42e congrès SFSCMF Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:264-272 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Atteintes oculaires lors d’un traumatisme léger de la face R. Montard Correspondance : R. Montard, Service d’Ophtalmologie, CHU Jean Minjoz, boulevard Fleming, 25030 Besançon Cedex.
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Service d’Ophtalmologie, CHU Jean Minjoz, Besançon.
Summary
Résumé
Ocular contusions are common and cause significant morbidity. The mechanism of ocular contusion is a decrease in the length of the anterioposterior axis whereas the transversal axis increases. Epidemiology data shows that young men are most injured in relation with sports, aggression, work, or car or work accidents. Injury to the ocular surface (conjunctiva and cornea) is minor. The iris is very frail, usually leading to hyphema which can progress to glaucoma. A cataract can appear after a contusion but usually years after the trauma. Final visual acuity can be compromised by retinal contusion or retinal detachment (due to a retinal dehiscence or post-traumatic dialysis). The worst outcome is optic neuropathy. The most difficult task is to predict visual acuity after the initial ocular lesion.
Les lésions traumatiques du globe oculaire sont une source importante de morbidité et d’invalidité. La contusion provoque un raccourcissement de l’axe antéropostérieur avec un agrandissement transversal pouvant entraîner de multiples lésions oculaires. Les circonstances de survenue sont les accidents de la voie publique, du travail, domestique ainsi que les agressions et le sport. Il s’agit le plus souvent d’hommes jeunes. Les atteintes superficielles de la conjonctive et de la cornée sont bénignes et guérissent spontanément. Le segment antérieur est plus fragile notamment le corps ciliaire et l’iris qui saignent facilement, provoquant un hyphéma qui lui-même peut entraîner un glaucome. Le cristallin développe une cataracte dans des délais très variables mais souvent à distance du traumatisme. Le segment postérieur pose le problème de la récupération visuelle à la suite d’une contusion ou d’un décollement de rétine secondaire aux déhiscences ou dialyses post-traumatiques. L’atteinte du nerf optique, très fragile, reste de pronostic sombre. Les troubles oculomoteurs lors de fractures orbitaires sont complexes mais souvent résolutifs dans le temps. Toutes ces atteintes oculaires posent des problèmes médico-légaux à long terme. Il est donc important de savoir les dépister lors du traumatisme.
Keywords: Traumatism, Eye injuries, Visual acuity. Montard R. Ocular injuries in mild facial trauma. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:264-272.
Mots-clés : Traumatisme, Lésions oculaires, Baisse d’acuité visuelle.
L
es lésions traumatiques du globe oculaire sont une source importante de morbidité et d’invalidité surtout dans les atteintes bilatérales. Les traumatismes du globe oculaire représentent 1,3 à 3,7 % des urgences traumatologiques [1, 2] et 5 % des hospitalisations pour traumatismes [3, 4]. Nous exposerons les traumatismes fermés du globe oculaire, c’est-à-dire les contusions oculaires, qui sont les plus fréquen264
tes dans le cadre des traumatismes légers de la face. Nous évoquerons les plaies perforantes avec ou sans corps étrangers intraoculaires dont la prise en charge reste chirurgicale par un service spécialisé. Après un rappel de l’anatomie et de la physiopathologie de la contusion oculaire, nous rapporterons son épidémiologie et sa clinique, plan par plan, d’avant en arrière du globe oculaire.
Atteintes oculaires lors d’un traumatisme léger de la face
Anatomie Le globe oculaire est situé au sein de la cavité orbitaire. Il est protégé en avant par l’occlusion palpébrale qui est réflexe lors des traumatismes. La couche la plus superficielle du globe oculaire est la conjonctive qui tapisse le globe depuis la cornée jusqu’au fornix où elle se retourne pour recouvrir la partie interne des paupières (conjonctive tarsale). L’œil est subdivisé en deux grandes parties (fig. 1) : – le segment antérieur se compose anatomiquement de la cornée en avant, du cristallin en arrière. L’angle irido-cornéen en périphérie permet l’évacuation de l’humeur aqueuse. À ce niveau, on retrouve l’iris et, à sa base, les corps ciliaires qui produisent l’humeur aqueuse. – le segment postérieur, limité en avant par le cristallin, compose la cavité vitréenne tapissée par la rétine et la choroïde. Au niveau de la rétine, la zone essentielle est le pole postérieur qui est constitué de la macula et de la papille (abouchement du nerf optique).
