Apport diagnostique de la recherche des antigènes solubles bactériens

Apport diagnostique de la recherche des antigènes solubles bactériens

Immuno-analyse et biologie spécialisée 22 (2007) 48–53 a v a i l a b l e a t w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m j o u r n a l h o m e p a g e ...

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Immuno-analyse et biologie spécialisée 22 (2007) 48–53

a v a i l a b l e a t w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m

j o u r n a l h o m e p a g e : h t t p : / / f r a n c e . e l s e v i e r. c o m / d i r e c t / I M M B I O /

STRATÉGIE D’EXPLORATION FONCTIONNELLE ET DE SUIVI THÉRAPEUTIQUE

Apport diagnostique de la recherche des antigènes solubles bactériens The use of soluble antigens research for the diagnosis of invasive bacterial infections P. Dubrousa,*, H. Delacoura, P. Geromeb, J.-L. Koecka a b

Fédération des laboratoires, HIA Robert-Picqué, BP 28, 33998 Bordeaux-Armées, France Fédération des laboratoires, HIA Desgenettes, 69275 Lyon-Armées cedex 03, France

Reçu le 9 mai 2006 ; accepté le 18 octobre 2006 Disponible sur internet le 01 février 2007

MOTS CLÉS Pneumonies de l’adulte ; Agglutination de latex ; Antigène urinaire

Résumé Objectifs. — Évaluer l’intérêt clinique de la recherche des antigènes solubles pour le diagnostic des infections bactériennes invasives en appréhendant la pertinence des prescriptions et l’apport respectif de deux techniques : test Wellcogen® (agglutination de particules de latex sensibilisées vis-à-vis du pneumocoque, méningocoque et Haemophilus influenzae de type b) et test Binax Now S. pneumoniae® (immunochromatographie sur membrane permettant de détecter l’antigénurie pneumococcique). Méthodes. — Enquête rétrospective de janvier 2002 à décembre 2004 visant à colliger tous les résultats du test Wellcogen® et à les confronter aux données cliniques et bactériologiques classiques. Enquête prospective de février à juillet 2005 évaluant les raisons de la prescription d’antigènes solubles et l’apport du test Binax Now® pour le diagnostic des pneumonies aiguës. Résultats. — Mille quarante-quatre recherches d’antigènes solubles par la technique latex ont été réalisées pendant la période étudiée. Les résultats se sont avérés positifs à quatre reprises (0,4 %) dont deux faux positifs. Pendant le même temps, 53 pneumocoques et 42 Haemophilus ont été isolés de prélèvements cliniques. Pour ces patients, les antigènes solubles n’avaient été demandés que 19 fois. Cent sept recherches d’antigène urinaire pneumococcique ont été effectuées en six mois avec le test Binax Now® et elles se sont révélées positives à 20 reprises (18,7 %) dont deux faux positifs. Ce test est doué d’une très bonne valeur prédictive positive (90 %) à condition que sa prescription se limite aux pneumonies aiguës selon les critères définis par l’Anaes. Or, cela n’est pas le cas près d’une fois sur deux. Conclusion. — La valeur des tests au latex est nulle pour le diagnostic des pneumonies et ils ne devraient plus être utilisés. Le test Binax Now® constitue une avancée. Il permet, à lui seul, de rattacher une étiologie pneumococcique à 27 % des pneumonies infectieuses aiguës.

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Dubrous).

0923-2532/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.immbio.2006.10.005

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En raison de son coût, ses indications doivent être ciblées. Il trouve désormais sa place dans le cadre du diagnostic des pneumopathies graves en complément de l’antigénurie légionelle.

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KEYWORDS Pneumonia of adults; Latex agglutination; Urinary antigen

