Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 103 (2017) 48–54
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Mémoire original
Arthrodèse cervicale antérieure par cage en polyétheréthercétone (PEEK) et substitut osseux dans les traumatismes aigus du rachis cervical夽 Anterior cervical interbody fusion using polyetheretherketone cage filled with synthetic bone graft in acute cervical spine injury L. Hattou , X. Morandi , J. Lefebvre , P.-J. Le Reste , L. Riffaud , P.-L. Hénaux ∗ Service de neurochirurgie, CHU Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 5 novembre 2015 Accepté le 9 septembre 2016 Mots clés : Rachis cervical Traumatisme Polyétheréthercétone Fusion osseuse Discectomie et arthrodèse cervicale par voie antérieure
r é s u m é Introduction. – Le but de cette étude était d’évaluer le taux de fusion osseuse chez des patients traités par arthrodèse antérieure cervicale avec cage intersomatique de type polyétheréthercétone (PEEK) remplie d’un substitut osseux synthétique dans les traumatismes aigus du rachis cervical. Matériel et méthode. – Vingt-neuf patients (âge moyen : 49 ans) avec une lésion mono-segmentaire instable du rachis cervical ont été inclus. Nous avons évalué le taux de fusion osseuse et le délai de fusion pour chaque patient à 1 an. Dans les cas de déplacements secondaires, nous avons analysé leurs causes et leur prise en charge chirurgicale. Résultats. – Le taux de fusion était de 86,2 %. Le délai moyen de fusion était de 7,2 mois. Cette fusion a été observée pour 4 patients à 3 mois, pour 14 à 6 mois et pour 7 à 1 an. Quatre patients ont eu un déplacement secondaire dans les 3 premiers mois. Conclusion. – L’arthrodèse par cage de type PEEK remplie d’un greffon osseux synthétique semble être une alternative intéressante au greffon osseux de crête iliaque. ´ ´ es. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv
1. Introduction Les traumatismes vertébro-médullaires sont fréquents avec une prévalence de 19,4 cas par million d’habitants en France. L’incidence est estimée à plus de 900 nouveaux cas par an [1]. En Europe, les traumatismes du rachis cervical représentent 45 % des traumatismes vertébro-médullaires [2]. Les causes les plus fréquentes sont les accidents de la voie publique, les chutes et les traumatismes sportifs. Les traumatismes du rachis cervical inférieur concernent principalement les jeunes patients. À l’inverse, les patients âgés ont plus souvent des traumatismes du rachis cervical supérieur [3]. L’atteinte du rachis cervical inférieur peut conduire à une instabilité mécanique en cas de fracture ou d’atteinte
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2016.09.004. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P.-L. Hénaux). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2016.09.017 ´ ´ 1877-0517/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
disco-ligamentaire et être responsable d’une compression radiculaire et/ou médullaire [4,5]. Les lésions à caractère instable doivent être traitées avec pour objectif de rétablir un calibre normal au canal spinal et de décomprimer la moelle spinale [6]. Dans les cas de fracture avec luxation articulaire, un premier temps de réduction est recommandé [7]. Le traitement des traumatismes du rachis cervical repose sur l’immobilisation par corset, l’arthrodèse par voie antérieure [8] ou bien par voie postérieure [9]. La voie antérieure avec arthrodèse cervicale par greffon de crête iliaque tricortical a été introduite à la fin des années 1950 par Cloward, Smith et Robinson [10,11]. Elle est très largement employée avec des taux de fusion osseuse élevés en traumatologie [8,12,13]. Cependant, cette méthode peut provoquer des complications au niveau du site de prélèvement du greffon telles qu’une cicatrice disgracieuse, une infection, un hématome postopératoire, des douleurs postopératoires prolongées, un traumatisme nerveux, une perte sanguine majorée et une fracture secondaire [14,15]. Tout ceci peut conduire à un retard de récupération chez ces patients. Dans la pathologie dégénérative cervicale, l’emploi de cages intersomatiques remplies de substitut osseux synthétique est devenu
