C ancer/ R adiot hérapie 14 Suppl . 1 (2010) S52– S60
Cancer des sinus de la face Paranasal sinus carcinoma S. Vieillot*, P. Boisselier, N. Aillères, M.H. Hay, J.B. Dubois, D. Azria, P. Fenoglietto Département de cancérologie radiothérapie, Université Montpellier I, CRLC Val d’Aurelle - Paul-Lamarque, Rue Croix-Verte, 34298 Montpellier, cedex 5, France
RÉSUMÉ Mots clés : Cancer des sinus Radiothérapie conformationnelle Volumes cibles Atlas
Les cancers des sinus de la face sont des tumeurs rares, dont le traitement repose sur une approche multidisciplinaire. La chirurgie et la radiothérapie, plus ou moins associées à la chimiothérapie, permettent d’obtenir des taux de survie spécifique à cinq ans tous stades confondus de 60-70 %. Les progrès de la radiothérapie, avec notamment l’utilisation de l’imagerie tridimensionnelle pour une approche conformationnelle, nécessitent une connaissance précise de la radioanatomie de ce type de tumeur afin de déterminer les différents volumes d’intérêt. L’objectif de ce travail était de préciser les particularités radioanatomiques et les modalités d’irradiation conformationnelle pour les cancers du sinus, illustrées par un cas clinique. © 2010 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
ABSTRACT Keywords: Sinus cancer Conformational radiotherapy Target volumes Atlas
Cancers of the paranasal sinuses are rare tumors, with treatment based on a multidisciplinary approach. Surgery and radiation therapy, possibly associated with chemotherapy are used to obtain 5 years specific survival rate of 60-70 %. Advances in radiotherapy, including the use of imaging for 3D conformal approach require precise knowledge of the radioanatomy for this type of tumor to determine the different volumes of interest. Purpose of this study was to specify radioanatomy and conformal radiation modalities for cancers of the sinuses, and is illustrated by a case report. © 2010 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1.
Introduction
Les cancers des sinus de la face ne représentent que 3 à 4 % des cancers des voies aérodigestives supérieures [19]. Ils se développent préférentiellement aux dépens de la muqueuse qui tapisse les cavités naso-sinusiennes et sont dans 60 à 80 % des cas à des carcinomes épidermoïdes, dans 10 à 20 % des cas des adénocarcinomes, plus rarement des tumeurs neuronales, ou « esthésioneuroblastomes », le plus souvent situés au niveau de la cavité nasale. Ils sont associés
au tabagisme, ainsi qu’à certaines expositions professionnelles (chrome, isopropyl d’alcool, nickel et thorotrast). L’atteinte du sinus ethmoïdal est liée dans plus de 80 % des cas à l’exposition à la poussière de bois, et est considérée comme une maladie professionnelle. Les localisations les plus fréquentes sont le sinus maxillaire, puis l’ethmoïde. Les atteintes des autres sinus étant rares, nous décrirons dans cet article uniquement la radioanatomie de ces deux principaux sites, et le cas clinique portera sur un adénocarcinome du sinus de l’ethmoïde.
* Correspondance. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Vieillot) © 2010 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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2.
Présentation clinique
La tumeur peut se développer longtemps avant de devenir symptomatique et est donc souvent évoluée au moment du diagnostic. Une obstruction nasale, le plus souvent unilatérale, une rhinorrhée ou un épistaxis, mais aussi une tuméfaction du nez, de la joue ou de la cavité buccale, sont des symptômes classiques. Des douleurs buccales persistantes ou une sinusite maxillaire chronique peuvent aussi révéler la maladie. L’atteinte ophtalmologique, telle qu’une diplopie ou une exophtalmie, doit faire craindre une atteinte plus évoluée.
3.
Classification
La classification utilisée le plus couramment est la TNM de l’UICC de 2002 [21]. Elle est détaillée pour le cancer du sinus maxillaire et pour le cancer de l’ethmoïde dans le tableau 1.
4.
