Choc anaphylactique et anesthésie

Choc anaphylactique et anesthésie

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474 Le praticien en anesthésie réanimation © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

rubrique pratique

Choc anaphylactique et anesthésie

Pascale Dewachter (photo), Claudie Mouton-Faivre

L’ Correspondance : P. Dewachter, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Necker Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15. [email protected]

Points essentiels



• Le choc anaphylactique survient le plus souvent à l’induction anesthésique. • Les agents les plus fréquemment impliqués sont par ordre décroissant les curares, suivis du latex puis des antibiotiques. • Une classification (dite de Ring et Messmer) permet de stratifier les réactions d’hypersensibilité immédiate en fonction de leur degré de sévérité clinique et de guider leur traitement. • Le signe clinique cardinal du grade III est le collapsus cardio-vasculaire. • L’adrénaline et le remplissage vasculaire constituent les 2 points-clés du traitement. • Il n’y a aucune contre-indication à l’administration d’adrénaline au cours du choc anaphylactique. • Les effets secondaires de l’adrénaline sont imputables à l’administration de doses inappropriées. • Tout retard à l’administration d’adrénaline est un facteur de risque de mauvais pronostic. • Le bilan allergologique fait partie intégrante de la prise en charge d’une réaction anaphylactique per-anesthésique.

anaphylaxie est une complication rare en pratique anesthésique quotidienne qui peut engager très rapidement le pronostic vital du patient. Un traitement approprié, institué précocement, permet dans la majeure partie des cas une évolution favorable. Néanmoins, le choc anaphylactique peut être réfractaire au traitement. Le but de cet article est de rappeler certains éléments diagnostiques et les différents aspects de la prise en charge des réactions d’hypersensibilité immédiate sévères, survenant au cours de la période opératoire, que la réaction soit induite par un agent anesthésique ou par un médicament administré aux fins de la procédure chirurgicale.

Définitions Dans un souci d’harmonisation, un groupe de travail multidisciplinaire Européen a défini plusieurs termes, reflétant la position de l’Académie Européenne d’Allergologie et d’Immunologie Clinique (EAACI) (1), qui doivent être dorénavant utilisés. L’hypersensibilité est un terme très général qui regroupe l’ensemble des réactions objectives et reproductibles, initiées par l’exposition à un stimulus défini ne provoquant pas de réaction chez les sujets normaux. Ce terme ne préjuge pas du mécanisme et distingue les réactions d’hypersensibilité non allergique (qui excluent les mécanismes allergiques) et les réactions d’hypersensibilité allergique (immunologique ou étiologie immunologique fortement suspectée). Les réactions d’hypersensibilité allergique peuvent être individualisées en réactions de type retardé à médiation cellulaire ou bien en réactions de type immédiat médiées par des anticorps de type IgE. L’anaphylaxie correspond, selon cette classification, aux manifestations cliniques les plus graves des réactions d’hypersensibilité immédiate pouvant mettre rapidement en jeu le pronostic vital du patient. Par définition, une réaction d’hypersensibilité de type immédiat survient dans un délai inférieur à une heure après l’introduction de l’allergène, et le plus souvent, dans les minutes qui suivent.

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Épidémiologie Les enquêtes épidémiologiques multicentriques réalisées en France (2) montrent que : – L’incidence des réactions d’hypersensibilité allergique est estimée à 1/13 000 pour tous types d’anesthésie confondus et à 1/6 500 anesthésies avec curarisation (3) ; – le mécanisme anaphylactique est impliqué dans près de 65 % des cas ; – les principaux médicaments et/ou substances impliqués sont par ordre décroissant les curares (54 %) suivis du latex (22,3 %) puis des antibiotiques (14,7 %). Les substituts du plasma, les colorants, l’aprotinine etc. sont plus rarement impliqués. ■ La réaction anaphylactique

survient dans les minutes qui suivent l’introduction de l’allergène ■ La morbidité de ces réactions n’est pas connue sans doute du fait de la judiciarisation fréquente de ces complications, ce qui gêne leur publication. La mortalité est variable ; en France, l’analyse des certificats de décès péri-interventionnels de l’année 1999, a permis d’estimer l’incidence des décès attribués à une anaphylaxie à 3 % de l’ensemble des décès partiellement ou totalement imputables à l’anesthésie (4), alors que 10 % de décès sont rapportés au Royaume-Uni (5).

Patients à risque Les patients à risque d’anaphylaxie per-anesthésique ont été définis et correspondent aux (6) : – Patients allergiques à un des médicaments ou produits susceptibles d’être administrés pour l’anesthésie dont le diagnostic a été établi par un bilan allergologique ; – patients ayant manifesté des signes cliniques évocateurs d’une allergie lors d’une précédente anesthésie ; – patients ayant présenté des manifestations cliniques d’allergie lors d’une exposition au latex, quelles que soient les circonstances d’exposition ; – enfants multiopérés et notamment pour spina bifida, en raison de la fréquence importante de la sensibilisation au latex et de l’incidence élevée des chocs anaphylactiques au latex ;

– patients ayant présenté des manifestations cliniques à l’ingestion d’avocat, kiwi, banane, châtaigne,… en raison de la fréquence élevée de sensibilisation croisée avec le latex.

