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ANNPAT-973; No. of Pages 9 Annales de pathologie (2014) xxx, xxx—xxx
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Apport de l’immuno-histochimie dans le diagnostic des sarcomes Immunohistochemistry in the diagnosis of sarcomas Anne-Valérie Decouvelaere Département de biopathologie, centre Léon-Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon cedex 08, France Accepté pour publication le 18 novembre 2014
MOTS CLÉS Tissus mous ; Immuno-histochimie
KEYWORDS Soft tissue; Immunohistochemistry
Résumé L’immuno-histochimie (IHC) est incontournable dans le diagnostic des tumeurs conjonctives et doit s’appuyer sur une technique de bonne qualité. Parmi les anticorps utiles, il est important de distinguer les anticorps peu spécifiques, mais dont l’association permet souvent de bien orienter le diagnostic, des anticorps plus spécifiques qui, presque à eux seuls, valident une entité. Parmi ces derniers, figurent dans les anticorps classiques la myogénine, ALK1 et DOG1. Plus récemment, des anticorps comme MUC4 et STAT6 deviennent indispensables pour les diagnostics de sarcome fibromyxoïde de bas grade et de tumeur fibreuse solitaire. ERG est également un anticorps intéressant, mais ne paraissant pas totalement spécifique des tumeurs vasculaires. Par ailleurs, la quantité de matériel disponible étant souvent réduite en raison de l’augmentation des microbiopsies, il devient impératif d’optimiser grâce à ces nouveaux anticorps le matériel précieux, ce d’autant que des études moléculaires sont de plus en plus prescrites en complément de l’IHC. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Immunohistochemistry (IHC) is essential in the diagnosis of soft tissue tumor and must rely on good quality technic. Among useful antibodies, it is important to distinguish those with a poor specificity required in order to establish the broad lineage, from those with high specificity, which may lead straightforward towards the entity. Diagnostically useful antibodies such as myogenin, ALK1 and DOG1 have been recently completed by MUC4 and STAT6 which show good sensitivity and specificity in the diagnosis of low-grade fibromyxoid sarcoma and solitary fibrous tumor respectively. ERG is also an interesting antibody. However, it is not completely specific of vascular tumors. Moreover, available material is often limited because of the increase of microbiopsy specimens. Therefore, it is mandatory to optimize this precious tissue by using
Adresse e-mail :
[email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.006 0242-6498/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Decouvelaere A-V. Apport de l’immuno-histochimie dans le diagnostic des sarcomes. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.006
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A.-V. Decouvelaere these new antibodies, especially because molecular technics are increasingly performed in addition to IHC. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction La place de l’immuno-histochimie (IHC) est prépondérante dans le diagnostic des tumeurs conjonctives et se prescrit toujours en fonction de la morphologie et du contexte clinique. Une technique de bonne qualité est indispensable, tout comme la vérification systématique de témoins internes lorsque cela est possible (mais non totalement garant d’une technique fiable, car les niveaux d’expression des témoins peuvent s’avérer insuffisants). Des articles récents rappellent les grandes règles de prescriptions en pathologie des tissus mous [1—3], que nous ne rappellerons pas ici en détail. De plus, des « recommandations pour les indications d’immunohistochimie dans les tumeurs conjonctives des tissus mous et des viscères » ont été écrites au sein du réseau RREPS en 2012 par le Dr D. Ranchère-Vince. De manière générale, il convient de distinguer 2 grandes situations : • le rôle déterminant de certains anticorps très spécifiques pour certains diagnostics ;
• le rôle utile d’un panel d’anticorps, souvent moins spécifiques dans d’autres situations diagnostiques. Parfois cependant, les deux sont intriqués, car une lésion peut être difficile à classer d’emblée sur la morphologie, nécessitant alors la réalisation d’un panel d’anticorps, plus ou moins spécifiques. Puis, en complément de cette première série, un seul anticorps spécifique permet de finaliser le diagnostic. Après de brefs rappels sur les anticorps classiques et bien connus, nous insisterons sur les nouveautés en les intégrant dans des schémas de prescription types, face à des situations régulièrement rencontrées. Enfin, quelques pièges à éviter seront discutés.
