Biologie et Rdgdndration Nerveuse
C. B O N N A R D
BONNARD
BONNARD
C. - - B i o l o g i e e t r 6 g d n 6 r a t i o n n e r v e u s e .
C.
--
Biology
and
nerve
regeneration.
(In
French). Ann C h i r M a i n , 1989, 8, n ° 4, 285-288.
Ann C h i t M a i n , 1989, 8, n ° 4, 285-288. ner-
KEY-WORDS : Nervous physiology. -- Nervous regeneration. -- Nervous graft.
La fibre nerveuse dans sa croissance est guid6e par diff6rents facteurs qui agissent d'une part sur le corps n e u r o n a l (facteurs n e u r o n o t r o p h i q u e s ) et d'autre part sur la croissance de 1 axone (~< neurite promoting factors ~) [6, 9]. Aussi bien les organes cibles que les cellules de Schwann jouent un r61e primordial dans la synth~se de ces facteurs. Ces facteurs sont sp6cifiques d'un type de cellules nerveuses et certains peuvent avoir un double effet ~ la fois sur la croissance de l'axone et sur le corps cellulaire. Ainsi le ~ nerve growth factor ~>ou N G F agit sp6cifiquement sur les neurones sympathiques et sensitifs mais n'a aucun effet sur les neurones de la corne ant6rieure. II poss~de non seulement un effet trophique sur le corps neuronal mais aussi un effet favorable sur la croissance de l'axone.
Le transport antOrograde rapide v6hicule dans le m6me sens les enzymes n6cessaires ~ la neurotransmission au niveau de la synapse et certaines prot6ines de paroi qui se d6posent tout au long de l'axolemme. Sa vitesse est de 200 ~ 400 mm par jour.
MOTS-CLI~S : Physiologie nerveuse. veuse. -- Greffes nerveuses.
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R6g6n6ration
TRANSPORT AXONAL Le passage de l'information continue du corps cellulaire h l'extr6mit6 de l'axone et vice versa se fait grhce au transport axonal. Si on pense h la longueur /l parcourir (plus de 1 m pour le sciatique), on imagine bien que ce transport doit r6pondre h de tr6s hautes exigences. I1 doit ~ l'6vidence 6tre organis6 [4, 6]. Le transport antOrograde lent v6hicule du centre gt la p6riph6rie les substances n6cessaires ~ l'entretien de l'axoplasme et au squelette de l'axone. Sa vitesse est de 1 /l 2 mm par jour : c'est la vitesse de repousse de l'axone qui r6g6n~re.
Le transport rOtrograde (150/~ 300 mm/jour) v6hicule de la p6riphdrie au centre : • les produits du m6tabolisme de la neurotransmission qui vont 6tre recycl6s par le neurone, • diverses substances qui renseignent le neurone sur l'6tat de sa p6riph6rie (les facteurs neuronotrophiques, des substances exogbnes qui envahissent l'axone lorsqu'il y a 16sion ou des substances endogbnes destinOes ~ la p6riphdrie qui reviennent plus vite que pr6vu et non m6tabolis6es en cas d'interruption de l'axone), • des substances pathog6nes tels le virus de la rage, du zona etc. Le blocage du transport r6trograde provoque une r6action du cows neuronal semblable h celle que celui-ci d6veloppe s'il y a 16sion de son axone.
Clinique Longeraie, 9, av. de la Gare, 1003 LA USANNE. Manuscrll requ & la R~daction le 11 octobre 1989.
