Aspects génétiques des pneumopathies interstitielles diffuses

Aspects génétiques des pneumopathies interstitielles diffuses

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2012) 4, 381-386 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneum...

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Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2012) 4, 381-386 ISSN 1877-1203

Revue des

Maladies

Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française

Actualités Congrès annuel de l’American Thoracic Society San Francisco, États-Unis - 18-23 mai 2012

Mission ATS 2012 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire

70418

Coordination de la mission ATS de la SPLF : J.-C. Meurice, A.-T. Dinh-Xuan, D. Valeyre Coordination du numéro pour le Comité de Rédaction : A. Cuvelier

www.splf.org

Octobre Vol 4 2012



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PATHOLOGIES INTERSTITIELLES

Aspects génétiques des pneumopathies interstitielles diffuses Genetic aspects of diffuse interstitial lung diseases Y. Uzunhan Université Paris 13, PRES Sorbonne-Paris-Cité, EA2363, Assistance PubliqueHôpitaux de Paris, Service de pneumologie, Hôpital Avicenne, Bobigny, France

A

u cours de ces dernières années, le domaine de la génétique des pneumopathies interstitielles diffuses (PID) a connu des avancées notables avec la mise en évidence de nouveaux gènes candidats comme les gènes des télomérases et les gènes de mucines, sans compter les connaissances acquises sur les mutations des gènes des protéines C et A du surfactant. Le substratum génétique des PID repose sur plusieurs éléments, comme l’existence de formes familiales, caractérisées par un trait dominant autosomique à pénétrance variable. Les PID s’intègrent parfois dans des syndromes génétiques complexes comme le syndrome d’Hermansky Pudlak, la dyskératose congénitale ou encore la neurofibromatose (Tableau 1). Enfin, on sait qu’il existe une susceptibilité variable à l’exposition à un même facteur pro-fibrosant (par exemple l’amiante ou la silice) chez l’homme ou dans les modèles murins. La définition d’une PID familiale repose sur un diagnostic de PID probable ou certaine chez au moins deux cas sur trois générations au sein d’une même famille. La prévalence des formes familiales de fibrose pulmonaire, estimée initialement entre 0,5 et 2,2 % s’élèverait à 10 voire 19 % des PID dans des centres de transplantation [2-5]. La prévalence des PID familiales est estimée à 8,1 % dans la cohorte française de fibrose pulmonaire idiopathique (COFI) qui a été rapportée lors du congrès de Pneumologie de Langue Française (CPLF) en 2011.

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Uzunhan).

© 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Le phénotype des pneumopathies interstitielles diffuses familiales M.P. Steele (Durham, États-Unis) a fait au cours de ce congrès de l’American Thoracic Society (ATS) une mise au point sur les PID familiales (session C2). Il a essentiellement développé les phénotypes histologiques et tomodensitométriques au regard de la classification commune de l’ATS et de la European Respiratory Society (ERS) de 2002 [6]. La cohorte nord – américaine de PID familiale mise en place il y a 10 ans et qui compte actuellement plus de 800 malades reste ouverte, et un appel a été lancé pour le recrutement des nouveaux cas familiaux rencontrés. Les principaux travaux menés sur les formes familiales de fibrose montrent un tableau clinique, radiologique et évolutif comparable entre les formes familiales de fibrose pulmonaire idiopathique et les formes sporadiques avec cependant un âge de survenue plus précoce [2,4]. L’âge moyen au diagnostic d’une PID familiale était de 55 ans contre 68 ans pour une FPI sporadique [2,4]. En 2005, Steele et al. [7] ont publié la plus grande série de PID familiales avec 111 familles. Ce travail a permis de préciser les facteurs de risque de fibrose pulmonaire au sein de ces familles, à savoir l’âge, le sexe masculin et le tabagisme avec un risque relatif de 3,6 (intervalle de confiance (IC) à 95 % : 1,3-9,8) [7]. Un autre message important de ce

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Tableau 1 Pathologies pulmonaires avec composante génétique identifiée, s’intégrant dans un syndrome associant d’autres atteintes systémiques. D’après [1]. Maladie