Généralités Il est indispensable que la sélection rigoureuse des anticorps à effectuer soit dictée tout autant par la morphologie que par le contexte clinique (âge, taille et localisation exacte). Par exemple, certaines lésions ont une morphologie
Figure 1. Tumeur axillaire droite chez une femme de 32 ans. A. Morphologie très évocatrice d’un sarcome fibromyxoïde de bas grade, avec la présence de rosettes géantes hyalinisantes. B. Dans d’autres secteurs, aspect de lésion conjonctive sans particularité, ni atypies cytologiques évidentes, situation la plus fréquente. C. Expression de l’EMA (à rechercher parfois attentivement), devant faire penser à l’entité. D. Confirmation du diagnostic grâce à l’anticorps anti-MUC4, diffusément exprimé. Axillary tumor in a 32-years-old woman. A. Typical aspect of low-grade fibromyxoid sarcoma with hyalinized collagen rosettes. B. Heavily collagenized hypocellular zones without franc atypia. C. EMA expression (often focally positive), which may make suggest the diagnosis. D. Strong MUC4 expression, confirming the diagnosis.
Pour citer cet article : Decouvelaere A-V. Apport de l’immuno-histochimie dans le diagnostic des sarcomes. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.006
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Figure 2. Tumeur de l’orbite chez un homme de 29 ans. A. Prolifération fusocellulaire, avec vascularisation hémangiopéricytaire. B. Densité cellulaire et chromatinienne importantes, avec mitose. C. Expression diffuse du CD34 faisant plutôt discuter une tumeur fibreuse solitaire qu’un synovialosarcome (CD34 négatif). D. Confirmation du diagnostic grâce à l’anticorps anti-STAT6, nettement positif. Orbital tumor in a 29-years-old man. A. Spindle cell proliferation with branching heamangiopericytoma-like vessels. B. High cellular density, hyperchromasia and mitose. C. Diffuse positivity with CD34 more likely found in solitary fibrous tumor than in synovialosarcoma. D. Diagnostic confirmation by characteristic immunoreactivity for STAT6.
inhabituelle, mais le contexte clinique permet d’y penser, comme une tumeur rétropéritonéale doit faire discuter avant tout un liposarcome dédifférencié et une tumeur digestive conjonctive doit faire évoquer jusqu’à preuve du contraire, une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST). À l’inverse, une tumeur de morphologie classique (synovialosarcome, tumeur fibreuse solitaire, rhabdomyosarcome) peut être rencontrée dans des localisations très inhabituelles. En cas de discordance entre l’hypothèse diagnostique la plus probable et les résultats immuno-histochimiques, le panel d’anticorps doit être bien évidemment revu. Ce raisonnement est de plus variable en fonction du niveau d’expérience du pathologiste et il arrive toujours à tout le monde de se trouver en présence d’une lésion d’allure conjonctive indifférenciée (atypique ou pas) difficile à classer. Dans cette situation, il est conseillé d’effectuer dans un premier temps et à titre systématique les anticorps suivants, nécessaires et suffisants : • actine muscle lisse et desmine, pour orienter vers une nature musculaire ou myofibroblastique ; • PS100, afin de ne pas méconnaître une tumeur mélanique, une tumeur des gaines des nerfs ou orienter vers une tumeur myoépithéliale ; • pancytokératine AE1-AE3 et EMA, pour discuter un carcinome sarcomatoïde (primitif ou secondaire) et mettre sur la voie de certaines tumeurs conjonctives EMA+ (sarcome fibromyxoïde de bas grade et périneuriome en particulier) ; • CD34, même si peu spécifique, oriente vers une tumeur vasculaire, une GIST ou une tumeur fibreuse solitaire ;
• ajouter MDM2 d’emblée devant tout probable sarcome indifférencié, afin de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un liposarcome dédifférencié. En cas de positivité de certains d’entre eux ou sur une morphologie évocatrice, il convient de compléter avec des anticorps plus spécifiques :
Tableau 1 Anticorps déconseillés en pathologie des tissus mous. Antibodies not recommended in soft tissue pathology.
