Sexologies (2011) 20, 255—260
RECHERCHE
Aspects psychologiques des couples infertiles夽 A. Galhardo (MA) a,b,1,∗, M. Cunha (PhD) a,b, J. Pinto-Gouveia (MD, PhD) b a
Instituto Superior Miguel Torga, CINEICC—Faculdade de Psicologia e de Ciências da Educac¸ão da Universidade de Coimbra, Largo da Cruz de Celas, n◦ 1, 3000-132 Coimbra, Portugal b CINEICC—Faculdade de Psicologia e de Ciências da Educac¸ão da Universidade de Coimbra, Coimbra, Portugal Disponible sur Internet le 9 septembre 2011
MOTS CLÉS Infertilité ; Couples ; Psychologie ; Psychopathologie
夽 ∗ 1
Résumé Le but de cette étude est de dresser un portrait de la psychologie des couples infertiles et de leur ajustement matrimonial. Quatre-vingts couples sans problèmes de fertilité connus (NC), 80 couples ayant un diagnostice de problèmes d’infertilité et suivant un traitement médical (IG), et 40 couples diagnostiqués infertiles, candidats à l’adoption (AG), ont complété les instruments d’évaluation suivants : échelle de dépression de Beck, Depression Inventory, Coping Styles Questionnaire, Others As Shamer, Experience of Shame Scale, Acceptance and Action Questionnaire, Self Compassion Scale, Intimacy Dimensions, Female Sexual Function Index, International Index of Erectile Function, et Dyadic Adjustment Scale. Les résultats ont montré que les couples du groupe IG ont eu des scores plus élevés que les couples des groupes NC et AG, concernant les mesures de la dépression et de la honte externe et interne. Les couples du groupe IG ont présenté des scores plus élevés dans les modes de coping évitants et émotionnels tandis que le groupe AG a montré un coping détaché et rationnel peu élevé. Concernant l’acceptation et l’autocompassion, les couples du groupe IG ont montré des scores plus bas. Ils ont aussi montré de plus hauts scores concernant l’intimité que le groupe NC. L’ajustement dyadique était plus haut pour le groupe AG. Ces couples ont eu des scores plus élevés que les NC mais aucune différence n’a été trouvée entre eux et le groupe IG. Aucune différence entre les groupes n’a été trouvée en termes de fonctionnement sexuel. Les sujets avec un diagnostic d’infertilité ont montré des scores significativement supérieurs dans les mesures psychopathologiques et des scores significativement inférieurs dans les mesures de fonctionnement psychologique plus positif/protecteur. Les sujets infertiles ont présenté des scores plus élevés que les sujets normaux du groupe témoin concernant l’intimité, ce qui suggère que l’infertilité peut être un facteur de cohésion du couple (par exemple pendant le traitement médical). Contrairement à ce qui est mentionné en littérature, il n’y avait pas de différences significatives dans le fonctionnement sexuel entre les groupes. © 2011 Publié par Elsevier Masson SAS.
DOI de l’article original : 10.1016/j.sexol.2011.08.005. This issue also includes an English version: Galhardo, A., Cunha, M., Pinto-Gouveia, J. Psychological aspects in couples with infertility. Auteur correspondant. PhD étudiant.
