Biologie, physiologie et pharmacologie du monoxyde d'azote

Biologie, physiologie et pharmacologie du monoxyde d'azote

BIOLOGIE, P H Y S I O L O G I E ET P H A R M A C O L O G I E )U M O N O X Y D E D ' A Z O T E DINH-XUAN • Introduction Le monoxyde d'azote, ou oxyd...

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BIOLOGIE, P H Y S I O L O G I E ET P H A R M A C O L O G I E )U M O N O X Y D E D ' A Z O T E DINH-XUAN



Introduction

Le monoxyde d'azote, ou oxyde nitrique (NO), est un mfdiateur paracrine synth6tis6 par les cellules endoth~liales et par de nombreux autres types cellulaires. I1 est ~ la fois un puissant vasodilatateur nitr6 endog~ne, un neurom~diateur, une mol6cule cytotoxique et cytostatique, et un agent oxydant [1]. Depuis la premiere description du facteur relaxant d~rivfi de l'endoth~lium par Furchgott et Zawadzki en 1980 [2], en passant par l'identification de ce facteur au NO en 1987 [3] et le premier essai clinique chez l'homme en 1988 [4], il existe aujourd'hui un v~ritable engoue/nent ~ propos de cette mol6cule de la part de nombreux chercheurs, aussi bien fondamentaux que cliniciens. Par un effet stimulant sur les travaux de recherche, cet engouement a permis de faire de gros progr&s concernant les connaissances biologiques, physiologiques et pharmacologiques du NO. Ces connaissances sont indispensables d'6ventuelles applications th~rapeutiques dont on attend, en effet, beaucoup aujdurd'hui [5].



Plaquettes L-arginl

~h

Endoth(~lium~

I(i).

o.++~ _

( ~

" 1 "

c.,&u,,U NOsy~nt&

(~ Analogues la L-argininede _~itrulline

L-arginine

NO

NO

Muscle Lisse Vasculaire

\ \ \ ~

_i

/ /

Guanylate Cyclase

J] / /

Biologie du NO

Synthdse du NO ~ partir de la L-arginine Le NO est form~ ~ partir de l'un des deux atomes d'azote terminal chimiquement fiquivalents du groupement guanidine de la L-arginine, d'une part, et de l'oxyg~ne mol6culaire (02), d'autre part [1] (Fig. 1). L'autre produit de synth&se, formfi de mani~re stoechiom6trique avec le NO, est la L-citrulline. Cette derni~re provient 6galement de la L-arginine qui est d'abord hydroxyl~e en N~-hydroxy-L-arginine.

Service de Physiologie - Explorations Fonctionnelles, Centre Hospitalo-Universitaire Cochin - Port Royal, Universit~ Ren6Descartes (Paris V), 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14.

Relaxation Fig. 1. - - Biosynth~se et actions du NO. Le NO est synth~tis~ & partir de la L-arginine et de I'oxyg~ne mol6culaire (02). Cette r~action est catalys~e par la NO synthase, enzyme ~galement responsable de la synth~se de la L-citrulline. La NO synthase peut 6tre activ~e par la stimulation de certains r6cepteurs, tels les r~cepteurs muscariniques (M), Iocalis~s & la surface membranaire de la cellule endoth61iale. L'~l~vation de la concentration de calcium (Ca**) intracytosolique qui en resulte active la NO synthase en mettant en jeu la calmoduline. La NO synthase est inhib~e de fa?on comp6titive par tousles analogues structuraux de la L-arginine. Une fois diffus~ vers I'ext6rieur de la cellule endoth~liale, le NO entraTne un rel&chement du muscle lisse vasculaire sous-jacent et inhibe ~, la lois I'agr~gation et I'adh~rence plaquettaire, ainsi que celle des polynucl~aires neutrophiles (PN). Ces effets sont m6di~s par I'augmentation de la concentration intracellulaire de guanosine monophosphate cyclique (GMPc). ACh : ac~tylcholine ; GTP : guanosine triphosphate. R6an. Urg., 1996, 5 (6 sp6cial), 47s-49s

-

4 8 s

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Biologie, physiologie et pharmacologie du monoxyde d'azote

