Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre

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ANNPLA-1544; No. of Pages 8 Annales de chirurgie plastique esthétique (2019) xxx, xxx—xxx

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ARTICLE ORIGINAL

Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre Anatomical description of the retro-caruncular approach and its application in oculoplastics: A cadaveric study L. Marin a, S. Nahon-Esteve a, S. Baillif a,b, E. Toumi a, A. Martel a,*,b,c a

ˆ pital Pasteur 2, 30, voie Romaine, Service d’ophtalmologie, centre hospitalier universitaire de Nice, ho 06000 Nice, France b ´ Co ˆ te d’Azur, 06000 Nice, France Universite c´ ´ diterrane ´ en de me ´ decine mole ´ culaire (C3M), 06200 Nice, France Equipe 1, Inserm U1065, centre me ˆt 2019 ; accepte´ le 30 aou ˆt 2019 Rec¸u le 11 aou

MOTS CLÉS Étude anatomique ; Voie d’abord rétro-caronculaire ; Dacryocystorhinostomie ; Décompression orbitaire ; Fixation périostée du globe oculaire

Résumé Objectif. — Décrire les rapports anatomiques de la voie d’abord rétro-caronculaire ainsi que des ses applications cliniques en oculoplastique à partir d’une étude conduite au laboratoire d’anatomie. Patients et me´thode. — Huit orbites provenant de 4 cadavres frais ont été disséquées au laboratoire d’anatomie de la faculté de médecine de Nice entre octobre 2018 et janvier 2019. Re´sultats. — Les principaux rapports anatomiques rencontrés sont le muscle de Duverney-Horner et le sac lacrymal en avant, les artères ethmoïdales antérieures, postérieures et l’ethmoïde en arrière, la poulie du muscle oblique supérieur vers le haut, le canal lacrymo-nasal et le tendon d’insertion du muscle oblique inférieur vers le bas. La voie d’abord rétro-caronculaire permet d’aborder l’orbite postérieurement au sac lacrymal et au muscle de Duverney-Horner permettant une meilleure protection de ces derniers. La voie d’abord rétro-caronculaire permet la réalisation de plusieurs procédures oculoplastiques : la dacryocystorhinostomie, la réparation des fractures orbitaires médiales, la décompression de la paroi médiale de l’orbite, la biopsie de tumeurs extraconiques médiales et la pexie périostée du globe oculaire en cas de paralysie complète du III.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Martel). https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.08.006 0294-1260/# 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Marin L, et al. Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre. Ann Chir Plast Esthet (2019), https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.08.006

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L. Marin et al. Conclusion. — La voie d’abord rétro-caronculaire est une voie fiable permettant de s’affranchir d’une cicatrice cutanée. Elle permet un abord large de la portion médiale de l’orbite même si le champ opératoire est plus réduit que celui obtenu en cas d’abord cutané. Elle nécessite une connaissance anatomique précise et une courbe d’apprentissage accrue. # 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Anatomical study; Retro-caruncular approach; Dacryocystorhinostomy; Orbital decompression; Eyeball periosteal fixation

