés de façon consensuelle.

134

H. Mahamedi et al.

Les données biologiques ont comporté : une numération-formule sanguine, une numération des plaquettes, une étude de la coagulation, une mesure de la vitesse de sédimentation, un dosage de la protéine C réactive, une électrophorèse des protéines avec un dosage pondéral des immunoglobulines, un ionogramme sanguin avec étude de la fonction rénale (étude du sédiment urinaire), un Hémoccultt, des sérologies des hépatites B, C et du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), une recherche de facteur rhumatoïde, de cryoglobuline, d’anticorps antinucléaires et anticytoplasme des polynucléaires ainsi

qu’un dosage du complément. Enfin trois patients ont eu une biopsie cutanée avec une étude en immunofluorescence et un une biopsie rénale ; six ont eu une fibroscopie œso-gastroduodénale, quatre une échographie abdominale, deux un transit du grêle et deux une coloscopie. RÉSULTATS L’ensemble des résultats est rapporté dans le tableau I.

Tableau I. Principales données cliniques, biologiques, paracliniques et thérapeutiques. Patients 1

Sexe/âge (ans) H/74

Clinique

Biologie

Paraclinique

Traitement

1. purpura 2. douleur abdominale, diarrhée sanglante

Sd inflammatoire IgAs normales Hématurie, protéinurie Hyperleucocytose Immunologie négative Sérologies négatives Sd inflammatoire

FOGD normale TG : iléite Écho : épaississement anse iléale Colo : rectite

Méthylprednisolone IV 90 mg/j : 6 j ; 80 mg/j : 5 j ; 60 mg/j : 5 j ; puis prednisone 50 mg/j à posologie dégressive (durée totale du traitement : 6 mois)

FOGD : œsophagite, gastrite, duodénite TG : épaississement pariétal Écho : épaississement pariétal

Méthylprednisolone IV 120 mg/j : 3 j ; puis prednisone 80 mg/j : 4 j et 60 mg/j ensuite avec diminution progressive des posologies (durée totale du traitement : 3 ans avec récidive)

FOGD : œsophagite Écho normale

Méthylprednisolone IV 80 mg/j : 4 j ; puis prednisone 60 mg/j avec diminution progressive des posologies (durée totale du traitement : 3 mois)

FOGD : gastrite Écho normale

Prednisone 90 mg/j avec diminution progressive des posologies (durée totale du traitement : 3 mois)

FOGD = gastrite

Méthylprednisolone IV 100 mg/j : 4 j ; 80/j : 2j ; puis prednisone 60 mg/j avec diminution progressive des posologies (durée actuelle du traitement : 9 mois) ; Imurelt : 2 comprimés/j Méthylprednisolone IV 1 g une fois puis prednisone 60 mg/j avec diminution progressive des posologies (durée totale du traitement : 1 an)

3. arthrite 2

H/19

1. purpura, douleur abdominale et diarrhée sanglante

IgAs # Hématurie, protéinurie

2. arthralgie 1. purpura, douleur abdominale et diarrhée sanglante 2. arthralgie

3

H/31

4

H/56

1. purpura 2. douleur abdominale

5

F/30

1. purpura 2. douleur abdominale, diarrhée sanglante 3. arthralgie

6

F/70

1. purpura 2. douleur abdominale, diarrhée sanglante

Hyperleucocytose Sd inflammatoire IgAs # Hématurie, protéinurie Hyperleucocytose Immunologie négative Sérologies négatives Sd inflammatoire Hématurie Immunologie négative Sérologies négatives Sd inflammatoire IgAs # Immunologie négative Hyperleucocytose Sd inflammatoire IgAs # Hématurie, protéinurie Immunologie négative Sérologie négative Hyperleucocytose

FOGD normale Colo : iléite

Sd : syndrome ; IgAs : immunoglobuline A sérique ; FOGD : fibroscopie œso-gastroduodénale ; TG : transit du grêle ; Écho : échographie abdominale ; Colo : coloscopie ; IV : par voie intraveineuse.