Indications de la radiothérapie
Les tumeurs des sinus de la face étant rares, nous ne disposons essentiellement que de données rétrospectives sur un nombre limité de patients, aussi la meilleure stratégie thérapeutique est elle difficile à définir. Si la tumeur n’est pas résécable au moment du diagnostic, une radiothérapie exclusive est indiquée et la dose recommandée est de 70-72 Gy. Un effet de la dose totale a été démontré, avec un seuil minimum de 65 Gy [6]. Cette irradiation peut aussi être préopératoire, si une réévaluation de la maladie vers 56 Gy est réalisée, et que la chirurgie devient possible [6]. Cette stratégie de réduction tumorale permet d’augmenter les chances d’une résection complète et évite une chirurgie mutilante, telle qu’une énucléation. Si la chirurgie est possible d’emblée, elle est réalisée de première intention lorsqu’elle ne constitue pas un geste morbide majeur. La radiothérapie postopératoire est alors presque toujours indiquée, compte tenu du bénéfice démontré dans plusieurs séries rétrospectives de cancers de tous stades [2,10,13]. Dulguerov et al. ont publié une méta-analyse en 2001 sur 220 patients mettant en évidence le bénéfice de l’association des
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deux modalités de traitement (taux de contrôle local à cinq ans avec radiothérapie seule de 57 % contre 66 % avec l’association de chirurgie et de radiothérapie), même si la comparaison était biaisée car il y avait plus de tumeurs évoluées dans la population traitée par irradiation exclusive [4]. La chirurgie exclusive se discute uniquement pour les rares tumeurs de stade T1, mais l’existence de tranches de section de résection douteuses, d’une invasion périnerveuse, voire d’un contingent indifférencié, constitue alors un argument pour une radiothérapie postopératoire [3]. Jiang et al. ont rapporté un faible taux d’atteinte ganglionnaire au moment du diagnostic pour les adénocarcinomes de l’ethmoïde, de l’ordre de 3 à 7 %, ne justifiant pas la réalisation d’une irradiation prophylactique [12]. En ce qui concerne les cancers du sinus maxillaire, Lee et al. ont observé un taux de rechute ganglionnaire à cinq ans de 0 % après radiothérapie contre 20 % en cas d’absence de radiothérapie, et ces rechutes étaient pour 84 % d’entre elles homolatérales, limitées aux zones I, II, III. Dans cette série rétrospective, le taux de rechute ganglionnaire était lié au risque d’évolution métastatique (p = 0,02). Toutes les atteintes ganglionnaires concernaient des tumeurs de stade T3 ou T4 [14]. Le taux de risque d’évolution ganglionnaire a été évalué dans une autre série rétrospective de 650 malades atteints d’un cancer du sinus maxillaire à 19 %, alors même qu’il était lors du diagnostic de moins de 10 % [11]. Ces auteurs recommandaient donc une irradiation prophylactique pour les cancers de stade T3 ou T4, en particulier les carcinomes épidermoïdes. L’efficacité de la chimiothérapie en association avec la radiothérapie a été démontrée pour les cancers de la tête et du cou dans la méta-analyse MACH-NC (Meta-analysis of chemotherapy in head and neck cancer), mais la plupart des essais excluaient les cancers des sinus [17]. Aucune étude de phase III n’a évalué le bénéfice de la chimiothérapie pour les cancers des cavités nasosinusiennes, que ce soit en situation néoadjuvante, concomitante, ou adjuvante. Quelques séries rétrospectives semblent confirmer son intérêt, surtout pour des tumeurs évoluées, en permettant une amélioration du taux des contrôles locaux et de survie globale et en autorisant des chirurgies moins mutilantes avec préservations orbitaires [14,18]. Sa place reste cependant aujourd’hui discutée.