Abstract Objectives. — Evaluating the clinical interest of solubles antigens research for the diagnosis of invasive bacterial infections by assessing the relevance of the prescriptions and the contribution of two techniques: the Wellcogen® test (agglutinuation of latex particles sensitised to the pneumococcus, meningococcus and the type-b Haemophilus influenzae), and the Binax Now® S. pneumoniae test (membrane immunochromatography allowing to detect pneumococcus urinary antigens). Methods. — Retrospective study carried out from January 2002 to December 2004 aiming at gathering the results of the Wellcogen® test and comparing them to the standard clinical and bacteriological data. Prospective study from February to July 2005 assessing the reasons for the prescription of soluble antigens and the contribution of the Binax Now® test for the diagnosis of severe pneumonia. Results. — One thousand forty-four soluble antigen researches were realised with the latex technique during the studied period. The results were positive 4 times (0.4%) including 2 false positives. During the same time, 53 pneumococci and 42 Haemophilus were isolated from clinical specimens. A soluble antigen research had been requested for only 19 of these patients. One hundred and seven urinary pneumococcal antigen researches were realised with the Binax test in 6 months and were positive 20 times (18.7%); 2 of them were false positives. This test is valuable insomuch that it effectively predicts positive results (90%), providing its prescription is limited to severe pneumonia as defined by ANAES, which is not the case almost half the time. Conclusion. — The tests with the latex technique are not valuable for the diagnosis of pneumonia, and should not be used any longer. The Binax Now® test is an advance inasmuch as it allows linking a pneumococcal etiology to 27% of severe infectious pneumonia. It has to be indicated precisely because of its cost. It can be involved in the diagnosis of severe pneumopathy as a complement to Legionella urinary antigens.

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Introduction Réalisée en routine dans la plupart des laboratoires, la recherche des antigènes solubles bactériens a pour but de pallier les insuffisances des techniques classiques de microbiologie pour le diagnostic de certaines affections bactériennes invasives et notamment les méningites, les septicémies et les pneumopathies. En effet, le diagnostic étiologique de ces affections peut être rendu difficile du fait d’une antibiothérapie préalable rendant la culture infructueuse. Parfois, c’est l’existence d’une flore de colonisation qui peut égarer le diagnostic. Dans le cas des pneumopathies graves, il existe bien des techniques de prélèvement invasives permettant d’augmenter la sensibilité de la culture (brossage bronchique, LBA, biopsie transbronchique) mais celles-ci nécessitent un opérateur entraîné et ne sont pas toujours aisées à mettre en œuvre. La mise en évidence d’antigènes solubles dans différents liquides biologiques (liquide céphalorachidien, sérum et urines) peut a priori constituer une orientation diagnostique décisive. Technique simple et rapide, elle repose généralement sur l’agglutination de particules de latex sensibilisées vis-à-vis des antigènes de Streptococcus pneumoniae, Streptocoque du groupe B, Haemophilus influenzae de type b, Neisseria meningitidis de groupe ACYW135 et de Neisseria meningitidis de groupe B couplé à Escherichia coli K1. Récemment est apparue une nouvelle génération de

tests basée sur une technique immunochromatographique sur membrane. D’abord appliquée à la recherche de l’antigène urinaire de Legionella pneumophila de type 1, elle permet maintenant de rechercher l’antigène urinaire de S. pneumoniae (AUP). À la différence des tests au latex qui détectent les antigènes capsulaires, cette technique sur membrane met en évidence le polysaccharide C du pneumocoque se situant dans la paroi bactérienne et qui est commun à tous les sérotypes. Le but de notre étude est d’effectuer un bilan de trois ans d’utilisation des particules de latex afin d’appréhender l’intérêt clinique de cette recherche. Puis, dans un second temps, nous évaluons l’apport de la technique immunochromatographique sur membrane en prenant en compte les modalités de sa prescription.

Matériels et méthodes Le test utilisé pour la recherche des antigènes solubles par la méthode latex est le test Wellcogen® (société REMEL). Ce test permet la détection qualitative des antigènes de S. pneumoniae, Streptocoque B, H. influenzae b, N. meningitidis ACYW135 et de N. meningitidis B/E. coli K1. Cette détection peut être globale (panel) ou ciblée sur un antigène particulier. La recherche des antigènes solubles peut être effectuée sur le liquide céphalorachidien (LCR), le sérum, les urines