1158-1360/$ – see front matter © 2011 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.sexol.2011.08.006
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Introduction L’infertilité peut être caractérisée comme une maladie de l’appareil reproducteur définie par l’impossibilité de mener à bien une grossesse clinique après 12 mois ou plus de rapports sexuels réguliers non protégés (Zegers-Hochschild et al., 2009). L’incapacité de concevoir un enfant a été décrite comme une expérience qui induit du stress chez l’individu aussi bien que dans le couple. Certains auteurs ont suggéré qu’une des conséquences émotionnelles les plus difficiles de la stérilité est la perte de contrôle sur sa propre vie (Cousineau et Domar, 2007), l’infertilité étant la question centrale excluant les autres aspects importants de la vie. La recherche montre une forte prévalence de troubles psychiatriques chez les femmes recevant un traitement médical pour l’infertilité. Chen et al. (2004) ont montré que 40,2 % d’entre elles présentent un trouble psychiatrique, avec trouble anxieux généralisé comme diagnostic le plus fréquent (23,2 %), suivi par dépression caractérisée (17,0 %) et trouble dysthimique (9,8 %). Il est à noter que les niveaux d’anxiété et de dépression chez les femmes stériles sont équivalents à ceux trouvés chez les femmes atteintes de maladies cardiaques, cancers ou VIH (Domar et al., 2000). L’infertilité est sans aucun doute une crise et un événement qui cause du stress (Leiblum et Greenfield, 1997 ; Brovich et Fisher, 1998 ; Burns et Covington, 1999, cités dans Wischmann et al., 2001). Ses conséquences peuvent être vues à divers niveaux, les plus remarquables étant la douleur personnelle et les répercussions sociales. Considérant que l’infertilité et son traitement sont des conditions induisant du stress, Cousineau et Domar (2007) suggèrent qu’il y a preuve de l’influence que cette souffrance et cette anxiété peuvent exercer sur les résultats du traitement médical. Ils mentionnent que cela peut contribuer à la prise de décision des couples pour continuer le traitement médical (par exemple les difficultés de tolérance à la douleur physique et psychologique peuvent conduire à l’abandon du traitement médical). En résumé, les implications du traitement médical suggèrent qu’il est essentiel d’avoir un suivi psychologique durant tout le processus d’intervention médicale. Cette prise en charge a pour but principal de s’assurer que les couples infertiles comprennent bien les implications du traitement choisi, rec ¸oivent un soutien émotionnel, et soient capables de sortir indemnes des conséquences de l’expérience de l’infertilité (Boivin, 2003). En raison du manque d’études portugaises sur les aspects psychologiques liés à l’état d’infertilité, la présente étude entend contribuer à une meilleure compréhension de la nature complexe de ce diagnostic et de son impact psychologique.
Participants et méthode Participants L’échantillon de cette étude est constitué par trois groupes. Le premier est un groupe témoin, (comme échantillon de base) extrait de la population générale, constitué de
A. Galhardo et al. 80 couples d’âge fertile, avec au moins un enfant et sans problèmes d’infertilité connus. Le groupe clinique se compose de 80 couples avec diagnostic d’infertilité qui ont cherché à se traiter dans le public et le privé et ont donné leur consentement éclairé pour participer à l’étude. Le troisième groupe de comparaison se compose de 40 couples qui, en dépit des problèmes de stérilité qu’ils présentent, sont des candidats à l’adoption et ne poursuivent pas de traitement médical. Ce dernier groupe a également donné son consentement éclairé et a été réuni par les services sociaux portugais de l’adoption. Le Tableau 1 présente les informations sociodémographiques des trois groupes. En ce qui concerne l’âge et le niveau d’éducation, les patients stériles et ceux du groupe témoin ne présentent pas de différences statistiquement significatives. Les candidats à l’adoption sont plus âgés et présentent un degré d’instruction plus bas. Ils sont également mariés depuis plus longtemps par rapport au groupe témoin et au groupe de patients infertiles. Pour contrôler l’effet de l’âge sur les variables étudiées, nous avons effectué des corrélations de Pearson et n’avons trouvé aucune corrélation significative (Tableau 1).