Tableau 1 Classification TNM de l’UICC de 2002 des cancers des sinus de la face (sinus maxillaire et ethmoïde). 2002 UICC TNM classification, facial sinus cancers (maxillary and ethmoid sinus). Sinus maxillaire
Sinus ethmoidal
T1
limité à la muqueuse, l’os est respecté
un site de fosse nasale ou sinus éthmoidal avec ou sans atteinte osseuse
T2
érosion ou destruction osseuse
2 sites dans un seul siège ou envahissant un site voisin du complexe naso-éthmoidal avec ou sans atteinte osseuse
T3
paroi osseuse postérieure du sinus maxillaire, tissu sous cutané, plancher et/ou paroi interne de l’ orbite, fosse ptérygoide, sinus éthmoidal
paroi interne ou plancher de l’orbite, sinus maxillaire, palais ou lame criblée
T4
a : cavité orbitaire antérieure, peau de la joue, apophyses ptérygoides, fosse intratemporale, lame criblée, sinus sphénoidal ou frontal b : toit de l’orbite, dure-mère, cerveau, étage moyen de la base du crâne, nerfs crâniens (sauf division maxillaire du V2), nasopharynx, clivus
a : orbite antérieure, peau du nez ou de la joue, extension minime base du crâne, apophyses ptérygoides, sinus frontal ou sphénoidal b : toit de l’orbite, dure-mère, cerveau, étage moyen de la base du crâne, nerfs crâniens autre que V2, nasopharynx, clivus
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5.
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Résultats attendus
Le pronostic de ces tumeurs varie en fonction de l’histologie, de la localisation, du stade ou encore du traitement réalisé. Le tableau 2, issu de la méta-analyse de Dulguerov et al., rapporte les taux de survie spécifique actuariels obtenus dans les essais les plus récents [4].
6.
Algorithme décisionnel
Chargari et al. ont publié récemment un algorithme décisionnel pour la prise en charge des carcinomes du sinus maxillaires. Cette stratégie peut être appliquée aux cancers des autres sinus, en dehors de l’irradiation ganglionnaire non retenue pour les cancers de l’ethmoïde (Fig. 1) [3].
Tableau 2 Probabilité de survie spécifique en fonction de l’histologie, du site tumoral, du stade selon la classification TNM et du traitement. Cancer-specific survival probability by histology, tumor site, and stage in relation to TNM classification and treatment. Caractéristiques
%
Histologie C. épidermoide
50
C. glandulaire
60
adénocarcinome
50
C. indifférencié
28
Site S. maxillaire
45
ethmoide
51
S. nasal
66
TNM T1
7.
Modalités de traitement
7.1. Radioanatomie
90
T2
70
T3
44
T4
28
Traitement
La tomodensitométrie avec injection de produit de contraste est indispensable, elle explore le massif facial de la base de crâne jusqu’au plancher buccal, et visualise les ganglions cervicaux. L’IRM est nécessaire pour apprécier l’extension vers la fosse infratemporale, et les espaces parapharyngés [15].
Fig. 1. Algorithme décisionnel selon Chargari et al. [3] Decision tree according to Chargari et al. [3]
chirurgie
79
radiothérapie
57
radiothérapie+chirurgie
66
Abréviations: C.: carcinome, S.: sinus, SSA: survie spécifique actuarielle
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Les voies de développement préférentielles des tumeurs du sinus maxillaire et de l’éthmoïde sont décrites dans la fi gure 2 : pour les cancers du sinus maxillaire, l’extension tumorale peut se faire en haut vers l’ethmoïde, car il n’existe pas de barrière anatomique, vers l’orbite via le canal sous orbitaire et vers la fosse cérébrale moyenne à travers le foramen rond. Les extensions inférieures correspondent à l’invasion de l’os maxillaire et du palais osseux. La cavité nasale peut être envahie via l’ostium. En arrière, la tumeur peut envahir la graisse rétroantrale, les muscles ptérygoïdiens et la fosse ptérygopalatine. Pour les cancers de l’ethmoïde, l’extension la plus fréquente se fait via le méat moyen vers la cavité nasale. Une atteinte bilatérale par l’intermédiaire de la cloison septale est plus tardive. En haut, la méninge est facilement atteinte car le toit de l’ethmoïde offre peu de résistance. L’envahissement
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endocrânien est consécutif au franchissement de cette méninge, qui constitue une barrière anatomique efficace. Cependant, au niveau du toit des fosses nasales, la lame criblée est perméable jusqu’aux gouttières olfactives. En arrière, l’extension se fait vers le sphénoïde. La tumeur s’étend également vers la graisse rétro-antrale, les muscles ptérygoïdiens et la fosse ptérygopalatine. En dehors, l’érosion de la lame papyracée est classique, mais le périoste de l’orbite est résistant. En bas et en dehors, l’extension se fait vers le sinus maxillaire et plus rarement la fosse ptérygomaxillaire. En cas d’indication d’irradiation ganglionnaire, les aires Ib, II et III homolatérales et éventuellement controlatérales – si la tumeur dépasse la ligne médiane – doivent être incluses dans le volume cible. La figure 3 présente les différentes aires ganglionnaires cervicales d’intérêt. Leurs limites radioanatomiques ont été décrites par Grégoire et al. [7].
