Cal vicieux extra-articulaires du radius distal : intérêt du ciment phosphatique

Cal vicieux extra-articulaires du radius distal : intérêt du ciment phosphatique

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2010) 96, 651—655 NOTE DE TECHNIQUE Cal vicieux extra-articulaires du radius distal : intérêt du...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2010) 96, 651—655

NOTE DE TECHNIQUE

Cal vicieux extra-articulaires du radius distal : intérêt du ciment phosphatique夽 Extra-articular distal radius malunion: The phosphate cement alternative L. Obert , D. Lepage , N. Gasse ∗, S. Rochet , P. Garbuio EA 4268 innovation, imagerie, ingénierie et intervention en santé « I4S » — IFR 133 Inserm, service d’orthopédie, de traumatologie, de chirurgie plastique, reconstructrice et assistance main, pôle innovation et technique chirurgicale, CHU Jean-Minjoz, université de Franche-Comté, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on cedex, France Acceptation définitive le : 25 mars 2009

MOTS CLÉS Cal vicieux ; Radius distal ; Ostéotomie ; Ciment phosphocalcique

Résumé Cinq patients d’âge moyen 40,4 ans (19—58), présentant un cal vicieux du radius distal ont été opérés par ostéotomie d’ouverture avec utilisation d’un ciment injectable phosphocalcique comme alternative à l’autogreffe dans un délai de neuf mois (quatre à 16) après la fracture. La fixation était réalisée par une plaque juste au-dessus de l’articulation radio-ulnaire distale avec libération des parties molles. Un suivi fonctionnel et radiographique fut réalisé en préopératoire, à six mois et à un an. À 32,4 mois (16—47), tous les patients étaient satisfaits et les foyers d’ostéotomies consolidés. À un an de recul, les amplitudes atteignaient 75 % du côté controlatéral. Deux biopsies réalisées lors de l’ablation de plaques ont permis de retrouver du tissu ostéoïde à la jonction ciment restant-os. Il semble raisonnable de considérer l’utilisation des ciments phosphocalciques injectables en alternative à une autogreffe dans le comblement d’une ostéotomie d’ouverture. Niveau de preuve. — II. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction

DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2010.03.018. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics &Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Gasse). 夽

Un cal vicieux extra-articulaire du radius distal laissé en l’état chez des patients à haute demande fonctionnelle sera à l’origine d’une instabilité adaptative du carpe [1]. Les moyens du traitement ont été rappelés par Voche et al. [2]. En cas d’ostéotomie d’ouverture, le défect créé est comblé de fac ¸on classique par un greffon iliaque corticospongieux, structural par la corticale, biologique par

1877-0517/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rcot.2010.06.001

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L. Obert et al.

Figure 1 Sur l’image scanographique, la glène radiale regarde en arrière. Aspect peropératoire avec abord dorsal et ostéotomie d’ouverture postérieure. Une clasie de la corticale postérieure a été réalisée, respectant la corticale antérieure. Mise en place d’une plaque postérieure, puis du substitut osseux sous contrôle de l’amplificateur de brillance. Aspect peropératoire du substitut en cours de prise. Aspect radiographique postopératoire.

le spongieux qu’il contient. Le mode d’ostéosynthèse et la durée d’immobilisation dépendent des habitudes de l’opérateur [2—4]. Récemment, Luchetti [5] a montré que le comblement pouvait être réalisée par un ciment phosphocalcique injectable, qu’il n’existe pas de problème de consolidation dans cette zone métaphysaire, que l’on peut éviter la morbidité du prélèvement iliaque et que le substitut possède des propriétés mécaniques supérieures au spongieux. Nous rapportons cinq cas de cals vicieux extraarticulaire du radius distal corrigés et comblé par un ciment injectable phosphocalcique. Pour la première fois, une analyse histologique a été réalisée lors de l’ablation du matériel.

comblement de la perte de substance par Jectos® terminait l’intervention. Cette injection se faisait sous contrôle de l’amplificateur de brillance, trois à cinq minutes après le mélange du substitut, pour obtenir une pâte épaisse qui ne risquerait pas de fuir en avant malgré le respect de la corticale antérieure, ou dans les parties molles périphériques. Une désinsertion du muscle brachioradial en externe et une libération de la membrane interosseuse en interne étaient nécessaires pour mobiliser l’épiphyse radiale et permettre la correction souhaitée. La fermeture se faisait sur drainage avec un surjet intradermique sur la peau.