Mesures Les sujets des trois groupes ont rempli un ensemble de documents auto-administrés choisis en fonction de leurs caractéristiques psychométriques et utilité clinique. « L’echelle de dépression de Beck » (BDI ; Beck et al., 1961 ; Version portugaise par Vaz Serra et Pio Abreu, 1973). Cet instrument est une mesure d’auto-évaluation des symptômes dépressifs, composé de 21 groupes de questions auxquelles les sujets répondent en des termes qui décrivent le mieux ce qui leur arrive. Le BDI est un instrument largement admis pour évaluer la dépression dans les échantillons cliniques et détecter la dépression dans les populations normales. Dans cette étude l’alpha de Cronbach était de 0,88. « Others As Shamer » (OAS ; Goss et al., 1994, version portugaise par Matos et Pinto-Gouveia, 2010). Cette échelle de 18 items mesure la honte externe (les jugements globaux sur la fac ¸on dont les gens pensent que les autres les voient) ; les participants répondent sur une échelle à cinq points (0—4) sur la fréquence de leurs sentiments et expériences, à des questions comme : « je sens que les gens me voient comme pas assez bon pour eux » et « je pense que les gens me considèrent de haut ». Des scores élevés sur cette échelle indiquent une honte externe importante. Un Cronbach alpha de 0,92 a été constaté dans la présente étude. « Experience of Shame Scale » (ESS ; Andrews et al., 2002, version portugaise par Lopes et Pinto-Gouveia, 2005) est une échelle en 27 items évaluant les sentiments de honte autour de trois domaines personnels clés : le caractère (habitudes personnelles, manières avec les autres, quel genre de personne vous êtes et vos aptitudes personnelles), le comportement (la honte de faire mal quelque chose, de dire quelque chose de stupide et l’échec dans des situations concurrentielles) et le corps (avoir honte de son propre corps ou de certaines parties de celui-ci). Chaque question indique la fréquence à laquelle les patients ont éprouvé, pensé ou évité la honte dans chacun des trois domaines clés au cours
Aspects psychologiques des couples infertiles Tableau 1
257
Caractéristiques sociodémographiques.
Âge Années d’études Années de mariage
Groupe témoin (n = 160)
Groupe infertile (n = 160)
Groupe adoption (n = 80)
M
SD
M
SD
M
SD
34,29 14,29 8,24
3,71 3,53 3,77
33,16 14,61 5,77
3,85 3,23 2,52
36,64 11,04 10, 61
6,37 4,20 5,43
de l’année précédente, et les résultats sont classés sur une échelle à quatre points (1—4). Bien que nous utilisions d’habitude ce questionnaire pour mesurer la honte interne, il n’a pas été conc ¸u pour mesurer spécifiquement ce concept. Dans la présente étude, l’ESS (échelle de l’expérience de la honte) a montré un Cronbach alpha de 0,95. Seuls les totaux de cette échelle ont été utilisés pour cette étude. « Acceptance and Action Questionnary II » (AAQ ; Bond et al., 20071 , version portugaise par Pinto-Gouveia et Gregório, 2007). C’est un autoquestionnaire en dix points qui évalue la flexibilité psychologique à travers l’acceptation. Les réponses sont classées selon une échelle de Likert en sept points. Pour cette étude, la compatibilité interne était de 0,86. « Coping Styles Questionnary » (CSQ ; Roger et al., 1993, version portugaise par Pinto-Gouveia et Dinis, in press) : c’est un ensemble de 41 questions mesurées sur une échelle de Likert en quatre points Ses quatre sous-échelles évaluent les modes de coping suivants : émotionnel (se sentir sans valeur, sans importance, submergé par les émotions), détaché (se sentir indépendant des évènements et des émotions que ceux-ci procurent), rationnel (orienté sur les taches), et évitant (évitement psychologique et physique). Le Cronbach alpha trouvé pour cet outil était de 0,83. « Self Compassion Scale » (SELFCS ; Neff, 2003, version portugaise par Castilho et Pinto-Gouveia, in press) Mesure de l’autocompassion comportant 26 questions évaluées sur une échelle en cinq points. Pour cette étude, nous avons seulement utilisé la sous-échelle d’autocompassion qui est la somme des sous-échelles : chaleur humaine, humanité (courante) et attention. Sa valeur alpha était de 0,87. « Intimacy Dimensions Scale » (IDS ; Crespo et al., 2006). Il s’agit d’un outil en 43 questions développé pour évaluer l’intimité dans des relations de couples. L’étude de la structure factorielle indique la présence de deux facteurs : interdépendance (cette sous-échelle est lié aux sentiments, à l’ouverture et au partage, à l’appui émotionnel, à la confiance, à la réciprocité et à la sexualité), et dépendance (insécurité dans les relations du couple, dépendance envers l’autre, évitement des conflits et autodépréciation). Les questions sont évaluées sur une échelle à cinq points. L’alpha de Cronbach trouvé pour cet instrument était 0,87.