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L t~SIONS NERVEUSES, Dt~Gt~NERESCENCE W A L L E R I E N N E ET R E G E N E R A T I O N La r6action du neurone g une 16sion de son axone est diff6rente suivant le type de 16sion. I1 est donc n6cessaire de revoir bri6vement les diffdrents types de 16sions nerveuses selon la classification de Sunderland [8, 14] : T y p e I : c'est un simple bloc de conduction : le courant ne passe plus mais l'axone ainsi que sa membrane basale sont intacts. II n'y a pas de d6gdn6rescence wall6rienne et le neff, distalement par rapport g la 16sion, reste normalement excitable. Cliniquement, l'atteinte motrice pr6domine, les troubles sensitifs sont mineurs (dissociation sensitivo-motrice) et les douleurs sont presque toujours absentes. Lorsque le bloc se l~ve, apr6s un d61ai de quelques jours ~ quelques semaines, la r6cup6ration est rapide et compl6te. C'est la neurapraxie de Seddon. --
T y p e 'II : l'axone est rompu mais sa membrane basale est intacte. Puisqu'il y a rupture de l'axone, il y aura d6g6n6rescence wall6rienne distale et l'axone devra r6g6n6rer. Mais la membrane basale 6tant intacte, il n'y aura pas d'erreur d'aiguillage : l'axone va retrouver ~ la p6riph6rie l'organe cible auquel il a toujours 6t6 destin6. C'est l'axonotm6sis de Seddon. La r6cup6ration sensitivo-motrice sera chronologiue en suivant la vitesse de la repousse axonale mm/jour). --
T y p e I I I : l'axone et sa membrane basale sont rompus. L'endon~vre est atteint mais le p6rin6vre est pr6serv6. I1 y aura m61ange des axones et erreurs d'aiguillage dans la repousse axonale mais le groupemerit fasciculaire est conserv6 (p6rin6vre intact). La d6g6n6rescence wall6rienne est plus importante proximalement menant parfois ~ la mort du neurone. La repousse axonale peut ~tre entrav6e par la fibrose intrafasciculaire et le r6sultat fonctionnel n'est pas forc6ment bon. I1 peut ~tre mauvais voire nul. Mais le fascicule reste macroscopiquement en continuit6 et pr6sente tout au plus un renflement en fuseau un peu ferme. Le traitement sera conservateur ou parfois chirurgical : seule une neurolyse sera r6alis6e et on ne proposera ni suture secondaire ni greffe nerveuse car la 16sion donne l'apparence d'une continuit6. C'est aussi un axonotm6sis selon Seddon. --
le p6rin~vre est rompu et l'orientation fasciculaire est perdue (ceci 6tant surtout valable pour les 16sions par traction alors que dans les 6crasements, l'alignement fasciculaire est relativement pr6serv6). Les axones en repoussant peuvent se perdre au niveau de la 16sion ou s'6ngager clans un fascicule 6tranger. L'6pin6vre est toutefois conserv6 et le neff paraR macroscopiquement en continuit6 tant que l'6pin6vrotomie n'a pas fait apparattre la d6sorganisation fasciculaire. C'est le neurotm6sis de Seddon. -- Type IV :
ANNALES DE CHIRURGIE DE LA MAIN
- - T y p e V : toutes les structures du tronc nerveux sont rompues. Le neff est interrompu. Il doit 6tre r6par6 par suture ou greffe nerveuse comme dans le type IV. C'est aussi un neurotm6sis selon Seddon.
