Annales Me´dico-Psychologiques 170 (2012) 145–146
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www.sciencedirect.com
Communication affiche´e
Autour de la reconnaissance du crime en psychiatrie me´dico-le´gale : une e´tude sur le parricide On the recognition of crime in forensic psychiatry: A study on parricide Patrick Le Bihan *, Serra Ureten, Yann Lavole´ Unite´ pour malades difficiles, centre hospitalier, 89, rue Cazeaux-Cazalet, 33410 Cadillac, France
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Disponible sur Internet le 11 fe´vrier 2012
Cette e´tude descriptive porte sur 56 patients, hommes, auteurs de parricide, hospitalise´s dans l’unite´ pour malades difficiles (UMD) de Cadillac depuis la cre´ation de cette unite´ de soins. Elle e´value la reconnaissance des faits, les motivations exprime´es, le comportement apre`s le crime notamment de nature a` alte´rer la manifestation de la ve´rite´. ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Aveu Crime Parricide Schizophre´nie
A B S T R A C T
Keywords: Confession Crime Parricide Schizophrenia
This descriptive study concerns 56 male inpatients in a maximum-security hospital at Cadillac, near Bordeaux in France, who have committed a parricide. The authors assess the recognition of crime, the apparent motives and behaviour following the facts who could alter the expression of truth. ß 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction L’ancien Code pe´nal de´finissait le parricide comme « le meurtre des pe`res ou me`res le´gitimes, naturels ou adoptifs, ou de tout autre ascendant le´gitime » (Art. 299 CP). Le parricide est plutoˆt rare, repre´sentant 2 a` 3 % de l’ensemble des homicides [1–5]. Son incidence est estime´e a` 30 cas annuels dans notre pays [2–4]. Les donne´es e´pide´miologiques montrent qu’il est le plus souvent commis par le fils (90 %) et que, parmi les adultes auteurs de parricide, la schizophre´nie est l’affection la plus fre´quente.
2. Objectifs Les objectifs sont : e´valuer la reconnaissance des faits dans une population de patients hospitalise´s auteurs de parricide ; e´tudier les motivations exprime´es, le comportement apre`s le crime de nature a` alte´rer la manifestation de la ve´rite´ des faits * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Le Bihan). 0003-4487/$ – see front matter ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.amp.2012.01.016
(maquillage de la sce`ne de crime, fuite, de´ni, amne´sie invoque´e, disculpation). 3. Mate´riel et me´thode Cette e´tude descriptive porte sur 56 patients, hommes, auteurs de parricide ayant e´te´ hospitalise´s dans l’unite´ pour malades difficiles (UMD) de Cadillac depuis la cre´ation de cette unite´ de soins en 1963. Elle repose sur les dossiers me´dicaux, les expertises psychiatriques pe´nales, les rapports d’autopsie et proce`s-verbaux disponibles, les ordonnances d’irresponsabilite´ pe´nale pour cause de trouble mental. L’aˆge moyen lors du crime est de 30,9 ans (SD 10,3, e´tendue 17 a` 66 ans). Ces sujets sont souvent ce´libataires (80,3 %), n’exercent pas de profession (69,6 %) et vivent avec la victime (60,7 %). Les pathologies sont une schizophre´nie, souvent paranoı¨de, ou un trouble schizo-affectif (85,7 %), un de´lire paranoı¨aque (10,7 %), plus rarement un trouble psychotique lie´ a` des substances psychoactives (1,8 %) ou une personnalite´ e´motionnellement labile (1,8 %). L’intelligence est le plus souvent dans la moyenne (78,6 %). Les 64 victimes sont, par ordre de fre´quence de´croissante, la me`re (51,6 %), le pe`re (40,6 %) ou un grand-parent (7,8 %). Il y a huit cas de double parricide. Tous les milieux sociaux sont repre´sente´s. Le crime est perpe´tre´ la plupart du temps au domicile de la victime que partage souvent l’agresseur.