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habituel [16–19]. Dans ce contexte, la cage en Polyétheréthercétone (PEEK) est largement utilisée [17,19,20]. Dans les traumatismes du rachis cervical inférieur, l’arthrodèse par cage intersomatique a été peu décrite dans la littérature [15,21,22]. Parmi les rares cas rapportés, les cages sont remplies d’os autologue. À notre connaissance, aucune étude n’a rapporté l’utilisation d’une arthrodèse par voie antérieure par cage PEEK avec substitut synthétique. Le but de cette étude était d’évaluer le taux de fusion osseuse chez des patients traités par arthrodèse antérieure cervicale avec cage intersomatique de type polyétheréthercétone (PEEK) remplie d’un substitut osseux synthétique dans les traumatismes aigus du rachis cervical. 2. Matériel et Méthode 2.1. Matériel Trente-quatre patients atteints d’un traumatisme du rachis cervical inférieur avec une instabilité mono-segmentaire ont été inclus rétrospectivement entre janvier 2009 et avril 2014. L’âge moyen à la prise en charge était de 52 ans (extrêmes : 19–88 ans) avec un sex-ratio de 1/0,26. Nous avons analysé en préopératoire l’examen neurologique, le type de fractures et l’intégrité du complexe discoligamentaire sur la tomodensitométrie (TDM) et/ou sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) selon la « SubAxial Injury Classification » (SLIC) (Tableau 1) [4]. Il s’agit d’une classification validée et recommandée (niveau de preuve 1) pour la prise en charge des traumatismes du rachis cervical inférieur [5]. La SLIC classe les fractures selon leur morphologie : compression, distraction, rotation ou translation (= luxation). Nous avons aussi inclus les hernies discales post-traumatiques et les fractures articulaires sans déplacement qui ne figurent pas dans cette classification. Le score moyen de la SLIC était de 5,5 (extrêmes : 2–10). Un score égal ou supérieur à 5 était considéré comme sévère et le traitement chirurgical était recommandé dans ce cas [4]. Le score moyen neurologique était de 1,4 (extrêmes : 0–4). Vingt-six patients avaient un déficit neurologique (1 à 4 points) et 8 patients n’avaient pas de déficit (0 point). Le score moyen d’atteinte disco-ligamentaire était de 1,8 (extrêmes : 0–2). Le score moyen morphologique était de 2,3 (extrêmes : 0–4). Quinze patients avaient une luxation dont huit
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Tableau 1 Classification de la « Subaxial Cervical Spine Injury » (SLIC). Morphologie Pas de déformation Compression Fracture comminutive Distraction (ex., subluxation, hyperextension) Rotation/translation (fracture-luxation, fracture « teardrop » instable ou traumatisme en compression par hyperflexion) Complexe disco-ligamentaire Intact Indéterminé (élargissement interépineux isolé, anomalie de signal à l’IRM seulement) Déchirure (élargissement de l’espace discal, subluxation ou luxation articulaire) État neurologique Intact Atteinte radiculaire Atteinte médullaire complète Atteinte médullaire incomplète Compression médullaire en cours en lien avec le déficit neurologique
0 1 +1 = 2 3 4
0 1 2
0 1 2 3 +1
Selon Vaccaro et al. [4].
étaient bi-articulaires et sept étaient uni-articulaires (Fig. 1) ; huit avaient une fracture articulaire non déplacée ; huit une distraction, quatre une hernie discale post-traumatique et un avait une atteinte en compression du corps vertébral. C5–C6 était le niveau le plus atteint (10 cas), puis C6–C7 (9 cas), C3–C4 (5 cas), C4–C5 (5 cas), C7–T1 (4 cas) et C2–C3 (1 cas). Dans les cas de luxation articulaire, une réduction externe manuelle par étrier de Gardner était réalisée en première intention sous contrôle d’un amplificateur de brillance en tractant le rachis cervical délicatement en légère hyperextension. Tous les patients inclus ont été traités par voie antérieure avec discectomie, arthrodèse intersomatique à l’aide d’une cage en PEEK remplie d’un substitut osseux synthétique composé exclusivement d’hydroxyapatite (LDR medical MC+) (Fig. 2), elle-même associée à une fixation par une ancre à la vertèbre sous-jacente pour la quasi-totalité des patients (Fig. 3). Nous avons réalisé une ostéosynthèse par plaque vissée antérieure pour renforcer la stabilité de ce montage pour tous les patients. Nos patients n’avaient aucune immobilisation rachidienne en postopératoire. Nous avons exclu les patients qui n’étaient pas réduits par des manœuvres
Fig. 1. TDM du rachis cervical (coupe sagittale) montrant une fracture-luxation uni-articulaire C5–C6 avec antélisthésis de C5 sur C6 (cas 2).
