Approche sociohistorique de l’élaboration des critères de sélection des donneurs de sang

Approche sociohistorique de l’élaboration des critères de sélection des donneurs de sang

296 Lectures sollicitées / Transfusion Clinique et Biologique 25 (2018) 295–311 Session 2 — Le donneur de sang : hier, aujourd’hui, demain. Modérate...

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Lectures sollicitées / Transfusion Clinique et Biologique 25 (2018) 295–311

Session 2 — Le donneur de sang : hier, aujourd’hui, demain. Modérateurs : Sylvie Gross et Julien Robinet LS-03

Approche sociohistorique de l’élaboration des critères de sélection des donneurs de sang Bruno Danic a,∗ , Renaud Crespin b Établissement fran¸cais du sang Bretagne, Rennes, France b Centre de sociologie des organisations, Paris, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Danic)

a

L’analyse sociohistorique de l’élaboration des critères de sélection des donneurs en France permet d’identifier différentes périodes au cours desquelles l’évolution des normes obéit successivement à des critères de différentes natures. Aux débuts de la transfusion (fin XIXe –années 1930), les donneurs sont sélectionnés selon des critères qui priorisent l’urgence, la proximité et la protection de leur santé. Dès la seconde guerre mondiale, le critère d’autosuffisance pour répondre à un besoin rapidement croissant aboutit à s’adresser à un public plus large, à développer une collecte de masse, à éloigner le donneur du receveur, et à privilégier la disponibilité des traitements. Une réflexion structurée autour des critères de sélection des donneurs de sang se construit au cours des années 1980 à partir d’une vaste enquête hospitalo-universitaire, et sous l’initiative de médecins en charge de la collecte. Motivée par le souhait de faire reconnaître une médecine du prélèvement dans un monde transfusionnel dominé par la biologie, la démarche aboutit à construire une sélection des candidats au don basée sur les données cliniques de l’entretien pré-don. Les crises sanitaires liées à l’émergence du VIH, puis l’identification du VHC, imposeront la composante épidémiologique à la construction des critères de sélection. Paradoxalement, elles vont également consolider le concept de médecine du don, assimilant la sélection des donneurs à une consultation médicale. Depuis les années 1990, la transfusion sanguine évolue dans un contexte de crise permanente, sommée de réagir à chaque épisode épidémique, faisant du voyageur un potentiel donneur à risque. Paradoxalement, la pression sociétale et démographique conduit à réviser certains critères, et à introduire de nouveaux critères d’élaboration des critères de sélection : la balance bénéfice-risque et le principe de proportionnalité. Déclaration de liens d’intérêts d’intérêts.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens

https://doi.org/10.1016/j.tracli.2018.08.069 LS-04

Évaluation du non-respect des critères de sélection des donneurs de sang en France : résultats de l’étude COMPLIDON Claire Sauvage a , Franc¸ois Charpentier b , Camille Pelat a , Thomas Pouget d , Geneviève Woimant b , Syria Laperche c , Roxane Spinardi b , Florence Lot a , Bruno Danic b , Josiane Pillonel a,∗ a Santé publique France, Saint-Maurice, France b Établissement fran¸ cais du sang, Saint-Denis, France c Institut national de la transfusion sanguine, Paris, France d Centre de transfusion sanguine des armées, Clamart, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Pillonel) L’enquête COMPLIDON a pour objectif principal d’estimer la proportion de non-respect des critères d’ajournement au don du sang entrés en vigueur le 10 juillet 2016 et de mettre en évidence des facteurs associés à ce non-respect. Notamment, depuis cette date, les hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes (HSH) peuvent, sous certaines conditions, donner leur sang. Cette enquête a été réalisée via Internet, auprès des donneurs ayant fait un don de septembre à décembre 2017. Parmi les 108 386 questionnaires complets, 3,6 % des donneurs ont déclaré au moins un critère d’ajournement lié au risque de transmission d’un agent infectieux par voie sexuelle, usage de drogues ou tatouage/piercing. Les situations les plus déclarées étaient le multipartenariat (1,9 %) et le fait d’avoir eu un

