Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 316–323
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Mise au point
Chirurgie de la spondylarthrite ankylosante au rachis cervical夽 Cervical spine surgery in ankylosing spondylitis: Review and current concept J.-Y. Lazennec a,b , H. d’Astorg c , M.-A. Rousseau b,d,∗ a
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Pitié-Salpetrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France Laboratoire de biomécanique, Arts et Métiers Paristech, 151, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France c Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Cochin, rue Saint-Jacques, 75014 Paris, France d Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93000 Bobigny, France b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 27 janvier 2013 ´ 2015 Accepté le 24 fevrier Mots clés : Rachis cervical Spondylarthrite ankylosante Fracture DISH
r é s u m é La raideur et la cyphose du rachis cervical dans le cadre de la spondylarthrite ankylosante exposent à un risque accru de fracture instable transversale. La chirurgie de la spondylarthrite cervicale s’adresse principalement à ce contexte traumatique mais parfois également à la correction de déformations sagittales qui est nécessaire. Ces deux types de situations ont des spécificités et s’appuient sur des principes qui diffèrent de ceux de la chirurgie cervicale usuelle. Cet article est une revue de la littérature concernant la chirurgie cervicale de la spondylarthrite ankylosante et aborde des questions pratiques et techniques. © 2015 Publie´ par Elsevier Masson SAS.
1. Introduction La spondylarthrite ankylosante (SPA) est un rhumatisme inflammatoire qui induit des modifications structurales du rachis cervical. Il existe des changements microscopiques avec une fragilité osseuse [1] résultant d’une densité osseuse diminuée, liée à l’inflammation systémique et une hypervascularisation de l’os. Dans les formes les plus graves, des changements macroscopiques se traduisent par la fusion intervertébrale spontanée et la cyphose [2] de l’ensemble de la colonne vertébrale (la « colonne bambou »). L’ossification concerne le disque et les facettes articulaires. Alors que le rachis cervical permet physiologiquement la mobilité et la posture verticale de la tête, la colonne cervicale dans le cas de la SPA est caractérisée par une raideur et une position fléchie invalidante. À cela s’ajoutent les autres atteintes articulaires de la maladie (hanches, articulation sacro-iliaque et lombaire), qui conduisent à une dégradation de l’équilibre rachidien avec une altération significative de la qualité de vie et un risque accru de fracture de la colonne cervicale.
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2015.02.005. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M.-A. Rousseau). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2015.03.010 1877-0517/© 2015 Publie´ par Elsevier Masson SAS.
La chirurgie du rachis cervical dans les cas de rachis ankylosé s’envisage dans deux situations distinctes : prise en charge des traumatismes [3–8] et correction de déformations sagittales « menton à la poitrine » [2,9–16]. Tous deux restent stratégiquement et techniquement difficiles. Comme pour les fractures du rachis cervical de la population générale, les fractures/luxations traumatiques chez le patient atteint de SPA se produisent habituellement au niveau du rachis cervical inférieur (C5 à T1). Cependant, les fractures sur rachis ankylosés sont souvent plus graves, et ont des caractéristiques différentes des fractures du rachis cervical standard [1]. Ces fractures sont très instables car elles atteignent la partie antérieure et les éléments postérieurs dans un trait de fracture habituellement transversal ou oblique court qui ne suit pas le concept classique à trois colonnes [17]. En outre, la « colonne bambou » fracturée se comporte un peu comme une fracture diaphysaire transversale d’un os long : l’instabilité extrême liée aux grands bras de leviers est associée à un risque de détérioration neurologique élevé [18–20], auquel s’ajoute un risque supplémentaire du fait que le déséquilibre sagittal de la déformation en cyphose ne favorise pas la stabilité primaire. De plus, la tendance hémorragique de l’os de spondylarthrite augmente le risque par hématome épidural compressif [6]. Cependant, en dépit de ces considérations défavorables la spondylarthrite a une bonne tendance à fusionner. Pour ces raisons, le traitement des fractures du rachis sur SPA est totalement différent de celui d’une fracture sur rachis sain. Comme les cas sont relativement rares, peu de recommandations pratiques sont établies. En nous basant sur la littérature et sur notre
