Après l'hiver… les printemps

Après l'hiver… les printemps

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l’hiver.. . les printemps

M Lambert, M Hebbar, E Hachulla, PY Hatron, B Devulder Expert-consultant: Service

de m6decine

u&w%% hbpital Saint-Andk,

LES FAITS CLINIQUES Une femme de 34 ans est hospitalisee en decembre 1994 pour pneumopathie, polyarthralgies et purpura des membres inferieurs. Ses antecedents se limitent a un phenomene de Raynaud caracteristique apparu a l’age de 15 ans (il n’y a pas d’autre cas dans sa famille). Depuis 1990 et a chaque hiver, la patiente presente deux a trois episodes de pneumopathie febrile associee a des arthralgies d’allure inflammatoire bilaterales et symetriques, interessant toutes les articulations peripheriques, saris respect des interphalangiennes distales. Ces episodes surviennent brutalemerit, le plus souvent apres une exposition importante au froid. Inconstamment, ils sont accompagnes d*une eruption purpurique des membres inferieurs. Chaque fois, le medecin traitant a prescrit un traitement par anti-inflammatoires non steroi’diens et une antibiotherapie (le plus souvent amoxicilline et acide clavulanique). Malgre ce traitement, l’evolution pulmonaire, articulaire et cutanee etait trainante (I a 3 semaines). Chaque fois, les explorations biologiques mettaient en evidence un syndrome inflammatoire franc (taux de CRP B I50 mg/L pour une normale < 10) une hyperprotidemie 2 86 g/L avec hypergammaglobulinemie a 24.5 g/L, une hyperleucocytose avec polynuckose neutrophile, un taux de plaquettes normal. Les fonctions r&ale et hepatique n’etaient pas perturbees. Les radiographies de thorax confirmaient la presence d’une pneumopathie alveolairc de topographie variable. Le demier episode est apparu il y a 2 jours dans les memes circonstances et selon les m&es modalites. La patiente presente une douleur basithoracique droite a l’inspiration profonde, saris dyspnee, une toux avec expectoration purulente. La temperature est a 39 T. Les articulations peripheriques sont douloureuses et il existe un derouillage matinal de 60 minutes. On note

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33075 Bordeaux

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un epanchement des deux genoux. 11existe un purpura petechial moderement infiltre des deux membres inferieurs. 11n’y a pas eu de trouble digestif ni d’hematurie. A l’interrogatoire, on retrouve une xerostomie et une xerophtalmie invalidantes depuis 3 ans. Le test de Schirmer est positif. L’auscultation pulmonaire indique des rales bronchiques en regard de la base droite. On note enfin des adenopathies cervicales, axihaires et inguinales bilaterales. Ces adenopathies sont fermes, mobiles, moderement sensibles et mesurent 1.5 a 2,5 cm. D’apres la patiente, ces ad&opathies sent fluctuantes et existent depuis l’adolescence. 11 y a 2 ans, l’exerese d’une adenopathie axillaire gauche n’a mis en evidence qu’une adenite non specifique. La radiographic de thorax effectuee en urgence montre une pneumopathie alveolaire droite isolee (fig 1). Comment expliquer l’ensemble du tableau present6 par cette patiente ?

Fig 1. Pneumopathie

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droite.