Summary Purpose. — To describe the anatomical landmarks of the retro-caruncular approach and its clinical applications based on a cadaveric study. Patients and method. — A dissection of 8 orbits providing from 4 fresh cadavers was carried out at the anatomical laboratory of the University Hospital of Nice, France between October 2018 and January 2019. Results. — Main anatomical relationships encountered are anteriorly the Duverney-Horner muscle and the lacrimal sac, posteriorly the anterior and posterior ethmoidal arteries, superiorly the pulley of the superior oblique muscle, inferiorly the lacrimonasal duct and the tendon of the inferior oblique muscle. The retro-caruncular approach allows a safe surgical access behind the lacrimal sac and Duverney-Horner muscle. Many oculoplastic surgical procedures can be performed through this approach: dacryocystorhinostomy, medial orbital fractures repair, ‘‘médial’’ orbital ‘‘décompression’’, biopsy of medial and extraconal tumours, medial periosteal fixation in third-nerve palsy. Conclusion. — The retro-caruncular approach is a safe procedure avoiding skin incision. It allows a wide surgical space even if it is reduced compared to a more conventional skin route. It requires a great anatomical knowledge and a longer surgical learning curve. # 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La voie d’abord rétro-caronculaire est une voie mini-invasive décrite pour la première fois par Shorr et al. en 2000 pour permettre l’abord chirurgical de la partie médiale et postéro-médiale de l’orbite [1]. Elle est régulièrement utilisée par nos collègues maxillo-faciaux dans le cadre des reconstructions des fractures de la paroi médiale de l’orbite [2]. La voie d’abord rétro-caronculaire est beaucoup moins utilisée par les oculoplasticiens [3]. Son principal avantage est sa rançon cicatricielle nulle comparativement à une voie d’abord cutanée externe traditionnelle, telle que réalisée dans la dacryocystorhinostomie (DCR) [4]. La difficulté principale repose sur l’étroitesse du champ visuel peropératoire et sa courbe d’apprentissage [5]. L’objectif de notre étude était de décrire les rapports anatomiques de la voie d’abord rétro-caronculaire ainsi que des ses applications cliniques en oculoplastique à partir d’une étude conduite au laboratoire d’anatomie.

Patients et méthodes Huit orbites provenant de 4 cadavres frais ont été disséquées au laboratoire d’anatomie de la faculté de médecine de Nice entre octobre 2018 et janvier 2019.

Résultats Description de la voie d’abord et principaux rapports anatomiques Les paupières étaient rétractées médialement par des fils de traction. Une injection sous-conjonctivale de sérum

physiologique permettait une hydro-dissection de l’espace situé entre la caroncule et le repli semi-lunaire (Fig. 1A). Une incision de 15 mm était réalisée entre le repli semi-lunaire et la caroncule à la lame de 15. La dissection était réalisée avec des ciseaux de Stevens en direction de la crête lacrymale postérieure (avec 308 d’inclinaison postérieure) (Fig. 1B). Une lame malléable était introduite afin de refouler la graisse orbitaire. Une incision périostée était réalisée à la lame de 15 (Fig. 1C). Le périoste était ensuite récliné postérieurement à l’aide d’un décolleur (Fig. 1D) avec précaution afin de ne pas léser la lame papyracée ethmoïdale. Le muscle de Horner était identifié (Fig. 1E) puis chargé par un écarteur de Desmarres afin de le protéger. Une incision cutanée (incision de Lynch) permettait d’évaluer les rapports anatomiques entre l’incision rétro-caronculaire et la crête lacrymale antérieure. La crête lacrymale antérieure était située en moyenne à 0,6  0,2 cm en avant de l’incision rétrocaronculaire (Fig. 1F).

Rapports anatomiques postérieurs La dissection était maintenue dans un plan sous-périosté et prolongée dans un plan postérieur. Le premier rapport anatomique rencontré était le foramen ethmoïdal antérieur (Fig. 2A) localisé en moyenne à 2,2  0,3 cm en arrière de l’incision rétro-caronculaire (Fig. 2B). Le second rapport anatomique rencontré était le foramen ethmoïdal postérieur situé à environ 1  0,2 cm en arrière du foramen ethmoïdal antérieur (Fig. 2C). Le foramen optique était palpé en moyenne 0,5 cm en arrière du foramen ethmoïdal postérieur (Fig. 2D). Le septum orbitaire était incisé et la graisse orbitaire réséquée. Le muscle droit médial était ensuite chargé (Fig. 2E) afin de délimiter l’espace intra- et extraconique.