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externes et donc opérés par voie postérieure. Les cas de fractures avec déformation du corps vertébral et surtout avec perte de hauteur étaient aussi exclus pour difficultés techniques (hauteur de cage insuffisante). Le temps moyen de chirurgie était de 83 min (extrêmes : 60–143 min). Concernant les hauteurs des cages en PEEK utilisées, elles étaient de : 4,5 mm pour un patient, 5 mm pour sept, 6 mm pour 15, 7 mm pour 10 et 7,5 mm pour le dernier. Le temps moyen d’hospitalisation était de 10 jours (extrêmes : 4–46 jours). Vingt-deux patients ont regagné leur domicile, avec une moyenne d’hospitalisation de 7 jours (extrêmes : 4–13 jours) et sept ont été transférés en centre de rééducation, avec une moyenne d’hospitalisation de 19 jours (extrêmes : 9–46 jours) (Tableau 2). Cinq patients sont décédés de troubles cardio-respiratoires ou de complications de décubitus. 2.2. Méthode
Fig. 2. Cage en polyétheréthercétone avec le substitut osseux synthétique (matériel LDR medical MC+® ).
Le critère de jugement principal était le taux de fusion osseuse obtenu à 1 an. La fusion osseuse était définie, sur les radiographies du rachis cervical de face et de profil, par la visualisation de ponts osseux au travers du greffon et l’absence de solution de continuité radio-transparente entre les plateaux vertébraux et ce greffon. Pour huit d’entre eux, la fusion osseuse a été confirmée par un scanner avec une épaisseur de coupe de 1 à 1,25 mm. Le critère de jugement secondaire était le délai nécessaire pour obtenir une fusion osseuse pour chaque patient. Le taux de fusion osseuse a été analysé indépendamment par deux neurochirurgiens seniors. La concordance inter-observateur a été évaluée en utilisant un test Kappa. Dans les cas de déplacement secondaire avec défaut de fusion, nous avons analysé les causes de ce défaut de fusion et décrit la prise en charge réalisée. 2.3. Résultats
Fig. 3. Radiographie du rachis cervical : a : de profil ; b : de face montrant une arthrodèse antérieure : cage en PEEK et fixation par ancre (flèches) et ostéosynthèse par plaque vissée antérieure (cas 6).
Les résultats sont résumés dans le Tableau 2. La concordance inter-observateur était élevée (Kappa = 0,88). Après avoir abouti à un consensus, le taux de fusion osseuse était de 86,2 % (25 patients sur les 29 suivis). Le délai moyen de fusion osseuse était de 7,2 mois (extrêmes : 3–12 mois). Cette fusion était observée à 3 mois dans quatre cas, à 6mois dans 14 cas et à 1 an dans sept cas (Fig. 4 et 5). Quatre patients n’ont pas fusionné et ont eu un déplacement secondaire dans les 3 premiers mois. Le cas 5 (C6–C7) a eu un déplacement antérieur de la cage et de la plaque vissée à 1,5 mois sur les radiographies de contrôle. Il avait des cervicalgies isolées. Nous avons réalisé une chirurgie complémentaire par
Fig. 4. TDM du rachis cervical : a : coupe sagittale montrant une arthrodèse antérieure par cage en PEEK, fixation par ancre et plaque vissée antérieure. Contexte de fracture bi-isthmique de C2 (cas 10) ; b : coupe axiale montrant la fusion osseuse à 1 an.