1 Bond F, Hayes S, Baer R, Carpenter K, Orcutt H, Waltz T et al. Preliminary psychometric properties of the Acceptance Action Questionnaire-II: a revised measure of psychological flexibility and acceptance. 2007 (soumis pour publication).
F (2,397)
p
Post hoc
16,54 29,64 46,92
0,000 0,000 0,000
AG > NC ; AG > IG AG > NC ; AG > IG AG > NC > IG
« Dyadic Adjustment Scale » (DAS ; Spanier, 1976, version portugaise par Nobre, 2003). C’est une échelle multidimensionnelle de 32 questions qui évalue l’ajustement des relations. Une réponse en six grades de classement est utilisée allant de : « toujours d’accord » à « toujours en désaccord ». L’étude de la structure factorielle indique l’existence de quatre facteurs : consensus dyadique, satisfaction dyadique, cohésion dyadique et expression émotionnelle. Dans la présente étude, nous avons employé le total des scores de l’échelle et le Cronbach alpha était de 0,92. « Female Sexual Function Index » (FSFI ; Rosen et al., 2000, version portugaise par Nobre et Pinto-Gouveia, 2002a). L’index de la fonction sexuelle féminine est un autoquestionnaire en 20 points qui évalue six dimensions différentes du fonctionnement sexuel féminin telles que : l’intérêt/le désir sexuel, l’excitation sexuelle, la lubrification, l’orgasme, la satisfaction sexuelle et la douleur sexuelle. Quatorze points sont évalués sur une échelle de 0—5 et six points sont évalués sur une échelle de Likert 1—5. Dans notre étude l’alpha de Cronbach était de 0,95. « International Index of Erectile Function » (IIEF ; Rosen et al., 1997, version portugaise par Nobre et Pinto-Gouveia, 2002b). L’index international de la fonction érectile mesure en 20 questions les différents aspects du fonctionnement sexuel masculin (fonction érectile, orgasme, désir sexuel, satisfaction sexuelle, éjaculation prématurée et satisfaction globale). Treize questions sont évaluées sur une échelle 0—5 et sept points sont évalués sur une échelle de 1—5. Dans la présente étude l’alpha de Cronbach était de 0,92.
Résultats Afin d’explorer les différences entre les trois groupes dans les variables étudiées, nous avons effectué une série d’Anova (analyses de la variance) (Tableau 2). Concernant la psychopathologie, les résultats prouvent que le groupe infertile a présenté des scores significativement plus hauts sur la dépression, la honte externe et interne, tandis que les sujets témoins et les candidats à l’adoption n’ont pas différé de manière significative. Des différences significatives entre les trois groupes ont été trouvées dans les sous-échelles : coping émotionnel et évitant du CSQ. Les couples infertiles ont réalisé de plus hauts scores dans les modes de coping évitant et émotionnel que les couples témoins. Il y avait également une tendance non significative des couples stériles à moins de stratégies rationnelles de coping par comparaison aux couples témoins.
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A. Galhardo et al.
Tableau 2
BDI OAS ESS CSQ F1 CSQ F2 CSQ F3 CSQ F4 AAQ SELFCS IDS DAS IFSF IIFE a
Comparaisons entre les trois groupes en utilisant l’analyse de la variance. Groupe témoin (n = 160)
Groupe infertile (n = 160)
Groupe adoption (n = 80)
M
SD
M
SD
M
SD
4,99 14,49 43,55 26,54 11,76 16,81 9,24 38,61 41,33 162,38 117,22 85,11 85,00
4,96 8,25 11,40 3,56 4,32 4,38 3,47 12,60 7,66 14,53 12,51 17,32 13,88
8,21 18,81 49,50 24,43 11,85 16,06 10,81 35,29 40,56 166,10 119,42 82,93 83,55
7,34 11,97 16,26 5,34 4,74 4,22 4,32 9,84 8,76 12,77 14,25 15,11 17,51
4,25 14,83 40,61 22,59 13,13 17,18 12,16 47,67 43,24 164,25 121,94 84, 59 85,05
5,92 83,87 11,10 8,89 4,23 4,69 4,44 14,34 7,55 12,89 15,41 9,94 7,31
F (2, 317)
p
Post hoc
15,37 8,50 13,89 13,88 2,79 2,08 15,14 28,73 2,92 3,03 3,20 0,440 0,236
0,000 0,000 0,000 0,000 0,062 0,126 0,000 0,000 0,055 0,049 0,042 0,645 0,790
IG > NC ; IG > AG IG > NC ; IG > AG IG > NC ; IG > AG AG > IG > NCa
AG > IG > NC AG > NC > IG AG > IG IG > NC AG > NC
Les scores de cette étude sont inversés, plus la réponse est forte, plus le score est bas.