Les plaies oculaires Il faut distinguer les plaies non perforantes représentées par les corps étrangers cornéens, le plus fréquent étant la limaille de fer. Elles sont quotidiennes pour un ophtalmologiste. Les plaies oculaires avec perforation sont graves et doivent être diagnostiquées pour une prise en charge dans un service spécialisé d’ophtalmologie. Le diagnostic peut être facilement suspecté à l’interrogatoire s’il existe une notion de projection (marteau et burin, débrousailleuse, verre lors d’un accident…). La douleur et la baisse d’acuité visuelle ne sont pas des signes fonctionnels constants. L’examen est le temps fondamental, il doit être méthodique. Les signes fondamentaux à rechercher sont : – l’existence d’une plaie palpébrale transfixiante, – la visualisation d’une plaie cornéenne ou sclérale (fig. 2), – une ulcération de cornée avec un test positif à la fluorescéine, – un signe de Seidel (on observe un écoulement de l’humeur aqueuse après instillation de fluorescéine) (fig. 3), – une hypotonie du globe par comparaison au côté opposé, – une pupille déronde (fig. 4). Un traumatisme par perforation peut toucher toutes les structures oculaires. Un examen détaillé à la lampe à fente est donc nécessaire. De plus un scanner orbitaire est indispensable afin de rechercher l’existence d’un corps étranger intraoculaire.
Figure 1. Coupe anatomique selon les planches du Syndicat National des Ophtalmologistes de France (www.snof.org).
Les contusions oculaires Physiopathologie des contusions Le mécanisme de la contusion du globe oculaire est parfaitement connu [5]. L’agent vulnérant qui vient frapper le segment antérieur du globe va provoquer dans un premier temps un raccourcissement de l’axe antéropostérieur du globe et un agrandissement du diamètre transversal. Le recul des éléments antérieurs formant le diaphragme peut être plus ou moins important et, suivant cette importance, peut entraîner des ruptures au niveau des insertions de l’iris, du corps ciliaire et du corps vitré. Dans un deuxième temps, cette force contusive antéropostérieure, rencontrant une résistance très importante au niveau de la sclère postérieure, revient d’arrière en avant, repoussant la masse vitréenne et le diaphragme irido-cristallinien. On comprend alors la possibilité des lésions à tous les niveaux : – recul de l’angle, – iridodialyse et hyphéma, – rupture du sphincter irien, – subluxation ou luxation du cristallin, – décollement traumatique du vitré, 265
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Figure 2. Plaie sclérale. Figure 3. Effet Seidel. Figure 4. Plaie de cornée avec hernie de l’iris.
– lésions rétiniennes, – syndrome contusif du pôle postérieur, – déchirure de la choroïde. Cette contusion, si elle est suffisamment puissante, peut entraîner la rupture du globe, le plus souvent immédiatement en arrière du limbe.
Épidémiologie des contusions oculaires Cette pathologie traumatique touche avant tout des sujets jeunes (30 à 40 ans), essentiellement de sexe masculin (entre 60 et 80 % des cas) [6]. Les enfants sont très souvent concernés et représentent à eux seuls le quart des contusions. On note cinq grandes causes de traumatismes : – Les accidents du travail sont impliqués dans 8 à 48 % des cas. Ces accidents pourraient être en partie prévenus par l’utilisation de verres de protection, ce qui n’est que très rarement le cas chez ces patients [7, 8]. – Les accidents liés à une activité domestique. Ils touchent particulièrement les enfants [9, 10]. 266
– Les accidents de la voie publique sont en régression grâce au port obligatoire de la ceinture de sécurité et grâce à la généralisation de pare-brise de voiture en verre feuilleté. L’airbag, mis en cause à ses débuts, ne semble pas être une cause majeure de contusion oculaire [11, 12]. – Les agressions. Leur fréquence varie entre 7 et 43 %. Le segment postérieur est impliqué dans 70 % des cas. L’absorption d’alcool est retrouvée dans 43 % des cas. Là encore, l’homme de 30 ans est le principal intéressé [3]. – Les accidents sportifs représentent 25 % des traumatismes oculaires. Les sports de balle (football, tennis, squash, badminton) sont les plus fréquemment impliqués. Les sports de combat et notamment la boxe exposent aussi aux lésions oculaires [13-15].