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Tableau 2 Résumé des données cliniques et radiologiques. Cas
Âge
Sexe
Étage
Description
SLIC
DC (min)
Taille de cage (mm)
TH (jours)
RAD
SSR
1 2 3 4 5
70 56 54 40 73
H H F H H
C6–C7 C6–C7 C5–C6 C3–C4 C6–C7
Luxation Fracture articulaire Fracture articulaire Distraction Fracture articulaire
6 2 2 6 2
86 95 60 80 72
5 6 7 6 5
5 4 4 4 5
+ + + + +
6 7 8 9 10 11 12 13 14
51 31 31 19 47 28 72 19 21
H F H H H H F H H
C6–C7 C5–C6 C5–C6 C4–C5 C2–C3 C7–T1 C5–C6 C4–C5 C6–C7
Luxation Distraction Hernie discale Fracture articulaire Fracture articulaire Distraction Luxation Luxation Distraction
10 6 3 2 2 6 9 9 5
89 74 80 65 143 125 98 85 93
7 5 4,5 6 7 5 6 6 6
– 5 4 4 8 16 10 12 5
15 16 17 18
81 20 81 45
H F F H
C5–C6 C5–C6 C6–C7 C4–C5
Luxation Fracture articulaire Luxation Luxation
8 7 2 9
68 62 86 90
6 6 6 5
19 20 21
73 61 33
H H H
C7–T1 C7–T1 C6–C7
Hernie discale Distraction Luxation
4 4 6
61 78 85
22 23 24 25 26
57 83 30 46 63
H H H H F
C4–C5 C5–C6 C6–C7 C6–C7 C3–C4
Luxation Fracture articulaire Luxation Compression Distraction
10 2 7 3 6
71 98 72 77 86
27 28 29 30 31 32 33 34 Moyenne Total
80 88 73 36 58 37 47 49 52 34
H H H F H H H H
C3–C4 C5–C6 C5–C6 C5–C6 C7–T1 C3–C4 C4–C5 C3–C4
Luxation Distraction Luxation Fracture articulaire Hernie discale Distraction Luxation Hernie discale
10 7 8 1 2 5 10 3 5,4
65 95 70 68 84 63 83 102 82,6
TDM
Fusion (mois)
DCD
Dép
– – – – –
6 3 3 6 –
– – – – –
– – – – +
– + + + + – + – +
– – – – – + – + –
– 6 12 3 6 6 12 6 6
– – – – – – – –
– – – – – – – – –
– 6 11 9
– + + –
– – – +
– 6 – 12
– – –
– – + –
6 6 6
– 25 6
– – +
– + –
– – 6
– –
– + –
7 6 6 5 7
– 46 9 5 10
– – + + +
– + – – –
– 12 3 6 6
– – – –
– – – – –
7 7 7 6 7 5 7,5 7
– 10 13 4 16 6 13 9 9,8
– – + + + + – +
– + – – – – + –
+
– 12 12 12 6 6 – 6
– – – – – – –
– – – – – – + –
22
7
8
25
5
4
+
+
+
+
+ + +
H : homme ; F : femme ; SLIC : classification de « subaxial injury » ; DC : durée de chirurgie ; TH : temps d’hospitalisation ; RAD : retour à domicile ; SSR : soins de suite et de réadaptation : TDM : fusion vertébrale évaluée par tomodensitométrie ; DCD : patient décédé (
voie postérieure avec arthrodèse par crochets lamaires de C4 à T1 (Fig. 6). Le cas 17 (C6–C7) avait sur les clichés de contrôle à 3 mois un antélisthésis de C6 sur C7 avec une luxation uni-articulaire droite. Le patient était asymptomatique. Nous avons d’abord procédé à une réduction par la mise en place d’une traction de 4 kg pendant
) ; Dép : déplacement.
