Revue du Rhumatisme 74 (2007) 608–611 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/
Chaussures, orthèses plantaires et sports Shoes, foot insoles and sports Pascal Boissinot*, François Pierre Service de médecine physique et de réadaptation, hôpital Nord, chemin des Bourrelly, 13915 Marseille cedex 20, France Reçu le 12 janvier 2007 ; accepté le 27 janvier 2007 Disponible sur internet le 16 avril 2007
Mots clés : Chaussures de sport ; Orthèses plantaires ; Sports Keywords: Sport shoes; Foot insoles; Sports
1. Conception et fonction d’une chaussure Le dictionnaire Larousse définit la chaussure comme étant : « tout ce qui couvre et protège le pied ». Cette définition paraît bien incomplète en ce qui concerne la chaussure de sport. En effet, il faut reconnaître que des progrès considérables ont été accomplis dans ce domaine depuis plus de 20 ans, dans au moins trois directions évidentes [1] : ● les matériaux utilisés et le poids de la chaussure ; ● le respect de la physiologie du pied et du membre inférieur avec notamment, une attention particulière au système suroachilléocalcanéoplantaire qui était souvent source de blessures. Les fabricants ont progressivement, et à juste titre, surélevé le talon des chaussures ; ● le troisième progrès découle du deuxième : pour respecter la physiologie du pied, il a fallu dessiner des chaussures adaptées aux mouvements du pied propres à chaque sport. Ainsi, un joueur de tennis doit avoir trois paires de chaussures au minimum, une paire pour la course à pied, une paire pour le jeu sur terre battue (Fig. 1), une paire pour le jeu sur terrain en dur [2,3]. * Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Boissinot).
1169-8330/$ - see front matter © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rhum.2007.01.008
Cette notion n’est acquise que depuis peu, mais elle a permis d’éviter un grand nombre de blessures dues à un chaussage inadapté, les chaussures de jogging en ont bénéficié en premier et plus récemment les chaussures de football, de rugby… Le sujet à traiter étant très vaste, nous nous limiterons aux sports les plus pratiqués comme la course à pied, le football, le tennis, le rugby, le handball, le basket… Des sports plus spécifiques comme l’escalade, le sprint, le sport automobile ou les sports de glisse mériteraient une réflexion plus spécifique. 2. Limites de la chaussure de sport Ces limites tiennent au mode de fabrication. En effet, la fabrication en série autorise une conception de chaussage adapté en fonction d’un type de sport, mais ne permet en aucun cas de réaliser des chaussures en fonction d’un pied ou d’une pathologie en particulier [4]. Depuis plusieurs années les fabricants, voulant toujours améliorer leur produit, proposent diverses variantes, dont toutes ne sont pas forcément judicieuses comme par exemple le contrôle antipronation censé modifier le déroulé du pas du sportif. Peut-on imaginer apporter la bonne compensation avec des chaussures fabriquées en série ? L’argument donné par les vendeurs, qui n’ont bien souvent pas de formation spécifique, est de présenter l’affaissement de la tige interne comme quelque chose de pathologique. Or, cette usure est « normale » dans la plupart des cas puisque :
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Fig. 1. Chaussures de tennis pour usage sur terre battue.
Fig. 3. Machine de thermoformage.
Fig. 2. Chaussure avec contrôle antipronation fabriquée en série.
● le pied physiologique attaque le sol par le bord externe du talon et le quitte par la pulpe du gros orteil. Il existe donc une translation de force du centre de gravité du bord postéroexterne de la chaussure vers son bord antéro-interne ; ● cette translation est amplifiée par l’effet de levier généré par la surélévation du talon de la chaussure dont nous avons évoqué les bienfaits [3].
Fig. 4. Stabilisation de l’arrière-pied sur une semelle thermoformée.