Les contusions conjonctivales La réaction conjonctivale aux traumatismes est bien connue. L’hémorragie sous conjonctivale, souvent alarmante pour le patient et son entourage, est en fait le plus souvent bénigne
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(fig. 5). Il s’agit soit d’une forme localisée traduisant un traumatisme mineur, soit une forme diffuse avec hémorragie sous conjonctivale totale pouvant entraîner un chémosis. Le plus souvent cette hémorragie sous conjonctivale se résorbe spontanément, entre 15 et 30 jours, sans séquelles.
de la cornée. La résorption est très lente, mais le plus souvent totale. Dans tous les cas d’atteinte cornéenne, le risque de la perte de la transparence est majeur (fig. 7) auquel cas il sera nécessaire de réaliser une kératoplastie transfixiante afin de réadapter la fonction visuelle.
Les contusions cornéennes Les contusions de l’iris Érosion de cornée
L’iris, de par sa position et sa fragilité, est rarement épargné.
Il s’agit d’une atteinte strictement épithéliale respectant la membrane de Bowman (fig. 6). Les causes de ces érosions sont faciles à retrouver : coup d’ongle, papier, cil frottant ou petit corps étranger caché sous la paupière. Les signes fonctionnels sont marqués par une vive douleur, une photophobie, un blépharospasme et une baisse d’acuité visuelle. L’évolution est généralement rapidement favorable sous collyre antibiotique et cicatrisant. Les complications peuvent être marquées par : – l’infection qui est toujours possible en raison du caractère plus ou moins septique de l’agent causal, – l’érosion de cornée récidivante qui provient d’une lésion de la couche profonde épithéliale ou stroma antérieur.
Ruptures iriennes Elles sont souvent sphinctériennes et responsables d’une irrégularité crénelée de la pupille avec une semi mydriase peu ou pas réflexique à la lumière, généralement régressive mais pas toujours.
Modifications du diamètre pupillaire La mydriase post-contusive est très fréquente.
Décharge pigmentaire
Il est le plus souvent secondaire à une hypertonie oculaire ou directement lié à une rupture de la membrane de Descemet.
Elle peut s’observer précocement avec un tyndall pigmentaire (présence de cellules en chambre antérieure) souvent accompagné d’une hypertonie oculaire. En rétro-illumination on note une atrophie irienne avec accumulation de pigments au niveau de l’angle.
Hématocornée
Iridodonésis
Il s’agit de l’imprégnation du stroma cornéen par des produits de dégradation des hématies. L’aspect clinique est typique avec une opacité rouge sombre voire brune de la totalité
Il traduit la mobilisation (vibration du centre de l’iris) d’une portion de l’iris secondaire par exemple à une subluxation postérieure du cristallin.
Œdème de cornée
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Figure 5. Hémorragie sous conjonctivale. Figure 6. Érosion cornéenne.
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Les séquelles iriennes sont marquées par les synéchies iriennes postérieures et modifications de teinte de l’iris avec une hypochromie.
nelle chez le sujet aphaque (absence de cristallin), il peut provenir d’une hémorragie du vitré diffusant dans le segment antérieur. La résorption de l’hyphéma s’effectue essentiellement par les voies d’écoulement de l’humeur aqueuse (trabéculum), d’où le risque d’hypertonie oculaire important. Il faudra toujours penser, chez un enfant en bas âge, à un syndrome « des enfants battus ».