Transmission

Gène

Pathogénie

Manifestations pulmonaires

Autres manifestations

Dyskératose congénitale

Liée à l’X, DA, RA

DKC1 TERC TERT TINF2

Raccourcissement des télomères

PID

- Cutanéo-muqueuses

NF1

Perte de fonction de suppresseur de tumeur

Neurofibromatose de type I

DA

- Insuffisance médullaire - Maladies hépatiques… PID, bulles apicales

- Taches café au lait - Neurofibromes - Gliomes…

Sclérose tubéreuse de Bourneville/LAM

DA

TSC1 TSC2

Prolifération de cellules de LAM

Kystes multiples

- Lésions cutanées - Angiomyolipomes - Hamartomes cerveau, peau, cœur, reins et poumons…

Syndrome de Birt-Hogg-Dubé

DA

Syndrome Hyper-IgE

DA

FLCN STAT3

Perte de la folliculine

Kystes multiples, pneumothorax

- Fibrofolliculomes

Défaut de lymphocytes TH17

Pneumatocèles, bronchectasies

- Eosinophilie et élévation des IgE

- Tumeurs rénales - Malformations faciès, osseuses - Infections répétées…

Syndrome d’HermanskyPudlak

RA

HPS1 HPS4

Défaut d’organelles cytoplasmiques

PID

- Albinisme oculo-cutané - Thrombopénie - Maladies rénales et cardiaques…

Maladie de Gaucher de type I

RA

GBA

Déficience en β-glucosidase acide

PID, HTP

- Cytopénies - Hépato-splénomégalie - Atteintes osseuses…

Maladie de Niemann-Pick de type B

RA

SMPD1

Déficience en sphingomyélinase acide

PID

- Hépato-splénomégalie

Intolérance aux protéines lysinuriques

RA

SLC7A7

Défaut de transport des acides aminés cationiques

PID

- Hépato-splénomégalie - Anomalies osseuses - Hypotonie musculaire

DA : dominante autosomique ; HTP : hypertension pulmonaire ; LAM : lymphangioléiomyomatose ; RA : récessive autosomique ; PID : pneumopathie interstitielle diffuse.

travail était l’hétérogénéité phénotypique des formes familiales. Différents patterns de PID peuvent coexister au sein d’une même famille. Un peu plus de la moitié (54,9 %) des formes familiales était classée pneumopathie interstitielle commune (PIC) tandis que les autres cas (45,1 %) avaient une autre PID [7].

Aspects morphologiques Au cours de cette même session, M.P. Steele a rapporté les résultats d’un travail non encore publié portant sur

les biopsies pulmonaires chirurgicales de 30 cas de fibrose familiale, visant à déterminer la prévalence des différents patterns de PID. Trois experts anatomo-pathologistes ont revu les lames en aveugle. Après consensus, le diagnostic histologique de PIC était retenu pour 40 % des cas. Soixante pourcent des cas avaient un diagnostic de non-PIC (PINS ou PID inclassable). La concordance inter- observateur était médiocre avec un coefficient κ à 0,37 [0,07, 0,67] ; 0,19 [-0,11, 0,49] et 0,27 [-0,08, 0,69]. Les lésions élémentaires comportaient des foyers fibroblastiques jeunes (86 %), une fibrose septale localisée (33 %) ou diffuse (40 %), une atteinte sous pleurale prédominante (60 %), un rayon

Aspects génétiques des pneumopathies interstitielles diffuses

Tableau 2

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Pathologies pulmonaires isolées ayant une composante génétique identifiée. D’après [1].

Maladie

Transmission

Gène

Pathogénie

Présentation

Anomalie du métabolisme du surfactant, type 1

RA

SFTPB

SP-B absent

Détresse respiratoire néonatale

Anomalie du métabolisme du surfactant, type 2

DA

SFTPC

Absence de SP-C et stress du RE

PID, PAP

Anomalie du métabolisme du surfactant, type 3

RA

ABCA3

Défaut de transport des phospholipides dans les corps lamellaires

PAP, PID

Anomalie du métabolisme du surfactant, type 4

RA

CSF2RA CSF2RB

Défaut de réponse au GM-CSF

PAP

Fibrose pulmonaire familiale

DA

TERT TERC

Raccourcissement des télomères

PID

DA

SFTPA2

Stress du RE dans l’épithélium alvéolaire

PID

Microlithiase alvéolaire

RA

SLC34A2

Défaut de clairance du phosphate des espaces alvéolaires

Micronodules calcifiés

DA : dominante autosomique ; RA : récessive autosomique ; PID : pneumopathie interstitielle diffuse ; PAP : protéinose alvéolaire pulmonaire ; SP-B : protéine B du surfactant ; SP-C : protéine C du surfactant ; RE : réticulum endoplasmique ; GM-GSF : facteur de croissance des granulocytes-macrophages.