Malheureusement, la plupart des chaussures de jogging sont actuellement vendues avec ce contrôle qui en fait un véritable renfort souvent à l’origine de pathologies chez le coureur (Fig. 2). 3. Conception et fonction d’une orthèse plantaire L’orthèse plantaire est réalisée sur prescription médicale. Sa fabrication doit être effectuée par un professionnel qualifié comme un podologue ou un podo-orthésiste. Trop d’orthèses plantaires sont fabriquées par des personnes qui n’en ont pas la compétence, ce qui nuit à leur reconnaissance [5,6]. Comme pour les chaussures, les techniques de fabrication et les matériaux ont beaucoup évolué (Fig. 3). Malgré de nombreuses techniques très différentes et plus ou moins reconnues, un consensus existe pour les techniques de thermoformage en podologie sportive [7,8]. Le thermoformage possède de nombreux avantages en podologie sportive : ● meilleure stabilisation de l’arrière-pied (Fig. 4) ; ● meilleure répartition des charges , ● adaptation facilitée chez le sportif.
Fig. 5. Examen podoscopique : genu varum important à gauche.
La réalisation de cette orthèse thermoformée se fait sur mesure en fonction de deux critères : ● la pathologie du patient ; ● l’examen podologique (Fig. 5) qui comporte plusieurs étapes : ○ l’interrogatoire ;
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○ la palpation ; ○ l’examen statique podoscopique ; ○ l’examen dynamique (piste de marche ou analyse vidéo) et l’analyse de l’usure, et de la déformation des chaussures de sport. C’est en faisant la synthèse de ces notions que le praticien peut fabriquer sur mesure une orthèse plantaire efficace et adaptée.
5.3. Pathologies d’avant-pied Notamment les métatarsalgies médianes, celles du premier rayon ou les névromes de Morton. Elles se rencontrent surtout dans des sports à forte proportion d’appuis antérieurs comme le tennis ou le squash. Les facteurs prédisposants sont les hyperappuis antérieurs, les pieds creux, les avant-pieds ronds (Fig. 7), les pieds larges, les chaussures étroites à l’avant ou le laçage comprimant trop l’avant-pied [11,12].
4. Limites des orthèses plantaires 5.4. Périostite tibiale Les limites viennent du chaussage et de la technique sportive. Il est difficile de réaliser une orthèse plantaire efficace pour un pratiquant d’escalade, sport où l’appui se fait quasi uniquement sur la pulpe des orteils. De plus, elles sont naturellement limitées par les indications médicales. 5. Principales indications Nous allons détailler celles pour lesquelles l’intérêt des orthèses plantaires n’est plus discuté. Par souci de clarté, nous nous limiterons aux pathologies du sportif adulte, en rappelant simplement que toutes les ostéochondroses de croissance du pied de l’enfant bénéficient avec grand intérêt des orthèses plantaires. 5.1. Gonalgies fémorotibiales sur genu varum et genu valgum Les plus fréquentes sont les gonalgies fémorotibiales internes de type arthrosique, sur genu varum, qui peuvent être aggravées par les chaussures antipronation [9].
Elle est favorisée par les surfaces dures et les pratiques d’endurance. Elle est souvent due à un valgus calcanéen et à une hyperpronation du médiopied (Fig. 8). 5.5. Syndrome de l’essuie-glace (bandelette de Maissiat) Ce syndrome douloureux lié au conflit de la bandelette iliotibiale avec le condyle externe du fémur ne se rencontre qu’exceptionnellement chez un sportif de haut niveau, car il est souvent la conséquence d’erreurs d’entraînement associées à des troubles dynamiques (le plus souvent une attitude varisante exagérée qui peut, on le constate ici encore, être majorée par une chaussure antipronation) [13]. 5.6. Syndrome rotulien Il se rencontre surtout chez les coureurs ayant un morphotype valgisant, ce qui a pour conséquence de positionner la rotule dans un schéma biomécanique très sollicitant.
5.2. Instabilité de cheville après entorse L’instabilité chronique provoquée dans ce cas par la lésion ligamentaire favorise le mouvement incontrôlé d’inversion qui peut également être majoré par une chaussure antipronation (Fig. 6) [10].
Fig. 7. Avant-pied rond favorisant un névrome de Morton.
Fig. 6. Bande pronatrice pour instabilité de cheville.
Fig. 8. Coin supinateur et voûte pour compenser un valgus.