Tomodensitométrie abdominopelvienne et purpura rhumatoïde

135

Manifestations abdominales

Autres manifestations

Concomitantes du purpura deux fois, elles lui succédaient quatre fois et se caractérisaient par des douleurs abdominales diffuses de type « colitique ». Elles prédominaient à l’épigastre une fois, dans la fosse iliaque droite deux fois et une fois à l’hypogastre. Elles s’accompagnaient de vomissements alimentaires trois fois. Cinq fois, il y avait une diarrhée sanglante ne nécessitant pas de transfusion.

Une altération de l’état général était notée quatre fois avec une perte de poids allant de 2 à 8 kg. Une fébricule à 38 °C était présente une fois.

Manifestations cutanées Tous les malades avaient un purpura vasculaire infiltré. Il était ulcéronécrotique deux fois et pétéchial quatre fois. L’éruption touchait constamment les membres inférieurs. Elle s’étendait aux membres supérieurs cinq fois et à l’abdomen quatre fois. La face était toujours épargnée comme les muqueuses. L’atteinte était bilatérale et grossièrement symétrique. Les poussées étaient influencées par l’orthostatisme. Les biopsies cutanées ont montré un infiltrat inflammatoire riche en polynucléaires neutrophiles dans les parois des capillaires avec des images de vascularite leucocytoclasique et des dépôts d’IgA et de C3 en immunofluorescence dans deux cas et une fois une nécrose fibrinoïde. Manifestations articulaires Trois malades avaient des arthralgies d’intensité modérée. L’atteinte se répartissait ainsi : les genoux (trois fois), les chevilles (une fois), les poignets (trois fois), les coudes (deux fois), la hanche (une fois). Les arthralgies guérissaient sans séquelle. Un patient a eu une arthrite du poignet.

Examens paracliniques Une hyperleucocytose comprise entre 11,190 et 16,760 G/L sans éosinophilie était présente cinq fois. Il n’y avait pas d’anémie, pas d’anomalie de la numération des plaquettes ou de l’hémostase. La fonction rénale et la protidémie étaient normales chez tous les patients. La vitesse de sédimentation, inférieure ou égale à 20 mm une fois, était cinq fois comprise entre 20 et 50 mm à la première heure. Une augmentation polyclonale des IgA sériques notée cinq fois était comprise entre 3,18 et 6,30 g/L. Les sérologies des hépatites B, C, du VIH et les données immunologiques étaient négatives ou normales. Des lésions tomodensitométriques de l’intestin grêle étaient constantes (tableau II). Chez tous nos patients, il y avait un épaississement pariétal segmentaire. Il concernait le duodénum (D3 D4) chez deux patients (figure 1), les anses jéjunales chez deux, et les anses iléales chez cinq. Deux segments étaient atteints chez un patient et trois segments chez un autre. Une image en double halo était présente chez trois patients et elle concernait quatre fois une anse iléale (figure 2) et une fois une anse jéjunale. Chez un patient ce signe était présent sur trois segments intestinaux différents, le jéjunum, l’iléon dans la fosse iliaque gauche et l’iléon terminal. Un engorgement

Manifestations rénales Une hématurie microscopique était toujours présente et elle variait de 16 000 à 82 200 hématies par minute. Une protéinurie était notée cinq fois et elle variait de 0,19 à 5 g/24 h. Elle ne s’accompagnait pas d’œdème. La biopsie rénale réalisée une seule fois objectivait une glomérulonéphrite membranoproliférative avec des dépôts d’IgA en immunofluorescence.

Figure 1. Épaississement pariétal important des troisième et quatrième portions du duodénum.

136

Tableau II. Caractéristiques tomodensitométriques de l’atteinte digestive. Patients Segment atteint