de miel microscopique d’aspect diffus (20 %) ou localisé (70 %) ou encore une fibrose péri-bronchiolaire (37 %). En ce qui concerne l’imagerie des PID familiales, les résultats d’un travail réalisé sur 289 familles au sein desquelles 340 individus avaient une tomodensitométrie thoracique ont été présentés [8]. Deux radiologues ont analysé les images en aveugle et en cas de discordance, un troisième expert était consulté. Un aspect de PID était confirmé chez 85 % des patients avec essentiellement des images de réticulations sous- pleurales associées à des opacités en verre dépoli (80 %). Les autres patterns observés consistaient en des opacités isolées en verre dépoli (40 %), du rayon de miel (32 %) et des micronodules (22 %). De façon intéressante, la distribution des lésions était crânio-caudale chez la plupart des patients (64 %) tandis que l’atteinte prédominait aux bases dans un tiers des cas (31 %). Le plus souvent sous-pleurale (67 %), l’atteinte était diffuse sur le plan axial dans 30 % des cas. Le diagnostic de PIC certaine ou probable était retenu dans 22 % des cas, quand celui de PINS (certaine ou probable) l’était dans 12 % des cas. Néanmoins, dans la majorité des cas (55 %), la PID était inclassable. Ainsi, les auteurs concluent que le pattern prédominant de PIC observé au cours des PID sporadiques n’est pas le plus fréquent au cours des formes familiales. La concordance inter-observateur était ici excellente avec un coefficient κ à 0,95. Trente sept patients avaient une histologie, dont 19 avaient un pattern histologique de PIC. Comme le soulignent les auteurs, le recours à l’histologie étant indiqué par une imagerie non univoque, l’aspect tomodensitométrique correspondait à une PIC dans seulement 5 de ces 19 cas. Douze patients avaient une PID inclassable sur l’imagerie, un patient avait un aspect de pneumopathie d’hypersensibilité et un autre un aspect de PINS. L’histologie ne permettait pas de

retenir un pattern défini de PID dans 11 cas. Aucun pattern précis de PID n’était retenu à l’issue de la confrontation de l’imagerie et de l’histologie chez 7 patients. Les autres patterns histologiques étaient une PINS (n = 4), une pneumopathie organisée (n = 1) ou une bronchiolite respiratoire avec pneumopathie interstitielle diffuse (n = 1).

Facteurs de risque des PID familiales Enfin, M.P. Steele a rappelé que l’exposition à des aérocontaminants reste un facteur de risque de PID familiale comme au cours des PID sporadiques [9]. Ainsi, les agriculteurs et les ouvriers ont un sur-risque de développer une pneumopathie interstitielle s’il existe une notion de PID dans leur famille, avec des chiffres respectivement estimés à 3,46 [IC 95 % ; 1,97-6,22] (p < 0,0001) et 2,45 [IC 95 % ; 1,42-4,31] (p = 0,0005). Outre l’exposition au tabac, l’exposition aux herbicides, aux détergents, aux poussières de céréales ou de bois constituent des facteurs favorisant les PID familiales. Dans le cadre de la génétique des maladies pulmonaires, on distingue deux cas de figure selon que la maladie pulmonaire s’inscrit dans un syndrome associant différentes atteintes systémiques caractérisées (Tableau 1) ou que la maladie pulmonaire est isolée (Tableau 2). Concernant les PID familiales, les principaux gènes identifiés à ce jour sont ceux des protéines du surfactant (protéines C et A), des télomérases (TERT et TERC) et des mucines (MUC5B). Néanmoins, la grande majorité des familles n’a pas encore de gène candidat identifié. Les mutations mises en évidence peuvent, pour certaines, se rencontrer dans les formes sporadiques de FPI. Ceci est en particulier vrai pour les mutations du promoteur de MUC5B, qui néanmoins ne sont pas détectées au cours des PID de sclérodermie [10].