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et le surnageant d’hémocultures. Les échantillons de LCR et d’urines sont chauffés pendant cinq minutes au bain-marie à ébullition puis clarifiés par centrifugation. Les échantillons de sérum sont également chauffés et clarifiés après addition de trois volumes d’EDTA pour un volume de sérum. Ces manipulations sont nécessaires pour minimiser la survenue de réactions non spécifiques. Dans notre laboratoire, la totalité des antigènes solubles (panel complet) n’est recherchée que sur le LCR. Cette stratégie d’utilisation du test nous permet de limiter les prescriptions abusives (en raison du risque de faux positifs) et d’évoquer ainsi à tort une méningite bactérienne chez un sujet dont la clinique n’a pas justifié la réalisation d’une ponction lombaire. Dans le sérum et les urines ne sont recherchés que les antigènes solubles de S. pneumoniae et d’H. influenzae de type b essentiellement dans le cadre du diagnostic des pneumopathies. Les caractéristiques de recrutement de notre hôpital (pas de service de pédiatrie ni de maternité) font que la recherche de l’antigène soluble du streptocoque B n’est jamais mise en œuvre. Une enquête rétrospective a été réalisée pour la période de janvier 2002 à décembre 2004. L’ensemble des résultats des antigènes solubles recherchés par le test Wellcogen® ont été extraits de notre système informatique et analysés par rapport aux données cliniques et aux résultats microbiologiques classiques (examen direct, culture). De février 2005 à juillet 2005, la recherche de l’antigène urinaire de S. pneumoniae a été effectuée au moyen du test Binax Now (société OXOID) en remplacement du test Wellcogen®. Une étude prospective a été menée sur cette période de six mois et toutes les prescriptions ont fait l’objet d’une analyse du dossier médical du patient. Les données cliniques et radiologiques ont permis de séparer les patients en deux groupes : ● groupe 1 : sujets présentant une pneumonie aiguë de l’adulte selon les critères définis par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé [2] : ○ diagnostic clinique de pneumonie avec toux, expectoration, dyspnée, douleur thoracique latéralisée, fièvre, polypnée, tachycardie, anomalies auscultatoires (crépitantes) survenant brutalement ou en l’absence d’infection des voies aériennes supérieures ; ○ confirmation radiologique avec présence d’images évocatrices : opacité parenchymateuse typique, opacités en foyer multiples, opacités interstitielles plus ou moins diffuses non connues antérieurement ; ● groupe 2 : sujets ne répondant pas à ces critères mais pour lesquels une recherche d’antigènes solubles a été prescrite.

Résultats De janvier 2002 à décembre 2004, 1044 antigènes solubles ont été recherchés par agglutination de particules de latex : ● 503 antigènes de S. pneumoniae ;

P. Dubrous et al. ● 495 antigènes d’H. influenza de type b ; ● 23 antigènes de N. meningitidis de groupes ACYW135 ; ● 23 antigènes de N. meningitidis de groupe B. Les liquides biologiques sur lesquels ont été effectuées les recherches sont les suivants : urines (n = 332), sérum (n = 148) et LCR (n = 23). Sur 503 recherches d’antigènes solubles du pneumocoque, 498 se sont avérées négatives, trois positives (dont une faussement positive suite à une infection urinaire à E. coli) et deux ininterprétables en raison de réactions non spécifiques. Dans le même temps, 53 pneumocoques ont été isolés au laboratoire chez des patients présentant une pneumopathie (n = 31), une infection ORL (n = 9), une bactériémie (n = 10) et une méningite (n = 1). Or, les antigènes solubles n’avaient été demandés que dans 15 cas (un seul positif). Pour l’H. influenzae de type b (495 recherches), nous notons 490 résultats négatifs, deux résultats ininterprétables et un seul résultat positif. Et encore, il s’agit d’un résultat faussement positif (pleurésie à streptocoque B). Pendant la même période, H. influenzae a été isolé de prélèvements pulmonaires à 42 reprises. Là encore, les antigènes solubles n’ont été demandés que quatre fois (tous négatifs). Il faut souligner que pour un cas, la pneumopathie à Haemophilus s’est accompagnée d’une bactériémie avec isolement du germe dans les hémocultures. Les 46 recherches d’antigènes méningococciques se sont toutes avérées négatives. Une seule souche de N. meningitidis a été isolée pendant la période de l’enquête (à partir d’une hémoculture). Pour ce patient, la recherche d’antigènes solubles sur le LCR n’a pas été effectuée et la culture s’est avérée stérile. De février à juillet 2005, 107 recherches d’antigène urinaire de S. pneumoniae par technique immunochromatographique sur membrane ont été réalisées. Les résultats sont positifs à 20 reprises (18,7 %). Pendant cette période, neuf pneumocoques ont été isolés d’hémocultures (n = 3), de prélèvements pulmonaires (n = 5) et de LCR (n = 1). La recherche des antigènes solubles n’a été faite que quatre fois (à chaque fois pour des pneumopathies) et s’est avérée positive dans trois cas. Si on analyse plus en détail les prescriptions, on peut remarquer que (certaines analyses ont été répétées) : ● pour les patients du groupe 1 (n = 54), l’AUP est positif 18 fois (33,3 %) (Tableau 1) et tous les patients sont hospitalisés. Même s’il n’existe pas d’élément clinique ou radioclinique permettant de prédire avec suffisamment de sensibilité et de spécificité le micro-organisme responsable, en tenant compte uniquement des sujets présentant une opacité parenchymateuse systématisée unilatérale évocatrice de pneumonie à pneumocoque (n = 23), le pourcentage de tests positifs passe à 60,8 % (14 antigènes positifs) (Tableau 2) ; ● pour les patients du groupe 2 (n = 46) les circonstances cliniques motivant la recherche des antigènes solubles sont variables. Il peut s’agir de pathologies respiratoires (infections des voies aériennes supérieures, surinfections