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expérience, nous discuterons ici certains points clés de la gestion des fractures cervicales sur SPA. Y a-t-il place pour un traitement orthopédique ? La fixation doit-elle être postérieure, antérieure ou circonférentielle ? Quelle serait la réduction optimale : la cyphose précédant le traumatisme ou une lordose « plus idéale » ? Et enfin, quel est le potentiel de fusion du vide antérieur fréquent au siège de la fracture ? En dehors du contexte traumatique, les ostéotomies de soustraction cervicale postérieure ont été décrites plusieurs fois [10–12,15], et des séries ont rapporté le traitement chirurgical de ces déformations en cyphose au niveau cervical [2,9,13,15,16]. Cependant, la véritable question dans la stratégie chirurgicale pour le niveau nous semble concerner le choix entre ostéotomie cervicale ou lombaire. 2. Prise en charge des cas traumatiques La survenue d’une lésion traumatique de la colonne cervicale dans le cas des spondylarthropathies est nettement supérieure à l’incidence dans la population générale en raison du déséquilibre global entre la colonne vertébrale, les hanches et les genoux et de la fragilité osseuse [21]. Ces patients doivent être sensibilisés afin d’éviter les situations à risque, les fractures pouvant se produire à basse énergie. L’hyperextension est classiquement considérée comme le mécanisme lésionnel le plus fréquent. Les circonstances ne sont pas toujours claires, et parfois, le patient ne décrit pas de traumatisme du tout. Le diagnostic peut être alors retardé [22]. C’est pourquoi, chez les patients ayant un rachis ankylosé, une majoration des cervicalgies ou encore un changement du statut neurologique, même en l’absence de traumatisme, est une indication pour réaliser un contrôle d’imagerie du rachis. Par exemple, nous avons rencontré un cas dans lequel le syndrome confusionnel était le seul symptôme, comme cela a été décrit avec les fractures de l’odontoïde. Une prise en charge initiale appropriée est cruciale pour éviter les complications. Parce que la fracture d’une colonne vertébrale ankylosée ressemble à celle d’un os long, en l’absence de stabilité osseuse et ligamentaire, le seul moyen de stabilisation rachidienne est la musculature cervicale. Celle-ci est souvent atrophiée dans ces contextes d’ankylose en cyphose. C’est pourquoi, le personnel d’urgence pré-hospitalier et hospitalier doit savoir que la position neutre en rectitude usuellement recommandée pour les traumatisés rachidiens peut être désastreuse chez ces patients qui doivent rester dans leur degré habituel de flexion. Certaines erreurs de manipulation pourraient être évitées si l’on suspecte ce type de pathologie sous-jacente chez les traumatisés qui portent spontanément leur tête en flexion. L’imagerie de la colonne cervicale peut être difficile d’interprétation dans le cadre de la spondylarthrite ankylosante en raison du remodelage osseux, de la cyphose et de la fusion intervertébrale [23]. La visualisation peut être particulièrement difficile dans la zone cervico-thoracique, conduisant à un risque d’errance diagnostique et de complications neurologiques. Certains auteurs ont mis en avant l’IRM pour la détection des lésions traumatiques, particulièrement à la jonction cervico-thoracique qui est radiologiquement mal documentée [24]. Au minimum un scanner peut être nécessaire pour visualiser le trait de fracture qui est généralement transversal ou un peu oblique. Il traverse la colonne antérieure jusqu’à la face postérieure, similaire à la fracture de Chance classique au rachis thoraco-lombaire. 3. Traction et halo-vestes La traction axiale est un moyen de contention des fractures du rachis cervical sur spondylarthrite ankylosante. Toutefois, la direction de traction est primordiale : vers le haut et vers l’avant de
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Fig. 1. Traction axiale : dans le cas de la spondylarthrite ankylosante, la direction de la traction doit respecter la cyphose cervicale.