Vimentine CD10 Bcl2 Fli 1 WT1 CD56 CD68 (KP1) Myoglobine CD99
Hors contexte de tumeur à cellules rondes
C-Kit
Hors contexte de GIST
Ki67
Si les mitoses sont nombreuses
GIST : tumeur stromale gastro-intestinale.
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A.-V. Decouvelaere Tableau 2
Anticorps de spécificité et sensibilité reconnues en pathologie des tissus mous.
Antibodies with noticeable specificity and sensibility in soft tissue pathology.
Anticorps
Clone ou référence et origine
Topographie du marquage
Diagnostic
Myogénine (M)
F5D-Dako
Nucléaire
Rhabdomyosarcome
ALK (M)
5A4 Novocastra
Cytoplasmique le plus souvent
Tumeur myofibroblastique inflammatoire
MUC4 (M)
8G7 Santa Cruz
Cytoplasmique Sarcome fibromyxoïde de
Bas grade/fibrosarcome épithélioïde sclérosant
STAT6 (M)
YE361 GeneTex
Nucléaire
Tumeur fibreuse solitaire
CD31 (M)
JC70A Dako
Membranaire
Tumeur vasculaire, hémangioendothéliome pseudo-myogénique
ERG (M)
EPR3864 Ventana
Nucléaire
Tumeur vasculaire
MYC (M)
Y69-Ventana
Nucléaire
Angiosarcome sur tissu irradié
HHV8 (M)
LN53-Tebu Bio
Nucléaire Granulaire
Sarcome de Kaposi
CD163 (M)
10D6 Novocastra
Cytoplasmique
Marqueur des histiocytes, synovite villonodulaire (tumeur à cellules géantes des gaines et des tendons)
HMGA2 (P)
Diagomics 59170AP
Nucléaire
Tumeurs adipeuses vs graisse normale Histiocytofibrome, fasciite
BAF47/INI1 (M)
25/BAF47 BD Biosciences
Perte d’expression Nucléaire
Sarcome épithélioïde, tumeur rhabdoïde
Bêta-caténine (M)
M3539 Dako
Nucléaire
Fibromatose desmoïde, certaines lésions myofibroblastiques
DOG1 (M)
K9 Novocastra
Cytoplasmique
GIST
C-KIT (CD117) (P)
Ref A4502 Dako
Cytoplasmique
GIST
SDHB (P)
HPA002868 Sigma
Perte d’expression Cytoplasmique
GIST wild type
Brachyurie (P)
H210 Santa Cruz 20109
Nucléaire
Chordome
TFE3 (P)
Santa Cruz 5958
Nucléaire
Sarcome alvéolaire, PECome
Cycline B3 (P)
HPA000469 Sigma
Nucléaire
Sarcome BCOR — CCNB3
Phox2b (P)
(H20) Santa Cruz 13224
Nucléaire
Neuroblastome
Ap2 bêta (P)
(H-87) Santa Cruz
Nucléaire
Rhabdomyosarcome alvéolaire
NUT (M)
C52B1 Ozyme 3625S
Nucléaire
Carcinome de la ligne médiane
M : monoclonal ; P : polyclonal ; GIST : tumeur stromale gastro-intestinale.
• h-caldesmone et myogénine si la lésion exprime la desmine. Et éventuellement Alk pour une tumeur myofibroblastique inflammatoire ; • CD31 et ERG [4] en cas de possible tumeur vasculaire (attention, il arrive régulièrement que certaines d’entre elles, en particulier malignes, soient négatives avec le CD34) ; • MUC4 [5], devant toute lésion conjonctive fibreuse et/ou myxoïde peu ou pas atypique, car doit faire discuter de principe un sarcome fibromyxoïde de bas grade (régulièrement EMA positif) (Fig. 1A à D) ;
• STAT6 [6], devant une tumeur CD34+ pouvant correspondre à une tumeur fibreuse solitaire (Fig. 2A à D). Avant de détailler les anticorps utiles en pathologie conjonctive, citons ceux déconseillés (Tableau 1). En effet, ils sont insuffisamment spécifiques, risquent de fourvoyer le pathologiste dans sa démarche diagnostique et consomment du matériel souvent précieux. Les anticorps recommandés (Tableau 2) permettent une économie de temps, d’argent et de matériel, surtout à l’heure des microbiopsies. La gestion de la quantité
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Tableau 3 Immuno-histochimie minimale dans les cas où la morphologie et/ou le contexte clinique orientent déjà fortement vers un diagnostic. Minimal immunohistochemistry in cases with particular morphology and/or clinical context greatly in favour of a diagnosis.
