Revue des Maladies Respiratoires (2019) 36, 625—632
Disponible en ligne sur
ScienceDirect www.sciencedirect.com
SÉRIE « POUMON ET SUBSTANCES ADDICTIVES » Coordonnée par M. Underner, G. Peiffer et T.H. Urban
Arrêt du tabac : comment mieux impliquer le patient dans le choix du traitement Smoking cessation: How can we involve patients better in treatment choice? I. Jacot Sadowskia,∗, C. Ratb, K. Selbya, J. Cornuza a
Centre universitaire de médecine générale et santé publique, Unisanté, 44, rue du Bugnon, 1011 Lausanne, Suisse b Faculté de médecine, 1, rue Gaston Veil, 44000 Nantes, France Rec ¸u le 23 janvier 2018 ; accepté le 28 juin 2018 Disponible sur Internet le 17 juin 2019
MOTS CLÉS Sevrage tabagique ; Traitement médicamenteux ; Prise de décision ; Techniques d’aides à la décision ; Observance du traitement médicamenteux
∗
Résumé Le soutien médical et les traitements pharmacologiques sont des interventions dont l’efficacité pour le sevrage tabagique a été largement démontrée. Différentes options thérapeutiques dont l’efficacité est proche existent, notamment les substituts nicotiniques, la varénicline et le bupropion. L’implication du patient et la considération de ses préférences parmi ces différentes options de traitements pourraient favoriser l’adhérence thérapeutique et les chances de réussite du sevrage. Le concept de partage de décision se base sur un échange entre le médecin et le patient lors de situations médicales où plusieurs options existent. Les outils d’aide à la décision soutiennent cette démarche en facilitant la transmission d’informations, la communication et l’implication du patient. Malgré les opportunités de partage de décision lors du processus d’arrêt du tabac, peu d’outils sont disponibles en tabacologie. Cet article résume les principales connaissances dans ce domaine et son application dans le processus d’arrêt du tabac. Il est illustré par un outil d’aide à la décision visant à faciliter le choix entre les différents médicaments d’aide au sevrage tabagique. © 2019 SPLF. Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (I. Jacot Sadowski).
https://doi.org/10.1016/j.rmr.2018.06.012 0761-8425/© 2019 SPLF. Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
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KEYWORDS Smoking cessation; Drug therapy; Decision making; Decision support Techniques; Medication adherence
I. Jacot Sadowski et al.
Summary Counseling and pharmacotherapy are smoking cessation interventions whose effectiveness has been widely demonstrated. Different pharmacologic treatment options exist with similar efficacy : notably nicotine replacement therapy, varenicline and bupropion. Providers can promote therapeutic adherence and the chances of successful quitting by involving patients in the choice of medication and incorporating their preferences in the decision process. The concept of shared decision-making is based on an exchange between doctor and patient in medical situations with several reasonable options. Decision aids support this approach by facilitating the transmission of information, communication and patient involvement. Despite opportunities for shared decision-making during the smoking cessation process, few decision aids are available. This article summarizes current knowledge in this field and its application to the process of smoking cessation. Shared decision making in smoking cessation is illustrated by a decision aid created to facilitate the choice between different smoking cessation medications. © 2019 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Le tabagisme représente la première cause évitable de décès prématurés. Le risque de développer une maladie cardiovasculaire, pulmonaire ou un cancer augmente avec la durée du tabagisme et l’importance de la consommation quotidienne, la durée étant considérée particulièrement délétère pour les pathologies respiratoires. À l’inverse, le sevrage complet du tabac réduit le risque de développer ces maladies et la mortalité spécifique liée au tabac. L’impact du sevrage est d’autant plus important que le sevrage est précoce [1]. Plus de la moitié des fumeurs envisagent d’arrêter de fumer et environ 10 % ont un projet d’arrêt dans les 30 jours [2]. De nombreux fumeurs présentent une certaine ambivalence et rapportent différents obstacles à l’arrêt dont les principaux sont le stress, les symptômes de manque, la perte du plaisir de fumer, la prise pondérale, les difficultés de la vie quotidienne et le manque de connaissance ou d’accès aux programmes d’aide au sevrage tabagique [3]. Même si la majorité des exfumeurs déclarent avoir cessé de fumer sans aide, le taux de succès d’une tentative spontanée est très faible [4]. Le soutien médical et les traitements pharmacologiques d’aide au sevrage tabagique (ST) augmentent significativement les chances de réussite, leur association permettant d’atteindre des taux d’arrêt d’environ 30 % [5,6]. Cet article présente les différentes options de traitement du ST et le modèle de décision partagée, concept favorisant l’implication du patient dans la prise de décision. Les objectifs sont d’explorer les connaissances sur le modèle du partage de décision lors du processus de ST et de présenter un outil d’aide au choix d’un traitement médicamenteux.