sorte que le rachis soit réaligné suivant la cyphose préexistante. Un poids réduit doit être utilisé (Fig. 1). Placer le cou dans le sens habituel, c’est-à-dire en extension dans le plan du lit, peut induire des complications neurologiques graves. En revanche, même avec une traction axiale correctement positionnée, la possibilité de détérioration neurologique existe, car les mouvements de rotation sont toujours possibles. La surveillance de la traction doit être très stricte avec des évaluations cliniques répétées recherchant une aggravation neurologique y compris des modifications de la conscience. La traction axiale est un procédé de stabilisation d’urgence qui peut être utilisé de manière transitoire avant la chirurgie, ou être converti en halo-veste si le traitement orthopédique est choisi. Le choix d’un traitement orthopédique ou chirurgical reste discuté. Le halo est une méthode « classique » qui permet d’obtenir la consolidation pour la majorité des patients mais elle n’est pas dénuée de complications [25] à type d’échec de fusion ou aggravation du déficit neurologique. Certains détails concernant la mise en place du halo-veste nécessitent une attention particulière. En raison de la cyphose cervicale, un halo-veste normal est généralement inapproprié. Les connecteurs entre le halo et la veste doivent être positionnés de manière à résister à la tendance à la flexion antérieure. Par conséquent, les connecteurs latéraux ne doivent pas être placés à la projection des épaules car cela pourrait induire une tendance à l’hyperextension, des tractions excessives sur les pointeaux avec un risque d’arrachement ou le déplacement en distraction de la fracture. Les connecteurs antérieurs doivent être placés sur la valve antérieure de la veste en raison de la cyphose. Un connecteur postérieur supplémentaire peut être utilisé en arrière. En cas d’extrême cyphose ou si une correction progressive est prévue en utilisant le halo-veste, un autre tendeur antérieur réglable peut être utilisé (Fig. 2). Dans notre expérience, les outils spécifiques doivent être facilement accessibles dans les premiers jours afin de pouvoir retirer le halo en urgence si nécessaire (par exemple, une décompensation médullaire avec complication aiguë cardiovasculaire ou respiratoire). Parmi les complications du traitement orthopédique, on note le risque de déplacement en translation et en rotation, qui ne sont pas facilement détectable sur les radiographies, principalement au niveau cervical inférieur. Le scanner a son intérêt pour la surveillance de ces déplacements et pour l’évaluation de la fusion osseuse à l’issue des 3 mois d’immobilisation. Des complications cutanées sont spécifiques avec formation d’escarre en raison de la forte cyphose thoracique en particulier lorsque les soins sont difficiles, chez les patients en mauvais état général ou peu compliants pour la verticalisation précoce. Ce type de complication peut être atténué par un rembourrage scrupuleux et l’utilisation de veste sur mesure. La fixation crânienne peut aussi être source de complications graves comme la surinfection ou la mobilisation des pointeaux. Pourvu que le halo soit correctement placé et surveillé, sans contact avec la peau et suffisamment en dessous des
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Fig. 3. Difficultés techniques du fait de la cyphose : intubation trachéale, l’installation et l’abord chirurgical sont compliqués.
Fig. 2. Radiographies de face et de profil d’un patient traité orthopédiquement au moyen d’un halo-veste. Notez que les vérins antérieurs doivent s’appuyer sur la poitrine à cause de la cyphose.