Les NO synthases La r~action de biosynth~se du NO et de la Lcitrulline ~ partir de la L-arginine et de 1'O2 est sous la d~pendance d'une famille d'enzymes, les NO synthases (NOS), dont il existe au moins trois isoformes pour lesquelles les ADN compl6mentaires ont 6t6 clon6s. Sch6matiquement, ces trois isoformes -qui sont cod6es par trois g~nes distincts localisfs sur les chromosomes 7, 12 et 17 -- different entre elles par leurs fonctions, leurs localisations cellulaires et leurs caract~ristiques biochimiques (Tabl. 1). Les isoformes pr6sentes dans les cellules endoth~liales, d'une part, et les cellules nerveuses, d'autre part, appartiennent ~ la famille des NOS constitutives, c'est-~-dire celles dont l'expression -- normalement pr6sente ~ l'Stat physiologique -- permet la synth~se du NO respectivement en rant que m6diateur paracrine de la relaxation du muscle lisse vasculaire et neurotransmetteur. A l'inverse, l'isoforme macrophagique appartient ~ la famille des NOS inductibles, c'est-~-dire celles dont l'expression -- normalement absente ~ l'6tat physiologique -- ne se manifeste que dans des 6tats pathologiques tel le choc septique induit par les endotoxines bact6riennes. Bien que normalement pr6sente dans la cellule (endoth61iale ou neuronale), l'isoforme constitutive de la NOS n'est pas active en l'absence d'une augmentation transitoire du calcium intracellulaire et de l'activation de la calmoduline qui en r6sulte. L'activit6 de la NOS constitutive se traduit par la production d'une faible quantit~ de NO pendant une p6riode br~ve. A l'oppos~, l'induction du g~ne codant pour la NOS inductible (normalement absente de la cellule) donne lieu ~ la synth~se de novo de cette prot~ine qui, une fois prfisente, devient continuellement active du fair de sa liaison quasi irr~versible ~tla calmoduline. Ceci explique la relative ind~pendance de cette isoforme Tableau I

Les trois principales isoformes des NO synthases

Isoforrnes

endoth61iale

neuronale

inductible

(eNOS)

(nNOS)

(iNOS)

Localisation chromosomique du g6ne

7q35-36

12q24.2

17cen-ql 2

Masse

135 kDA

150 kDA

130kDA

Constitutive

Constitutive

Inductible

Vasodilatation

Neurotransmission

mol~culaire de la prot(~ine Activite Fonction du produit NO

D~pendante Cofacteurs Ca÷÷/Calrnoduline Effecteurs membranaires

Bact~ricidie Tumoricidie

D~pendante

Ind~pendante

Ac~tylcholine, Acides amines LPS, ILl, TNFe etc. Bradykinine, neuro-excitateurs etc.

Rean. Urg., 1996, 5 (6 sp6cial), 47s-49s

par rapport au calcium intracellulaire. L'activitd de la NOS inductible est responsable d'une production beaucoup plus importante (qui devient cytotoxique aux concentrations ainsi atteintes) en comparaison de la production physiologique du NO provenant de l'activit~ de la NOS constitutive. Cependant, la classification actuelle concernant les NOS constitutive et inductible semble inaddquate dans des cellules qui, comme les cellules fipith~liales bronchiques et nasales, expriment de fa~on quasi permanente la NOS inductible [6, 7]. L'expression constitutive de la NOS inductible serait due ~ la situation particuli~re de ces cellules qui sont constamment expos~es des a~rocontaminants et fi divers stimulus proinflammatoires d'origine atmosph~rique. I1 est probable que l'expression de la NOS inductible peut etre, dans ce cas, bdn~fique darts la mesure oil le NO ainsi produit participe ~ la d~fense immunitaire non sp& cifique des voies a~riennes [8].