Ddg6n(~rescencewallerienne
En 1850, ~ la suite d'une exp6rimentation qui l'6poque fut fortement controvers6e, Waller a affirm6 : <~La fibre nerveuse s6par6e de son corps cellulaire d6g6n~re ~,. Ce ph6nom6ne est caract6ris6 par [7, 9] : une d6sint6gration de l'axoplasme, - - une d6sint6gration de la my61ine, une prolif6ration des cellules de Schwann qui vont remplir le tube endoneural vide d'axone, - - une modification du corps cellulaire du neurone dont le m6tabolisme, orient6 depuis l'~ge adulte vers la neurotransmission, se convertit profond6ment et s'oriente int6gralement vers la synth6se des prot6ines de structure de l'axoplasme et des prot6ines de paroi. I1 faut 20 jours pour que le neurone atteigne son plein rendement dans ce nouveau m6tabolisme qui va persister tout au long de la repousse axonale puis de la maturation de la fibre nerveuse. Ce d61ai de 20 jours est ~ la base des exp6riences de la <
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Regendration
Comment l'axone va-t-il traverser l'espace entre les deux moignons nerveux ? Ce d6roulement s6quentiel de la r6g6n6ration est 6tudi6 dans les chambres de r6g6n6ration : ce sont des espaces clos avec une entr6e et une sortie. Les moignons nerveux proximal et distal sont introduits respectivement dans les deux orifices en laissant dans la chambre un espace de 1 cm entre les deux moignons. L'exp6rience se d6roule in vivo chez le rat en g6n6ral. La chambre se remplit imm6diatement de liquide qui ~
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D~s le premier jour post-16sionnel, il y a multiplication des cellules de Schwann de part et d'autre de la 16sion et synth6se massive de facteurs neuronotrophiques, indispensables h la survie du neurone. Dans les jours suivants, apparah de la fibronecfine, prot6ine d'origine plasmatique qui vient se prendre dans les mailles du filet de fibrine. Cette fibronectine est n6cessaire h la migration des cellules de Schwann qui vont alors envahir la chambre de r6g6n6ration d6s la fin de la premi6re semaine, venant donc des moignons proximal et distal. Tout est pr6t pour guider la repousse des axones qui vont p6n6trer dans la chambre de r6g6n6ration 8 10 jours apr~s la 16sion. L'arriv6e des axones va alors amorcer la deuxi~me vague de mitoses des cellules de Schwann et une augmentation cette fois-ci des <, neurite promoting factors ,>. L'6tude de la r6g6n6ration nerveuse dans une chambre de r6g6n6ration a permis d'6tudier le ph6nom6ne de sp6cificit6. I1 existe, comme en t6moignent les travaux de Lundborg, Politis, Mackinnon et d'autres [5, 7, 10] une sp6cificit6 tissulaire (le neff attire le nerf) et topographique. PROBLI~MES SPI~CIFIQUES DES GREFFES NERVEUSES I1 sont de trois ordres ; la survie de la greffe, le passage de la suture distale, la plasticit6 de la greffe. Survie de la greffe
Les fibres nerveuses du greffon vont ~tre le si6ge d'une d6g6n6rescence wall6rienne. Pour que la greffe se comporte comme le moignon distal du neff, c'est-g-dire que la d6g6n6rescence axonale s'accompagne d'une multiplication des cellules de Schwann avec synth~se de facteurs neuronotrophiques puis de <
>, la greffe doit survivre. Ceci n'est possible que par sa revascularisation qui doit 6tre rapide puisque les ceUules de Schwann du greffon meurent apr~s 5 jours d'isch6mie [2, 3]. La nutrition pr6caire de la greffe est assur6e le premier jour par simple diffusion. D~s le deuxi~me jour, on constate l'apparition de n6ovaisseaux aux deux extr6mit6s de la greffe qui proviennent de l'6pin~vre et du p6rin~vre du moignon proximal et distal du neff. Cette revascularisation endoneurale atteint son maximum vers le cinqui6me jour et s'av~re enti~rement suffisante pour la revascularisation des greffes courtes. D~s le troisibme jour, avec un maximum au huiti6me jour, commence la revascularisation de la partie m6diane de la greffe provenant du lit sur lequel elle repose. C'est de cette n6ovascularisation exog6ne que d6pendra la survie de toutes les greffes de plus de 5 cm. Afin d'offrir ?aces n6ovaisseaux le moins d'obstacle possible, il faut que l'6pin~vre et le p6rin~vre du greffon soient fins.