Technique [3]

L’Arexbone® ou Jectos® (Arexbone) fabriqué par Kasios est un ciment phosphocalcique composé de Di Calcium Phosphate Di Hydraté. L’obtention du ciment est réalisé en mélangeant une phase liquide et une phase solide (poudre) avec une réaction acide base. La phase solide est constituée de phosphate tricalcique bêta (> 97 %) et de pyrophosphate de sodium. La phase liquide est constituée d’acide orthophosphorique 4 M et d’acide sulfurique 0,1 M. Le mélange liquide — poudre est à homogénéiser pendant une minute

Le traitement consistait en une ostéotomie d’ouverture comblée par un substitut injectable (Jectos® ) et une ostéosynthèse par plaque (Fig. 1). Dans tous les cas, l’abord se faisait du côté de l’ouverture. Une ostéosynthèse par plaque titane à vis non verrouillées 3,5 était mise en place après ostéotomie, sans rupture de la corticale opposée, mais clasie du côté de l’ostéotomie d’ouverture. Puis, le

Le ciment phosphocalcique

Figure 2 Comparaison à un mois et demi et à 12 mois sur des clichés de face, de « mauvais » clichés de profil et des clichés de trois quarts : on s’aperc ¸oit que le liseré qui se voit sur les trois vues à un mois et demi change d’aspect à 12 mois, avec diminution progressive de la quantité de substitut présent. L’aspect de liseré en postopératoire est attribué à une interface ciment — os constitué de sang. Il n’a pas démontré de valeur pathologique et ne gêne pas a priori le remplacement du substitut par l’os.

−6 20 26

0 −14 20

−8 −26 0

0 −14 12

0 16 16

70 38 6

100 80 16

60 40 4

120 100 12

100 60 8

BO — 50

Bascule postérieure Bascule antérieure MA — 19

Da — 58

Bascule postérieure Bascule postérieure DA — 22

Orthopédique inadéquat TT Orthopédique inadéquat Fixateur externe seul TT Orthopédique inadéquat Fixation par broche insuffisante Bascule antérieure CU — 53

Cause TT Type cal vicieux Patient — âge

Tableau 1

Valeurs préopératoires.

Délai/Fracture (mois)

Flex/Ext préopératoire (◦ )

Pro/Sup préopératoire (◦ )

Force poigne préopératoire

Pente frontale préopératoire

Pente sagittale préopératoire

Variance ulnaire préopératoire

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Figure 3 Aspect histologique d’un fragment osseux à la jonction os — substitut restant.

et selon la température de la pièce, quatre minutes supplémentaires sont nécessaires pour obtenir un mélange suffisamment épais pour être injecté. Le temps de prise est égal à neuf à dix minutes (23 ◦ C). La cinétique de prise est très sensible aux variations de température. La porosité obtenue est de 40 % avec une taille moyenne des pores inférieure à 5 ␮m. La résistance en compression d’une éprouvette de 12/10 mm est de 37 MPa (air ambiant) avec un module d’Young égal à 900 MPa. L’évaluation radiographique (Fig. 2) a permis de suivre la résorption progressive du substitut qui n’a jamais été complète au recul de l’étude. Un liseré a été observé dans quatre cas, sans que l’on puisse lui attacher une valeur pathologique. Dans les deux cas les plus anciens, il existe une disparition minime et très progressive du substitut. Il n’y a pas eu de perte de correction. Deux biopsies ont été réalisées à l’ablation du matériel à six mois (patient BO, patient DA). L’analyse histologique a retrouvé dans les deux cas que le Jectos® était remplacé par de l’os (Fig. 3). Des particules du biomatériau sont soit au contact soit incluses, dans un tissu cicatriciel peu vascularisé et peu cellularisé, ou dans un tissu osseux dont le degré de maturation varie en fonction de la localisation. Cette seconde situation est majoritaire sur les coupes étudiées. Le tissu osseux présente par endroit un aspect ostéoïde. Le biomatériau inclus dans la matrice osseuse ou dans le tissu conjonctif n’est pas apparemment au contact de cellules multinuclées géantes.