Cibles moldculaires du NO Une fois synth~tis~, le NO diffuse rapidement vers l'ext~rieur de la cellule qui le synthfitise en agissant sur les cellules avoisinantes selon le mode paracrine. L'effet relaxant musculaire du NO se fait gr~ce gi 1'augmentation de la concentration intracellulaire d'un second messager nucl~otidique, le guanosine monophosphate cyclique (GMPc). Cette augmentation fait elle-meme suite ~ la stimulation de la guanylate cyclase soluble par le NO [1] (Fig. 1). L'augmentation de la concentration de GMPc dans le muscle lisse active une s6rie de prot6ines kinases, notamment les prot~ines kinases G de type I qui, en d6clenchant une cascade de phosphorylation sur diverses prot6ines cibles, vont directement ou indirectement contrNer la contractilit~ de la cellule musculaire lisse. L'activation des prot6ines kinases G par le GMPc a donc de nombreux effets. Elle induit, entre autres, l'ouverture des canaux potassiques causant un efflux d'ions potassium et entrainant ainsi l'hyperpolarisation de la membrane cellulaire [9]. Par ailleurs, les prot~ines kinases G phosphorylent ~galement certaines protNnes cibles, comme la phospholambane, qui sont impliqu~es dans les mouvements de recaptage et/ou d'extrusion du calcium entre les compartiments intracellulaires et le cytosol. La voie finale commune de ces r~actions de phosphorylation dfipendantes des prot~ines kinases G est la diminution de la concentration intracytosolique d'ions calcium. Ceci aboutit au rel~chement in vitro du muscle lisse vasculaire, bronchique ou digestif et aux ph~nom~nes ~quivalents in vivo, ~ savoir une vasodilatation, une bronchodilatation ou une diminution du p~ristaltisme intestinal. A des concentrations beaucoup plus importantes, le NO peut ~galement inhiber les enzymes de la chaine respiratoire mitochondriale. Ainsi, les effets biologiques du NO sont loin d'etre univoques. En effet, on a vu que le NO peut induire un relachement

Biologie, physiologie et pharmacologie du monoxyde d'azote - 4 9 s par divers types cellulaires ne semblent pas les m~mes pour toutes les maladies et sont, pour certains d'entre eux, encore non 61ucid6s. I1 semble aujourd'hui n6cessaire de mieux conna~tre les m6canismes de r6gulation de l'expression des g~nes codant pour les diff6rentes isoformes de l'enzyme synth6tisant le NO, les NOS constitutive et inductible. Cette connaissance permettra de mieux utiliser les outils pharmacologiques pour obtenir soit une inhibition soit une augmentation de l'expression de telle ou telle isoforme dans des situations pathologiques prfcises. De futures 6tudes sur les cons6quences de l'invalidation (, knock-out >>)des g~nes codant pour les diff~rentes NOS, notamment la NOS constitutive endoth61iale [12], permettront 6galement de mieux comprendre le r61e du NO dans des maladies dont la liste, bien que d6j~ longue, ne cesse de s'accro~tre jour apr6s jour.

de la cellule musculaire lisse comme il peut aussi bien ~tre ~tl'origine d'une cytotoxicit6 av6r6e. Cet aspect prot6iforme des fonctions biologiques du NO n'est pas tant li6 ~ sa nature chimique qu'~ la nature de la cible mol6culaire sur laquelle il agit. Du fait de sa nature radicalaire, le NO est une mol6cule extremement instable car pouvant fitre facilement capt6 par les prot6ines ~ groupement prosth6tique h6minique, telle l'h4moglobine, et par 1'02 et ses d6riv6s, tel l'anion superoxide (02-) [1]. Ceci explique la tr6s br6ve dur4e de vie biologique du NO (de l'ordre de quelques secondes) et son action purement locale, confin6e au voisinage imm6diat de son lieu de synth6se et de s6cr6tion. En effet, une lois lib6r6 par la cellule, le NO est rapidement inactiv6 en se combinant soit avec les d6riv6s de 1'O2 dans divers milieux biologiques, soit avec l'h4moglobine dans le sang circulant. Quant aux analogues de structure de la L-arginine (N°-monom6thyl-L-arginine, N°-nitro L-arginine m6thylester), ils inhibent la synthhse du NO en entrant en comp6tition avec la L-arginine pour se lier au site actif de la NOS. L'utilisation de ces analogues de structure de la L-arginine a permis, ces derni6res ann6es, de mieux connaltre le r61e du NO en physiologie et en physiopathologie respiratoire.