3 jours puis nous avons réalisé une arthrodèse postérieure par vis trans-articulaires de C5 à C7. Le cas 20 (C7–T1) a eu un déplacement antérieur de la cage et de la plaque vissée avec une luxation bi-articulaire à 3 mois postopératoire. Ce patient a récupéré de son déficit moteur. Nous avons réalisé une réduction par traction de 6 kg suivie d’une arthrodèse postérieure par vis trans-articulaires de C6 à T1. Le cas 33 (C4–C5) avait une fracture-luxation bilatérale. En postopératoire, les radiographies de contrôle ont montré que la réduction articulaire était incomplète avec la persistance d’une subluxation bilatérale. Il était tétraplégique. Il a été proposé une seconde intervention par voie postérieure avec arthrodèse par vis trans-articulaires de C3 à C5 à un mois de la première intervention. 3. Discussion
Fig. 5. Radiographie du rachis cervical de profil montrant une fusion osseuse à 1 an d’une arthrodèse antérieure par cage en PEEK sans ancre et avec ostéosynthèse par plaque vissée antérieure (cas 23).
Dans les cas de traumatismes cervicaux mono-segmentaires, la voie d’abord antérieure avec discectomie, arthrodèse par cage intersomatique de type PEEK avec substitut osseux synthétique et ostéosynthèse par plaque vissée antérieure semble être une alternative intéressante à l’autogreffe par prélèvement osseux iliaque. Le taux de fusion osseuse à un an est satisfaisant dans ce cas. De plus cette technique permet d’éviter les complications liées au prélèvement de greffon iliaque. Le traitement chirurgical des traumatismes du rachis cervical peut être réalisé par voie antérieure, postérieure ou par voie double. Actuellement, le choix concernant le type d’approche est controversé [6]. Aucune d’entre elles n’a prouvé sa supériorité l’une par rapport à l’autre. Elles sont toutes
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Fig. 6. TDM (coupe sagittale) : a : déplacement antérieure de la cage et de la plaque visée antérieure (flèches) ; b : complément par voie postérieure avec arthrodèse par crochets lamaires (cas 5).
les deux efficaces dans cette indication [6]. En Europe, la voie antérieure semble être la plus pratiquée [13]. Nous utilisons le plus souvent une approche antérieure car elle permet un contrôle et une décompression de la partie antérieure du canal vertébral et elle préserve la trophicité des muscles érecteurs du rachis cervical [6,23]. D’un autre côté, si la luxation est irréductible sous traction cervicale externe, l’arthrodèse par voie postérieure est la seule alternative pour réaliser « une réduction à ciel ouvert ». En 1958, Cloward a introduit l’abord antérieur du rachis cervical dans les atteintes traumatiques [10]. Les premières études qui ont évalué cette méthode n’ont pas montré de bons résultats. Ceci pouvait s’expliquer par un défaut de stabilité en l’absence d’ostéosynthèse par plaque vissée antérieure [11,24]. Aujourd’hui, avec l’évolution de cette technique, les taux de fusion osseuse sont élevés. Laus et al. ont traité 20 patients par voie antérieure avec arthrodèse par greffon iliaque et ont eu un taux de fusion de 100 % avec un délai moyen de 4,5 mois [12]. En postopératoire, ils ont immobilisé les patients par un collier cervical de type Philadelphia pendant 2,5 mois. Nous n’avons pas mis de contention après la chirurgie car celle-ci nous semblait inconfortable notamment pour les patients âgés et fragiles. Kasimatis et al. ont étudié 74 patients : 65 ont eu un prélèvement iliaque et neuf ont eu la mise en place d’une cage en titane remplie d’os autologue. Ils ont montré un taux de fusion de 90,5 % [8]. Woodworth et al. ont suivi 17 patients traités par le même chirurgien, avec allogreffe et ont rapporté un taux de fusion de 88,2 % [23]. Dans notre étude, tous les neurochirurgiens de notre équipe