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Mutation des gènes des protéines du surfactant Les pathologies du surfactant concernent essentiellement la pneumologie pédiatrique avec entre autres les protéinoses alvéolaires primitives et les défaillances respiratoires néonatales. Le tableau 2 indique les principales anomalies du métabolisme du surfactant et ses manifestations pulmonaires. Certaines de ces mutations sont rencontrées au cours des PID notamment familiales de l’adulte.

La protéine C du surfactant Une délétion portant sur l’exon 4 de la protéine C du surfactant a été identifiée à propos de deux cas de PID au sein d’une même famille (mère ayant une pneumopathie interstitielle desquamative et enfant ayant une PINS) [11]. L’analyse d’une large famille comportant 14 cas de PID familiale (dont 11 adultes et 3 enfants ayant une PIC histologique respectivement dans 6 et 3 cas) sur 5 générations avec des patients âgés de 4 mois à 57 ans, confirme l’existence d’une mutation (L188Q) portant sur l’exon 5 du gène de la protéine C du surfactant [12]. Il s’agit d’une mutation de transmission dominante autosomique dont la conséquence fonctionnelle est une anomalie de structure du précurseur de la protéine C du surfactant, responsable d’un défaut de formation des corps lamellaires dans les pneumocytes de type II. La pathogénie de la mutation est confirmée par la transfection du gène muté sur un modèle murin. Cette anomalie de la protéine du surfactant induirait une augmentation du stress du réticulum endoplasmique impliqué dans la pathogénie de la fibrose pulmonaire [14]. Dans une étude danoise, les anomalies de la protéine C du surfactant ont été observées chez 5 des 20 patients analysés avec une PID familiale [5]. En revanche, les mutations de la protéine C du surfactant sont exceptionnellement observées au cours des formes sporadiques de PID [14,15]. Dans une étude britannique portant sur 89 patients ayant une FPI et 46 une PINS, un séquençage du gène de la protéine C du surfactant a été pratiqué comparativement à un groupe de 104 témoins sans pneumopathie interstitielle. Un polymorphisme du gène a été décelé chez 13 patients (9,6 % [IC 95 % : 0,1-4,1]) avec une modification sur un acide aminé chez seulement 1 patient (0,7 %) [14]. Aucune mutation n’a été décelée dans une étude allemande portant sur 35 patients ayant une PID sporadique [15].

La protéine A du surfactant Les mutations portant sur le gène de la protéine A2 du surfactant ont été plus récemment incriminées notamment dans les PID familiales associées à des cancers broncho-pulmonaires (adénocarcinomes) [16]. La protéine A du surfactant est caractérisée par l’existence de deux isoformes A1 et A2. L’analyse pangénomique réalisée sur les membres d’une famille comptant 11 malades

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ayant une PID familiale et 7 cas de cancers bronchiques, a permis de cibler une région de 15,7 Mb située sur le chromosome 10 (10q22). Sur les 118 gènes d’intérêt éventuels, les gènes candidats retenus sont ceux des protéines A1, A2 et D du surfactant, gènes exprimés de façon spécifique dans le poumon distal. Le séquençage de ces gènes a permis alors d’identifier la mutation G231V sur le gène de la protéine A2 du surfactant [16]. Le séquençage du gène chez 58 membres d’une famille a permis de déceler une autre mutation (F198S). Les travaux in vitro menés sur ces deux mutations suggèrent là aussi une accumulation des précurseurs anormaux de la protéine A du surfactant, contribuant à l’augmentation du stress du réticulum endoplasmique. Cependant, contrairement aux mutations de la protéine C du surfactant, le taux de SP-A reste conservé dans les prélèvements tissulaires ou de LBA des patients ayant cette mutation [17].

Mutation des gènes codant pour le complexe télomérase La télomérase, ribonucléoprotéine associant un composant ARN TERC (TElomerase RNA Component) et une sous-unité protéique, la reverse transcriptase TERT (TElomerase Reverse Transcriptase), permet de catalyser l’addition des télomères, séquences répétitives d’ADN (TTAGGG)n à l’extrémité des chromosomes. Elles empêchent ainsi le raccourcissement progressif des télomères au cours de la réplication de l’ADN à chaque division cellulaire. Les anomalies des télomérases, présentes dans les cellules germinales, sont à l’origine d’une sénescence cellulaire prématurée.

