Rev M6d Interne 2004 ; 25 Suppl 2 : $281-$282 © 2004 Elsevier sgs. Tous droits r6serv6s
Baisse de l'acuit6 visuelle et 16sions h6patospl6niques, ce ne serait pas un myst re.., h Istanbul ! H. B e z a n a h a r y I, V. L o u s t a u d - R a t t i 1, M . - C . P l o y 2, E. V i d a l I ~Service de mddecine interne A, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France 2Service de bactdriologie, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France
LES FAITS CLINIQUES Monsieur S., 40 ans, sans ant6c6dent notable en dehors d'un &hylisme depuis deux arts, est admis aux urgences pour baisse de l'acuit6 visuelle avec alt6ration de l'&at g6n6ral 6voluant depuis deux mois. l'interrogatoire
I1 se plaint : - de l'apparition progressive d'une fi~vre jusqu'h 40 °C sans frisson associ6e ~ une asth6nie physique importante sans amaigrissement ; -d'un 6pisode de selles diarrh6iques spontan6ment r6solutif ; - d'une grande difficult6 ?~la concentration et surtout une baisse progressive de 1' acuit6 visuelle. M o d e de vie
Informaticien, mari6, deux enfants, vivant en milieu urbain, n'ayant pas fait de voyage r6cemment et n'ayant pas d' animal domestique.
A u t r e s e x a m e n s paracliniques
- Scanner cdr6bral, IRM cdr6brale, L C R normaux. - L' acuit6 visuelle est effondr6e de manibre bilat6rale au 1/ 10. Le fond d'ceil montre des papilles h bords nets. I1 existe des h6morragies r6tiniennes en flamm&he en pdripapillaire et en p6riart6riel. L'aspect est en faveur d'embols multiples (Fig. 1). - L'6chographie abdominale et le premier scanner abdominal objectivent des ldsions micronodulaires h6patiques assocides h des addnopathies inter-aorticocaves et lat6roaortiques infracentim6triques (Fig. 2). - Le second scanner, r6alis6 une semaine plus tar& objective de nouvelles 16sions an sein de la rate. - Une ponction biopsie h6patique sous scanner: <<...les espaces portes contiennent des attires et des veines normales. I1 s'y ajoute un infiltrat inflammatoire constitu6 de lymphocytes, polynucl6aires neutrophiles et quelques cellules gdantes multinuc166es qui par endroit infiltrent la lame bordante. Le lobule h6patique est d' architecture conserv6e. On trouve par ailleurs des zones de n6crose avec des polynuc16aires alt6r6s qui infiltrent les hdpatocytes voisins >>. - le my61ogramme montre des signes d'activation macrophagique.
L'examen physique
A, son admission, il montre : - une fibvre h 39,5 °C, bien tol6rde, sans signe de choc ; - une pression art6rielle est ~ 100/60 m m H g avec une frdquence cardiaque ?~98/min ; -un patient ralenti et stuporeux sans ddsorientation spatiotemporelle ; - l'absence de syndrome m6ning6 et de d6ficit neurologique focalis6 ; - une hdpatomdgalie rdguli~re, indolore sans spl6nom6galie. E x a m e n s biologiques standard
- CRP 145 mg/1 (N < 5), fibrinogbne ~ 4,8 g/1 (N < 4). - H6mogramme : Hb ~ 7,9 g/dl, V G M 101 g3, r&iculocytes ~ 7 020/mm 3, plaquettes h 887 giga/l et GB h 13,7 giga/1 avec 92 % polynucl6aires neutrophiles, 0 % d'dosinophiles. - B i o l o g i e h6patique : "/GT ~ 3,5 N, PAlc h 1,5 N, transaminases et bilirubine normales. - ferritin6mie : 4 000 ng/ml (N < 300).
Fig. 1.
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H. Bezanaharyet al.
pu &re isol6 par culture (antibiothdrapie prEalable et insuffisance des fragments biopsiques). Les arguments en faveur sont : - le tableau clinique compatible : la fi~vre prolongEe, l'Etat neurologique, les abcEs hdpatosplEniques et rEtiniens ; - l'6volution des sErologies montre une positivit6 du Card test et du Wright 5 un taux significatif dans la phase initiale puis une nEgativation du Card test et une diminution du taux du sErodiagnostic de Wright (Tableau 1) ; Tableau 1
TEST Card test Wright
21/02/03 + 1/160
04/03/03 + 1/160
04/04/03
07/05/03
1/80
1/80
- la disparition complete des anomalies clinicobiologiques sous bi-antibiothErapie associant Vibramycine ® et Rifadine ® ~ partir d'un mois de traitement, traitement qui sera alors poursuivi six mois.