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Tableau 1 Résultats de l’antigène urinaire du pneumocoque (AUP) en fonction de la prescription AUP+ AUP–

Pneumonie aiguë 18 36

Autres circonstances 2 44

Sensibilité : 33 % ; spécificité : 95 % ; valeur prédictive positive : 90 % ; valeur prédictive négative : 55 %.

Tableau 2 Résultats de l’antigène urinaire du pneumocoque (AUP) en fonction des éléments cliniques et radiologiques d’orientation AUP+ AUP–

PFLA 14 9

Autres pneumonies 4 27

PFLA : pneumonie franche lobaire aiguë. Sensibilité : 60 % ; spécificité : 87 % ; valeur prédictive positive : 77 % ; valeur prédictive négative : 75 %.

bronchiques, cancer…) ou non respiratoires (méningite, endocardite, myocardite, infection urinaire, autres affections…). La recherche de l’AUP est positive deux fois dans ce groupe (4,3 %). Il s’agissait pour ces deux cas d’une exacerbation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et d’une primo-infection à cytomégalovirus. Pendant la période de l’enquête, une seule méningite a conduit à la recherche des antigènes solubles qui étaient négatifs. Le diagnostic retenu était en fait une méningite virale à entérovirus.

Discussion Les performances du test au latex annoncées par le fabriquant sont remarquables puisqu’elles font état, vis-à-vis du pneumocoque, d’une sensibilité de 88,2 % sur le LCR, de 100 % sur le sérum (six échantillons testés) et de 43,8 % sur les urines pour une spécificité supérieure à 99,5 %. Dans notre pratique, la réalité est tout autre puisqu’une seule recherche d’antigène soluble pneumococcique s’est avérée positive dans les urines parmi les 15 sujets ayant une infection à pneumocoque confirmée bactériologiquement (sensibilité de 6,6 %). Même s’il n’a pas été possible de recenser dans la première partie de cette étude, le nombre de sujets présentant des arguments cliniques et radiologiques en faveur d’une infection pneumococcique, le gain diagnostic apporté par la recherche des antigènes solubles (en cas de culture négative ou non faite) est de toute façon dérisoire : un seul échantillon s’étant avéré vraiment positif pour 488 recherches. Heureusement, la spécificité du test est en accord avec celle annoncée puisque nous ne retrouvons qu’une seule réaction faussement positive (infection urinaire à E. coli) pour deux réactions ininterprétables. La valeur du latex de H. influenzae est encore plus médiocre. Aucun vrai positif n’a été identifié sur les 495 recherches réalisées. La seule réaction positive retrouvée s’est avérée être une réaction croisée avec un streptocoque B.