pratiquaient cette chirurgie en situation d’urgence. Notre taux de fusion était de 86,2 %, ce qui est légèrement inférieur aux chiffres retrouvés dans la littérature. L’utilisation de cage dans la pathologie discale dégénérative est consensuelle et les taux de fusion osseuse sont élevés [16,17,25]. L’utilisation de cage réduit le taux de complications en lien avec le prélèvement iliaque [16]. La cage en PEEK a de nombreux avantages : elle a une forme anatomique qui épouse le relief de l’espace intersomatique ; elle maintient une hauteur discale, ce qui permet de libérer les foramens intervertébraux [25] ; elle est radio-transparente et permet ainsi le contrôle de la fusion osseuse ; elle est non résorbable et a des propriétés d’élasticité très proche de l’os [19]. Dans les traumatismes du rachis cervical, Kandziora et al. ont choisi des cages en titane remplies d’os spongieux autologue
associées à une plaque vissée antérieure et les ont comparées à un greffon iliaque classique [15]. Ils n’ont pas montré de différence significative par rapport aux taux de fusion osseuse. Toutefois, parmi leurs 53 patients suivis, 14 ont eu des complications en lien avec le prélèvement iliaque. Ils ont obtenu un taux de fusion de 76,9 % à 1 an pour le groupe traité par cage. Cependant, le délai de fusion semblait plus rapide pour le groupe traité par greffon iliaque [15]. Delepine et al. ont aussi étudié l’emploi de cage dans les traumatismes du rachis cervical [21]. Ils ont utilisé un modèle en PEEK rempli d’un greffon d’os spongieux prélevé au niveau de la crête iliaque et suivi d’une immobilisation par collier cervical pendant 2 à 3 mois. Ils ont montré une bonne fusion pour 26 des 30 cas (86,7 %) [21]. Song et al. ont montré une bonne fusion dans les 3 mois, pour 54 patients sur 58 (93,1 %) traités par arthrodèse par cage en PEEK et greffon d’os spongieux autologue (prélèvement iliaque) associé à une plaque vissée antérieure. Ils ont aussi ajouté une immobilisation avec un collier cervical pendant 6 semaines. [22]. Dans les traumatismes du rachis cervical, aucune étude n’a évalué l’usage de cage avec greffon synthétique d’hydroxyapatite. De plus, nous n’avons pas proposé aux patients le port d’une contention cervicale à l’inverse de la plupart des autres équipes [8,12,15,21,22]. Cette contention postopératoire devrait être étudiée ultérieurement car elle pourrait avoir un impact sur la fusion osseuse. Pour les quelques patients qui n’ont pas fusionné, le déplacement secondaire s’est produit tôt, dans les trois premiers mois suivant la chirurgie Cet échec était lié dans la majorité des cas à une réduction imparfaite avant arthrodèse. Le cas 5 (C6–C7) avait un déplacement antérieur de la cage et de la plaque probablement due à une hauteur de cage de 5 mm insuffisante et ayant pu conduire à une instabilité. Il paraît finalement plus approprié de mettre en place des cages de plus grande hauteur, égale ou supérieure à 6 mm dans la pathologie traumatique. Certains auteurs utilisent uniquement des cages de 7 à 8 mm [23]. Pour le cas 17, la réduction n’était pas optimale et il s’est produit un déplacement secondaire avec luxation articulaire. Le cas 20 était techniquement difficile à traiter parce que le patient avait un cou court difficile d’accès ainsi qu’une maladie de Forestier avec une ossification des ligaments. Il a eu un déplacement antérieur secondaire avec une pseudarthrose sans répercussion clinique. Ni une réduction externe ni une réduction sanglante n’ont pu être obtenue et il a été traité