Les candidats à l’adoption ont présenté un mode de coping détaché et rationnel significativement plus élevé. Concernant l’acceptation, nous avons trouvé des différences significatives entre les trois groupes. Le groupe infertile a eu les scores les plus bas sur AAQ-II tandis que les couples candidats à l’adoption ont montré les valeurs moyennes les plus élevées. Il y avait une différence statistique significative entre le groupe candidats à l’adoption et le groupe infertiles concernant l’autocompassion, les couples stériles montrant les scores les plus bas dans ce domaine. Concernant l’intimité, les résultats ont montré que les couples infertiles ont eu des scores d’IDS significativement plus hauts que le groupe témoin mais pas différents du groupe candidats à l’adoption. Le groupe candidats à l’adoption a montré des moyennes statistiques significativement plus élevées dans l’ajustement dyadique comparées aux couples témoins et aucune autre différence n’a été trouvée pour cette variable. Il est intéressant de noter qu’aucune différence significative n’a été trouvée entre les trois groupes, dans les échelles mesurant le fonctionnement sexuel. Cependant, il y avait une tendance non significative pour le groupe infertile à montrer des scores légèrement inférieurs (Tableau 2).
Discussion La présente étude cherche à explorer le fonctionnement psychologique et l’ajustement matrimonial des couples avec un diagnostic d’infertilité. Pour mieux comprendre la spécificité des aspects psychologiques des couples infertiles confrontés à un processus de traitements médicaux, deux groupes témoins ont été employés. Concernant la psychopathologie, nous avons constaté que les couples infertiles ont présenté des scores statistiques significativement plus hauts sur la dépression. Ces résultats corroborent nos prévisions et sont conformes aux études précédentes, suggérant que le
diagnostic d’infertilité est étroitement corrélé à des symptômes dépressifs (Chen et al., 2004 ; Wischmann et al., 2001). Nous avons également constaté que les sujets infertiles ont eu les score les plus hauts en ce qui concerne la honte externe et interne. Ces résultats s’ajoutent à la littérature existante en suggérant que ces personnes se voient exister dans l’esprit des autres en tant que personnes aux caractéristiques négatives, non attirantes, sans valeur, déficientes, ou inférieures. En outre, ces personnes semblent se percevoir de manière négative, comme inadaptées, différentes, peu attachantes, et indignes (Gilbert, 1998, 2002). Nos résultats viennent étoffer les précédents concernant la gestion de l’infertilité (Panagopoulou et al., 2006 ; Peterson et al., 2006 ; Schmidt et al., 2005). Dans les deux modes inadaptés de coping mesurés par les sous-échelles d’évitement et émotionnelle, le groupe « infertilité » a présenté des scores plus élevés que les témoins sains. C’està-dire que les couples avec diagnostic d’infertilité semblent faire face aux difficultés de la vie avec une forte réponse émotionnelle et ont tendance à éviter physiquement et psychologiquement d’affronter les difficultés. C’est peut-être dû au fait que ces personnes ont plus de difficultés à réguler leurs émotions et utilisent l’évitement comme une stratégie défensive, afin de se protéger du fardeau des émotions liées à l’infertilité. Au contraire, les couples candidats à l’adoption tendent à faire face aux difficultés de la vie en recourant à des stratégies plus rationnelles et plus détachées ce qui peut signifier qu’ils savent se distancier des problèmes et faire face aux situations de défi de manière active et réaliste. Des études ultérieures devraient explorer ces résultats d’une manière plus détaillée. En ce qui concerne les modes de fonctionnement psychologique positif, les résultats montrent que le groupe des couples infertiles présente des scores inférieurs à la fois dans l’acceptation et l’autocompassion. Cela suggère que les personnes infertiles sont moins capables d’accepter leurs états mentaux négatifs (par exemple les sentiments, les pensées) et ont moins de flexibilité psychologique (Bond et al., 2007 ;