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Malgré l’effectif réduit des méningites pendant la période de l’étude (n = 23), il n’y a pas eu de réaction faussement positive à déplorer. Le cas contraire aurait été pénalisant car cela aurait pu impliquer une erreur diagnostique et une prise en charge thérapeutique inadaptée. L’intérêt clinique de ces tests au latex est très controversé et certains auteurs s’accordent à dire qu’ils ne revêtent aucun intérêt. C’est ainsi que Perkins et al. ont montré par une enquête rétrospective (sur 1268 échantillons cliniques) que seulement 57 antigènes solubles recherchés par le test Wellcogen® étaient positifs sur 5169 demandes (1,1 %) et que parmi ceux-ci, 35 étaient des faux positifs ! Concernant l’antigène soluble du pneumocoque, leurs résultats sont tout à fait superposables aux nôtres puisqu’ils n’ont retrouvé que quatre positifs (dont trois faux positifs) sur 519 urines testées et trois positifs (dont un faux positif) sur 438 LCR. Ces auteurs concluent que la recherche des antigènes solubles a une meilleure valeur lorsqu’elle est faite sur le LCR plutôt que sur les urines, mais pour tous leurs cas d’antigènes solubles positifs dans le LCR (n = 7), l’examen de gram objectivait la présence de bactéries [12]. Plusieurs autres études se sont fait l’écho de cette très faible sensibilité des latex urinaires pour le diagnostic des pneumopathies qu’elles soient bactériémiques ou non [1,10]. Pour H. influenzae, la valeur des antigènes solubles est sujette à caution puisque la sensibilité des latex varie selon les auteurs de 0 à 100 % [10,15]. Il faut également prendre en compte que plus de la moitié des souches d’H. influenzae responsables de pneumonies sont non capsulées et donc inaccessibles au diagnostic par agglutination [3]. Enfin, H. influenzae ne serait responsable que de 3 à 19 % des pneumopathies aiguës communautaires ce qui le place loin derrière S. pneumoniae (16 à 69 %), les germes intracellulaires (Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia sp, Legionella sp, et Coxiella burnetti) et même la grippe (22 à 36 %) [2]. Pour toutes ces raisons, l’antigène soluble d’H. influenzae de type b ne devrait plus être recherché dans le cadre du diagnostic d’une pneumonie. L’apparition des tests immunochromatographiques sur membrane semble constituer un progrès. En six mois d’utilisation, ils se sont avérés positifs 20 fois (trois fois en trois ans pour les latex). Leur sensibilité par rapport à la culture est généralement évaluée aux alentours de 70 % [7,8,13] et nos résultats vont en ce sens. Il est toutefois important de reconnaître que la confirmation bactériologique d’une pneumopathie infectieuse n’est qu’assez rarement obtenue (53 à 59 % dans les meilleures séries) [6]. Dans le cas où la présentation clinique et radiologique est très évocatrice de pneumococcie, la sensibilité du test est équivalente même si la confirmation bactériologique n’est pas obtenue [8,9]. La présence d’antigènes bactériens dans les urines étant dépendante de la charge bactérienne et du passage éventuel de la bactérie dans le sang, cette sensibilité du test peut toutefois varier de 28 à 92 % en fonction du caractère bactériémique ou non de la pneumopathie [7]. Concernant la spécificité du test, la plupart des publications l’évaluent à plus de 90 %. Dans notre série, la recherche des antigènes urinaires s’est avérée positive chez un patient avec une infection bronchique sans pneumonie. Dans le cadre des BPCO, qu’elles soient en poussée de surinfection ou non, la positivité de l’AUP est rare. L’antigène urinaire pouvant