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Avis de l’expeti-consultant II existe chew cette femme de 34 ans, presentant un phenomene de Raynaud depuis l’adolescence, une xerostomie et une xerophtalmie invalidantes depuis l’age de 30 ans Le contexte evoque done un syndrome de Gougerot-Sjogren (SGS). Le syndrome inflammatoire majeur avec hypergammaglobulinemie est en accord avec ce diagnostic. La patiente presente l’hiver, principalement apres exposition au froid, des poussees arthralgiques voire arthritiques diffuses, parfors accompagnees dun purpura non thrombopenique. Cette symptomatologie est evocatrice de manifestations en rapport avec une cryoglobulinemie mixte (type II le plus souvent, rappotiee dans 20 a 40 % des cas de SGS). Dans le cadre dune explication uniciste a la symptomatologie presentee par cette patiente, j’rntegrerais volontiers les adenopathies, presentes de facon fluctuante, au titre de manifestations extraglandulaires du SGS evoluant par poussees inflammatoires [l], Plus etonnantes sent les manifestations pulmonaires observees chez cette jeune femme, qui presente parallelement depuis 4 ans deux ou trois episodes hivernaux de douleurs thoraciques avec toux, expectorations purulentes et condensation alveolaire radiographique evocatrices de pneumopathie bacterienne et non pas des classiques pneumopathies interstitielles observees dans les maladies systemiques. La dessiccation de la muqueuse bronchique du SGS est susceptible de favoriser bronchite et pneumopathie infectreuses : cependant, le caractere repetitif des episodes et leur evolutron lentement regressive sous antibiotherapie et AINS sent remarquables. On peut des lors evoquer une susceptibilite particuliere aux batteries responsables des pneumonies saisonnieres: mon hypothese est que cette patiente pourrait presenter un deficit en IgA. Cette immunodeficience congenitale n’est pas rare (1 sur 600 en Europe) frequemment rev& lee de facon tardive par des infections respiratoires a germes hivernaux banals et associee de facon significativement plus frequente aux pathologies auto-immunes tel le SGS [2]. Au total, les premiers examens que je demancferais seraient ceux permettant d’etayer le diagnostic de SGS avec cryoglobulinemie mixte, adenopathies dysimmunitaires et deficit en IgA: biopsre des glandes salivaires accessoires, bilan immunologique, en particulier recherche d’anlicorps antinucleaires, anti-SSA, SSB et facteur rhumato’ide, recherche de cryoglobulinemie, dosage ponderal des immunoglobulines. Si le dosage des immunoglobulines se revelait normal, je rechercherais un deficit des fractions du complement quoique celles-ci soient plus susceptibles d’entrainer des infections precoces et s&&es (rVe;.sseria en particulier), L’absence de deficit immunitaire m’inciterait a rechercher un facteur local favorrsant telle une bronchectasie dent le developpement peut etre favorise par le SGS : l’aspect typrquement alveolaire

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et fluctuant des Images radiographiques est cependant peu en faveur de cette hypothese. Dans le contexte, il me semble logique d’effectuer fibroscopie bronchique pour authentifier le diagnostic de pneumopathie bacterienne par la realisation de prelevements diriges. Si le diagnostic n’etait pas confirm& j’evoquerais une possible bronchiolite obliterante avec pneumonie organisee (BOOP) dont l’aspect clinique et radiologique peut mimer une pneumonie infectieuse et qui a ete d&rite en associations avec le SGS [3] : un lavage bronchioalveolaire suivi dune biopsie pulmonaire guidee par TDM pourrait fournir les elements du diagnostic. Pour comprendre le caractere repetitif hivernal de cette BOOP, il faudrait envisager la responsabilite des cryoglobulinemies dans le phenomene : cependant, les manifestations pulmonaires cliniques des cryoglobulinemies sent consrderees comme rares et disc&es. II est sans doute excessif d’imaginer en troisieme hypothese alternative que la symptomatologie pulmonaire observee soit en rapport avec une seasona/ cfyptogenic ofgaflising pneumonia que la nosologie rapproche des BOOP [4]. L’absence de diagnostic uniciste amenerait a s’interroger en premier lieu sur une assocration SGS et forme atypique de maladie de Still de l’adulte. I

Rojouan J, Barrier J, Hervouet D et al Assoctation d’un syndrome de Gougerot-Sjogren avec une adenopathta dysimmunitatre et une cryoglobultnemie mixte. Now Press I’&% 1978;7:1300 2 Amman AJ, Wara DW, Pillarisetty RJ. Autoantibody, autoimmune disease and immunodeftctency. Aflbnris R/?euni 1977;20:434 3 Mateson EL, Ike RW Bronchiolitis obitterans organizing pneumoma and Sjogren syndrome. JRheurni990:17:676-9 4 Spiteri MA, Klemerman P, Sheppard MN, Padley S, Clark TJK, Newman-Taylor A, Seasonal cryptogenic orgamsing pneumonia with biochemical cholestasis: a new clinical entity. Lancef 1992: 340:2814

DIkMARCHE

DIAGNOSTIQUE

Plusieurs elements cliniques et biologiques font evoquer un syndrome de Sjogren : syndrome set, phenom&e de Raynaud, polyarthrite, vascularite cutanee, hypergammaglobulinemie. La vascularite et le phenomene de Raynaud font evoquer l’association a une cryoglobulinemie. Ce diagnostic est confirme par la presence d’anticorps antinucleaires au l/l 0 240 (tluorescence mouchetee) avec anti-SSa et anti-SSb. La recherche d-anti-ADN natif par technique Elisa et test de Farr est negative, de meme que la recherche de facteur rhumatoyde, d’ANCA, d’anticoagulant circulant antiprothrombinase et d’anticorps antiphospholipides. Le complement serique est active : fraction C4 ii 5.5 mg/L (N 120 a 5001, C3 400 mg/L (IV 450 a 860), CHsO 70 %. La recherche de cryoglobulinemie est positive : cryoglobulinemie de type III (IgG. IgA,