Options de prise en charge du patient fumeur Les recommandations internationales proposent une prise en charge du patient fumeur se basant sur le modèle des 5 A’s : (1) Ask : interroger sur le tabagisme, (2) Assess : évaluer la dépendance et la motivation à arrêter de fumer, (3) Advise : conseiller l’arrêt du tabac, (4) Assist : soutenir la motivation à l’arrêt du tabac et la décision d’arrêt, (5) Arrange : assurer un suivi (Fig. 1) [7—9]. L’objectif est de conseiller le patient de manière personnalisée après avoir évalué sa dépendance au tabac ainsi que sa motivation et les éventuels obstacles à l’arrêt. Lorsque le patient n’est pas prêt à arrêter dans l’immédiat mais envisage un sevrage à moyen terme, il est possible de lui proposer une phase de réduction de la consommation soutenue par une substitution nicotinique de quelques semaines, tout en maintenant l’objectif final d’un arrêt complet dans un deuxième temps. La substitution nicotinique lors d’une phase de réduction permet d’éviter le phénomène de compensation et facilite la diminution de la consommation tout en renforc ¸ant la confiance en soi pour l’arrêt. Une telle démarche de réduction ne décourage pas l’arrêt, au contraire elle permet d’augmenter légèrement les chances de ST à moyen terme si elle est soutenue par des substituts nicotiniques (SN) [10]. Lorsqu’un patient décide d’arrêter de fumer, il est conseillé de fixer une date d’arrêt complet et de prescrire un traitement pharmacologique d’aide au sevrage tabagique. Une réduction graduelle de la consommation quelques semaines avant l’arrêt est une alternative dont l’efficacité est similaire à l’arrêt brusque [11]. Comme plusieurs schémas d’arrêt et différentes options de traitements existent, ces choix peuvent être présentés et discutés avec le patient.
Arrêt du tabac et partage de la décision
Figure 1.
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Prise en charge du patient fumeur. En bleu, les options à partager entre le médecin et le patient.
• Les 5 items du modèle des 5 A’s sont : (1) « Ask » : interroger sur le tabagisme, (2) « Assess » : évaluer la dépendance et la motivation à arrêter de fumer, (3) « Advise » : conseiller l’arrêt du tabac, (4) « Assist » : soutenir la motivation à l’arrêt du tabac et la décision d’arrêt, (5) « Arrange » : assurer un suivi. • Dans la stratégie de réduction de consommation, les substituts nicotiniques permettent d’éviter le phénomène de compensation.