La dyskératose congénitale Décrites initialement dans la dyskératose congénitale, les mutations des gènes codant pour le complexe télomérase sont observées dans la fibrose pulmonaire mais aussi dans d’autres processus fibrosants chez l’adulte, tels que les myélodysplasies et la fibrose hépatique. La dyskératose congénitale est une affection héréditaire rare (prévalence 1/1 000 000 h) caractérisée par une triade qui associe des anomalies de la pigmentation cutanée, une dystrophie unguéale et une leucoplasie de la langue. Dans 20 % des cas, une fibrose pulmonaire peut se développer, associée ou non à une insuffisance médullaire ou à une insuffisance hépatique. Une mutation du gène de la dyskérine, protéine impliquée dans le complexe télomérase est décrite dans sa forme liée à l’X. Dans sa forme dominante autosomique, des mutations de TERT et TERC sont rapportées [18].

Complexe télomérase et PID En s’appuyant sur ces résultats, Armanios et al. [19], ont étudié 73 familles du registre des PID familiales à la recherche de mutations de TERT et TERC. Une mutation de TERT a été identifiée pour 5 familles et de TERC chez 1 famille. À partir de ce travail publié en 2007, plusieurs autres familles

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ont été analysées, permettant d’estimer la prévalence des mutations hétérozygotes du complexe télomérase à 18 % des PID familiales [18,19]. La prévalence des mutations des télomérases dans les formes sporadiques de PID est quant à elle estimée à 1-3 % [19,20]. Sur le plan fonctionnel, ces mutations entraînent in vitro une diminution de la capacité des télomérases avec un raccourcissement des télomères dont la longueur est inférieure au 10e percentile dans les leucocytes du sang périphérique, en comparaison avec des individus de même âge et de même sexe. Des auteurs se sont intéressés à la longueur des télomères au sein des patients ayant une PID sporadique (n = 75) comparativement aux patients ayant une PID familiale (n = 71) [21]. De façon intéressante, 25 % des patients ayant une PID sporadique (dont 3 % ayant une mutation de TERT) et 37 % de ceux ayant une PID familiale (dont 17 % ayant une mutation hétérozygote de TERT ou de TERC) avaient un raccourcissement signifi catif des télomères, inférieur au 10e percentile [21]. Ces données témoignent du rôle d’autres facteurs (comme l’âge, le sexe masculin et le tabagisme) dans le raccourcissement des télomères. Par ailleurs, au sein des familles ayant une mutation hétérozygote de TERT, on note un raccourcissement des télomères impliquant de rôle de modifications épigénétiques dans ce phénomène [20]. L’analyse du phénotype des individus (n = 134) ayant une mutation de TERT permettait d’observer une prévalence de PID atteignant 40 %. Il s’agissait d’un tableau de FPI dans la plupart des cas et elle apparaissait dans 60 % des cas au-delà de 60 ans. De façon étonnante aucun cas de dyskératose congénitale n’était rapporté dans cette série mais les patients avaient une insuffisance médullaire et/ou une maladie hépatique dans respectivement 16 % et 8 % des cas. Là encore le rôle de l’exposition aux pneumotoxiques (tabac, exposition professionnelles et domestiques) était souligné chez 95 % des cas de PID familiale [20]. Enfin, le phénotype des individus ayant une mutation de TERT a été étudié, comparativement aux individus, appariés selon l’âge, le sexe et le tabagisme, indemnes de la mutation au sein de ces mêmes familles [22]. Les résultats montrent une plus forte incidence des anomalies tomodensitométriques infra-cliniques, une altération de la DLCO (p = 0,001), des anomalies hématologiques discrètes comme l’augmentation du volume globulaire moyen (p = 6,6 × 10−8) et de la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (p = 1,05 × 10−7) ainsi qu’un chiffre plus faible de plaquettes sans réelle thrombopénie (p < 0,05) dans le groupe « muté ». Aussi, les porteurs de mutations avaient plus précocement des cheveux blancs (33 ± 11 ans vs 39 ± 7 ans, p = 0,041) et des télomères plus courts (p = 0,035), éléments bien corrélés à la présence d’une mutation des télomérases [22]. Aucune donnée n’est disponible quant à l’impact pronostique ou encore thérapeutique de ces mutations.