Pour citer cet article : Marin L, et al. Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre. Ann Chir Plast Esthet (2019), https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.08.006

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Bases anatomiques et applications cliniques : voie rétro-caronculaire

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Figure 1 Rapports anatomiques de la voie rétro-caronculaire. A. Exposition de la caroncule (en rouge) après mise en place de fil de traction et injection de sérum physiologique sous-conjonctival. B. Dissection entre le repli semi-lunaire et la caroncule jusqu’au périoste. C. Incision périostée. D. Décollement du périoste en postérieur. E. Le muscle de Duverney-Horner exposé (flèche rouge). F. Projection anatomique entre la voie rétro-caronculaire et la voie cutanée (Lynch).

Figure 2 Rapports anatomiques postérieurs. A. Foramen de l’artère ethmoïdale antérieure au bout de l’aiguille. B. Foramen de l’artère ethmoïdale antérieure à 2,2 cm de l’incision rétro-caronculaire. C. Foramens de l’artère ethmoïdale antérieur (flèche violette) et de l’artère ethmoïdale postérieure (flèche verte). D. Le foramen optique (flèche noire) est visualisé. E. Muscle droit médial et nerf optique chargés par des fils de tractions. F. Foramen optique pointé par l’extrémité du ciseau au cours d’une exentération orbitaire.

Rapports anatomiques supérieurs Le principal rapport anatomique rencontré en supérieur était la poulie du muscle oblique supérieur (Fig. 3 et Vidéo no 1).

la loge lacrymale (Fig. 4) jusqu’à la crête lacrymale antérieure située en moyenne à 0,6  0,2 cm de la projection orbitaire de l’incision rétro-caronculaire (Vidéo no 2).

Rapports anatomiques antérieurs Les rapports anatomiques étaient évalués à l’aide d’une incision cutanée antérieure (incision de Lynch). La voie d’abord rétro-caronculaire permettait un accès postérieur au muscle de Duverney-Horner. La dissection sous-périostée était poursuivie en antérieur et permettait le décollement de

Rapports anatomiques inférieurs La dissection était poursuivie par voie sous-périostée en inférieur. Le premier rapport anatomique rencontré était le canal lacrymo-nasal (Fig. 4). Quelques millimètres en dehors, l’insertion du muscle oblique inférieur était identifiée (Vidéo no 3).

Pour citer cet article : Marin L, et al. Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre. Ann Chir Plast Esthet (2019), https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.08.006

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Figure 3 Rapports anatomiques supérieurs. Poulie du muscle oblique supérieur par voie rétro-caronculaire (flèche bleu).

Rapports anatomiques en fonction de l’abord pré- ou rétro-caronculaire La projection orbitaire de la voie rétro-caronculaire se situe en arrière du sac lacrymal (Fig. 5A). La projection orbitaire de la voie précaronculaire se situe en regard de la portion haute du sac lacrymal. Il existe, à ce niveau, un risque de plaie iatrogène sacculaire (Fig. 5B et C). Les projections des 2 voies d’abord sont résumées dans la Fig. 5D et Vidéo no 4.

Figure 4 Rapports anatomiques inférieurs. Loge lacrymale avec la gouttière lacrymale.

Applications en chirurgie oculoplastique Les différentes applications cliniques sont présentées de manière imagée ci-dessous. Ces indications opératoires étaient plus ou moins compliquées à réaliser. La difficulté subjective rencontrée est résumée dans le Tableau 1 :

Figure 5 Rapports anatomiques en fonction du caractère pré ou rétro-caronculaire de la voie d’abord. A. Le sac lacrymal récliné (cercle bleu foncé) et la loge lacrymale (cercle bleu clair) sont exposés. B. Réalisation d’un abord précaronculaire. C. Projection de la voie précaronculaire qui arrive au contact de la loge lacrymale (cercle bleu foncé). D. Projections respectives sur la paroi osseuse des voies rétro-caronculaire (violette) et précaronculaire (verte). Pour citer cet article : Marin L, et al. Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre. Ann Chir Plast Esthet (2019), https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.08.006

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Tableau 1 Difficulté subjective rencontrée en fonction des interventions réalisées. Difficulté rencontrée

Facile Moyen Difficile

Dacryocystorhinostomie Réparation fracture paroi médiale X Décompression orbitaire paroi X médiale Décompression du canal optique Pexie médiale du globe

X

X X

 dacryocystorhinostomie (DCR) (Fig. 6 et Vidéo no 5) ;  fracture de la paroi médiale de l’orbite (Fig. 7) ;  décompression de la paroi médiale de l’orbite (Fig. 8A et B) ;  abord des lésions apicales et médiales (Fig. 9) ;  pexie du globe en cas de paralysie complète du III (Fig. 10 et Vidéo no 6).