Sarcome indifférencié à cellules fusiformes et pléomorphes des tissus mous profonds
PanCK AE1-AE3, EMA PS00 AML, desmine, h-caldesmone CD34 MDM2
Tumeur cutanée du sujet âgée en zone photo-exposée
PanCK AE1-AE3, P40
Éliminer un carcinome sarcomatoïde Éliminer un mélanome Éliminer un sarcome musculaire Tumeur vasculaire et tumeur fibreuse solitaire Liposarcome dédifférencié Éliminer un carcinome sarcomatoïde Éliminer un mélanome Éliminer un léiomyosarcome Éliminer un angiosarcome
PS100 Desmine, caldesmone CD34 ± CD31
Sarcomes à cellules rondes
Pan Leu, desmine, panCK, EMA, PS100, CD99
Passer rapidement à la biologie moléculaire après exclusion d’une pathologie hématologique
Tumeur adipeuse bien différenciée
MDM2 HMGA2
Pour conforter la nature tumorale d’un tissu adipeux très bien différencié
Tumeur stromale gastro-intestinale
C-KIT (CD117), DOG1
Si renseignements cliniques cohérents Pour conforter l’estimation de l’index mitotique
Ki67 Tumeur musculaire lisse
AML, desmine, h-caldesmone Récepteurs hormonaux chez la femme en région intrapelvienne/abdominale
Dermatofibrosarcome de Darier Ferrand
CD34 ± PS100 Ki67
Éliminer un neurofibrome diffus Apprécier un secteur en voie de transformation
Fibromatose de type desmoïde
AML ± desmine (Bêta-caténine)
Profil myofibroblastique Peu spécifique
Tumeur fibreuse solitaire
CD34, STAT6 KI67
Pour conforter l’estimation de l’index mitotique
Liposarcome myxoïde
Pas d’IHC
Morphologie le plus souvent caractéristique (pas de marqueurs spécifiques). Biologie moléculaire
Tumeurs vasculaires
CD34, CD31, ERG ± Ki67 AML
Rhabdomyosarcome Chordome
HHV8 MYC
Si peu de mitoses Aide à rehausser le caractère organoïde (hémangiome épithélioïde) Si doute sur sarcome de Kaposi Si tissu irradié
Desmine, myogénine AP2 bêta
Positif dans les alvéolaires
PanCK AE1-AE3, PS100, brachyurie
de matériel tumoral, de plus en plus complexe, devient une priorité et doit intégrer les études moléculaires complémentaires fréquemment nécessaires. Également, en l’absence de biologie moléculaire spécifique ou lorsque cette dernière est prise en défaut, ces anticorps fiabilisent le diagnostic. Certains sont utilisés en routine d’un recrutement de lésions conjonctives, d’autres sont plutôt réservés à des centres spécialisés.
Anticorps spécifiques et/ou nouveaux Il est difficile en pratique d’avoir à disposition tous ces anticorps. Mais, il est important de les connaître, ne serait-ce que pour pouvoir en bénéficier ponctuellement auprès d’un laboratoire qui en disposerait. Cependant, si le recrutement chirurgical est varié, il est conseillé de s’en procurer quelques-uns, afin non seulement de faciliter certains
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A.-V. Decouvelaere
Figure 3. Petite lésion du pouce chez une femme de 25 ans. A. Prolifération tumorale dense de cellules épithélioïdes et fusiforme. B et C. Expression diffuse de la cytokératine AE1-AE3 et du CD34 respectivement. D. Associée à une perte d’expression de INI1, en faveur d’un sarcome épithélioïde. E. Possible expression de ERG dans ces tumeurs, mais intensité souvent moindre sur les cellules tumorales par rapport aux vaisseaux (témoins internes). F. Pas de marquage avec le CD31 contre la nature vasculaire de la tumeur (à noter le marquage net et habituel des cellules inflammatoires avec cet anticorps). Small lesion of the thumb in a 25-years-old woman. A. Dense epithelioid and spindle cell tumor. B and C. Diffuse expression of AE1AE3cytokeratin and CD34 respectively. D. Association with a loss of INI1 protein expression, in favour of epithelioid sarcoma. E. ERG expression is common in epithelioid sarcoma, with often a lower intensity labelling on tumoral cells than on vessels (internal control). F. Negativity of CD31 against a vascular tumor (note the clear positivity of inflammatory cells with this antibody).