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par une chirurgie complémentaire avec arthrodèse postérieure par vis trans-articulaire en place. Le cas 33 a eu un déplacement secondaire par défaut de réduction après la première chirurgie, la cage semblant également ne pas être assez enfoncée. De plus, il semblerait que les patients avec un déplacement secondaire avaient une moyenne d’âge plus élevé que le reste de la population étudiée. À la lumière de ces données, il apparaît que ces cas de non-fusion sont plus liés à des défauts de technique chirurgicale qu’a l’utilisation de substitut osseux synthétique. Ainsi, il est essentiel de s’assurer : • de la réduction parfaite d’une luxation avant de proposer un abord antérieur ; • d’aviver les plateaux vertébraux pour assurer une bonne interface osseuse et donc une bonne fusion ; • de mettre en place une cage de hauteur suffisante (6–7 mm) et de la positionner au centre de l’espace intersomatique ; • d’avoir recours à une ancre pour augmenter la stabilité primaire ; • d’associer une ostéosynthèse par plaque vissée antérieure ; • d’insérer les vis en les dirigeant vers le haut et vers le bas pour une meilleure résistance. Dans un cas, l’ancre n’a pas été utilisée (cas 23) et malgré tout la fusion a été obtenue en 1 an. Même si la fusion est probablement augmentée par l’adjonction d’une ancre, nous pensons que c’est majoritairement l’adjonction d’une plaque visée antérieure qui augmente principalement la fusion. Au moindre doute sur la réduction de la luxation articulaire, la voie d’abord postérieure est à privilégier. Même si la qualité de la fusion est reliée à la sévérité de la lésion initiale, notre politique pour la plupart des cas est de débuter par une voie d’abord antérieure tant que cela est possible. Rarement dans des cas sévères, nous ajoutons une immobilisation par collier cervical avec un suivi par imagerie rapprochée pour détecter un déplacement secondaire précoce. Dans ce cas, nous réalisons un abord complémentaire par voie postérieure. La voie antérieure avec la mise en place d’une cage synthétique a aussi un avantage économique. En effet, la durée de chirurgie est plus courte. Le coût d’une cage semble être plus bas que celui des possibles complications liées au prélèvement iliaque avec généralement une hospitalisation plus longue [15,21]. Les limites de cette étude étaient la faible taille de la population suivie, l’analyse rétrospective du matériel et le caractère unicentrique de l’étude. Le différents niveaux d’expérience des chirurgiens ont pu impacter les résultats. Il existait aussi un biais lié aux différents étages atteints du rachis cervical inférieur. En effet, les lésions situées aux pôles crânial et caudal (C2–C3 et C7–T1) sont techniquement plus difficiles à aborder. Enfin, notre population était inhomogène composée de patients d’âges différents, de fractures de morphologie variable, d’atteintes neurologiques hétérogènes et de comorbidités pour certains. Une autre limite de notre étude est la méthode d’évaluation de la fusion osseuse. Il n’y a pas de classification de la fusion intervertébrale cervicale admise à large échelle dans la littérature. La fusion rachidienne et le diagnostic de pseudarthrose nécessitent de recueillir une association d’arguments cliniques et provenant de modalités d’imagerie variées. Ainsi, évaluer le taux de fusion par radiologie standard peut être soumis à débat. Les radiographies dynamiques, même si elles ne sont pas réalisées en routine clinique, peuvent être utiles pour évaluer la fusion. Elles peuvent aider le chirurgien à diagnostiquer une pseudarthrose quand un mouvement excessif est dépisté. Cependant, l’absence de mouvement à un niveau opéré ne confirme pas la fusion. En effet, l’instrumentation associée diminue le mouvement et peut surestimer la fusion vertébrale. On peut aussi utiliser le scanner à coupes fines qui est plus sensible que les radiographies standards et qui reste la meilleure modalité d’évaluation non invasive de la fusion intervertébrale [26].