Choix d’un médicament d’aide au sevrage tabagique Il existe différents traitements pharmacologiques d’aide au ST : les SN sous formes de patch, gomme, comprimé, inhalateur ou spray buccal, la varénicline et le bupropion. Chacun de ces médicaments augmente significativement les chances d’arrêt, doublant à triplant les taux de réussite du ST à 6—12 mois par rapport à un placebo [12]. Malgré une efficacité largement démontrée, ces médicaments semblent sous-utilisés en pratique [13]. Les patients sont parfois réticents à leur usage par crainte d’effets secondaires, suite à des expériences antérieures négatives ou en raison du coût. Plusieurs études rapportent que les patients
interrompent prématurément ces traitements ou les prennent à des dosages inférieurs à ceux recommandés [14,15]. Les interventions visant une meilleure observance aux traitements médicamenteux du ST n’ont apporté qu’une modeste amélioration, alors qu’une meilleure observance thérapeutique augmente les taux d’abstinence [16]. Chacun des différents médicaments d’aide au ST présente des avantages et des inconvénients différents. Les SN ont peu de contre-indications, leurs différents dosages et présentations offrent la possibilité d’adapter la posologie selon l’importance de la dépendance et de gérer l’apparition de symptômes de manque avec des formes orales d’action rapide. L’efficacité sur les taux d’abstinence à 6—12 mois de chacune des formes galéniques été démontrée avec des odds ratio variant de 1,5 à 2,5 [17]. Il n’y a pas de différence significative entre les cinq formes galéniques mais l’association d’un patch et d’une forme orale est plus efficace qu’un seul SN [6]. En France, les substituts nicotiniques sur prescription sont remboursés à 65 % par l’Assurance maladie depuis le 1er janvier 2019. En Suisse, ces médicaments sont à la charge du patient. La varénicline agit sur les récepteurs nicotiniques avec un effet à la fois agoniste atténuant les symptômes de sevrage, et antagoniste bloquant les effets de la nicotine en cas de reprise de cigarettes. Son efficacité est supérieure à celles des SN en monothérapie et du bupropion, mais similaire à la substitution nicotinique associant un patch et une forme orale, avec une augmentation des taux de sevrage
628 d’un facteur de 2,2 par rapport au placebo [18]. Les effets secondaires les plus fréquents sont les nausées et les troubles du sommeil. Aucune interaction médicamenteuse n’est connue mais une diminution du dosage est recommandée en cas d’insuffisance rénale sévère. Bien que non confirmée par les études récentes, la survenue de troubles neuropsychiatriques, en particulier lors de pathologie psychiatrique, est à surveiller [19]. Ce traitement est intégralement remboursé en France. En Suisse, il peut être pris en charge par l’Assurance-maladie selon certaines conditions relatives au degré de dépendance ou à la présence d’une pathologie liée au tabagisme. Enfin, le bupropion est un médicament d’aide au ST, commercialisé comme antidépresseur (WellbutrinR ) dans certains pays, par exemple, aux États-Unis et en Suisse, avec des dosages pouvant différer de ceux indiqués pour le ST. Le bupropion augmente significativement les chances d’arrêt du tabac à 6 mois par rapport au placebo avec un odds ratio de 1,6 [20] et peut être associé à un SN avec une efficacité supérieure aux substituts seuls [6]. Les effets secondaires les plus fréquents sont les troubles du sommeil et les nausées. Un effet secondaire rare (1:1000) mais plus sévère est l’épilepsie. Le bupropion présente plusieurs contreindications, parmi lesquelles les antécédents d’épilepsie et les situations abaissant le seuil épileptogène, les troubles bipolaires et les antécédents d’anoréxie-boulimie. Il existe aussi un risque d’interactions médicamenteuses dues à l’inhibition du cytochrome CYP2D6. En France, ce médicament est à la charge des patients. En Suisse, les conditions de prise en charge sont identiques à celles de la varénicline. L’efficacité de ces traitements est proche, mais les différents mécanismes d’action, les effets secondaires spécifiques et les coûts peuvent influencer le choix du traitement, raison pour laquelle il est essentiel de considérer l’avis du patient selon ses valeurs (opinion, croyances et principes personnels) et ses préférences [21—23]. Ainsi, un outil d’aide à la décision comparant les différentes options de traitements faciliterait une discussion avec le patient et le choix. • Les 3 traitements pharmacologiques validés dans l’aide au sevrage tabagique sont : les substituts nicotiniques, la varénicline et le bupropion. • Les fumeurs interrompent souvent ces traitements prématurément ou les prennent à des dosages inférieurs à ceux recommandés. • L’association d’un patch et d’une forme orale de nicotine (comprimés à sucer, gommes, etc.) est plus efficace qu’un seul substitut nicotinique • La varénicline augmente les taux de sevrage d’un facteur de 2,2 par rapport au placebo • Le bupropion augmente les chances d’arrêt du tabac d’un facteur de 1,6 par rapport au placebo.