diagnostics positifs, mais également d’exclure des diagnostics différentiels. Parmi les anticorps les plus sensibles et spécifiques, on distingue : • la myogénine, indispensable en cas de recrutement pédiatrique et pour authentifier un rhabdomyosarcome ; • DOG1 dans les GIST [7,8] ; • ALK dans les tumeurs myofibroblastiques inflammatoires ; • MUC4 pour le sarcome fibromyxoïde de bas grade et dans la problématique des lésions conjonctives peu atypiques, fibreuses ou myxoïdes ; • STAT6 dans les tumeurs fibreuses solitaires (pouvant être exceptionnellement CD34 négatives).
Situations classiques ou fréquentes Afin de faciliter le raisonnement et aider dans la stratégie de choix des anticorps, quelques situations diagnostiques régulièrement rencontrées sont rappelées (Tableau 3). Quelques commentaires pour certaines de ces situations : • le contexte particulier de la tumeur indifférenciée à cellules fusiformes et pléomorphes du sujet âgé en peau insolée nécessite le plus souvent un panel d’anticorps large, dans le but essentiellement d’écarter les diagnostics différentiels de carcinome sarcomatoïde et de mélanome. Cette étude, complète une histologie rigoureuse à la recherche d’éventuels aspects de
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Figure 4. Tumeur du pied chez une femme de 63 ans co-exprimant la cytokératine et le CD34 faisant suspecter un sarcome épithélioïde. A. Prolifération de cellules épithélioïdes avec atypies minimes comportant régulièrement un cytoplasme clair ou une hématie intra-cytoplasmique. B. Expression de ERG orientant vers une tumeur vasculaire. C. Expression également du CD31 confirmant la nature vasculaire et le diagnostic d’hémangioendothéliome épithélioïde (présence du transcrit WWTR1-CAMTA1). D. Pas de perte d’expression de INI1, contre un sarcome épithélioïde. Foot tumor in a 63-years-old woman with expression of both antibodies: cytokeratin and CD34, suspect of epithelioid sarcoma. A. Epithelioid tumor with few nuclear atypia, regularly eosinophilic cytoplasm that may contain erythrocytes. B. ERG expression in favour of a vascular tumor. C. CD31 positivity confirming the diagnosis of epithelioid hemangioendothelioma (WWTR1-CAMTA1 transcript was present). D. No loss of INI1 protein expression, against an epithelioid sarcoma.