Les contusions du corps ciliaire Le corps ciliaire est plus protégé que l’iris et donc probablement moins lésé en traumatologie, mais son atteinte est beaucoup plus grave. Elle survient lors de chocs antérieurs généralement très violents. Le retentissement clinique est fonction de la profondeur et de l’étendue de la cyclodialyse : – des troubles réfractifs transitoires et durables peuvent survenir, – des troubles du tonus oculaire avec hypotonie, – les hyphémas (cf. chapitre suivant).
Le glaucome Une hypertonie oculaire, voire un glaucome, peut survenir après une contusion fermée. Les lésions contusives de l’angle dépendent de l’intensité et de la direction du traumatisme [18]. On peut observer, d’avant en arrière : – un recul de l’angle, – une déchirure du trabéculum, - une lésion de la racine de l’iris allant jusqu’à une iridodialyse (fig. 9). L’hypertonie peut être précoce survenant dans les premiers jours. Elle est alors le plus souvent résolutive à l’aide d’un
L’hyphéma L’hyphéma (ou hémorragie dans la chambre antérieure) est le motif principal d’hospitalisation lors de la contusion oculaire [16, 17] (fig. 8). L’hyphéma post-contusif a deux origines principales : l’iris et/ou le corps ciliaire. De manière exception-
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Figure 7. Taie de cornée post-traumatique. Figure 8. Hyphéma. Figure 9. Dialyse de l’iris.
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traitement médical. L’hypertonie prolongée est le plus souvent due à une subluxation du cristallin et ou un hyphéma important ou récidivant. Il existe des glaucomes tardifs post-contusifs qui ont les mêmes caractéristiques évolutives qu’un glaucome chronique, c’est-à-dire qu’ils aboutissent progressivement et asymptomatiquement à une détérioration visuelle irréversible. C’est souvent d’ailleurs à l’occasion de la découverte d’un glaucome chronique unilatéral que l’interrogatoire « policier » et l’examen minutieux font le diagnostic rétrospectif d’une contusion oculaire.
Rupture choroïdienne
Les contusions du cristallin
L’apparition d’un trou maculaire peut compliquer l’évolution d’un œdème de Berlin, d’une hémorragie sous-rétinienne ou d’une rupture choroïdienne. Les mécanismes physiopathologiques sont multiples et intriqués et l’évolution peut prendre des années.
La cataracte Deux mécanismes entrent en jeu : soit un choc direct sur le globe, soit un choc indirect (forte décélération). Les cataractes sont soit corticales antérieures, soit plus souvent en rosace postérieure tout à fait typique. Ces cataractes peuvent être retardées par rapport au traumatisme de plusieurs jours à plusieurs années posant ainsi des problèmes médico-légaux.
Les luxations ou subluxations du cristallin Elles sont généralement la conséquence d’un choc très violent (fig. 10). Ces luxations peuvent survenir à l’occasion d’un traumatisme même minime sur des terrains de fragilité zonulaire en particulier dans les syndromes de Marfan ou de pseudoexfoliations capsulaires. Les symptômes sont : baisse d’acuité visuelle, myopisation, astigmatisme induit et ou diplopie binoculaire. L’indication opératoire est fonction de la gravité de la luxation et de la gêne. Bien entendu, la chirurgie est plus complexe qu’une chirurgie standard [19].
Les traumatismes de la rétine Contusions rétiniennes Le pôle postérieur est particulièrement exposé aux lésions post-contusives (fig. 11 et 12) [6]. Le classique œdème de Berlin décrit un tableau clinique comprenant une baisse d’acuité visuelle brutale associée à un œdème blanc de la rétine qui régresse le plus souvent sans séquelle avec une récupération visuelle totale. L’œdème de Berlin se retrouve au décours d’une contusion oculaire dans 10 % des cas [20]. De la même manière, on retrouve des contusions rétiniennes périphériques dont l’évolution se fait vers une régression de l’œdème le plus souvent sans séquelle (fig. 13).