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Ces conditions sont remplies par des greffons de petit diam~tre (6pin~vre fin) contenant de multiples petits fascicules (p6rin6vre fin). I1 est donc pr6f6rable de couvrir une perte nerveuse d'un diam~tre donn6 par plusieurs greffons que l'on aura soin d'6taler sur le lit de la greffe plut6t que de choisir un seul gros greffon d'un diam~tre identique ~ celui du neff a r6parer. Le tissu environnant les greffons nerveux est done d'une importance primordiale. S'il est de mauvaise qualit6, la revascularisation, donc la survie de la greffe sera compromise. I1 faudra alors avoir recours h la technique des greffes vascularis6es p6dicul6es ou libres qui trouvent leur pleine justification lorsque la greffe nerveuse doit traverser un champ exsangue cicatriciel (s6queUe de Volkmann, de radioth6rapie). La suture distale
La suture distale est 6tanche apr6s deux semaines. C'est-h-dire que les tubes endoneuraux du greffon et du moignon distal se sont abouch6s les uns aux autres alors m6me que la repousse axonale n'a pas encore atteint ce niveau [11, 13]. I1 n'y a done quasiment pas de perte axonale au niveau de la suture distale : l'axone qui r6g6n~re va passer tout droit. Mais pour la m6me raison, il n'y a pas non plus de <>possible : l'axone qui s'est engag6 dans un tube endoneural de la greffe dont l'extr6mit6 distale s'est fourvoy6e dans le p6rin6vre du moignon distal ne pourra pas regagner un autre tube ou encore l'axone qui s'est tromp6 au niveau de la suture proximale et qui pousse vaille que vaille dans le p6rin6vre de la greffe ne pourra pas au niveau de la suture distale regagner le bon chemin dans un tube qui l'emportera jusqu'/: l'organe cible. Au vu de ce qui pr6c~de, la th6orie de la suture de la greffe nerveuse en deux temps perd ses bases th6oriques. Nous avons pour notre part abandonn6 cette technique qui ne nous a jamais donn6 satisfaction. Plasticite des cellules de Schwann
Les cellules de Schwann s'adaptent ~ la fonction de l'axone qui va coloniser le tube endoneural dont elles d6pendent [1]. De my61inis6,es h l'origine, elles peuvent devenir amy61iniques si I axone qui les colonise d6pend d'un neurone sympathiqu6 par exempie. Le contraire est aussi vrai.
CONCLUSIONS La cellule nerveuse est unique, elle est irrempla~able. Si son axone est 16s6, elle devra fournir plusieurs centaines de lois son propre volume pour le remplacer. Nous avons v u l e s m6canismes principaux qui r6gissent cette r6paration cellulaire, ph6nom6ne unique dans l'6conomie de l'individu. Les cellules de Schwann paraissent jouer 1~ un r61e fondamental aussi bien dans les deux moignons nerveux que dans la greffe. On insistera jamais assez sur le
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fait que pour que ces cellules de Schwann survivent au sein de la greffe, il faut que celle-ci soit revascularis6e. Je n'ai pas eu le temps d'aborder le probl~me de la r6innervation de l'organe cible. Disons en deux roots que pour un muscle, il suffit que la moiti6 de ses fibres musculaires soit r6innerv6e pour que sa force soit estim6e cliniquement M5 [12]. Pour la sensibilit6, l'exigence est bien sup6rieure, ce que confirme le fait que la r6paration, m6me d'excellente qualit6, d'une 16sion d'un tronc nerveux sensitif, par exemple d'un nerf m6dian au poignet, ne permettra jamais de retrouver une sensibilit6 discriminative normale. Mais qu'advient-il de ces fibres nerveuses compl6tement dissidentes qui sensitives a l'origine, se trompent et vont r6innerver un muscle ? Certains qui passent encore pour des farfelus, parlent d'adapta-
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tion du corps neuronal h sa nouvelle fonction... On peut tout imaginer. Mais, ce qui est certain, c'est que le cerveau doit faire face ~ de multiples informations bizarres, mal structur6es et qui ob6issent a des r6gles jusque 1~ inconnues de lui. Le cerveau doit faire face, il doit s'adapter. I1 ne peut le faire par le biais de la cr6ation de nouvelles cellules nerveuses, il le fera alors par le biais des synapses, qui s'ouvrent et se ferment et qui, tels de nouveaux aiguillages, vont permettre l'installation de nouvelles voies de transmission de l'influx nerveux.
C'est de la technique chirurgicale et, bien stir, du type de 16sion nerveuse, que d6pendra le r6sultat histologique de la r6innervation ; mais c'est bien de la plasticit6 c6r6brale, d'autant plus souple que Findividu est jeune, que d6pendra le rdsultat fonctionnel de la r6paration nerveuse.
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