Biologie moléculaire : généralités

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Pathologie Biologie 51 (2003) 312–313 www.elsevier.com/locate/patbio Biologie moléculaire : généralités Molecular biology: generality C. Bastard * La...

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Pathologie Biologie 51 (2003) 312–313 www.elsevier.com/locate/patbio

Biologie moléculaire : généralités Molecular biology: generality C. Bastard * Laboratoire de génétique oncologique, centre Henri-Becquerel, rue d’Amiens, 76038 Rouen cedex, France Reçu le 11 mars 2003 ; accepté le 5 mai 2003

Résumé L’analyse moléculaire des anomalies chromosomiques associées aux hémopathies malignes a permis d’identifier les gènes impliqués dans ces réarrangements ainsi qu’un certain nombre de mécanismes pathologiques récurrents pouvant rendre compte du développement d’une tumeur : dérégulation de l’expression d’un gène transformant, genèse d’un néogène résultant de la fusion de 2 gènes différents. La mise au point de techniques d’amplification de ces réarrangements par PCR permet aujourd’hui de proposer des outils fiables de diagnostic et de suivi de ces maladies, qui viennent compléter les résultats fournis par la cytogénétique conventionnelle ou moléculaire. © 2003 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The molecular analysis of chromosomal abnormalities associated with hematologic malignancies allowed the identification of genes involved in these rearrangements as well as of some recurrent mechanisms — gene deregulation, gene fusion — leading to the development of a tumoral process. PCR tools are now available, in addition to conventional and molecular cytogenetics, to detect and quantify these rearrangements, allowing a better follow-up for the patients. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Génétique ; Hémopathies ; Maladie résiduelle Keywords: Genetics; Hematology; Minimal residual disease

Les anomalies cytogénétiques rencontrées dans les hémopathies malignes — gains, pertes de chromosomes, translocations, inversions, délétions, duplications ou amplifications... — vont avoir pour conséquence une modification quantitative, structurale ou fonctionnelle du matériel génétique contenu dans la cellule tumorale. Au cours des 20 dernières années, de nombreux outils de biologie moléculaire ont été utilisés pour mettre en évidence la présence de ces modifications, pour identifier les gènes qui en sont la cible, pour analyser les conséquences des réarrangements et chercher à comprendre les bases moléculaires de la transformation maligne — activation de gènes potentielle-

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Bastard). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S0369-8114(03)00117-2

ment transformants, perte de fonction de gènes suppresseurs de tumeurs. Les exemples les plus caractéristiques concernent les translocations, quel que soit le mécanisme chromosomique responsable de la juxtaposition anormale de gènes normalement situés sur des chromosomes différents (ou sur des régions chromosomiques différentes). Historiquement, les premières techniques utilisées pour mettre en évidence ces translocations sont des techniques d’analyses globales de l’ADN génomique, essentiellement la technique de southern. L’étude des fragments de restriction permet en effet de visualiser la modification d’une région génique et d’identifier, à condition de savoir ce que l’on cherche, les gènes impliqués dans le segment d’ADN porteur de la jonction anormale. Corollairement, lorsque le partenaire d’un point de cassure récurrent n’est pas connu, les