Il s’agit d’une rupture de la membrane de Bruch [21] qui, peu élastique, cède lors du traumatisme (fig. 14). Sa rupture s’associe fréquemment à une lésion de l’épithélium pigmentaire sus-jacent. Très souvent, s’associent des hémorragies sous rétiniennes. L’évolution se fait vers une récupération de l’acuité visuelle dans la moitié des cas. Les facteurs de mauvais pronostic sont les ruptures fovéolaires avec hémorragies rétro-fovéolaires et des néovaisseaux secondaires [22, 23].
Trou maculaire
Déhiscences et décollement de rétine Le traumatisme est la première cause de décollement de rétine chez l’enfant et l’adulte jeune. On peut décrire plusieurs aspects : – Hémorragie du vitré : elle est fréquente au décours d’une contusion du globe (6 %) [24]. Son importance varie d’un simple tyndall hématique à une hémorragie massive pouvant masquer un décollement de rétine. – Avulsion du vitré : elle est pathognomonique d’une contusion oculaire et secondaire aux modifications brutales de la forme de l’œil après l’impact. – Dialyse rétinienne : elle se caractérise par la séparation de la rétine de l’épithélium non pigmenté à l’ora serrata. La dialyse rétinienne est le plus fréquemment liée à un traumatisme oculaire. – Déchirure géante : la déchirure géante est définie comme une déchirure s’étendant sur plus de 90° de la périphérie rétinienne [25, 26]. Une déchirure géante peut survenir après un choc violent sur le globe oculaire en dehors de tout autre facteur de risque, cependant les myopes forts restent particulièrement exposés. – Déhiscences traumatiques : d’autres déhiscences moins fréquentes que les dialyses à l’ora et moins spectaculaires que les déchirures géantes peuvent compliquer une contusion du globe oculaire. L’amincissement rétinien secondaire à une nécrose d’impact peut entraîner l’apparition de trous qui peuvent être à l’emporte-pièce ou de petite taille. Dans tous les cas de déchirures rétiniennes, l’évolution se fait vers le décollement de rétine qui nécessite une prise en charge 269
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chirurgicale dans les meilleurs délais (fig. 15) soit par voie externe (indentation et cryothérapie) soit par voie interne (vitrectomie et endolaser).
Les contusions du nerf optique Les neuropathies optiques post-traumatiques sont responsables d’un pourcentage non négligeable d’effondrement de l’acuité visuelle. Malheureusement le diagnostic est souvent méconnu. Classiquement on peut scinder l’atteinte en deux catégories [27] : – la déchirure ou nécrose contusive du nerf optique avec baisse d’acuité visuelle complète et immédiate. Le pronostic visuel est sombre ; – l’hémorragie ou infarctus partiel du nerf lié à une compression par œdème ou hématome. La baisse visuelle est retardée par rapport au traumatisme et le pronostic visuel est meilleur.
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Ils se rencontrent le plus souvent au cours des fractures du plancher de l’orbite et parfois de la paroi interne. La rupture de la synergie oculomotrice est une des complications les plus fréquentes au cours des contusions orbitaires avec ou sans fractures. Il existe trois grands principes : – plus le foyer de fracture est large, plus les troubles oculomoteurs sont rares, – en l’absence de diplopie initiale, on ne relève pas de diplopie secondaire, – plus la fracture est petite et/ou postérieure, plus les troubles oculomoteurs sont importants. Cliniquement il peut s’agir d’un défaut d’alignement oculaire (strabisme), d’une limitation du champ d’action d’un ou plusieurs muscles oculomoteurs, d’une rétraction du globe oculaire, d’un élargissement ou d’un rétrécissement de la fente palpébrale, d’ascension ou d’abaissement d’un œil dans les versions binoculaires.
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Figure 10. Subluxation du cristallin. Figure 11. Œdème de Berlin. Figure 12. Œdème de Berlin en cliché anérythe vert. Figure 13. Contusion rétinienne inférieure. Figure 14. Rupture hémorragique de la membrane de Bruch. Figure 15. Décollement de rétine.