Discussion La voie rétro-caronculaire est une voie mini-invasive permettant une rançon cicatricielle nulle. Elle nécessite une connaissance anatomique précise ainsi qu’une courbe d’apprentissage en raison de l’étroitesse du champ opératoire. Les principaux rapports anatomiques rencontrés dans notre étude sont le sac lacrymal en avant, l’artère ethmoïdale antérieure postérieurement, le muscle droit médial en dedans, le canal lacrymo-nasal et l’insertion du muscle oblique inférieur en inférieur. La voie d’abord rétro-caronculaire permet la réalisation de plusieurs procédures en oculoplastique.

Figure 7 Traitement chirurgical d’une fracture de la paroi médiale de l’orbite par voie rétro-caronculaire. Mise en place d’un implant sous-périosté.

Dacryocystorhinostomie (DCR) L’obstruction du canal lacrymal est une pathologie fréquente qui se manifeste par un larmoiement et/ou une dacryocystite. Son traitement est chirurgical. Deux voies d’abord sont régulièrement pratiquées. La DCR externe avec incision cutanée est associée à une réussite moyenne de 95 % [3]. La DCR endoscopique endo-nasale, décrite par Caldwell dès 1983, est régulièrement utilisée par les ORL avec un taux de

Figure 6 DCR par voie rétro-caronculaire. A. Voie d’abord rétro-caronculaire. B. Création de l’ostéotomie à l’aide d’un rongeur. C. Ostéotomie avec sac lacrymal coloré en bleu. D. Éversion du sac lacrymal à l’aide des crochets de Gillies. E. Incision longitudinale du sac lacrymal et création de volets muqueux antérieurs et postérieurs. F. Suture des volets muqueux du sac lacrymal avec la muqueuse nasale. Pour citer cet article : Marin L, et al. Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre. Ann Chir Plast Esthet (2019), https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.08.006

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Décompression orbitaire médiale par voie rétro-caronculaire. A et B. Effondrement de la lame papyracée.

Figure 9 Décompression du canal optique par voie rétrocaronculaire. Foramens de l’artère ethmoïdale postérieure (vert) et du canal optique (noir).

réussite équivalent à la voie externe [4]. Le désir des patients à éviter une cicatrice faciale a permis l’essor de la voie endonasale. Toutefois la voie endo-nasale nécessite un plateau technique onéreux et une courbe d’apprentissage longue pour des chirurgiens oculoplasticiens non rompus à l’endoscopie nasale [3]. La voie rétro-caronculaire permet de s’affranchir d’une cicatrice cutanée tout en évitant l’utilisation de matériel endo-nasal onéreux. Elle permet une épargne du muscle de Duverney-Horner conduisant à une conservation de son action sur la pompe lacrymale et la statique palpébrale. Dans leur étude, Adenis et al. retrouvaient une efficacité anatomique et fonctionnelle de 82 %