Fig. 2.
DISCUSSION
l~volution - Les hEmocultures initiales sont revenues stEriles. - L'examen bactdriologique des biopsies hdpatiques est nEgatif au direct et en culture. - Ni l'Echographie transthoracique ni l'Echographie trans~esophagienne ne montrent de signes en faveur d'une endocardite. Une antibiothdrapie d'Epreuve associant RocEphine®-Fla gyl ® n'a aucune efficacitE. L'association Tienam®-Ciflox ® permet une ldg~re amelioration sans apyrexie franche. DI~MARCHE DIAGNOSTIQUE
L'6tiologie infectieuse est retenue en prioritd. L'association d'une fi~vre au long cours et de l'atteinte de plusieurs organes (foie, rate, yeux) nous font 6voquer une endocardite avec embols septiques. Les hdmocultures rEpEtEes sur milieux standards demeurent stEriles. La culture de la biopsie hEpatique est 6galement negative. Nous 6voquons ensuite une endocardite fi hdmocultures negatives : les sErologies Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae, Legionella pneumophila, Coxiella burnetii, bartonellose reviennent negatives. Les hEmocultures la recherche de Coxiella burnetii ne sont pas effectuEes, le patient 6tant ddj~ sous ciprofloxacine. La recherche systdmatique d'une infection tuberculeuse est infructueuse (IDR, BK tubages, tomodensitomEtrie thoracique). La sdrologie Yersinia et les coprocultures (un 6pisode de diarrhde initial) reviennent negatives. La sErologie de Wright par contre est positive au 1/160 e pour un seuil de positivit6 supdrieur ou ~gal au 1/80 e. Malheureusement, la recherche par mEthode de PCR de Brucella est impossible sur les fragments biopsiques (insuffisance de materiel). Au total, nous retenons le diagnostic de brucellose avec atteinte hEpatosplEnique et oculaire marne si le germe n'a
Les complications focales au cours de la brucellose peuvent &re observEes dans 20 ~ 40 % des cas. Les atteintes hEpatosplEniques (hEpatomEgalie, splEnomEgalie, cytolyse associde ou non ~ une cholestase) sont objectivEes chez 30 ?~ 60 % des patients ayant une brucellose. Par contre, les atteintes hEpatosplEniques vraies, se traduisant par des lesions abcddEes morphologiquement identifiables sous forme de pseudotumeurs, se rencontrent plus rarement : 2 fi 3 % des cas [1]. Ces derni~res peuvent appara~tre aussi bien ~ la phase aigu~ (micro-abc~s multifocaux) qu'fi la phase chronique (abcbs souvent unique, d'Evolution plus pejorative sans traitement chirurgical associE). Par ailleurs, prEs de 12 % des patients brucelliens ont une atteinte oculaire en phase aigu~ dans la sErie turque de Namiduru et al. Ces dernibres pourraient ~tre sous-estimdes car non recherchEes systEmatiquement [2]. Notre cas correspond plutEt ~ une brucellose aigu~ sEvbre vue tardivement. Nous observons le malade aprEs la phase de dissEmination lymphatique au stade des localisations abcdddes. L'augmentation de la performance actuelle des techniques d'imagerie e t e n particulier le scanner explique la visualisation des abcbs hEpatiques de petite taille, infracentimEtriques. La positivit6 de la sErologie brucellienne au moment du diagnostic ®st due au fait que le patient nous a 6t6 adressd tardivement, apr~s deux mois d'dvolution des sympt6mes. REFERENCES
[1] ColmeneroJ de D, Querpo-OrtunoMI, Maria Reguera J, Angel Suarez-Munoz M, Martin-Carballino S, Morata P. Chronic hepato-splenic abscesses in brucellosis. Clinico-therapeutic features and molecular diagnosticapproach. Diag MicrobiolInfect Dis 2002 ; 42 : 159-67. [2] NamiduruM, Gungor K, Dikensoy O, Baydar I, Ekinci E, Karaoglan I, et al. Epidemiological, clinical and laboratory features of brucellosis : a prospective evaluation of 120 adult patients. Int J Clin Pract 2003 ; 57 : 20-4.