Aspects psychologiques des couples infertiles Hayes et Smith, 2005). En outre, ces personnes semblent lutter pour être aimables et compréhensives envers ellesmêmes dans les situations de douleur et d’échec. Elles semblent également moins capables de percevoir leurs expériences en tant que partie de l’expérience humaine globale et de prendre conscience de leurs pensées et sentiments douloureux (Neff, 2003 ; Gilbert, 2005). À notre connaissance, ces relations n’ont été jamais étudiées dans cette population, ainsi la présente étude peut être vue comme une contribution à la compréhension de la fonction protectrice de l’acceptation et de l’autocompassion. En outre, les résultats de l’étude actuelle ont montré que les couples infertiles rapportent plus d’intimité que les témoins sains, ce qui pourrait suggérer que l’état d’infertilité, ainsi que les procédures de traitement médical, peuvent fonctionner comme facteur de cohésion dans les couples. Schmidt et al., 2005 ont constaté que les couples tendent à percevoir l’infertilité comme quelque chose qui les a réunis et/ou a renforcé leurs relations. Selon les études précédentes, (Weaver et al., 1997 cité dans Monga et al., 2004), nous n’avons trouvé aucune différence significative entre les couples infertiles et les couples témoins concernant l’ajustement dyadique. Cependant, le groupe « adoption » a montré un ajustement dyadique significativement plus élevé comparé aux couples « témoins ». Ces couples ont pu avoir déjà traversé plusieurs difficultés dans leurs mariages et ont ainsi développé un ajustement matrimonial plus fort. Contrairement à nos prévisions et à ce qui a été mentionné dans la littérature (Ramezanzadeh et al., 2006 ; Read, 2004), aucune différence significative na été trouvée entre les groupes concernant les variables de la fonction sexuelle. Néanmoins, il faut remarquer une tendance non significative pour les couples infertiles à avoir des scores plus bas dans ces variables. Nous présumons que ces résultats peuvent être expliqués par l’intérêt social et de futures études devraient contrôler cet effet, grâce à des mesures du fonctionnement sexuel par des instruments autres que l’autoquestionnaire. En conclusion, les personnes infertiles peuvent éprouver une plus grande pression due à ce diagnostic. Elles doivent gérer l’échec des espoirs personnels, familiaux et culturels d’être parents, ainsi que le traitement médical lui-même qui peut être plutôt douloureux et intrusif. Cela peut amener ces sujets à être plus enclins à la dépression, la honte, à des stratégies d’adaptation dysfonctionnelles aussi bien qu à un fonctionnement psychologique moins protecteur. Réciproquement, les candidats à l’adoption peuvent avoir déjà eu à surmonter le chagrin du processus de « l’enfant biologique » et leur décision d’adopter peut les avoir amenés à se sentir moins dépressifs et honteux. Ils ont également pu développer une certaine acceptation et une plus grande attitude autocompatissante, des stratégies de coping plus adaptées ainsi qu’une relation conjugale plus ajustée. Les résultats de la présente étude devraient être interprétés en tenant compte de quelques limitations méthodologiques. Les échantillons en coupe transversale de notre étude ne permettent pas de tirer des conclusions causales. En outre, dans le groupe des couples infertiles, les différences dans les techniques de reproduction assistée (ART) n’avaient pas été contrôlées, pas plus que l’ancienneté du diagnostic d’infertilité et le nombre de
259 cycles de traitements médicaux déjà subis. De futures études devraient aborder ces questions. Néanmoins, l’inexistence de la recherche prenant en compte ces variables psychologiques dans la population infertile portugaise fait de notre étude un pionnier dans ce domaine.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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