Les patients Cinq patients d’âge moyen 40,4 ans (19—58), symptomatiques, ont été traités dans un délai de neuf mois (quatre à 16 mois) après la fracture initiale et évalués de fac ¸on prospective par un opérateur indépendant (Tableaux 1 et 2). Dans trois cas, le cal vicieux présentait une bascule postérieure et dans deux cas, d’une bascule antérieure. Dans tous les cas, il existait une erreur technique de prise en charge de la fracture. Le recul moyen est de 32,4 mois (16—47). Aucune complication liée au ciment injectable n’a été notée. Un patient ayant présenté une algodystrophie après la fracture initiale a nécessité un arthrolyse quatre mois après

0

0

0

0

14 20 (68 %) (87 %) 47 BO — 50

(54 %)

10 20 (74 %) 23 kgF (94 %) 140◦ 16 MA — 19

(84 %) 68◦

8 14 (76 %) 44 kgF (94 %) 160◦ 36 Da — 58

(61 %) 116◦

6 14 (97 %) 28 kgF (94 %) 126◦ 37 DA — 22

(86 %) 52◦

10 20 140◦ (84 %) 160◦ 26 CU — 53

62◦ (56 %) 120◦

20 kgF (58 %) 44 kgF

Pente sagittale Recul 6 mois Pente frontale Recul 6 mois Pro/Sup Recul 6 mois Recul (mois)

Flex/Ext Recul 6 mois

Force poigne Recul 6 mois

l’ostéotomie et garde des amplitudes à 54 % du côté controlatéral. Pour les quatre autres patients, la récupération des amplitudes pour l’arc de flexion extension atteignait 71 % du côté controlatéral. Pour les cinq patients, la pronosupination fut récupérée à hauteur de 80 % du côté controlatéral. La récupération de la force s’est faite à partir du troisième mois et atteint à six mois pour les cinq patients 74 % du côté controlatéral.

Commentaire

Patient — âge

Valeurs postopératoires. Tableau 2

0

L. Obert et al.

Variance ulnaire Recul 6 mois

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Luchetti [5] rapporte six cas de cals vicieux traités par ostéotomie d’ouverture, fixation par broches et comblement de la zone d’ostéotomie par un ciment phosphocalcique, le Norian® . Il ne retrouve aucune complication liée au ciment et une intégration complète d’après l’auteur avec un remplacement du ciment par l’os avec le temps, le recul minimum étant de 22 mois. Abramo et al. [6] publient 25 cas dans une étude prospective continue de cals vicieux avec bascule dorsale. Le cal vicieux est traité par ostéotomie d’ouverture, fixation par le système Trimed® et adjonction de Norian® . Avec un recul minimum d’un an, les patients ont une amélioration de la fonction et un disability of the arm, shoulder and hand (DASH) progressant de 13 points, avec un gain dans les volants de flexion extension et de pronosupination de 20◦ . Il n’y a pas de perte de la correction. Un seul cas n’a pas consolidé. Le fait d’éviter la greffe permet, pour les auteurs, de pouvoir traiter ces patients en ambulatoire. Kruckhaug et Hove [7] ont plus de complications avec l’utilisation d’un greffon. En effet, dans une étude prospective continue portant sur 33 patients, il existe une lyse du greffon ayant nécessité une réintervention chez cinq patients. Concernant les inconvénients des greffes, Zyluk et Nied´zwied´z [8] rapportent, à travers une étude prospective portant sur 25 cas, que dans cinq cas où il a mis en place une allogreffe, il existe une résorption de celle-ci. Pour cet auteur, la fixation de l’ostéotomie par broches et la lyse de l’allogreffe sont les causes des échecs. Lozano-Calderón et al. ont rapporté six cas de cals vicieux après 60 ans, traités par plaque verrouillée et Norian® , sans perte de correction chez des patients ostéoporotiques [9]. La mise en place d’un greffon corticospongieux n’est pas forcément aussi anatomique que l’opérateur le souhaite : quand il est positionné dans l’ostéotomie d’ouverture il faut éviter que ce soit le radius qui s’adapte au greffon. Dans ces zones métaphysaires, il n’est pas forcément nécessaire d’utiliser le caractère biologique de l’autogreffe. Enfin, comme le rappelle Gupta [10], il existe une certaine morbidité secondaire au prélèvement du greffon corticospongieux iliaque puisqu’il rapporte dans une méta-analyse 31 % de complications au niveau du site de prélèvement. L’intérêt du caractère injectable du substitut osseux est bien qu’il soit tout à fait adaptatif à la perte de substance. Le Jectos® possède une résistance en compression égale ou supérieure à l’os spongieux. Il serait nécessaire de réaliser des essais en milieu humide, plus proche de la réalité peropératoire. Il ne faut pas attendre une disparition avant quatre à six ans au mieux. Cette disparition est proportionnelle à la dose puisque le remplacement par de l’os se fait de fac ¸on centripète. La précaution essentielle est d’obtenir en peropératoire un aspect pâteux compati-