dysplasie malpighienne ou d’anomalies de la jonction dermo-hypodermique avec la recherche de thèques. Le diagnostic de fibroxanthome atypique (FXA) ou de sarcome à cellules fusiformes et pléomorphes sera donc un diagnostic d’élimination. Sur un prélèvement trop superficiel et parcellaire, ce panel ne permettra pas de différencier un FXA d’un sarcome, puisque c’est l’infiltration de l’hypoderme qui permet de les différencier (présente dans le sarcome avéré) ; • il est souvent inutile d’effectuer trop d’IHC sur une tumeur adipeuse très bien différenciée. Seul MDM2 est conseillé, dans la limite de sa spécificité puisque peut être exprimé de manière non contributive dans certains lipomes remaniés, surtout sur les histiocytes. Sur les microbiopsies de tissu adipeux très bien différencié, est préconisée une technique FISH, plus spécifique, qui permet de plus d’orienter la prise en charge de la tumeur, en différenciant un lipome d’une tumeur adipeuse atypique (/liposarcome de bas grade). La positivité nucléaire d’HMGA2 peut aider à conforter la nature tumorale d’un tissu adipeux en cas de doute (ciblage correct d’une petite tumeur, localisation difficilement accessible. . .), mais ne préjuge pas du caractère bénin ou malin d’une tumeur. Il peut manquer de sensibilité et donc rester négatif parfois dans certaines tumeurs adipeuses ; • pour conforter un diagnostic de fibromatose de type desmoïde surtout dans une variante morphologique inhabituelle, il est surtout recommandé de rechercher
par séquenc ¸age une mutation du gène CTNNB1 (bêtacaténine) (même si inconstante dans ces lésions). L’étude IHC avec l’anticorps anti-bêta-caténine est en effet peu spécifique et finalement peu utile en pratique ; • dans les angiosarcomes sur tissus irradiés, l’anticorps MYC couplé à la morphologie, peut aider en cas de négativité ou de forte positivité. Il arrive cependant régulièrement d’avoir des intensités de marquage intermédiaires sur lesquelles il est difficile de conclure. Dans ces situations, une étude par FISH à la recherche d’une amplification du gène est nécessaire. Quelques exemples de positivités inattendues : • elles sont très fréquentes et intéressent la majorité des anticorps. Dans la limite du recul disponible, les anticorps récents comme MUC4 (dans un contexte de lésion conjonctive) et STAT6 semblent dans l’ensemble très sensibles et spécifiques avec peu de positivités inattendues observées [9,10] ; • même si ERG paraît également assez spécifique de la différenciation vasculaire, il peut être exprimé dans d’autres lésions, en particulier les sarcomes épithélioïdes [11,12], d’où l’importance de toujours le coupler au CD31, plus spécifique que le CD34 (Fig. 3A à F et 4A à D) ; • il est aussi fréquemment observé dans les tumeurs conjonctives une expression aberrante focale (voire franche, mais le plus souvent hétérogène) des marqueurs épithéliaux. C’est le cas des tumeurs musculaires lisses
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Figure 5. A. Aspect de sarcome fusocellulaire de haut grade. B. Expression diffuse de la h-caldesmone, en faveur d’un léiomyosarcome. C et D. Expression classique des marqueurs épithéliaux, pancytokératine AE1-AE3 et EMA respectivement, dans les tumeurs musculaires lisses. A. High grade sarcoma. B. Diffuse h-caldesmon expression usually found in leiomyosarcoma. C and D. Classical positivity of epithelial markers, AE1-AE3 pancytokeratin and EMA respectively, in smooth muscle tumors.
(Fig. 5A à D), des tumeurs myofibroblastiques inflammatoires et des GIST épithélioïdes, qui expriment souvent nettement la pancytokératine AE1-AE3. Mais la positivité de ALK dans les formes classiques de tumeurs myofibroblastique inflammatoires et de DOG1 dans les GIST, permet de redresser les diagnostics ; • de même, le CD117 (KIT) n’est pas spécifique des GIST et sa positivité dans une tumeur intra-abdominale doit toujours être confrontée à l’histologie et à la positivité de DOG1, plus spécifique.
Conclusion Pour des raisons économiques et à l’ère des microbiopsies où la quantité de matériel disponible est réduite, il devient impératif de ne pas prescrire des anticorps inutiles afin de ne pas gaspiller un matériel précieux. Il est aussi recommandé, dans la mesure du possible, de hiérarchiser les demandes, toujours dans un même souci d’économie et pour permettre les études moléculaires. Cependant, il reste indispensable de disposer d’un panel d’anticorps suffisamment étendu, à adapter au niveau de compétence du pathologiste et au recrutement, pour pouvoir vérifier la cohérence du profil immuno-histochimique et augmenter la précision diagnostique. Enfin, rappelons les nouveaux anticorps, « rentables » en routine (fréquence d’utilisation et spécificité élevées), comme MUC 4 dans le sarcome fibromyxoïde de bas grade (et sarcome épithélioïde sclérosant) et STAT6 dans les tumeurs fibreuses solitaires.
Déclaration d’intérêts L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.
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