1

Fin du 3e duodénum, 4e duodénum, angle de Treitz

Signe de la cible ou du double halo

Infiltration de la graisse

Liquide

Engorgement des vaisseaux mésentériques

Adénopathies

Autres atteintes viscérales

2 cm

Non

Oui

Petite lame dans le Douglas

Non

Rétropéritonéales, iliaques, inguinales

Non

5 cm

1 cm

Non

Non

Nbre de segments atteints

Longueur du segment

2

8 cm

2

Iléon, fosse iliaque droite

1

8 cm

0,6 cm

Oui

Non

Épanchement du Douglas

Oui

Non

Non

3

Iléon, fosse iliaque gauche

1

11 cm

0,8 cm

Non

Non

Épanchement du Douglas

Oui

Non

Non

4

Iléon terminal

1

25 cm

1 cm

Oui

Oui

Petite lame dans le Douglas

Non

Rétropéritonéales, inguinales

Hypertrophie de la prostate

5

Iléon distal

40 cm

1,1 cm

Oui

Non

Épanchement du Douglas

Oui

Iliaque externe gauche

7 cm

1 cm

Oui

Non

10 cm

1,2 cm

Oui

Non

27 cm

2 cm

Non

Non

Iléon, fosse iliaque gauche

3

Jéjunum 6

Duodénum D3 et D4, jéjunum proximal

1

Non

Épanchement du Douglas

Non

Iliaque primitif, iliaque externe gauche, inguinale

Non

H. Mahamedi et al.

Iléon, hypocondre droit

Épaississement pariétal

Tomodensitométrie abdominopelvienne et purpura rhumatoïde

Figure 2. Épaississement pariétal d’anses iléales avec signe du double halo.

137

des vaisseaux mésentériques était présent trois fois (figure 3). Il y avait un épanchement liquidien limité au cul-de-sac de Douglas chez tous les patients (figure 4) avec une infiltration liquidienne du fascia latéroconal et de la gouttière pariétocolique droite chez un seul. Une infiltration mésentérique était présente deux fois. Des ganglions rétropéritonéaux (deux fois), iliaques (trois fois), inguinaux (trois fois) étaient présents mais toujours infracentimétriques. Aucune atteinte colique n’a été décelée. L’échographie abdominale effectuée chez quatre patients montrait un épaississement pariétal des anses digestives chez deux malades, alors qu’elle était normale chez les deux autres. La fibroscopie œso-gastroduodénale montrait des anomalies chez quatre patients : elle visualisait une œsophagite ulcérée deux fois, trois fois une gastrite dont une était ulcérée et une purpurique, et une duodénite. La recherche de Helicobacter pylori était toujours négative. La coloscopie réalisée chez deux patients a mis en évidence une iléite ulcérée chez un patient et une ulcération rectale chez un autre. Le transit du grêle objectivait une fois un rétrécissement de la dernière anse grêle avec des images en empreinte de pouce et une fois un épaississement intestinal avec des spicules pariétaux. ÉVOLUTION ET TRAITEMENT

Figure 3. Dilatation des structures vasculaires traduisant un engorgement mésentérique.

Figure 4. Épanchement liquidien intrapéritonéal visible dans le culde-sac de Douglas.

Dans tous les cas, une corticothérapie a été instaurée dans un délai variant de sept à 30 jours après le début de la symptomatologie abdominale. Le traitement a été commencé par voie intraveineuse chez cinq patients avec de la méthylprednisolone à la posologie de 80 à 1 000 mg/j pendant une durée variant de un à 12 jours, relayée par voie orale avec de la prednisone à la posologie initiale de 1 mg·kg–1·j–1. Une seule fois le traitement a été commencé par de la prednisone per os à la posologie de 1 mg·kg–1·j–1. La durée de la corticothérapie dont la posologie a été dégressive a varié de trois mois à trois ans. De l’azathioprine a été associée secondairement chez une patiente à la posologie de 100 mg/j. L’évolution a toujours été favorable avec une disparition des signes digestifs dans les 24 à 48 heures suivant le début du traitement et avec une disparition rapide du syndrome inflammatoire. Trois patients ont bénéficié d’une échographie abdominale de contrôle respectivement à j7, j13 et j60, et deux patients ont eu une scanographie abdominopelvienne de contrôle à j21 et j60 après le début