oreilles pour réduire le risque d’arrachement, le halo-veste reste une option thérapeutique. 4. Le traitement chirurgical Le traitement chirurgical est toujours indiqué en cas de déficit neurologique quand il peut être clairement imputé à la compression de la moelle ou des racines sur l’imagerie (Tableau 1). Il sera alors réalisé une laminectomie décompressive associée à une arthrodèse vertébrale. Dans certains cas, il n’y a pas compression avérée de la moelle et c’est l’instabilité locale qui est la cause réelle de l’aggravation neurologique. Nous avons également observé cette situation de dégradation de l’état neurologique en cours de surveillance de traitement orthopédique due à un manque de stabilisation. L’avantage principal de la fixation chirurgicale est la possibilité de mobilisation immédiate du patient et la facilitation des soins de nursing. Cependant, il existe des difficultés techniques notables en raison de la cyphose et de l’instabilité y compris les problèmes qui sont posés par l’intubation trachéale, par l’installation en décubitus ventral, et par le geste chirurgical lui-même (Fig. 3). La plupart du temps, une immobilisation postopératoire est obligatoire en raison des spécificités mécaniques (cyphose résiduelle et déséquilibre sagittal, mauvaise qualité osseuse, instabilité des lésions). Un collier cervical sur mesure peut être suffisant. Du fait de la fusion spontanée étendue, la classification habituelle des fractures rachidiennes n’est pas tout à fait appropriée pour définir la stratégie chirurgicale et les aspects techniques. Sur la base de considérations thérapeutiques, nous proposons ici une classification des lésions cervicales sur rachis ankylosé en fonction de la position du trait de fracture : au siège de l’ancien espace discal ou au siège du corps vertébral en spongieux, que nous appelons des lésions respectivement trans-discales et trans-corporéales (Fig. 4). Les lésions trans-discales sont situées entre les anciens plateaux vertébraux, qui sont des structures renforcées. Nous considérons que ce type de lésion préserve le capital osseux de la colonne
antérieure, avec contact suffisant entre les fragments après réduction. Même si un cas rapporté de corporectomie au niveau d’une fracture C6C7 trans-discale était couronné de succès [4], pour la plupart des auteurs, la fixation postérieure seule des lésions trans-discales semble assez stable, à condition que le nombre de niveaux fixés soit suffisant : au moins deux au-dessus et deux au-dessous [3,7,8]. Les vis pédiculaires cervicales sont réputées plus fiables que les vis articulaires, mais de réalisation plus difficile [3]. Au demeurant, les visées articulaires ont des résultats très satisfaisants [7,8]. Nous préconisons que les montages postérieurs ne doivent pas se terminer à la jonction cervico-thoracique et doivent être étendus à la colonne thoracique si nécessaire. Aucun auteur n’a proposé la fixation lamaire par des crochets, ce que nous ne recommandons pas non plus en raison du risque d’hématome épidural dans le contexte de rachis ankylosé. Seuls quelques auteurs ont suggéré une fixation antérieure isolée du fait du manque de tenue [6]. Celle-ci est cependant possible même si le matériel est suffisamment long pour éviter un bras de levier important comme on le ferait pour une fracture des os longs [27]. En outre, Einsiendel et al. [26] ont rapporté à propos de la série historique que les échecs ont eu lieu exclusivement après stabilisation antérieure isolée (50 %). C’est pourquoi ils préconisent maintenant une fusion circonférentielle en un ou deux temps. Une fusion antérieure combinée à une instrumentation postérieure peut être nécessaire lorsque l’intégrité structurelle du corps vertébral a été considérablement compromise, ou lorsqu’il y existe une forte cyphose sur le site fracturaire. Certains auteurs [4,26] estiment que la fusion circonférentielle devrait être la méthode de référence car la fracture traverse les éléments antérieurs et postérieurs, du fait de la mauvaise qualité de l’os, ainsi que de la difficulté à trouver de bons repères anatomiques. Cependant, une fixation postérieure isolée semble suffisante si la colonne antérieure est bien alignée et sans vide antérieur fracturaire [4,6,8]. Les lésions trans-corporéales ont tendance à effondrer l’os spongieux du corps vertébral, entraînant un manque de contact osseux en extension et une augmentation potentielle de l’instabilité en flexion, translation et rotation. Cette constatation soulève la question de réaliser ou non une approche antérieure complémentaire pour combler l’écart avec une greffe ou une cage. Les grandes pertes de substance doivent être greffées [5] pour assurer la stabilité et la fusion, en particulier à la jonction cervico-thoracique. Cependant, dans notre expérience et pour d’autres auteurs [28], les vides
Auteur
Année
Journal
n
Âge
Statut neurologique
Niveau
Prise en charge
Résultat
Complications
Taggard et al. [8]
2000
Spine
7
60 ans (49–83)
3 tétraplégies
3 C5C6 4 C6C7
Approche postérieure ± traction cervicale préop