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6. Conclusion Même si chaussures de sport et orthèses plantaires sont intimement liées dans la pratique sportive, il existe une dissociation de leurs fonctions respectives :
Fig. 9. Coque talonnière avec surélévation du système suroachilléocalcanéoplantaire.
5.7. Souffrances du système suroachilléocalcanéoplantaire Ce sont les plus fréquentes. Elles se rencontrent dans tous les sports. Elles englobent les lésions récidivantes du triceps sural (musculaires ou syndrome de loge postérieure chronique), les tendinopathies achilléennes, les talonnades, les talalgies plantaires (Fig. 9). La brièveté du tendon calcanéen représente la cause principale et la chaussure antipronation peut exacerber une talalgie plantaire [14]. 5.8. Tendinopathies des haubans latéraux ● Celles du jambier postérieur favorisées par un valgus dynamique et des sports répétitifs (course de fond) ; ● les tendinopathies des fibulaires, beaucoup plus rares. Elles se rencontrent sur un morphotype varisant et parfois dans un contexte d’instabilité après entorse. La chaussure antipronation aggrave la symptomatologie. 5.9. Fractures de fatigue Surtout rencontrées à la reprise du sport après un arrêt prolongé ou lors d’une surcharge d’entraînement, liées à des troubles statiques ou dynamiques. Le sportif doit respecter un repos strict, aidé à la reprise par le port d’une orthèse plantaire de décharge.
● la chaussure de série d’usage systématique doit jouer un rôle physiologique en s’adaptant le mieux possible et d’une façon neutre aux gestes sportifs ; ● l’orthèse plantaire thermoformée, quant à elle, fabriquée sur mesure par un spécialiste, est accessoire et remplit une fonction compensatrice dans un cadre pathologique. Références [1] Benezis C, Claustre J. In: Pied, sport et chaussures. Le pied en pratique sportive, Monographies de podologie. Paris: Éditions Masson; 1984. p. 188–91. [2] Pommier M, Bonnel F, Christin F. Le jogger : sa chaussure et sa pathologie. In: Le chaussage. Monographies de podologie. Paris: Éditions Masson; 1988. p. 123–8. [3] Vial D, Ludger C. In: La chaussure dans la course à pied de grand fond : usure et déformations. Le chaussage. Monographies de podologie. Paris: Éditions Masson; 1988. p. 134–7. [4] Herry JP, Foray J. In: La chaussure de ski. Le chaussage. Paris: Éditions Masson; 1988. p. 138–48. [5] Charpentier J. In: Matériaux et orthèses plantaires. Les orthèses plantaires mise au point et actualités en podologie. Médecine et chirurgie du pied. Édition Sauramps Médical; 1996. p. 1–13. [6] Autrusson MC, Naberes A. In: Les techniques d’orthèses moulées. Les orthèses plantaires mise au point et actualités en podologie. Médecine et chirurgie du pied. Édition Sauramps Médical; 1996. p. 20–6. [7] Boissinot P, Pierre F. In: Orthèses plantaires et jogging. Pied et sports de loisirs. Édition Sauramps Médical; 1997. p. 197–200. [8] Noviel D. Le pied du sportif : aspects préventifs et thérapeutiques. Podologie 1997, 461. Journée de Podologie; 1997. [9] Boissinot P, Pierre F. In: Semelles orthopédiques et sports. Laboratoires Ciba-Geigy; 1994. p. 14–5. [10] Boissinot P, Pierre F. In: Semelles orthopédiques et sports. Laboratoires Ciba-Geigy; 1994. p. 16–7. [11] Morvan G. Savoir explorer un syndrome de Morton dans un contexte microtraumatique. In: Pathologie microtraumatique du pied. Édition Sauramps Médical; 2003. p. 128–9. [12] Largey A, Aboukrat P, Coulet B, Benichou M, Chammas M. In: Syndrome de Morton microtraumatique. Pathologie microtraumatique du pied. Édition Sauramps Médical; 2003. p. 130–3. [13] Boissinot P, Pierre F. In: Semelles orthopédiques et sports. Laboratoires Ciba-Geigy; 1994. p. 22–3. [14] Lelievre J. In: Les talalgies. Pathologie du pied. Paris: Éditions Masson; 1981. p. 561–71.