Partage de la décision en tabacologie Le concept de partage de décision se base sur un échange entre le médecin et le patient, permettant au patient
I. Jacot Sadowski et al.
Figure 2. Modèle pour la prise de décision partagée. Adapté de Elwyn 2012 [25].
d’exprimer ses préférences et d’exercer son autonomie [24]. Il se situe entre le modèle paternaliste où le médecin prend les décisions et le modèle informatif où le patient informé décide lui-même [25]. Le concept du partage de décision a été développé et étudié dans différents domaines médicaux, pour des situations où plusieurs options existent. Ainsi, le choix de participer à certains dépistages (par exemple le dépistage du cancer pulmonaire ou du cancer prostatique), la décision de subir ou non une intervention chirurgicale ou la décision face à un choix de traitements possibles, en prévention ou lors d’une maladie chronique comme l’asthme ou la bronchite chronique obstructive sont des situations appropriées pour partager la décision avec le patient [26—31]. Le partage de la décision lors d’une consultation médicale peut se faire selon un schéma en 3 étapes décrit par Elwyn [25] : • informer le patient du choix entre plusieurs options possibles ; • décrire les différentes options ; • décider ensemble en mettant en balance les bénéfices et inconvénients des différentes options et en explorant les préférences du patient (Fig. 2). correction fig 2, voir nouveau fichier fig22019 Une autre approche développée par Wexler [32] du groupe « Informed Medical Decisons Foundation » propose 6 étapes (Tableau 1).
Tableau 1 Les 6 étapes du partage de la décision. Adapté de Wrexler R. Informed Medical Decisions Foundation, 2012 [32]. Les 6 étapes du partage de la décision 1. 2. 3. 4. 5. 6.
Inviter le patient à participer Présenter les options Informer des bénéfices et des risques Explorer les préférences du patient Encourager la réflexion et la prise de décision Organiser le suivi
Arrêt du tabac et partage de la décision • Le concept de partage de décision se base sur un échange entre le médecin et le patient, permettant au patient d’exprimer ses préférences et d’exercer son autonomie. • Le partage de la décision lors d’une consultation médicale peut se faire selon un schéma en 3 étapes : (1) informer le patient du choix entre plusieurs options possibles, (2) décrire les différentes options, (3) décider ensemble en mettant en balance les bénéfices et inconvénients des différentes options et en explorant les préférences du patient.
Outils d’aide à la décision Les outils d’aide à la décision servent à faciliter la transmission d’informations et l’implication du patient lors de situations médicales où plusieurs options d’interventions peuvent être proposées. Ces documents se présentant sous forme de brochures, outils informatiques ou vidéos, permettent de comparer les bénéfices et les inconvénients de chacune des options, encourageant ainsi la prise en compte des valeurs et préférences du patient dans la prise de décision. Certains outils sont conc ¸us comme support pour l’échange médecin-patient durant la consultation, d’autres plus complets visent une préparation avant l’entretien médical [33,34]. Selon une méta-analyse [35] de 105 essais cliniques randomisés réalisés dans différents domaines médicaux, l’usage d’outils d’aide à la décision améliore les connaissances des patients, la perception du risque et la congruence entre le choix de l’intervention et les valeurs du patient. Ces outils permettent au patient de participer au processus décisionnel, diminuant ainsi d’éventuels conflits. Leur utilisation satisfait les patients et semble jouer un rôle favorable dans la communication médecin-patient. Bien qu’il existe de nombreux documents d’informations sur le ST destinés aux patients et aux professionnels de la santé, peu d’études rapportent le développement, l’usage ou l’évaluation d’aides décisionnelles en tabacologie. Les quelques outils développés dans ce domaine visent surtout à encourager la décision générale d’arrêter de fumer en présentant les différentes interventions possibles, mais ne présentent pas les options possibles pour choisir un traitement pharmacologique [36—39]. En l’absence d’un outil d’aide centré sur le choix du traitement médicamenteux d’aide au ST, ce manuscrit rapporte la création d’un outil d’information pour la consultation permettant de partager avec les patients la décision du choix d’un médicament.