100 % fusion à 3/4 mois
1
82 ans
Déficit sensitif C7
C6C7
Circonférentiel en un temps
60 ans (32–78)
5 C5C6 5C6C7
Fixation postérieure
36 ans
2 paraplégies 2 faiblesses motrices 4 déficits sensitifs Hyper-réflexie
C7
4
77 ans 70 ans 66 ans 52 ans
Faiblesse motrice C7 Tétraplégie Normal Tétraplégie
C6C7 C6C7 C6C7 C6C7
Traction première avec approche antérieure et fixation postérieure à j + 15 Approche postérieure Approche antérieure Circonférentiel en un temps Circonférentiel en deux temps
Réduction anatomique et fusion (recul 4 ans) Pas de réintervention pour démontage ni pour problème cicatriciel Bon résultat à 18 mois
1 thrombose veineuse profonde 1 hémorragie digestive haute 2 pneumonies 2 décès Aucune
El Masry et al. [4]
2004
Injury
Cornejford et al. [3]
2005
Eur Spine J
19
Mountney et al. [5]
2005
Eur Spine J
1
Payer et al. [6]
2006
J Clinical Neuroscience
Shen et al. [7]
2006
J of Trauma
2
79 ans (77–81) 65 ans (36–82) 2 institutions
1 tétraplégie
2 C6C7
Approche postérieure
Einsiedel et al. l [26]
2006
J Neurosurgery spine
37
9 Frankel A 11 Frankel B 6 Frankel C 10 Frankel D
19 C6C7 6 double niveau
10 approches antérieures 11 circonférentiel en un temps 13 circonférentiel en deux temps 3 approches postérieures
Koyoumdjian et al. [27]
2012
Orthop Trauma Surg Res
19
10 déficits médullaires 7 douleurs radiculaires
9 C5C6 10 C6C7
13 approches antérieures 3 traitements orthopédiques 2 circonférentiels 1 approche postérieure
61 ans (33–64)
Récupération partielle Redislocation Fixation stable à 12 mois Fixation stable sans récupération neurologique Fusion et instrumentation intacte à 1 an et 3 mois 5 démontages précoces par approche antérieure
Consolidation osseuse satisfaisante
1 infection du site opératoire 2 saignements peropératoires majeurs Aucune
Aucune ré-intervention circonférentielle Aucune Aucune 1 pneumonie (décès à 3 mois) 3 décès (SDRA et ischémie cérébrale) 3 infections du site opératoire 1 thrombose veineuse profonde 5 décès 1 hématome drainé 2 cas de vis arrachées 1 escarre sur minerve
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Tableau 1 Prise en charge chirurgicale des cas de spondylarthrite ankylosante au rachis cervical : tableau bibliographique.
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Fig. 4. Classification des fractures cervicales : (A) trans-discale, et (B) trans-corporéale. Les lésions trans-corporéales correspondent à l’effondrement de l’os spongieux et induisent un vide après réduction pouvant nécessiter un temps antérieur de comblement/fixation. Les lésions trans-discales ne montrent aucun defect osseux, et une fixation postérieure seule est suffisante.
osseux modérés de la colonne antérieure se comblent et consolident après fixation postérieure isolée. Cette observation est en cohérence avec les succès de fusion rapportés dans la littérature concernant les ostéotomies par ouverture antérieure au niveau cervical et au niveau lombaire [2,9]. Bien que la limite de ces indications ne soit pas clairement définie à ce jour, nous soulignons ici que le temps antérieur complémentaire n’est pas systématique pour nous, même pour les lésions trans-osseuses. En outre, l’abord antérieur peut être rendu difficile par la déformation en cyphose et la profondeur du site à greffer. Dans certains cas, la cyphose nécessite une sternotomie partielle pour l’accès antérieur du rachis cervical inférieur. La Fig. 5 montre un algorithme proposé de prise en charge des fractures récentes du rachis cervical dans la spondylarthrite ankylosante. Les lésions du rachis cervical supérieur exigent une stratégie spécifique. Dans notre expérience, ces cas ne sont pas fréquents. Ils concernent principalement C2. Face à ces lésions potentiellement instables et la mauvaise qualité osseuse, la fixation
occipito-cervicale est l’option la plus sûre, malgré la perte de mobilité. Cette procédure de stabilisation nécessite généralement une autogreffe complémentaire afin d’obtenir une fusion C0-C2 ou C3. En postopératoire, un collier cervical temporaire est recommandé, et dans certaines lésions très instables, un halo-veste postopératoire peut être préféré. Les lésions rachidiennes chroniques constituent un autre type de patient. Il s’agit de retards diagnostiques ou de cas passés inaperc¸us. Leur prise en charge comprend une phase initiale de mise en traction pour évaluer la possibilité de réduction. Dans notre expérience, lorsqu’aucune correction ne peut être obtenue par traction et si l’état neurologique est normal, une fixation postérieure sans laminectomie peut être proposée. L’objectif étant de stabiliser la fracture avec un compromis d’équilibre sagittal acceptable. Si une certaine correction peut être obtenue, la prise en charge est la même que pour les lésions aiguës. Nous pensons que la fixation postérieure seule est suffisante pour obtenir une fusion à condition que l’instrumentation soit suffisamment longue
Fig. 5. Algorithme pour la prise en charge des fractures cervicales récentes dans le cas de la spondylarthrite ankylosante.