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4. Conclusion L’arthrodèse par cage en PEEK avec substitut osseux synthétique est une alternative au prélèvement iliaque dans les traumatismes aigus du rachis cervical. Cette technique a l’avantage de simplifier le geste chirurgical avec une réduction du temps opératoire et l’éviction de la morbidité liée au prélèvement iliaque. Cependant, il s’agit d’un travail préliminaire pour lequel il est nécessaire de réaliser une étude comparative prospective à plus large échelle pour confirmer l’intérêt des cages en PEEK avec substitut osseux synthétique dans la chirurgie du rachis cervical traumatique. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Lee BB, Cripps RA, Fitzharris M, Wing PC. The global map for traumatic spinal cord injury epidemiology: update 2011, global incidence rate. Spinal Cord 2014;52:110–6. [2] Hasler RM, Exadaktylos AK, Bouamra O, Benneker LM, Clancy M, Sieber R, et al. Epidemiology and predictors of spinal injury in adult major trauma patients: European cohort study. Eur Spine J 2011;20:2174–80. [3] Lieberman IH, Webb JK. Cervical spine injuries in the elderly. J Bone Joint Surg Br 1994;76:877–81. [4] Vaccaro AR, Hulbert RJ, Patel AA, Fisher C, Dvorak M, Lehman RA, et al. The subaxial cervical spine injury classification system: a novel approach to recognize the importance of morphology, neurology, and integrity of the discoligamentous complex. Spine 2007;32:2365–74. [5] Aarabi B, Walters BC, Dhali SS, Gelb DE, Hurlbert RJ, Rozelle CJ, et al. Subaxial cervical spine injury classification systems. Neurosurgery 2013;3: 170–85. [6] Gelb DE, Aarabi B, Dhali SS, Hurlbert RJ, Rozelle CJ, Ryken TC, et al. Treatment of subaxial cervical spinal injuries. Neurosurgery 2013;3:187–92. [7] Hadley MN, Walters BC. Introduction to the guidelines for the management of acute cervical spine and spinal cord injuries. Neurosurgery 2013;3:5–16. [8] Kasimatis GB, Panagiotopoulos E, Gliatis J, Tyllianakis M, Zouboulis P, Lambiris E. Complications of anterior surgery in cervical spine trauma: an overview. Clin Neurol Neurosurg 2009;111:18–27. [9] Yukawa Y, Kato F, Ito K, et al. Placement and complications of cervical pedicle screws in 144 cervical trauma patients using pedicle axis view techniques by fluoroscope. Eur Spine J 2009;18:1293–9. [10] Cloward RB. The anterior approach for removal of ruptured cervical disc. J Neurosurg 1958;15:602–17. [11] Smith GW, Robinson RA. The treatment of certain cervical-spine disorders by anterior removal of the intervertebral disc and interbody fusion. J Bone Joint Surg Am 1958;40:607–24. [12] Laus M, Pignatti G, Tigani D, Alfonso C, Giunti A. Anterior decompression and plate fixation in fracture dislocations of the lower cervical spine. Eur Spine J 1993;2:82–8. [13] Lee SH, Sung JK. Unilateral lateral mass-facet fractures with rotational instability: new classification and a review of 39 cases treated conservatively and with single segment anterior fusion. J Trauma 2009;66: 758–67. [14] Dimitriou R, Mataliotakis GI, Angoules AG, Kanakaris NK, Giannoudis PV. Complications following autologous bone graft harvesting from the iliac crest and using the RIA: a systematic review. Injury 2011;42:S3–15. [15] Kandziora F, Pflugmacher R, Scholz M, Schnake K, Putzier M, KhodadadyanKlostermann C, et al. Treatment of traumatic cervical spine instability with interbody fusion cages: a prospective controlled study with a 2-year follow-up. Injury 2005;36(Suppl. 2):B27–35. [16] Jacobs W, Willems PC, Kruyt M, van Limbeek J, Anderson PG, Pavlov P, et al. Systematic review of anterior interbody fusion techniques for single- and double level cervical degenerative disc disease. Spine 2011;36:E950–60. [17] Cho DY, Lee WY, Sheu PC, Chen CC. Cage containing a biphasic calcium phosphate ceramic (Triosite) for the treatment of cervical spondylosis. Surg Neurol 2005;63:497–503. [18] Cho DY, Liau WR, Lee WY, Liu JT, Chiu CL, Sheu PC. Preliminary experience using a polyetheretherketone (PEEK) cage in the treatment of cervical disc disease. Neurosurgery 2002;51:1343–9. [19] Boakye M, Mummaneni PV, Garrett M, Rodts G, Haid R. Anterior cervical discectomy and fusion involving a polyetheretherketone spacer and bone morphogenetic protein. J Neurosurg Spine 2005;2:521–5. [20] Hee HT, Kundnani V. Rationale for use of polyetheretherketone polymer interbody cage device in cervical spine surgery. Spine J 2010;10:66–9. [21] Delepine F, Jund S, Schlatterer B, de Peretti F. Experience with Poly Ether Ether Ketone (PEEK) cages and locking plate for anterior cervical fusion in the
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