R6f~rences [1] MONCADAS., HIGGS A. - - The L-arginine-nitric oxide pathway. N. Engl. J. Med., 1993, 329, 2002-2012. [2] FURCHGOTT R.F., ZAWADZKI J.V. - - The obligatory role of endothelial cells in the relaxation of arterial smooth muscle by acetylcholine. Nature, 1980, 288, 323-326. [3] PALMER R.M.J., FERRIGE A.G., MONCADA S. m Nitric oxide release accounts for the biological activity of endotheliumderived relaxing factor. Nature, 1987, 327, 524-526. [4] HIGENBOTTAMT.W., PEPKE-ZABAJ., Scorr J.P., WOOLMAN P., COUTTS C., WALLWORK J. - - Inhaled endothelium derivedrelaxing factor in primary pulmonary hypertension. Am. Rev. Respir. Dis., 1988, 137(suppl.), 107. [5] DINH-XUAN A.T. - - R61es du NO en physiopathologie cardiovasculaire et respiratoire. Arch. Int. PhysioL Biochim. Biophys., 1994, 102, A3-A9. [6] Guo F.H., DE HALVE H.R., RICE T.W., STUEHR D.J., THUNNISSEN F.B.J.M., ERZURUM S.C. - - Continuous nitric oxide synthesis by inducible nitric oxide synthase in normal human airway epithelium in vivo. Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 1995, 92, 7809-7813. [7] LUNDBERGJ.O.N., FARKAS-SZALLASIT., WEITZBERG E., et aL - - High nitric oxide production in human paranasal sinuses. Nature Med., 1995, 1, 370-373. [8] ASANO K., CHEE C.B.E., GASTON B. et aL - - Constitutive and inducible nitric oxide synthase gene expression, regulation, and activity in human lung epithelial cells. Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 1994, 91, 10089-10093. [9] ARCHERS.L., HUANGJ.M.C., HAMPL V., NELSON D.P., SHULTZ P.J., WEiR E.K. - - Nitric oxide and cGMP cause vasorelaxation by activation of a charybdotoxin-sensitive K channel by cGMP-dependent protein kinase. Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 1994, 91, 7583-7587. [10] KOBZIKL., BREDT D.S., LOWENSTEINC.J. et al. - - Nitric oxide synthase in human and rat lung : immunocytochemical and histochemical localization. Am. J. Respir. Cell. Mol. Biol., 1993, 9, 371-377. [11] BARNESP.J., BELVISI M.G. - - Nitric oxide and lung disease. Thorax, 1993, 48, 1034-1043. [12] HUANG P.L., HUANG Z., MASHIMO H. et al. - - Hypertension in mice lacking the gene for endothelial nitric oxide synthase. Nature, 1995, 377, 239-242.

Cellules pulmonaires synthdtisant le NO De nombreuses cellules pulmonaires peuvent exprimer soit l'une, soit l'autre, parfois m~me les deux isoformes (constitutive et inductible) de la NOS [10]. Ainsi, la synth~se du NO a fitfi mise en 6vidence avec des types cellulaires aussi varifis que les macrophages, les polynucl~aires neutrophiles, les fibroblastes, l'endoth~lium vasculaire, le muscle lisse bronchique et vasculaire, l'6pith61ium des voies a6riennes et les terminaisons nerveuses [11]. L'existence de la NOS constitutive a ~t~ d6montr6e au niveau de l'endothSlium vasculaire pulmonaire et des terminaisons nerveuses innervant l'arbre trachfiobronchique humain. La NOS inductible est surtout exprim6e par la cellule 6pithfiliale, dont la capacit6 de synth~se du NO est d'autant plus importante qu'il existe une inflammation bronchique, que celle-ci soit passag~re (infections virales des voles aSriennes sup~rieures) ou plus ou moins permanente (maladie asthmatique).



Conclusion

Le NO est aujourd'hui considfir6 comme fitant le m6diateur nitr6 endog~ne dont la principale source, l'~tat physiologique, est la cellule endoth61iale vasculaire. Les m~canismes responsables de la diminution et/ou de l'augmentation de la synth~se du NO

mmm Rean. Urg., 1996, 5 (6 special), 47s-49s