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Fig. 6. L’algorithme pour la prise en charge des fractures cervicales chroniques dans le cas de la spondylarthrite ankylosante.
et que l’immobilisation postopératoire soit adéquate. L’indication de temps antérieur complémentaire est rare et est principalement associée à un vide antérieur sévère ou un déséquilibre sagittal très significatif. Comme dans les cas récents, la cyphose induit une difficulté technique importante pour l’abord antérieur. Dans les cas où le déséquilibre est inacceptable sans aucune amélioration significative après l’étape de traction ; nous discutons une chirurgie de correction par une ostéotomie cunéiforme malgré les risques de l’intervention. La Fig. 6 fournit un algorithme proposé de prise en charge des pseudarthroses du rachis cervical dans la spondylarthrite ankylosante. L’hématome épidural est une complication potentielle sévère, avec une incidence plus élevée dans le cas de la spondylarthrite que dans la population générale. La spondylarthrite affecte l’os spongieux de telle sorte qu’il y a un saignement persistant associé à la fracture qui peut favoriser la formation d’un hématome épidural dans un canal cervical rigide. Cette complication potentielle soulève la question de savoir s’il faut effectuer ou non une laminectomie en cas de fixation postérieure. L’avantage potentiel serait de créer un passage pour le saignement postopératoire, l’inconvénient serait lié à l’augmentation de l’instabilité locale et une réduction de la zone de greffe. Ce point reste sans recommandation claire. Les complications septiques représentent un véritable problème en raison des caractéristiques anatomiques spécifiques de la peau et des tissus mous profonds (saignements postopératoires, involution musculaire, cyphose). En outre, l’état général de ces patients est souvent altéré. Le risque septique est significativement augmenté chez les patients initialement traités par un halo-veste pour qui on retient secondairement une indication chirurgicale. Des complications respiratoires graves peuvent également être observées en partie en rapport avec le syndrome restrictif lié à l’ankylose costale. Ces considérations peuvent interférer de fac¸on significative avec la stratégie chirurgicale et rendre difficiles les choix de l’immobilisation postopératoire vis-à-vis des compressions thoraciques. 5. Correction de la déformation sagittale La survenue de la fracture pourrait être une occasion de corriger la cyphose rachidienne. Cette approche a été rapportée chez un patient dont la chirurgie avait été retardée [6] pour y adjoindre
un geste de correction. Cependant, dans la plupart des séries publiées, l’acte chirurgical ne cherchait qu’à stabiliser en respectant la cyphose préexistante. Dans notre expérience ancienne du traitement orthopédique, une autre option a parfois été retenue, celle d’une correction progressive de la cyphose chez les patients traités avec un halo-veste. La distraction progressive des vérins antérieurs ayant permis d’augmenter progressivement la distance mentonpoitrine (Fig. 2). Dans ce cas, le rythme et la quantité de correction sont à adapter à la tolérance et à l’évolution radiologique. Cette procédure est exigeante et nécessite un suivi quotidien. Il est clair que le risque de translation et de distraction excessive est important pendant les manœuvres lordosantes en raison de l’instabilité. L’ouverture antérieure doit être limitée, en particulier au-dessus de C6, pour éviter le risque d’étirement des artères vertébrales. Le risque de menace postérieure sur la moelle en extension peut faire poser l’indication d’une laminectomie associée, comme par une ostéotomie de correction (voir ci-après). La surveillance électrophysiologique est recommandée pour la chirurgie de déformation aux niveaux médullaires [13]. En dehors du contexte de traumatisme, l’indication d’ostéotomie de correction cervicale concerne la perte du regard horizontal, l’apparition de troubles respiratoires ou de déglutition. Le niveau d’ostéotomie retenu dans toutes les