avec la DCR rétro-caronculaire avec un suivi moyen de 2,8 mois (1—6,5 mois) [5]. Des résultats similaires étaient retrouvés dans la série de Kaynak et al. (92,6 % de réussite) et Ganguly et al. (82,7 %) avec un suivi moyen plus important : 24 mois (7—54 mois) et 15,5 mois (range 1—27 mois) respectivement [6]. Dans ces études, des instruments conventionnels tels que ceux utilisés pour une DCR externe traditionnelle étaient utilisés. La durée opératoire est intimement dépendante de l’expérience du chirurgien. Kaynak et al. et Ganguly et al. rapportaient une durée opératoire moyenne de 65,15 minutes (range 45—125 min) et 52,6 minutes (range 29—110 min) respectivement [5,6]. Les complications de la DCR par voie rétro-caronculaire sont mineures et le plus souvent transitoires : granulomes conjonctivaux (7,4 % pour Kaynak contre 5 % pour Ganguly), symblépharon (3 % pour les 2 séries) et des érosions cornéennes. Les difficultés opératoires sont liées à l’étroitesse du champ opératoire avec notamment un prolapsus de graisse orbitaire, voire une lacération de la voie lacrymale. L’issue de la graisse orbitaire dans le champ opératoire peut induire un hématome rétro-septal ou un échec chirurgical par incarcération de la graisse dans le site de rhinostomie. Une plaie du muscle oblique inférieur est rare, mais cause de diplopie irréversible [5]. Une conversion ou une reprise est possible par voie externe cutanée.

Réparation des fractures de la paroi médiale de l’orbite La chirurgie d’une fracture de la paroi médiale de l’orbite permet de prévenir et/ou traiter la diplopie binoculaire et l’énophtalmie [7]. L’abord cutané de Lynch permet une exposition chirurgicale large de la portion antéro-supérieure de la paroi médiale, sans toutefois offrir un accès correct à la portion postéro-médiale, zone stratégique dans la préven-

Figure 10 Fixation médiale du globe en cas de paralysie complète du III. A. Prise du muscle droit médial. B. Passage des sutures dans le périoste orbitaire interne. C. Serrage du nœud permettant la médialisation du globe. Pour citer cet article : Marin L, et al. Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre. Ann Chir Plast Esthet (2019), https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.08.006

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Bases anatomiques et applications cliniques : voie rétro-caronculaire tion de l’énophtalmie post-traumatique [8]. Parmi les autres techniques (voie palpébrale supéro-médiale, inférieure sousciliaire ou transconjonctivale), seule la voie d’abord coronale expose la totalité de la paroi médiale, mais son indication est limitée en traumatologie orbitaire isolée [9]. L’abord rétro-caronculaire permet une visualisation directe de la paroi médiale jusqu’à l’apex orbitaire. Elle permet une réduction satisfaisante du foyer de fracture et l’insertion d’un implant orbitaire [10]. Shen et al. ont retrouvé dans leur série une diminution de 88 % des énophtalmies préopératoires supérieure à 2 mm et une réduction des limitations oculomotrices de 73 % [11]. L’incision peut être étendue jusqu’au fornix inférieur permettant l’accès à la paroi inféro-médiale de l’orbite lors de fractures multiples de l’orbite. Les fractures de la paroi médiale associées aux fractures de la paroi inférieure représentent 7 à 12 % des fractures de l’orbite [12]. La revue de la littérature de Choi et al. rapporte un taux de complications de 2,6 % pour 228 réparations de fractures médiales de la paroi de l’orbite par voie rétro-caronculaire [2]. Les complications de la voie rétro-caronculaire dans cette indication sont mineures et le plus souvent transitoires (granulomes conjonctivaux, symblépharon, érosions cornéennes) [13]. Une désinsertion du muscle oblique inférieur lors de la pose d’implant puis sa réinsertion peut conduire à une diplopie postopératoire [14].