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persister plusieurs semaines, sa positivité peut témoigner d’une pneumonie survenue à distance [11]. Il est reconnu que le portage nasopharyngé de pneumocoque chez l’enfant induit des réactions faussement positives avec les tests urinaires. Cela ne semble pas être le cas chez l’adulte, Marcos et al. n’ayant trouvé aucun test positif chez des sujets VIH+ colonisés par le pneumocoque [9]. Des études complémentaires semblent cependant nécessaires pour évaluer l’influence du portage. Technique simple, rapide (résultats en un quart d’heure), suffisamment sensible et spécifique, l’antigénurie urinaire pneumococcique possède un important facteur limitant qui est son coût (approximativement 25 euros le test). Pour cela, la place exacte de ce nouvel outil diagnostique mériterait d’être précisée. L’utilité clinique d’un test diagnostique n’est pas seulement déterminée par ses sensibilité, spécificité et simplicité d’utilisation mais aussi par la prévalence de l’affection dans la population étudiée, et par corollaire, par les modalités de sa prescription. En effet, un test diagnostique ne doit être utilisé que si sa positivité est susceptible d’augmenter la probabilité que l’affection soit présente (valeur prédictive positive : VPP) ou au contraire absente si le test est négatif (valeur prédictive négative : VPN). En cas de faible probabilité prétest (cas des examens demandés de façon irraisonnée, sans orientation diagnostique vers une méningite ou une pneumonie) l’utilité de la recherche des antigènes soluble est quasiment nulle. Lorsque la recherche des AUP est demandée chez les sujets du groupe 2, elle s’avère positive deux fois mais il s’agit dans les deux cas de réactions faussement positives. En revanche, chez les sujets présentant une authentique pneumonie aiguë, la valeur prédictive positive du test avoisine les 90 %. Ces notions de prévalence et de valeurs prédictives sont importantes à connaître car elles permettent de mieux appréhender l’utilité clinique d’un test diagnostique. À titre d’exemple, la détection des antigènes solubles bactériens par agglutination de particules de latex sensibilisées a été développée à une époque (début des années 1980) où les infections invasives à H. influenzae de type b, et notamment les méningites, étaient très fréquentes. La vaccination généralisée contre l’Haemophilus au début des années 1990 a contribué à diminuer de façon importante la prévalence de ces infections induisant par-là, une valeur prédictive positive du test bien moindre. De la même façon, la recherche des antigènes solubles méningococciques possède beaucoup plus de valeur dans les régions où la prévalence des méningites bactériennes est élevée (pays du Sahel) que dans les pays de très faible prévalence [4,5]. Cette perception des faits par le clinicien et le biologiste doivent conduire à une optimisation des prescriptions d’examens et par-là, à une diminution des coûts. Même si la recherche des antigènes solubles urinaires du pneumocoque n’était pas encore recommandée pour explorer les pneumopathies graves communautaires de l’adulte, l’utilisation combinée des deux tests urinaires (pneumocoque et légionelle) a déjà été adoptée avec succès [7]. Cette démarche a permis à ces auteurs d’établir un diagnostic étiologique rapide et fiable de pneumococcie chez 16,7 % des patients adultes hospitalisés pour pneumopathie communautaire. Dans le même temps, l’antigénurie légio-

P. Dubrous et al.

nelle n’était positive que deux fois (1,2 %). Dans notre expérience, l’utilisation complémentaire de la culture et de l’AUP a pu rattacher une étiologie pneumococcique à 42 % des pneumopathies de l’étude (trois cultures+ et AUP+, cinq cultures+ seules, 15 AUP+ seuls) ce qui est comparable aux résultats d’Ishida (38,9 %) [8]. La positivité de l’antigène urinaire nous a permis de poser à quatre reprises le diagnostic de pneumonie à pneumocoque alors que les signes radiologiques n’étaient pas particulièrement évocateurs (12,9 %) et dans un cas, de redresser un diagnostic de pneumopathie d’abord étiquetée à Pyocyanique. L’usage de molécules résolument actives sur cette bactérie (pipéracilline–tazobactam, imipénème, céfépime associé à une fluoroquinolone) n’étant pas optimal dans un cadre effectif de pneumonie à pneumocoque.

Conclusion L’analyse de trois ans d’utilisation de la technique latex pour le diagnostic des infections bactériennes invasives montre leur totale inutilité pour le diagnostic des pneumopathies. Leur utilisation, si elle devait perdurer, ne pourrait se faire que dans des indications restreintes (méningites uniquement). L’apparition des tests immunochromatographiques sur membrane constitue une avancée pour le diagnostic des pneumococcies. Toutefois, en raison de leur coût élevé, ils doivent faire l’objet d’une prescription ciblée et des efforts restent à faire dans ce domaine. Dans près d’un cas sur deux, la prescription a été faite de façon trop large alors que le sujet ne présentait pas de signes de pneumonie ou de méningite. Inversement dans certains cas, des aspects cliniques et radiologiques très évocateurs de pneumonie à pneumocoque, associés à l’absence de critères de gravité auraient pu faire surseoir à la prescription d’AUP. Les toutes nouvelles recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française sur la prise en charge des infections des voies respiratoires basses de l’adulte immunocompétent ont enfin précisé la place de la recherche de l’antigène urinaire du pneumocoque, à savoir les pneumopathies graves justifiant d’un transfert en réanimation [14].

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