138

H. Mahamedi et al.

du traitement. Toutes les anomalies radiologiques et échographiques avaient alors disparu. Deux patients ont eu une rechute digestive. Chez le premier, elle est survenue 15 jours après la sortie d’hospitalisation et son évolution a été favorable après une majoration de la corticothérapie. Chez le second, elle est apparue trois ans après la poussée initiale et elle a comporté une atteinte rénale concomitante ayant répondu à l’augmentation de la corticothérapie. DISCUSSION L’âge et la prédominance masculine observés chez nos six patients ne sont pas différents de ceux signalés dans d’autres séries [7-10]. La fréquence des manifestations digestives au cours du purpura rhumatoïde varie selon les séries de 18 à 100 % [11, 12] et la douleur constitue le symptôme le plus souvent signalé. Elle affecte 19 % des 57 patients rapportés par Tancrede-Bohin et al. [13] pour atteindre 35 % des 77 patients de la série de Cream et al. [1] et 76 % des 72 patients décrits par Sallière et al. [14] dans sa revue de la littérature. Diffus et d’allure « colitique » dans 34 % des cas, le syndrome douloureux est alors inaugural six fois sur 26 [1]. Les autres manifestations digestives observées sont par ordre de fréquence décroissante : une hémorragie digestive (62 %), une diarrhée (35 %), des nausées et des vomissements (26 %), une constipation (5 %), un tableau pseudoperforatif (4 %) et enfin une invagination intestinale aiguë (1 %). Si les complications digestives sévères sont peu fréquentes, elles peuvent cependant dominer le tableau clinique. Pour Debray et al. [8], deux patients sur les 22 de sa série ont nécessité un transfert en réanimation digestive. Un des patients avait des douleurs inaugurales faisant suspecter une invagination intestinale aiguë et le deuxième a constitué un tableau pseudoperforatif à l’origine de son décès. En effet, les perforations [15] et les infarctus intestinaux [16] bien que rares restent graves et de pronostic défavorable. L’entéropathie exsudative [17], l’invagination iléocæcale [18], la pancréatite nécroticohémorragique [19] et une obstruction duodénale complète sont exceptionnelles [20]. La symptomatologie peut simuler une véritable urgence chirurgicale et conduire à une laparotomie, ce qui fut le cas neuf fois dans la série de purpuras rhumatoïdes avec manifestations digestives de Feldt et Stickler [21], et cela cinq fois alors qu’un autre diagnostic était suspecté. Aucun de nos patients n’a eu de laparotomie. Les

laparotomies peuvent être négatives ou révéler des foyers hémorragiques, un purpura, un œdème de la muqueuse intestinale ou encore un aspect de colite ulcéreuse [22]. Ainsi, contrairement à l’atteinte rénale dont le pronostic est à long terme, les manifestations digestives du purpura rhumatoïde peuvent menacer le pronostic à court terme. Les aspects radiologiques conventionnels (abdomen sans préparation, transit du grêle) sont bien décrits [23]. Les anomalies typiques en spicules ou de digitations en coup de pouce reflétant l’inflammation de la muqueuse jéjunale étaient présentes chez un de nos patients. Les aspects tomodensitométriques sont moins connus et nous n’avons trouvé qu’une seule étude qui leur soit consacrée [24]. Elle concernait sept patients dont trois enfants. Tous avaient un épaississement de la paroi intestinale ainsi qu’une dilatation des segments intestinaux. Un signe du double halo était présent chez deux patients ; tous avaient un engorgement des vaisseaux mésentériques et des adénopathies régionales supracentimétriques étaient constatées chez six patients sur les sept. Si ces signes sont présents dans notre série, il est à noter que l’engorgement des vaisseaux mésentériques n’était vu que chez trois patients et que les adénopathies présentes chez seulement quatre patients étaient toujours infracentimétriques (tableau II). Enfin, toutes ces anomalies ont été décrites dans des cas isolés en association avec un épanchement péritonéal localisé [25], voire une infiltration graisseuse [26, 27]. Tous nos patients avaient un épanchement modéré du cul-de-sac de Douglas. L’infiltration graisseuse était présente chez deux de nos patients. Les données tomodensitométriques ne sont cependant pas spécifiques de l’atteinte digestive du purpura rhumatoïde. En effet, le signe du double halo, visualisé après injection de produit de contraste, est le reflet de l’œdème de la sous-muqueuse et de l’épaississement pariétal. Ce signe est le témoin d’un processus réactionnel dont les mécanismes sont variés. La topographie de l’atteinte constitue un élément primordial dans la démarche diagnostique. Dans la maladie de Crohn, les lésions tomodensitométriques prédominent au niveau de l’iléon terminal, et l’atteinte digestive est continue ou segmentaire. La parfaite symétrie du signe du double halo est alors évocatrice du diagnostic [28]. La maladie cœliaque

