J Radiol 2010;91:837-8 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
éditorial
Caractérisation d’un foyer de microcalcifications en mammographie numérique : respecter les fondamentaux P Taourel
epuis janvier 2008, la mammographie numérique est autorisée par le programme de dépistage organisé du cancer du sein en France. Un certain nombre d’études, et en particulier l’étude DMIST (1) avait démontré au minimum l’équivalence du numérique par rapport à l’analogique, voire même une supériorité chez les patientes de moins de 49 ans en période périménopausique, grâce à une meilleure résolution en contraste. La mammographie numérique permet en outre une diminution de la dose d’irradiation, un gain de temps dans la réalisation de l’examen, un confort de lecture pour l’interprétation des anomalies, et une amélioration de l’archivage des mammographies. Le Journal de Radiologie s’est fait récemment l’écho des premiers retours d’expériences du dépistage numérique à la française. En 2009, un retour d’expérience préalable du département de la Vienne avait montré que la technologie tout numérique pouvait permettre un bénéfice organisationnel et des économies significatives, sans diminuer la performance diagnostique (2). Très récemment, un bilan après un an d’utilisation de la mammographie numérique en dépistage dans les Alpes-Maritimes insistait sur la nécessité d’une courbe d’apprentissage pour lire les mammographies numériques et retrouvait une majoration du taux de tests positifs en première lecture et d’échographies complémentaires (3), avec davantage de microcalcifications détectées en mammographie numérique. Dans ces microcalcifications, détectées dans près d’un quart des cas dans l’expérience des AlpesMaritimes, faut-il faire des clichés complémentaires ? Peut-on remplacer les agrandissements géométriques à l’origine d’une irradiation supplémentaire par le zoom numérique, en sachant que le zoom numérique agrandit les microcalcifications mais augmente le bruit de fond ? Ne risque-t-on pas sans agrandissement de moins bien caractériser les foyers de microcalcifications ? La question posée dans ce numéro du Journal de Radiologie (4) par l’équipe du Centre Oscar-Lambret de Lille est donc particulièrement pertinente. En comparant des foyers de microcalcifications avec agrandissement géométrique et zoom numérique, l’étude Lilloise montre que la qualité d’image et la confiance diagnostique étaient significativement supérieures avec les agrandissements géométriques. Néanmoins, leurs résultats ne prouvent pas statistiquement et méthodologiquement que les agrandissements géométriques sont nécessaires, les petits p étant largement supérieurs à 0,05. Cette absence de significativité est vraisemblablement due au manque de puissance de l’étude liée à un nombre de foyers insuffisant. Cependant, force est de reconnaître que l’agrandissement géométrique avait dans cette étude des performances supérieures en
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terme de sensibilité, spécificité et valeurs prédictives même si la différence n’est pas statistiquement significative. Aussi aujourd’hui, pour chacun d’entre nous réalisant des mammographies numériques, tant qu’une étude à la puissance suffisante réalisée sur les mammographes que nous utilisons (dans l’étude sus-citée la résolution spatiale était de 70 microns), des agrandissements géométriques restent nécessaires pour la caractérisation d’un foyer de microcalcifications et les fondamentaux chers à nos analystes sportifs ou économiques doivent être respectés : agrandissement dans deux incidences complémentaires, face et profil. Une bonne technique et le respect des critères Birads d’analyse d’un foyer de microcalcifications permettent d’augmenter la valeur prédictive positive tout en conservant une bonne valeur prédictive négative dans la caractérisation de ce foyer. Limiter les faux positifs c’est certainement limiter le sur-diagnostic parfois reproché à la mammographie. Mais ne nous y trompons pas, le taux de cancers dépistés en mammographie numérique en rapport avec des microcalcifications est élevé. Entre 32 % et 37 % selon les séries (5-7) de cancers détectés en mammographie numérique le sont grâce à un foyer isolé de microcalcifications, ce taux paraît plus élevé en mammographie numérique qu’en mammographie analogique. D’autre part, ayons pleinement conscience que diagnostiquer et biopsier un foyer de microcalcifications correspondant à un cancer est un réel apport pour la santé des patientes. Contrairement à l’idée répandue que les foyers de microcalcifications en rapport avec un cancer traduisent un carcinome canalaire in situ dont on ne connaît pas l’évolutivité, une étude publiée en juin dans Radiology (5) a montré que 38 % des cancers détectés par des foyers de microcalcifications isolés étaient des cancers invasifs. Ces cancers invasifs étaient de plus petites tailles que les cancers diagnostiqués par d’autres signes mammographiques, en revanche ils n’avaient pas un grade histopathologique de meilleur pronostic. Aussi, le développement de la mammographie numérique en dépistage ne permet pas de s’affranchir d’une technique mammographique rigoureuse, en particulier de l’agrandissement géométrique nécessaire pour mieux caractériser des microcalcifications. En revanche, il entraîne une augmentation du taux de cancer en rapport avec des microcalcifications, avec parmi ces cancers un taux relativement important de cancers invasifs.
Références 1.
Service d’Imagerie Médicale, Hôpital Lapeyronie, 371, avenue du Doyen Gaston Diraud, 34295, Montpellier. E-mail :
[email protected]
Pisano ED, Gatsonis CA, Hendrick E et al. Diagnostic performance of digital versus film mammography for breast-cancer screening. N Engl J Med 2005;353:1773-83.
838 2.
3.
4.
Caractérisation d'un foyer de microcalcifications en mammographie numérique : respecter les fondamentaux
Pluvinage A, Morin C, Devineau L et al. Evaluation du tout numérique dans le dépistage organisé du cancer du sein à travers une expérience dans le département de la Vienne. J radiol 2009;90:1837-42. Balu-Maestro C, Bailly L, Granon C et al. Numérique en dépistage organisé : bilan à un an dans les Alpes-Maritimes. J radiol 2010;91:549-53. Moraux M, Chaveron C, Bachelle F et al. Comparaison entre le zoom numérique et l’agrandissement géométrique dans l’étude des foyers de microcalcifications en mammographie numérique. J radiol à compléter.
5.
6.
7.
P Taourel
Weigel S, Decker T, Korsching E et al. Calcifications in digital mammographic screening: improvement of early detection of invasive breast cancers? Radiology. 2010;255:738-45. Skaane P, Skjennald A. Screen-film mammography versus fullfield digital mammography with soft-copy reading: randomized trial in a population-based screening program--the Oslo II Study. Radiology. 2004;232:197-204. Del Turco MR, Mantellini P, Ciatto S et al. Full-field digital versus screen-film mammography: comparative accuracy in concurrent screening cohorts. AJR Am J Roentgenol. 2007;189:860-6.
J Radiol 2010;91