Fixation périostée dans les paralysies du III Le traitement chirurgical des paralysies du III complètes est complexe. Dans un premier temps, la déviation incomittante doit être prise en charge. Lorsque la transposition musculaire n’est pas possible dans la chirurgie d’une paralysie oculomotrice, la fixation du globe à l’orbite couplée à l’affaiblissement du muscle antagoniste permet le réalignement de l’axe visuel en position primaire [15]. La pexie du globe au périoste orbitaire interne par voie rétro-caronculaire a été réalisée par plusieurs équipes avec d’excellents résultats anatomiques et fonctionnels. Saxena et al. ont récemment publié une série de 14 yeux opérés par fixation périostée par voie rétro-caronculaire via des sutures de polyester 5-0. La déviation horizontale moyenne a été corrigée de 908 (4,8) à 108 (8,3) en postopératoire avec un suivi moyen de 8,9 mois (range, 6—21 mois). Un alignement était satisfaisant dans 13 des 14 yeux (92,8 %) [16]. D’autres matériaux de fixation périostée ont été utilisés dans la littérature. Dans la série de Villaseñor et al., 11 yeux sur 15 (73,3 %) étaient alignés grâce à l’utilisation du tendon du muscle oblique supérieur par voie rétro-caronculaire avec un suivi moyen de 19 mois (range, 8—41 mois) [17]. Goldberg et al. constataient une réduction de la déviation strabique de 49,58 à 98 sur une série de 5 patients au terme d’un suivi moyen de 15 mois grâce à l’utilisation d’un lambeau périosté levé par voie rétro-caronculaire [18].

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associée avec une réduction de l’exophtalmie de 3 à 6 mm en moyenne selon les séries [19]. Une lipectomie peut être associée dans le même temps opératoire, même si la loge inféro-externe est généralement préférée.

Décompression du canal optique dans les neuropathies optiques compressives La prise en charge de la neuropathie optique post-traumatique est débattue. En cas d’esquille osseuse, une décompression du canal optique peut être réalisée. La décompression endoscopique endo-nasale est la plus fréquemment réalisée, mais nécessite un équipement et des opérateurs rompus à ce type d’intervention en urgence [20]. La voie d’abord rétro-caronculaire permet un accès satisfaisant au canal optique, après coagulation des artères ethmoïdales antérieures et postérieures [21]. L’exposition est, au mieux, réalisée à l’aide d’un endoscope endo-nasal [22]. Le maniement des instruments est délicat compte tenu de l’étroitesse de l’espace entre le globe oculaire et la paroi médiale de l’orbite. Une étude préliminaire conduite par Méningaud et al. a démontré la faisabilité de la voie d’abord rétro-caronculaire assistée par endoscopie [23].

Biopsie de tumeurs extraconiques médiales La voie rétro-caronculaire permet également la biopsie des tumeurs orbitaires extraconiques internes. Le traitement des mucocèles frontales est au mieux réalisé par voie endoscopique endo-nasale [24,25].

Conclusion Depuis sa première description en 2000 par Shorr et al. [1], la voie d’abord rétro-caronculaire s’est imposée comme un abord fiable et esthétiquement supérieur aux voies d’abord cutanées dans la prise en charge des pathologies intéressant la paroi médiale de l’orbite. L’abord rétro-caronculaire peut facilement être étendu en inférieur par voie transconjonctivale permettant un jour chirurgical satisfaisant dans la prise en charge de la traumatologie orbitaire et des décompressions orbitaires. Sa principale limitation réside dans sa faible exposition nécessitant une bonne connaissance anatomique et une courbe d’apprentissage accrue.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements Benjamin Maes, technicien en anatomie, faculté de médecine de Nice Sophia Antipolis, France.

Décompression orbitaire

Annexe 1. Matériel complémentaire La voie rétro-caronculaire permet la réalisation d’une décompression de la paroi médiale très postérieure. Étendue en inférieure via une voie transconjonctivale, l’effondrement de la paroi médiale du plancher de l’orbite peut y être

Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur : https://doi.org/10. 1016/j.anplas.2019.08.006.

Pour citer cet article : Marin L, et al. Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre. Ann Chir Plast Esthet (2019), https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.08.006

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L. Marin et al.

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Pour citer cet article : Marin L, et al. Bases anatomiques de la voie rétro-caronculaire et ses applications cliniques en oculoplastique : étude sur cadavre. Ann Chir Plast Esthet (2019), https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.08.006