Fig. 2. Radioanatomie : coupes scanographiques des cavités nasosinusiennes Radiological anatomy : CT slices of sinonasal cavities.
Fig. 3. Radioanatomie : coupes scanographiques des aires ganglionnaires cervicales Radiological anatomy : CT slices of cervical lymph nodes.
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7.2. Détermination des volumes cibles
7.4. Contraintes de doses aux organes à risque
En radiothérapie conformationnelle, une scanographie de simulation avec injection de produit de contraste – en l’absence de contre-indication – est réalisée pour l’acquisition des données anatomiques du patient afin d’apprécier les limites géométriques de la tumeur et ses rapports avec les organes voisins. Le patient est en position de traitement : décubitus dorsal, les bras le long du corps. Un masque individuel thermoformé 3 ou 5 points est réalisé, avec un angle orbitoméatal à 90 ° par rapport au plan horizontal de la table. Un abaisselangue peut être utilisé. L’acquisition tomodensitométrique consiste en des coupes de 3 mm du vertex jusqu’à 5 cm sous les clavicules [22]. Selon les critères des rapports 50 et 62 de l’ICRU (International commission on radiation units and measurements) [8,9], les différents volumes suivants sont délinéés : – le volume tumoral macroscopique (GTV ou Growth Tumor Volume) qui correspond à la tumeur. En situation adjuvante, ce volume n’existe pas ; – le volume cible anatomoclinique (CTV ou Clinical Target Volume) qui correspond au volume tumoral macroscopique plus la zone à risque d’extension microsopique. Le sinus atteint est toujours inclus dans sa totalité ; les structures adjacentes au sinus atteint sont prises en compte en fonction de l’atteinte clinique et des zones anatomiques de vulnérabilité. Le volume cible anatomoclinique n’inclut l’orbite qu’en cas de franchissement périostique. Une effraction osseuse postérieure du sinus maxillaire implique l’inclusion de la fosse ptérygomaxillaire et des muscles ptérygoïdiens [15]. Un volume cible anatomoclinique à haut risque, qui correspond au lit tumoral, et un volume cible anatomoclinique à bas risque, pour l’extension vers les structures adjacentes, peuvent être différenciés. Le volume cible anatomoclinique ganglionnaire correspond aux aires Ib, II et éventuellement III homolatérales, bilatérales s’il existe un franchissement de la ligne médiane ; – le volume cible prévisionnel (PTV ou Planning Target Volume ou) correspond au volume cible anatomoclinique augmenté d’une marge de 1 cm, qui peut être diminuée à 3 à 5 mm en RCMI.
Les contraintes de dose doivent être conformes au guide de procédure de radiothérapie externe [22]. Pour la moelle, la dose maximale doit être inférieure à 45 Gy. Le tronc cérébral ne doit pas recevoir plus de 50 Gy dans sa totalité et 55 Gy dans un volume très limité, les lobes temporaux plus de 60 Gy, l’hypophyse plus de 55 Gy, les articulations temporomandibulaires plus de 60 Gy. Moins de 50 % de la parotide controlatérale doivent recevoir 26 Gy et la dose moyenne acceptée est de 30 Gy. Le chiasma et les nerfs optiques ne doivent pas recevoir plus de 55 Gy. La dose moyenne tolérée par l’œil est de 35 Gy, et la dose au cristallin doit être la plus faible possible. Il n’y a pas de contrainte spécifique pour les glandes lacrymales. L’oreille interne homolatérale ne doit pas recevoir plus de 50-55 Gy, et l’objectif pour l’oreille interne controlatérale est la dose la plus faible possible. Enfin la dose maximale délivrée au larynx est de 20 Gy. La thyroïde est délinéée, afin de renseigner sur la dose reçue.