Tomodensitométrie abdominopelvienne et purpura rhumatoïde

et la maladie de Whipple ne donnent habituellement pas lieu à un épaississement pariétal, excepté dans les transformations lymphomateuses observées au cours de la maladie cœliaque. Au cours du lupus systémique, une étude tomodensitométrique portant sur 33 patients souffrant de douleur abdominale aiguë [29] a montré que l’atteinte digestive prédominait sur les segments jéjunaux et iléaux. Il existait un épaississement de la paroi intestinale avec un signe du double halo, mais l’atteinte était multifocale. De même au cours de la maladie de Behçet [30], si l’atteinte est fréquemment iléocæcale, la présence de polypes intestinaux ulcérés constitue un argument décisif en faveur du diagnostic. Enfin, dans le lupus systémique et la maladie de Behçet, des atteintes coliques et rectosigmoïdiennes sont possibles [31], alors qu’en ce qui concerne le purpura rhumatoïde, il n’y en a pas chez nos patients et seulement deux dans la série de Jeong et al. [24]. Par ailleurs, indépendamment de la topographie de l’atteinte, l’importance de l’épaississement (moyenne à 1,5 cm) serait un argument en faveur d’une origine néoplasique et cela d’autant plus que seraient présents d’autres signes comme l’asymétrie de l’atteinte, la longueur du segment atteint ou encore un angle de raccordement. Enfin Rha et al. [32] ont précisé qu’une atteinte duodénale serait plus en faveur d’une vascularite, anomalie constatée chez deux de nos patients chez lesquels l’épaississement de la paroi digestive était plus important et ne donnait pas lieu à un signe du double halo. Ainsi, la tomodensitométrie, en montrant précocement des lésions suggestives secondaires à la vascularite du purpura rhumatoïde, a permis également une évaluation globale du contenu de la cavité abdominale en précisant l’aspect des différents organes, des structures graisseuses péritonéales et des axes vasculaires. Cet examen ne sollicitant que très peu le patient a conduit à chaque fois à poursuivre le traitement médical. Les données de la tomodensitométrie apparaissent objectives, reproductibles et permettent de suivre l’évolution sous traitement. En effet, si habituellement les manifestations digestives du purpura rhumatoïde de l’adulte sont peu sévères et d’évolution spontanément régressive, parfois leur gravité amène à discuter un traitement médicamenteux. Le recours à la corticothérapie reste controversé, car aucune étude randomisée n’a démontré le gain apporté par ce traitement. Un certain nombre

139

d’observations [2, 3, 8, 11, 18] signalent l’efficacité de ce traitement, mais parfois au prix de complications. Dans cette petite série de six adultes ayant un purpura rhumatoïde avec une atteinte digestive sévère nécessitant une surveillance et des examens complémentaires, la tomodensitométrie est sans doute un des éléments qui a contribué au succès du traitement de tous ces patients par une corticothérapie générale sans que ne survienne de complication. D’autres traitements ont cependant été proposés ; il en est ainsi de la dapsone (Disulonet) [33], du concentré de facteur XIII [34], des immunoglobulines polyvalentes par voie intraveineuses en première ou deuxième intention après un échec de la corticothérapie [35], des plasmaphérèses [36] ou, à titre plus anecdotique, du danazol (Danatrolt) [37]. CONCLUSION Ainsi, chez un patient atteint de purpura rhumatoïde, la présence d’un syndrome douloureux abdominal faisant suspecter une localisation digestive de la vascularite doit inciter à réaliser précocement une tomodensitométrie abdominopelvienne. Cette dernière constitue une aide diagnostique car certains aspects lésionnels (épaississement pariétal, signe du double halo, engorgement des vaisseaux mésentériques), leur topographie et leur caractère segmentaire sont évocateurs du diagnostic. La tomodensitométrie permet également une évaluation précise des organes de la cavité abdominale et apporte des éléments utiles à la discussion du traitement. L’avènement récent de l’échographie abdominale à haute résolution constituera sûrement dans les années à venir un outil diagnostique supplémentaire pour le diagnostic du purpura rhumatoïde de l’enfant comme de l’adulte. RE´ FE´ RENCES 1 Cream JJ, Gumpel JM, Peachey RDG. Schönlein-Henoch purpura in the adult. A study of 77 adults with anaphylactoid or Schönlein-Henoch purpura. Q J Med 1970 ; 39 : 461-83. 2 Lasseur C, Rispal P, Combe C, Pellegrin JL, Precigout V de, Aparicio M, et al. Purpura rhumatoïde de l’adulte. À propos de 40 observations. Rev Méd Interne 1996 ; 17 : 381-9. 3 Pfitzenmeyer P, Besancenot JF, Gaudet M, Chalopin JM, Tavernier Vidal B, André F. Purpura rhumatoïde du sujet âgé. À propos de sept observations. Sem Hôp Paris 1989 ; 65 : 372-6. 4 Connolly B, O’Halpin D. Sonographic evaluation of the abdomen in Henoch-Schönlein purpura. Clin Radiol 1994 ; 49 : 320-3. 5 Choong CK, Beasley SW. Intra-abdominal manifestations of Henoch-Schönlein purpura. J Paediatr Child Health 1998 ; 34 : 405-9.