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Les désordres oculomoteurs
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La plainte fonctionnelle la plus fréquente est une diplopie, rarement une perte de la vision stéréoscopique ou une amputation du champ visuel. Le degré d’invalidité causée par une diplopie dépend de plusieurs facteurs incluant l’importance et la direction de la déviation. De grandes déviations sont souvent moins invalidantes que les petites déviations où la confusion des images est plus grande. La diplopie post-traumatique est multidirectionnelle : horizontale, verticale ou en torsion. La limitation du champ d’action oculaire peut atteindre un ou deux yeux dans une ou plusieurs directions. Elle peut être liée soit à un défaut de contraction musculaire soit à une réduction de l’élasticité des tissus orbitaires : la distinction entre les deux mécanismes est souvent aidée par le test de duction forcée. Les désordres oculomoteurs ont une évolution très variable avec une amélioration spontanée pouvant aller de quelques jours à quelques semaines (modifications jusqu’à six mois). Une diplopie persistante, résiduelle ou induite par le traitement, est d’autant plus invalidante qu’elle se manifeste dans le regard primaire. La confrontation de l’examen clinique, de l’imagerie médicale, du test de Lancaster et d’un test de duction forcée permet de préciser le mécanisme : – désincarcération insuffisante ou réenclavement de la périorbite, – atteinte neurogène qui peut se résoudre ou se stabiliser au bout de six mois, – fibrose de la périorbite et du matériel d’interposition. Si la fracture a été opérée et que le trouble oculomoteur persiste, le traitement consiste dans un premier temps à une prismation puis après six mois à une intervention oculomotrice. Si la diplopie apparaît au décours de la chirurgie, une révision du plancher n’est indiquée qu’après une surveillance de trois mois (il existe souvent une parésie du droit inférieur). Si la fracture n’a pas été opérée, il existe une déformation du cadre orbitaire engendrant une énophtalmie qu’il convient de corriger par greffe osseuse.
dans certains cas (celle-ci étant toujours plus délicate que sur un œil sain) avec un pronostic varié et une réadaptation plus ou moins longue. La déficience s’apprécie après correction. Ainsi un trouble de la réfraction qui peut être entièrement corrigé par un moyen optique ne sera pas considéré comme une déficience oculaire [28]. La cécité totale et absolue se définit par la perte totale bilatérale de la vision. Elle correspond à un taux d’incapacité de 85 %. La perte totale d’un seul œil entraîne un taux de 25 %. Le principal impact est l’aptitude au permis de conduire. Pour le groupe I (léger) il est nécessaire d’avoir une acuité visuelle binoculaire supérieure à 5/10 avec un œil supérieur à 6/10 si l’autre a une acuité nulle (ou inférieur à 1/10) et un champ visuel binoculaire horizontal supérieur à 120°. Pour le groupe II (lourd) l’acuité doit être supérieure à 8/10 au meilleur œil et à 5/10 au moins bon. Dans les deux groupes, en cas de perte de vision d’un œil, un délai de six mois est nécessaire avant de délivrer ou de renouveler le permis. Les séquelles ophtalmologiques sont rarement inesthétiques sauf en cas d’atteinte grave de la cornée qui se calcifie et donc devient blanche. De même, il existe peu de conséquences douloureuses sauf lorsqu’un œil non fonctionnel devient phtisique (atrophie optique) auquel cas une éviscération à but antalgique peut être réalisée.
Aspect médico-légal
Références
L’aspect le plus important en ophtalmologie est bien entendu la fonction visuelle. Celle-ci se retrouve compromise en cas de diminution de la transparence des milieux (opacité cornéenne, cataracte) ou d’atteinte du système neurorétinien (décollement de rétine, trou maculaire, œdème de Berlin, neuropathie optique). Une correction chirurgicale est possible
1.
Conclusion Les contusions oculaires peuvent entraîner des lésions multiples et invalidantes. L’examen initial est souvent difficile et incomplet du fait de l’œdème palpébral et de l’anxiété du patient. Il permet cependant d’établir un premier bilan et a une valeur pronostique et médico-légale mais il doit être répété à froid afin de bénéficier d’un examen minutieux. Il est toujours capital sur le plan médico-légal de devoir émettre des réserves quant aux risques de complications oculaires tardives souvent de mauvais pronostic.
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