• Les outils d’aide à la décision se présentant sous forme de brochures, d’outils informatiques ou de vidéos, permettent de comparer les bénéfices et les inconvénients de chacune des options, encourageant ainsi la prise en compte des valeurs et préférences du patient dans la prise de décision.
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Développement d’une aide décisionnelle pour le choix d’un traitement médicamenteux d’aide au ST Le développement de l’aide décisionnelle s’est basé sur la littérature médicale, notamment les revues du groupe Cochrane, les recommandations internationales et le recueil officiel des informations relatives aux médicaments autorisés en Suisse (Compendium suisse des médicaments), avec une recherche axée sur l’efficacité des traitements médicamenteux d’aide au ST et leurs effets secondaires [6,12,17,18,20]. Une estimation des prix est indiquée, se basant sur ceux pratiqués dans les pharmacies locales. L’aide décisionnelle contient des informations sur les différentes options de traitements pharmacologiques d’aide au sevrage tabagique de première ligne : les SN sous formes de patch, gomme, comprimé, inhalateur ou spray buccal, la varénicline et le bupropion (Fig. 3). Le document n’aborde pas les interventions dont l’efficacité n’a pas été clairement démontrée, telles que l’usage de la « vaporette » (cigarette électronique), l’hypnose ou l’acupuncture. L’objectif étant le choix d’un traitement médicamenteux d’aide au ST, l’outil ne mentionne pas d’autres interventions efficaces non médicamenteuses comme le soutien médical. L’information est présentée sous un format de grille afin de faciliter la comparaison des options de traitement. La quantité de texte est limitée aux informations principales et les données sur l’efficacité des traitements pour l’arrêt du tabac à 6 mois est exprimée avec des signes plus (+) pour graduer l’effet. L’outil a été conc ¸u avec l’approche « user-centered design » de la Mayo Clinic, méthodologie centrée sur l’utilisateur, entrainant des adaptations itératives en vue d’optimiser la satisfaction de l’utilisateur et l’efficacité [40]. Il est inspiré des « option grids » du Dartmouth College, grilles simples et faciles à lire, conc ¸ues pour faciliter la comparaison des différentes options durant une consultation, avec des informations basées sur les questions les plus fréquemment posées par les patients, favorisant un choix selon des critères jugés importants pour le patient [41,42]. L’aide décisionnelle a été testée et adaptée durant trois cycles d’amélioration de qualité selon la méthode Plan Do Check Act (PDCA) [43], chaque cycle étant composé de quatre étapes 1. Plan : définition du problème et rédaction d’un cahier des charges pour développer une solution. 2. Do : développement d’une solution, l’aide décisionnelle. 3. Check : vérification pratique. 4. Act : ajustement [44]. Lors de ce processus, des médecins ont testé l’aide décisionnelle lors de consultations de tabacologie. Suite à leurs observations, l’outil a été modifié en réduisant la quantité d’informations et en simplifiant la comparaison des prix en faveur d’une augmentation de la taille des illustrations, avec une évaluation positive des médecins. • L’aide décisionnelle contient des informations sur les différentes options de traitements pharmacologiques d’aide au sevrage tabagique de première ligne : les substituts nicotiniques, la varénicline et le bupropion.
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Figure 3.
I. Jacot Sadowski et al.
Aide décisionnelle pour le choix d’un médicament pour le sevrage tabagique [44].