Cal vicieux extra-articulaires du radius distal : intérêt du ciment phosphatique ble avec l’injection, sans risque de fuite dans les parties molles.

Conclusion Il est logique d’envisager l’utilisation d’un substitut injectable phosphocalcique dans les cals vicieux extraarticulaires du radius chez les patients à haute demande fonctionnelle pour combler le défect créé par l’ostéotomie d’ouverture. Ce substitut injectable n’est qu’un simple moyen de comblement. Il ne remplace que le greffon corticospongieux, en évitant la iatrogénie du prélèvement et l’anesthésie générale mais ne remplace en aucun cas une fixation rigide. Il est indispensable de bien connaître les propriétés mécaniques du substitut injectable que l’on utilise. Son utilisation constitue la dernière étape de l’intervention, après la fixation de la correction, et doit se faire sous contrôle de l’amplification de brillance.

Conflit d’intérêt Aucun.

Références [1] Allieu Y. Instabilité du carpe : instabilité ligamentaire et désaxation intracarpienne : explication du concept d’instabilité. Ann Chir Main 1984;3:317—21.

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[2] Voche P, Merle M, Dautel G. Les cals vicieux extra-articulaires du radius distal. Évaluation et techniques de correction. Rev Chir Orthop Reparatrice 2001;87:263—75. [3] Obert L, Bonin N, Rochet S, Garbuio P. Utilisation de substitut injectable dans les corrections des cals vicieux extraarticulaires du radius distal. In: Allieu Y, Roux JL, Meyer Zu Reckendorf G, editors. Fractures du radius distal de l’adulte. Montpellier: Sauramps Médical; 2006, p. 529—36. [4] Prommersberger KJ, Lanz U. Biomechanical aspects of malunited distal radius fracture. A review of the literature. Handchir Mikrochir Plast Chir 1999;31:221—6. [5] Luchetti R. Corrective osteotomy of malunited distal radius fractures using carbonated hydroxyapatite as an alternative to autogenous bone grafting. J Hand Surg 2004;29A:825—34. [6] Abramo A, Tagil M, Geijer M, Kopylov P. Osteotomy of dorsally displaced malunited fractures of the distal radius: no loss of radiographic correction during healing with a minimally invasive fixation technique and an injectable bone substitute. Acta Orthop 2008;79:262—8. [7] Krukhaug Y, Hove LM. Corrective osteotomy for malunited extra-articular fractures of the distal radius: a follow-up study of 33 patients. Scand J Plast Reconstr Surg Hand Surg 2007;4:303—9. [8] Zyluk A, Nied´zwied´z Z. An assessment of the results of corrective osteotomy for malunited fractures of the distal radius. Chir Narzadow Ruchu Ortop Pol 2008;73:41—8. [9] Lozano-Calderón S, Moore M, Liebman M, Jupiter JB. Distal radius osteotomy in the elderly patient using angular stable implants and Norian bone cement. J Hand Surg 2007;32A:976—83. [10] Gupta AR. Perioperative and long-term complications of iliac crest bone graft harvesting for spinal surgery: a quantitative review of the literature. Int Med J 2001;8:163—6.