partenaire multipartenaire (1,0 %) au cours des 4 mois précédant le don, ainsi que, pour les hommes ayant fait un don de sang total, d’avoir eu un partenaire sexuel masculin dans l’année (0,73 %). L’analyse multivariée montre que les facteurs associés au critère HSH 12 mois étaient le fait d’être jeune, d’avoir eu plus d’un partenaire sexuel dans les 12 derniers mois, d’avoir oublié ou dissimulé des informations lors de l’entretien pré-don, d’avoir connaissance des contre-indications, de travailler dans le domaine de la santé et d’avoir trouvé le questionnaire et l’entretien pré-don insuffisamment confidentiels. Enfin, les motifs d’ajournement liés aux voyages concernaient 1,2 % des donneurs, les antécédents de transfusion 0,69 % et les antécédents de cancer guéri 0,26 % des donneurs. Bien que le taux de dons malgré un critère d’ajournement HSH 12 mois soit élevé, l’ouverture du don de sang aux HSH n’a pas eu d’impact, ni sur la prévalence du VIH, ni sur la part des HSH parmi les donneurs trouvés VIH positifs, ni sur le risque résiduel de transmission du VIH par transfusion. Les données de COMPLIDON vont permettre de poursuivre la réflexion sur l’évolution des critères de sélection. Déclaration de liens d’intérêts d’intérêts.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens

https://doi.org/10.1016/j.tracli.2018.08.070 LS-05

Quelles exigences pour le donneur de sang demain ? Pierre Tiberghien Établissement fran¸cais du sang, université de Franche-Comté, La Plaine Saint-Denis, France Adresse e-mail : [email protected] La disponibilité continue de produits sanguins au service des besoins des patients reste une préoccupation stratégique majeure. À beaucoup d’égards, les enjeux transfusionnels quantitatifs et qualitatifs sont en augmentation : accroissement des besoins de plasma destiné au fractionnement, de CGR de groupe O, de CGR phénotypiquement divers. . . Dans le même temps, la prise en compte de diverses caractéristiques des donneurs conduisent à orienter ceux-ci vers un type de don particulier ; pour exemple, les femmes avec enfant vers le don de sang total plutôt que le don de plasma à finalité transfusionnelle et/ou de plaquettes. Demain, une connaissance accrue des liens entre les donneurs et l’efficacité thérapeutique des produits sanguins issus de leurs dons est susceptible d’accentuer une telle sollicitation différentielle des donneurs de sang. La transfusion a été précurseur en matière de médecine personnalisée/de précision avec l’avènement de la compatibilité ABO Rh, elle le redeviendra demain. Ainsi, le donneur demain sera mieux caractérisé, et appelé à faire un don moins générique, plus diversifié, mais plus ajusté (quantitativement, qualitativement, mais aussi temporellement) au besoin d’un patient, ou d’un groupe de patients. Face à ces nouvelles exigences thérapeutiques, il conviendra de répondre aux exigences des donneurs. Une attention toute particulière au respect de la dimension partageuse et solidaire du don paraît essentielle. Le don, dans sa conception holistique, est incompatible avec toute forme de discrimination ou d’exclusion, réelle ou même seulement perc¸ue. Par ailleurs, en réalisant un don, le donneur devient est un acteur de santé, une dimension valorisante qu’il faudra lui reconnaître. À cet égard, une participation aux réflexions portant sur sa propre sécurité et celle des receveurs, une information sur le devenir de son produit (sans rompre l’indispensable anonymat), ainsi que la possibilité de contribuer autrement à la santé d’autrui par le partage de données personnelles de santé paraissent des pistes à développer. L’importance du retour vers le donneur, dans le respect du bénévolat, sera croissante. Une image positive de soi, le « warm glow » anglo-saxon, constitue sans aucun doute une partie de ce retour. Des informations sur sa propre santé, au travers des nombreux examens réalisés à l’occasion du don peuvent constituer également un précieux retour, en cohérence avec la dimension de santé publique associée au don du sang. Enfin, la qualité de l’accueil, des locaux et du déroulement des différentes étapes du don doit permettre une « expérience donneur » positive et valorisante. Le donneur de demain sera également plus exigeant vis-à-vis de la prise en charge, et plus encore de la prévention, des effets indésirables liés au don tels que les malaises, la fatigue ou la carence martiale. Le donneur sera plus averti