Discussion Le modèle du partage de décision est probablement pertinent pour aborder les interventions de sevrage en tabacologie, alors que plusieurs options sont possibles à de nombreuses étapes du processus de sevrage : choix de réduire sa consommation à l’aide de substituts nicotiniques en vue d’un arrêt à moyen terme lorsqu’il existe une ambivalence, choix d’un arrêt brusque ou graduel, choix parmi différents traitements médicamenteux d’aide au ST. Peu d’aides à la décision sont cependant disponibles en tabacologie pour aborder ces choix avec le patient durant la consultation médicale. Nous n’avons pas trouvé d’aide décisionnelle sur le choix d’un traitement médicamenteux d’aide au ST. Bien que non démontré, l’utilisation d’un tel outil pourrait pourtant améliorer l’adhérence thérapeutique, un des facteurs de réussite du sevrage tabagique. Une revue de la littérature a analysé l’efficacité d’interventions visant à augmenter l’adhérence aux médicaments d’aide au ST. La conclusion rapporte que ces interventions ont effet positif modeste sur l’observance et qu’elles semblent favoriser le ST [16]. Cette revue n’incluait cependant pas d’aides décisionnelles sur le choix d’un traitement pour le ST. À noter que ce type d’outil s’est avéré efficace dans le domaine de l’adhérence thérapeutique, notamment pour les traitements de l’asthme [30].
Disposer d’un outil illustré permettant une comparaison rapide entre les options de traitements pharmacologiques indiqués pour le sevrage tabagique pourrait encourager le médecin à entreprendre une démarche de partage de décision et pourrait aider les patients à faire un choix correspondant à leurs attentes et à leurs valeurs. Les limites de l’outil proposé sont les suivantes : l’outil est uniquement axé sur la comparaison des traitements pharmacologiques pour le ST et ne mentionne pas le vapotage. Les raisons sont liées à la volonté de comparer les traitements médicamenteux recommandés en première intention et au manque de connaissances sur l’efficacité du vapotage pour le sevrage tabagique lors de son développement. Cette aide décisionnelle n’a été développée et testée aujourd’hui qu’auprès d’un nombre restreint de médecins, et ce uniquement à la Policlinique Médicale Universitaire de Lausanne (Unisanté). Par ailleurs, l’efficacité d’un tel outil durant une consultation médicale sur l’observance thérapeutique et les taux de sevrage à 6—12 mois n’a pas encore été évaluée. Des études comparant la prise en charge classique et ce concept seraient nécessaires. L’aide décisionnelle développée dans le cadre de ce projet est disponible gratuitement en ligne sous : https://www. pmu-lausanne.ch/espace-professionnel/aide-a-la-decision, elle peut être facilement adaptée en fonction de l’évolution des connaissances médicales et des aspects pratiques
Arrêt du tabac et partage de la décision relevés par les médecins et les patients. Ce type d’outil pourrait aussi être utilisé dans d’autres contextes. • Le modèle du partage de décision est pertinent pour aborder les interventions de sevrage tabagique ; en effet, plusieurs options sont possibles au cours du sevrage : (1) réduire sa consommation à l’aide de substituts nicotiniques (SN) en vue d’un arrêt à moyen terme, (2) arrêt brusque ou graduel, (3) choix parmi les différents médicaments d’aide au sevrage tabagique (SN, varénicline, bupropion). • Son utilisation pourrait améliorer l’adhérence thérapeutique, un des facteurs de réussite du sevrage tabagique. • Il s’est avéré efficace pour améliorer l’adhérence thérapeutique, notamment dans l’asthme.
Points essentiels • Le concept de partage de décision est basé sur un échange entre le médecin et le patient permettant au patient d’exprimer ses préférences et d’exercer son autonomie. Les situations médicales où plusieurs options existent sont appropriées pour partager la décision avec le patient. • Les outils d’aide à la décision soutiennent la démarche de partage de décision en facilitant la transmission d’informations, la communication et l’implication du patient. Leur utilisation semble jouer un rôle favorable dans l’échange médecinpatient. • Malgré les opportunités de partage de décision lors du processus d’arrêt du tabac, peu d’outils sont disponibles en tabacologie. L’outil d’aide à la décision présenté vise à faciliter le choix d’un médicament d’aide à l’arrêt du tabac. • L’implication du patient et la considération de ses préférences parmi les différentes options de traitements pourrait favoriser l’adhérence thérapeutique et les chances de réussite du sevrage.
Remerciements R. Auer, J. Jakob, R. Cardinaux.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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