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4. Re´sultats L’arrestation a lieu dans la majorite´ des cas dans les 24 heures suivant l’homicide (73 %). Pour les autres patients, l’interpellation se produit en moyenne 6,8 jours apre`s les faits (SD 5,6, e´tendue 1–21), parfois dans une autre ville ou de´partement (14,3 %), voire en Espagne ou a` la frontie`re (3,6 %). Apre`s les faits, moins de la moitie´ des meurtriers reste sur le lieu du crime (44,6 %). En majorite´ ils reconnaissent avoir commis le crime (87,5 %). Cette reconnaissance des faits est quelquefois diffe´re´e, apre`s une phase de de´ni ou de dissimulation (8,9 %). L’intention de tuer, exprime´e par le meurtrier apre`s son acte, est particulie`rement fre´quente (84 %), le crime e´tant pre´me´dite´ dans 37,5 % des cas. Les motivations exprime´es sont le plus souvent de´lirantes (89 %), notamment de perse´cution avec sentiment de menace pour la vie physique (47,6 %) ou psychique (54,8 %) et parfois des hallucinations impe´ratives (19,6 %). Les faits sont parfois commis en contexte de prise d’alcool (16 %) ou de substances illicites (16 %). Beaucoup de´crivent un sentiment ancien d’impasse relationnelle, d’e´touffement, d’e´chec de toutes les tentatives de prise de distance, avec de´pendance hostile envers un parent parfois haı¨. On constate dans la plupart des cas l’importance de la composante violente et e´motionnelle du passage a` l’acte : mobile irrationnel, impulsivite´, cole`re, stress, arme d’opportunite´, blessures multiples, acharnement, manque de self-control et de pre´cautions pour e´chapper a` la police, abandon du corps laisse´ en e´vidence sur place. Environ un quart font la de´marche de se de´noncer spontane´ment a` la police, la gendarmerie ou leur entourage (26,8 %). Sept patients (12,5 %) accusent un tiers, plus rarement Dieu ou un double d’eux-meˆmes. Deux patients restent dans le de´ni de´lirant du de´ce`s de leur victime (3,6 %). L’amne´sie des faits est quelquefois invoque´e (16 %). Le maquillage de la sce`ne de crime est peu fre´quent. On rele`ve cependant un cas de mise en sce`ne suicidaire, trois cas de mutilation avec transport et dissimulation du corps dans un autre endroit, une tentative d’incendie du domicile. La pathologie
psychotique n’empeˆche pas parfois un certain degre´ d’organisation du crime [4]. La froideur affective a` l’e´vocation des faits figure dans quasiment toutes les observations (93 %). Un quart des agresseurs expriment un sentiment de de´livrance et de soulagement (25 %). La plupart n’expriment pas de remords, meˆme longtemps apre`s les faits (73,2 %) et ne critiquent pas leur acte ressenti comme une ne´cessite´. 5. Conclusion Cette recherche recoupe les donne´es internationales concernant le profil psychiatrique et criminologique des parricides souffrant de troubles psychotiques [1–5]. Le mode ope´ratoire des sujets de notre e´tude refle`te ge´ne´ralement l’impre´paration, la violence incontroˆle´e, l’absence de pre´cautions pour e´chapper a` la justice. La plupart des patients reconnaissent les faits et ont e´te´ de´clare´s irresponsables pe´nalement (84 %) au titre de l’ancien article 64 ou l’article 122-1 CP. ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Baxter H, Duggan C, Larkin E, Cordess C, Page K. Mentally disordered parricide and stranger killers admitted to high-security care. 1: A descriptive comparison. J Forensic Psychiatr 2001;12:287–99. [2] Be´ne´zech M. De quoi souffrent les parricides ? Perspect Psychiatr 1992;34: 207–12. [3] Be´ne´zech M, Le Bihan P, Bourgeois ML. Criminologie et psychiatrie. Encycl Med Chir Psychiatrie 2002;37–906–A–10:15 p. [4] Le Bihan P, Be´ne´zech M. Degre´ d’organisation du crime de parricide pathologique : mode ope´ratoire, profil criminologique. A` propos de 42 observations. Ann Med Psychol 2004;162:615–25. [5] Weisman AM, Sharma KK. Forensic analysis and psycholegal implications of parricide and attempted parricide. J Forensic Sci 1997;42:1107–13.