publications est C7, suivant la technique décrite initialement par Simmons, inspirée des ostéotomies de Smith Petersen à la colonne lombaire. C7 semble le meilleur niveau pour plusieurs raisons : les artères vertébrales ne sont pas concernées, le canal spinal est suffisamment large, et le bras de levier pour l’extension est optimal. Techniquement, le retrait de l’articulaire postérieur C7/T1 est effectué afin d’éviter de comprimer la racine T1. Un curetage partiel du corps vertébral a été proposé pour éviter de casser la charnière antérieure, ce qui est relativement risqué [15]. Le monitoring neurologique (ou le test du réveil) est utile pour se prémunir de lésions irréversibles de la moelle [13]. Le gain de lordose peut atteindre 30◦ à 40◦ . Les résultats de la littérature sont contrastés : entre de très bons résultats (patients satisfaits, pas de complication, bonne fusion) et des complications neurologiques rares mais graves allant même jusqu’au décès. La mesure de la cyphose se fait habituellement en utilisant l’angle entre la ligne menton-front et la verticale. La valeur 0◦ indique le regard normal et horizontal. Cependant, ce paramètre
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Pour nous, la stratégie invite à considérer l’opportunité d’une ostéotomie lombaire, avec une distinction claire de la distance de menton-sternum et de l’angle menton-front.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Financement : Pas de financement.
Références
Fig. 7. Différents types d’appréciation de l’angle du menton-front dans la spondylarthrite ankylosante : (A) cyphose supérieure indiquant une ostéotomie cervicale ; (B) cyphose inférieure indiquant une ostéotomie lombaire.
intègre l’équilibre sagittal de l’ensemble de la colonne vertébrale. Nous soulignons ici que l’on doit analyser la cyphose de fac¸on segmentaire au niveau cervico-thoracique, thoraco-lombaire, et pelvi-fémoral. La distance menton-sternum est la partie de la déformation qui est liée seulement à la colonne cervicale. Une distance menton-sternum normale catégorise les indications en deux types : la cyphose locale de la colonne vertébrale supérieure, qui peut nécessiter une ostéotomie cervicale, et la cyphose globale qui pourrait être traitée au niveau lombaire (Fig. 7). 6. Discussion et conclusion Cette revue à un niveau de preuve IV combinant l’avis d’experts et une série de cas rapportés dans la littérature. L’analyse est limitée par le nombre de références dans la littérature concernant la chirurgie du rachis cervical dans le cadre de la spondylarthrite ankylosante. La plupart des séries sont rétrospectives, elles ne concernent qu’un nombre limité de patients, et ne sont pas entièrement documentées. Les grandes périodes d’inclusion des séries publiées illustrent la faible fréquence des cas et introduisent une certaine hétérogénéité dans les études rapportées. Chez les patients âgés et ceux avec une lésion médullaire, l’association avec une spondylarthrite est facteur de mauvais pronostic avec un taux de mortalité élevé malgré une prise en charge appropriée du traumatisme [18,21,29,30]. Nous ne pouvons pas répondre à toutes les questions qui restent en nous basant sur la littérature et notre expérience. Cependant, le point principal est que ces lésions sont très spécifiques. Nous voulons insister sur le fait que l’on doit respecter la cyphose dans le contexte de l’urgence. Bien que limité, le traitement orthopédique par halo-veste reste une option thérapeutique ; il doit être rigoureusement surveillé. Classer les fractures en fonction du siège trans-discal ou trans-corporéal et en fonction du vide osseux antérieur pourrait être un moyen de sélectionner les techniques les plus appropriées pour la procédure chirurgicale. Dans le cas du traitement chirurgical, l’instrumentation doit être longue, mais pas systématiquement circonférentielle. En ce qui concerne la chirurgie de correction de la cyphose, les aspects techniques et les complications neurologiques ont été rapportés précédemment.
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