140

H. Mahamedi et al.

6 Mills JA, Michel BA, Bloch DA, Calabresse LH, Hunder GG, Arend WP, et al. The American College of Rheumatology 1990 criteria for the classification of Henoch-Schönlein purpura. Arthritis Rheum 1990 ; 33 : 1114-21. 7 Bar-On H, Rosenmann E. Schönlein-Henoch syndrome in adults : a clinical and histological study of renal involvement. Isr J Med Sci 1972 ; 8 : 1700-13. 8 Debray J, Krulik M, Giorgi H. Le purpura rhumatoïde de l’adulte. À propos de 22 observations. Sem Hôp Paris 1971 ; 47 : 180519. 9 Deforges C, Pellegrin JL, Rispal P, Brossard G, de Precigout V, Aparicio M, et al. Le purpura rhumatoïde de l’adulte. Étude rétrospective à propos de vingt malades. Sem Hôp Paris 1990 ; 66 : 1933-8. 10 Roth DA, Wilz DR, Theil GB. Schönlein-Henoch syndrome in adults. Q J Med 1985 ; 217 : 145-52. 11 Clauvel JP, Touraine R, Bernard J. Purpura rhumatoïde de l’adulte : à propos de 22 observations. Nouv Rev Fr Hématol 1972 ; 12 : 117-22. 12 Benhardt JP. Le syndrome de Schönlein-Henoch chez l’adulte. À propos de 18 observations. Praxis 1968 ; 57 : 70. 13 Tancrede-Bohin E, Ochonisky S, Vignon-Pennamen MD, Flageul B, Morel P, Rybojad M. Predictive factors for IgA glomerulonephritis in a retrospective study of 57 cases. Arch Dermatol 1997 ; 133 : 438-42. 14 Sallière D, Segond P, Grange MJ, Massias P. Manifestations digestives sévères du purpura rhumatoïde de l’adulte. Sem Hôp Paris 1982 ; 58 : 69-72. 15 André M, Soubrier M, Aumaître O, Schmidt J, Chadeyras S, Pezet D, et al. Perforation intestinale au cours d’un purpura rhumatoïde de l’adulte. Sem Hôp Paris 1994 ; 70 : 31-4. 16 Chan JP, Li PKT, Lai FM, Lai KN. Fatal adult Henoch-Schönlein purpura due to small intestinal infarction. J Intern Med 1992 ; 232 : 181-4. 17 See A, Verger MF, Bouvry M. Entéropathie exsudative au cours du purpura rhumatoïde de l’adulte mise en évidence par la clairance de l’alpha-1 antitrypsine. Sem Hôp Paris 1986 ; 62 : 1923-5. 18 Quarre JP, Lardinois J, Daune M, Ligny G. Manifestations digestives du purpura rhumatoïde de l’adulte. Acta Gastroenterol Belg 1984 ; 47 : 403-7. 19 Puppala AR, Cheng JC, Steinheber FU. Pancreatitis : a rare complication of Schönlein-Henoch purpura. Am J Gastroenterol 1978 ; 69 : 101-4. 20 Kawasaki M, Suekane H, Imagawa E, Lida M, Hizawa K, Aoyagi K. Duodenal obstruction due to Henoch-Schönlein purpura. Am J Roentgenol 1997 ; 168 : 969-70. 21 Feldt RH, Stickler GB. The gastrointestinal manifestations of anaphylactoid purpura in children. Mayo Clin Proc 1962 ; 37 : 46573. 22 Grossmann H, Berdon WE, Baker DH. Abdominal pain in Schönlein-Henoch syndrome : its correlation with small bowel barium roentgen study. Am J Dis Child 1964 ; 108 : 67-72.