7.5. Balistique, dosimétrie L’implémentation de la RT conformationnelle tridimensionnelle a permis une amélioration de la distribution de la dose aux volumes d’intérêt, autorisant une réduction de la dose délivrée aux organes à risque, en particulier aux voies optiques. La RCMI semble même offrir une épargne supérieure [1,5]. L’énergie des faisceaux utilisés se situe entre 4 et 10 MV pour les photons et 9 à 10 MeV pour les électrons. Le nombre, l’angulation et de la pondération des faisceaux sont optimisés en considérant le volume à irradier et les organes à risque à protéger. Un collimateur multilame ou des caches personnalisés sont utilisés. La prise en compte de la pénombre impose une marge entre le volume cible prévisionnel et le collimateur multilame. Un exemple de plan de traitement avec modulation d’intensité, est donné dans le cas clinique. Il correspond aux résultats d’une étude menée dans notre centre, qui cherchait à définir la meilleure balistique pour les cancers des sinus [20].
8.
Toxicité aiguë
7.3. Doses prescrites En cas de radiothérapie exclusive, la dose recommandée est de 70 Gy pour la tumeur (et les ganglions métastatiques). Une dose de 50 à 66 Gy est délivrée aux zones à risque d’extension microscopique. Aucune étude n’a montré le bénéfice d’un fractionnement ou d’un étalement différents cinq fractions de 1,8-2 Gy par semaine. Pour une irradiation postopératoire, la dose prescrite au lit tumoral est de 50 à 66 Gy, les reliquats tumoraux et les ganglions en rupture capsulaire devant recevoir au moins 60 Gy. Les contraintes à respecter, selon le rapport 62 de l’ICRU 62 [9] sont : le volume cible prévisionnel doit recevoir au minimum 95 % de la dose prescrite, et au maximum 107 %. Les critères de l’ICRU pour la RCMI (radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité) sont en cours d’élaboration.
Elle est fréquente et représentée essentiellement par une symptomatologie oculaire à type de conjonctivite et/ou de larmoiement. Une rhinite, mucite et radiodermite sont également fréquentes.
9.
Toxicité tardive
Les séquelles sont surtout visuelles, avec un syndrome sec, une baisse d’acuité visuelle. Les cataractes sont fréquentes. Les risques de rétinopathie et de névrite optique sont liés à la dose totale et apparaissent respectivement pour une dose supérieure à 45 Gy 60 Gy [16]. De rares cas de nécrose cérébrale ont été décrits. L’hyposialie, voire l’asialie, dépend de la dose reçue aux parotides.