287s

Communications

IgM polyclonales) a un taux de I ,S g/L. La capillaroscopie periungueale ne montre pas de signe de microangiopathie organique. Les radiographies de mains et de poignets sent normales. La biopsie de glandes salivaires accessoires met en evidence un infiltrat inflammatoire de stade IV selon la classification de Chisholm. Le test au rose bengale montre la presence d’une keratite ponctuee superficielle. La scintigraphie de glandes salivaires principales montre une exclusion fonctionnelle (stade IV de Schall). Une nouvelle biopsie ganglionnaire axillaire ne retrouve qu’une ad&rite chronique non specifique. Les taux seriques de /I2 microglobuline et de LDH sont normaux. L’examen tomodensitometrique thoracoabdominal ne retrouve que la pneumopathie droite, saris adenopathie profonde. Le principal probleme diagnostique de cette observation est represente par l’atteinte respiratoire. Une pneumopathie infectieuse banale ne peut etre ecartee. Toutefois, certains elements sent atypiques : absence de tabagisme ou d’autre facteur de risque respiratoire, absence d’immunodepression evidente (serologic VIH negative), antibiotherapie peu efficace. Le fait que les pneumopathies surviennent exclusivement lors des poussees de vascularite suggere un lien de causalite. La survenue apres les expositions au froid peut faire suggerer une participation de la cryoglobulinemie. Le diagnostic pneumologique evoqut! chew cette patiente etait done celui d’une vascularite pulmonaire et/au d’une bronchiolite obliterante avec pneumopathie organisee (BOOP). Une fibroscopie bronchique n-a pas mis en evidence d’anomalie macroscopique. L’etude cytologique etait normale, mais un lavage bronchoalveolaire n’a pu etre realise. Les epreuves fonctionnelles respiratoires indiquaient un syndrome obstructif mod&e. Nous n*avons pas realise de biopsie pulmonaire. Une corticotherapie orale (prednisolone 1 mg/kg/j) a toutefois ete entreprise et efficace en 48 heures. Cette corticotherapie a ete reduite progressivement puis interrompue apres 6 mois. Par ailleurs, les expositions au froid ont ete deconseillees. Lors de l’hiver 19951996, la patiente n’a presente aucune manifestation.

DISCUSSION Les atteintes respiratoires du syndrome de Sjogren ne sent pas rares mais sent surtout representees par un syndrome interstitiel diffus, le plus souvent asymptomatique [ 11.Des localisations pseudo-lymphomateuses pulmonaires ont aussi ete d&rites. mais ces atteintes ont une evolution plus prolongee que dans notre observation. Des manifestations aigues avec opacite alveolaire radiologique evoquant des pneumopathies infectieuses ont aussi ete d&rites [2]. Dans les rares cas oti une etude histologique a ete effectuee, etaient observes une infiltration lymphocytaire de la muqueuse bronchique, voire des bourgeons fibroinflammatoires obstruant la lumiere bronchique caracteristiques d’une BOOP [3]. Une BOOP peut compliquer diverses maladies systemiques, surtout la polyarthrite rhumatoi’de et le lupus systemique [4]. Elle a ete exceptionnellement d&rite au tours des cryoglobulinemies et du syndrome de Sjogren [3]. Cette atteinte pulmonaire peut faire evoquer a tort une pneumopathie infectieuse, et est potentiellement grave. Le traitement repose sur la corticotherapie qui est generalement rapidement efficace. Cette observation suggere qu’un tableau de pneumopathie au tours du syndrome de Sjogren ne doit pas etre hgtivement rattache a une origine infectieuse. De plus, cette observation indique qu’au tours du syndrome de Sjogren les liens entre pneumopathie, vascularite et cryoglobulinemie meritent d’stre precises. RtiFkRENCES Hatron PY, Wallaert B, Gowt D et al. Subclinical lung intlammation in orlmary Si&ren’s syndrome. Relationship between bronchoalv;olar l~va~e~cellular~ analysis findings ani characteristics of the disease. A~fhriris Rkum l987;30: 1226-3 I Lione .I. Pumaforte JL, Hamon R et al. Manifestations pulmonaires du syndrome de Gougerot-Sjijgren primitif. A propos de huit observations dam une +rie de 3.5 patients. Re\, MC?/ hfertw lYY6;17:291-9 Matteson EL, Ike RW. Bronchiolitis oblitemns organizing pneumania and Sjtigrcn’s sydrome. J R/wutmfo/ lYY0; 17:67-9 4 Godeau B. Menkt?s C.I. Bronchiolites oblitt?antes et maladies systkmiques. Am h-f&i fnwme lYY2; l43:2S7-60