23 Chapoy P, Guidon MJ, Louchet E. Complications duodénales du purpura rhumatoïde. Aspects endoscopiques. Gastroenterol Clin Biol 1984 ; 8 : 604-8. 24 Jeong YK, Ha HK, Yoon CH, Gong G, Kim PN, Lee MG, et al. Gastrointestinal involvement in Henoch-Schönlein syndrome : CT findings. Am J Roentgenol 1997 ; 168 : 965-8. 25 Siskind BN, Burrell MI, Pun H, Russo R Jr, Levin W. CT demonstration of gastrointestinal involvement in Henoch-Schönlein syndrome. Gastrointest Radiol 1985 ; 10 : 352-4. 26 Nota MEM, Gökemeijer JDM, Van der Laan JG. Clinical usefulness of abdominal CT-scanning in Henoch-Schönlein vasculitis. Neth J Med 1995 ; 46 : 142-5. 27 Case records of the Massachusetts General Hospital. Weekly clinicopathological exercises. Case 35–1991. A 59-year-old man with abdominal pain, microscopic hematuria, and a jejunal abnormality shown on a CT-scan. N Engl J Med 1991 ; 325 : 643-51. 28 Horton KM, Corl FM, Fishman EK. CT of nonneoplastic diseases of the small bowel : spectrum of disease. J Comput Assist Tomogr 1999 ; 23 : 417-28. 29 Byun JY, Ha HK, Yu SY, Min JK, Park SH, Kim HY. CT features of systemic lupus erythematosus in patients with acute abdominal pain : emphasis on ischemic bowel disease. Radiology 1999 ; 211 : 203-9. 30 Ha HK, Lee JL, Yang K, Ki WV, Yoon HW, Shin M, et al. Intestinal Behçet syndrome : CT features of patients with and patients without complications. Radiology 1998 ; 209 : 449-54. 31 James S, Balfe DM, Lee JKT, Picus D. Small bowel disease : categorization by CT examination. Am J Roentgenol 1987 ; 148 : 863-8. 32 Rha SE, Ha HK, Lee SH, Kim JH, Kim JK, Kim JH, et al. CT and MR imaging findings of bowel ischemia from various primary causes. Radiographics 2000 ; 20 : 29-42. 33 Chamouard P, Baumann R, Thomas G, Weill JP. Intérêt de la dapsone dans le traitement des manifestations digestives du purpura rhumatoïde de l’adulte. Ann Méd Interne 1987 ; 138 : 599600. 34 Utani A, Ohta M, Shinya A, Ohno S, Takakuwa H, Yamamoto T, et al. Successful treatment of adult Henoch-Schönlein purpura with factor XIII concentrate. J Am Acad Dermatol 1991 ; 24 : 438-42. 35 Ruellan A, Khatibi M, Staub T, Martin T, Storck D, Christmann D. Purpura rhumatoïde et immunoglobulines intraveineuses. Rev Méd Interne 1997 ; 18 : 727-9. 36 Morichau-Beauchant M, Touchard G, Maire P, Briaud M, Babin P, Alcalay D, et al. Jejunal IgA and C3 deposition in adult Henoch-Schönlein purpura with severe intestinal manifestations. Gastroenterology 1982 ; 82 : 1438-42. 37 Lee Y, Horstman L, Ahn YS. Danazol for Henoch-Schönlein purpura. Ann Intern Med 1993 ; 118 : 827-8.