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10. Cas clinique Il s’agit d’un patient de 71 ans, marié, trois enfants, qui a été menuisier pendant 14 ans puis entrepreneur en maçonnerie. Dans ses antécédents, on notait un double pontage en 1988, un pace-maker pour troubles du rythme cardiaque et un tabagisme sevré depuis 1988 mais pas d’intoxication alcoolique. Des épistaxis unilatérales récidivantes ont révélé une lésion ethmoïdale, dont les biopsies étaient en faveur d’un adénocarcinome. La scanographie faciale a mis en évidence une masse expansive ostéolytique aux dépens des cellules ethmoïdales semblant détruire la lame papyracée sans extension intra-orbitaire, ni endo-crânienne, avec a priori un comblement frontal d’allure rétentionnelle et un comblement polypoïde du sinus maxillaire gauche. Il n’a pas été effectué d’IRM compte tenu du pace-maker. La lésion a été classée T3. Une déclaration de maladie professionnelle a été faite. Le dossier a été présenté en réunion de concertation pluridisciplinaire, la lésion étant résécable d’emblée, une chirurgie première a été réalisée : ethmoïdectomie para-latéro-nasale droite avec ablation de la lésion intéressant le plancher de l’orbite, la paroi interne, sans envahissement de la péri-orbite, l’éthmoïde antéropostérieur et la partie postéro-supérieure de la cloison nasale. La rétention des sinus maxillaires et frontaux a été aspirée. Le sphénoïde était sain. Une reconstruction du plancher et de la paroi interne de l’orbite a été effectuée. Il s’agissait dun adénocarcinome moyennement différencié muco-sécrétant et les différentes recoupes étaient indemnes de lésion tumorale. Une radiothérapie adjuvante a été prescrite, à la dose de 66 Gy en 33 fractions de 2 Gy dans le lit d’exérèse tumorale, et 56 Gy en 33 fractions dans les zones à risque. Cette radiothérapie a été effectuée avec modulation d’intensité pour permettre une meilleure préservation des nerfs optiques. La consultation d’annonce de radiothérapie a permis d’expliquer au patient les modalités de la radiothérapie, les objectifs mais aussi les effets secondaires aigus et tardifs. Une scanographie de simulation est réalisée, après fabrication du masque personnalisé de contention, et les volumes d’intérêt délnéés (Fig. 4 et 5). Le premier volume cible anatomoclinique
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correspondait aux zones à risque d’extension microscopique, le deuxième volume cible anatomoclinique au lit tumoral. Les volumes cibles prévisionnels ont été crées à partir des volumes cibles anatomocliniques en ajoutant une marge automatique de 4 mm. Le plan de traitement avec modulation d’intensité utilisait cinq faisceaux isopondérés sans filtres de 6 MV. L’angulation a été définie comme suit : 0 °, 70 °, 140 °, 210 °, 290 ° La prise en compte de la pénombre a nécessité une distance de 6 mm entre les volumes cibles prévisionnels et le collimateur multilame. La technique du boost intégré a été utilisée, et la prescription de dose à l’isocentre a alors été la suivante : 56 Gy en 33 fractions (1,69 Gy par fraction) au premier volume cible prévisionnel et 66 Gy en 33 fractions (2 Gy/fr) au deuxième volume cible anatomoclinique, en six semaines et demi. La dosimétrie a été effectuée, et les figures 6 et 7 rapportent la couverture des volumes cibles prévisionnels par l’isodose 95 %. Les histogrammes dose volume sont rapportés dans la figure 8.
11. Conclusion Le traitement des cancers du sinus localisés est multimodal, associant chirurgie, radiothérapie et parfois la chimiothérapie. L’enjeu est important tant en termes de contrôle local que de séquelles, compte tenu de la proximité d’organes sains. Les avancées technologiques de la radiothérapie ont permis des progrès importants dans cette pathologie : la définition précise des volumes cibles, le choix de la balistique pour une dosimétrie respectant les contraintes à la fois aux organes à risque et au volume cible prévisionnel, dans le cadre d’une radiothérapie conformationnelle, en particulier avec modulation d’intensité, sont le gage d’un traitement de qualité.
Conflits d’intérêts Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts pour cet article.
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Fig. 4. Contours des volumes d’intérêt Delineation of volumes of interest.
Fig. 5. Volumes cibles prévisionnels et organes à risque, vue tridimensionnelle supérieure. Target volume plans and organs at-risk, upper 3D view.
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Fig. 6. Dosimétrie : couverture du PTV1 (premier volume cible prévisionnel) par l’isodose 95 % (pour une prescription de 56 Gy. Dosimetry : PTV1 coverage by 95 % isodose (for a 56-Gy prescription).
Fig. 8. Histogrammes dose-volume. Dose-volume histograms.
Fig. 7. Dosimétrie : couverture du PTV2 (deuxième volume cible prévisionnel) par l’isodose 95 % (pour une prescription de 66 Gy) Dosimetry : PTV2 coverage by 95 % isodose (for a 66-Gy prescription).
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