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indications fournies par le Southern-blot se sont avérées très précieuses pour aider au clonage du partenaire inconnu à partir de banques d’ADN génomique extrait des cellules tumorales. Cette même technique permet par ailleurs une appréciation relative des gains et pertes de matériel génétique dans les limites étroites que représentent les tailles des fragments de restriction et la pureté du matériel tumoral. La relative difficulté de mise en œuvre de ces techniques et le développement des techniques d’amplification génique par polymerase chain reaction (PCR) ont très largement modifié les pratiques, et, sans se substituer à la cytogénétique, permettent une prise en charge fiable du diagnostic et du suivi de certaines hémopathies. Il peut s’agir de PCR conventionnelle ou de PCR quantitative, appliquée soit à un ADN génomique soit à un ADNcomplémentaire. Quelle que soit la méthode, elle met en évidence la présence sur un segment génomique continu de séquences normalement séparées. Le choix de la méthode dépend de la cible à étudier et de la localisation des points de cassure sur l’ADN. Les cassures exoniques ou introniques très regroupées pourront être analysées à partir de l’ADN. Les cassures introniques très variables bénéficieront largement de la RT–PCR, la maturation et l’épissage des ARN permettant d’amplifier la jonction anormale entre 2 exons quelle que soit la localisation des points de cassures dans les introns. Les conséquences des translocations vont être de 2 ordres : • dérégulation de l’expression d’un gène du fait d’une substitution de promoteur : ce mécanisme est représenté essentiellement mais non exclusivement par la translocation de gènes transformant à proximité des régions promotrices ou enhancer des gènes de réponse immune ; • genèse de nouveaux gènes, hybrides, s’exprimant sous forme d’un ou de 2 transcrits de fusion entre les 2 gènes transloqués et produisant une ou des protéines chimériques : les exemples les plus représentatifs de ce type de réarrangement sont ceux de la LMC, porteuse d’une translocation BCR–ABL dont la protéine résultante possède une activité tyrosine-kinase, ou des LAL B dans lesquels les transcrits de fusion impliquant des facteurs de transcription sont retrouvés très fréquemment. Dans l’un comme dans l’autre cas, l’un des gènes impliqués l’est souvent avec de multiples partenaires : Ig avec MYC, BCL2, BCL1, BCL6, PAX5 etc. dans les lymphomes, MLL avec près de 30 partenaires dans les leucémies aiguës, BCL6, TEL/ETV6, eux aussi, avec de nombreux partenaires. L’étude des anomalies chromosomiques associées aux hémopathies possède un triple intérêt : • intérêt diagnostique, lié au fait que les anomalies primaires sont très spécifiquement liées à chaque type d’hémopathie ;

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• intérêt pronostique, lié au fait que la présence de certaines anomalies primaires ou secondaires est étroitement liée à la probabilité de survie des patients ; • intérêt fondamental, lié au fait que l’identification d’un réarrangement chromosomique représente souvent la première et irremplaçable étape de l’identification des gènes impliqués par ce réarrangement. L’étude de la contrepartie moléculaire de ces réarrangements fournira les mêmes indications diagnostiques et pronostiques. Toutefois, alors qu’une étude chromosomique peut identifier l’anomalie quelle qu’elle soit, une analyse moléculaire ne peut identifier que le réarrangement précis pour lequel elle a été conçue. Elle représente une aide en cas d’échec cytogénétique ou de translocation cryptique, mais son intérêt principal repose sur la sensibilité des techniques d’amplification qui vont permettre de quantifier les cellules tumorales et de suivre la maladie résiduelle avec une précision bien supérieure à ce que permettent les analyses morphologiques, chromosomiques ou la cytopénie en flux. De façon très pratique, le recours à l’analyse moléculaire est actuellement systématique dans le cadre de certains protocoles thérapeutiques : • recherche de la présence de 3 transcrits de fusion — BCR–ABL, MLL–AF4 et E2A–PBX1 — dans les LAL de l’adulte, à laquelle il faut ajouter la recherche d’une fusion TEL–AML1 chez l’enfant et SIL–TAL dans les LAL T ; • suivi en RT–PCR quantitative des transcrits BCR–ABL dans les LMC traitées par les anti-tyrosine kinases ; • évaluation de la maladie résiduelle en fin d’induction dans la prise en charge des LAL, le plus souvent par PCR quantitative sur un marqueur de clonalité, réarrangement de gène d’immunoglobuline ou du TCR. Le résultat de ces études est susceptible de modifier la prise en charge thérapeutique. En dehors des protocoles, il est de plus en plus fréquent de proposer une quantification dans le suivi des LAM ou de certains lymphomes, en particulier les lymphomes folliculaires. Le recours aux techniques de biologie moléculaire est également devenu indispensable au suivi du chimérisme après greffe allogénique. En conclusion, les outils de biologie moléculaire, de plus en plus performants, sont venus s’ajouter aux outils de cytogénétique et de cytogénétique moléculaire, et le recours raisonné à cet ensemble de technique permet aujourd’hui une meilleure prise en charge des patients porteurs d’une hémopathie maligne.