Mutation du gène codant pour le promoteur de MUC5B À partir de 82 familles de patients ayant une PID familiale, Seibold et al. [23] ont réalisé une vaste étude d’analyse

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d’association pangénomique (genomewide analysis), permettant de cibler la région p-terminale du chromosome 11. Dans cette région de 8,4 Mb, les auteurs se sont intéressés au polymorphisme portant sur un seul nucléotide (single nucleotide polymorphism, SNP). Une cartographie de 306 SNP a été ainsi réalisée avec une étude comparative entre des patients ayant une PID familiale (n = 145), des patients ayant une FPI (n = 152) et des témoins (n = 233). Les promoteurs des gènes codants pour les mucines ont été ainsi identifiés et séquencés. Une forte association entre le polymorphisme rs35705950 du promoteur du gène de MUC5B et la fibrose pulmonaire familiale ou sporadique a été alors mise en évidence. Ce résultat a été vérifié sur une large population indépendante de patients ayant une PID (83 ayant une PID familiale et 492 ayant une FPI sporadique) et de témoins (n = 322). Ce polymorphisme était présent chez 34 % des patients ayant une PID familiale, 38 % de ceux ayant une FPI sporadique et 9 % des témoins (association allélique avec la PID familiale, p = 1,2×10−15 ; association allélique avec la FPI sporadique, p = 2,5×10−37). Le risque relatif de PID familiale chez les hétérozygotes et les homozygotes pour l’allèle rs35705950 était estimé respectivement à 6,8 (IC 95 % : 3,9-12,0) et à 20,8 (IC 95 % : 3,8-113,7). Ces chiffres étaient respectivement de 9,0 (IC 95 % : 6,2-13,1) et 21,8 (IC 95 % : 5,1-93,5) pour la FPI sporadique [23]. L’expression de MUC5B dans le poumon était 14,1 fois plus élevée chez les sujets ayant une FPI par rapport aux sujets témoins (p < 0,001). Chez les individus indemnes de fibrose, les hétérozygotes avaient une expression pulmonaire de MUC5B 37,4 fois plus élevée que les individus homozygotes pour l’allèle sauvage (p < 0,001). En revanche, chez les patients ayant une FPI sporadique, il n’y avait pas de différence en termes d’expression de MUC5B, que le patient soit hétérozygote ou homozygote pour l’allèle sauvage. Ainsi, l’augmentation de l’expression de MUC5B indépendamment de l’existence de la mutation identifiée plaide là encore pour le rôle de facteurs environnementaux ou d’autres facteurs génétiques dans ce phénomène. En immuno-histochimie, MUC5B se distribuait dans les zones de fibrose à l’interface entre les bronchioles et les alvéoles et notamment dans les territoires d’hyperplasie épithéliale adjacents aux lésions de rayon de miel microscopique. Selon les auteurs la surexpression de MUC5B pourrait contribuer à la pathogénie de la fibrose. Cette accumulation de MUC5B altèrerait les mécanismes de défense de la muqueuse aboutissant à une agression pulmonaire excessive par défaut de clairance des agents inhalés et conduisant à terme au développement d’une fibrose pulmonaire. Présentes dans un tiers des cas de FPI sporadiques, elles sont en revanche absentes chez les patients ayant une PID associée à une sclérodermie [10].

Conclusion En conclusion, l’implication de gènes exprimés dans l’épithélium alvéolaire (protéines du surfactant, télomérases) dans les formes familiales voire sporadiques de fibrose pulmonaire renforce non seulement la place de ces cellules dans la fibrogénèse pulmonaire, mais elle conforte l’hypothèse pathogénique actuelle d’un défaut de réparation alvéolaire après

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lésion. Le rôle des facteurs d’agression alvéolaire est souligné et plaide pour des mesures de précautions d’autant plus rigoureuses en présence d’un terrain génétique favorisant. Un recours à des explorations de dépistage en particulier en cas de mutation des protéines A2 du surfactant pourrait être discuté. Cependant, ces mesures doivent passer par une concertation pluridisciplinaire avec conseil génétique et elles suscitent des questions éthiques non résolues a fortiori s’il s’agit d’individus asymptomatiques. Enfin, l’analyse pangénomique mettant en lumière le rôle des mucines ouvre la voie à de nouvelles thématiques de recherche dans le domaine de la fibrogénèse pulmonaire.

Déclarations d’intérêt L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt potentiel en rapport avec le thème de l’article.

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