Diagnostic clinique Le choc anaphylactique peut être observé à n’importe quel moment de l’anesthésie, mais dans près de 75 % des cas, il survient au moment de l’induction anesthésique. La classification de Ring et Messmer (7) permet de stratifier la réaction en fonction de son degré de sévérité clinique en 4 grades (tableau 1). Les grades I et II ne mettent pas en jeu le pronostic vital du patient, au contraire des grades III et IV. L’expression clinique du grade III est monoou multiviscérale avec pour signe clinique cardinal, le collapsus cardio-vasculaire. Le collapsus cardio-vasculaire, dans le contexte du choc anaphylactique, a été défini de façon arbitraire comme une pression artérielle systolique < 40 mmHg (8). Quand l’expression clinique est multiviscérale, des signes cutanés et/ou un bronchospasme sont associés. Des signes digestifs à type de vomissements, diarrhée ou douleurs abdominales ne s’exprimant parfois qu’au moment du réveil ont été également rapportés mais demeurent rares au cours des réactions per-anesthésiques. Des troubles de l’excitabilité et de la conduction tels qu’un bloc auriculo-ventriculaire, un bloc de branche, une extrasystolie ou une fibrillation ventriculaire sont également décrits. Le grade IV correspond à un arrêt cardiaque. Il peut être inaugural survenant apparemment sans prodromes.

Tableau 1 Classification de Ring et Messmer (7) qui stratifie la réaction d’hypersensibilité immédiate en fonction de son degré de sévérité clinique. Grades de sévérité

Symptômes cliniques

I

Signes cutanéo-muqueux, érythème, urticaire, avec ou sans angioedème

II

Atteinte multiviscérale modérée : signes cutanéo-muqueux ± hypotension artérielle ± tachycardie ± toux ± dyspnée ± signes digestifs

III

Atteinte mono- ou multiviscérale : collapsus cardiovasculaire, tachycardie ou bradycardie ± troubles du rythme cardiaque ± signes cutanéo-muqueux ± bronchospasme ± signes digestifs.

IV

Arrêt cardiaque

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Marqueurs de sévérité clinique Dans la majeure partie des cas, l’expression clinique du choc anaphylactique est multiviscérale. Dans certains cas et notamment au cours des réactions particulièrement sévères, la symptomatologie clinique peut être limitée à des signes cardiovasculaires. Trois marqueurs prédictifs de la sévérité clinique de la réaction ont été identifiés. Il s’agit : – de la précocité de survenue de la réaction : plus la réaction survient rapidement après l’introduction de l’allergène, plus l’expression clinique sera sévère ; – de l’absence inaugurale de signes cutanés (érythème, urticaire) qui traduit une hypoperfusion tissulaire périphérique, ces derniers apparaissant lors de la restauration de l’homéostasie cardiovasculaire ; – d’une bradycardie sinusale pouvant très rapidement succéder à une tachycardie initiale. Elle s’intègre dans la classique expression de la bradycardie paradoxale du choc hypovolémique grave (9), réflexe de défense ultime de l’organisme tentant de maintenir un remplissage ventriculaire chez un malade très hypovolémique. Une horripilation cutanée voire une érection mamelonnaire, peuvent être les premiers signes cliniques observés avant la survenue rapide et brutale des signes cardio-vasculaires.

Traitement En préambule, il est important de rappeler que la précocité du diagnostic d’un choc anaphylactique est essentielle car tout retard thérapeutique constitue un facteur de risque de mauvais pronostic (12).

Mesures générales L’arrêt de l’exposition à l’antigène est recommandé (arrêt de la perfusion du médicament suspecté, changement de la tubulure en gardant la voie veineuse) ainsi que l’arrêt de l’administration des médicaments de l’anesthésie. Le contrôle des voies aériennes doit être associé à la ventilation (FiO2 = 1). La demande d’aide de personnel supplémentaire est recommandée. Lorsque le choc anaphylactique survient à l’induction anesthésique, il faut différer la chirurgie afin de traiter, de réveiller et de surveiller le patient dans une unité de soins continus. Lorsque le choc anaphylactique survient après le début de l’intervention, la décision sur l’accélération/simplification voire l’interruption du geste chirurgical est prise en accord avec l’équipe chirurgicale au cas par cas.

Objectifs du traitement

Facteurs de comorbidité Asthme Aucune étude épidémiologique n’a prouvé que l’asthme constituait un facteur de risque de survenue d’une réaction anaphylactique. Néanmoins, un asthme non équilibré par le traitement représente un facteur de risque de décès au cours d’une anaphylaxie (10).

Cardiopathies Une cardiopathie ischémique ou une insuffisance cardiaque peut être déstabilisée/aggravée par la survenue d’une anaphylaxie peranesthésique.

β-bloquants et autres médicaments Aucune étude épidémiologique n’a prouvé que la prise d’un βbloquant constituait un facteur de risque de survenue d’une anaphylaxie (11). En revanche, un traitement par un β-bloquant tout comme la prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou d’inhibiteurs de l’angiotensine II peuvent interférer avec la réponse hémodynamique au traitement (10).

Les objectifs du traitement du choc anaphylactique consistent à maintenir l’état hémodynamique en assurant une pression de perfusion (cérébrale et coronaire) en corrigeant la vasodilatation et en compensant l’hypovolémie liée à l’extravasation plasmatique en relation avec les troubles de la perméabilité capillaire (8). L’adrénaline et le remplissage vasculaire constituent les pointsclés du traitement du choc anaphylactique. La dose appropriée d’adrénaline doit être administrée en fonction du grade de la réaction (cf. paragraphes Traitement du grade III et Traitement du grade IV) et la voie intraveineuse périphérique est la voie d’injection privilégiée. Il n’y a aucune contre-indication à l’injection d’adrénaline au cours du choc anaphylactique même chez le patient coronarien. A contrario, tout retard à l’administration d’adrénaline constitue, en tant que tel, un facteur de risque de mauvais pronostic (12). Ainsi, les décès par anaphylaxie sont, dans la plupart des cas, associés à une administration tardive voire même à une absence d’injection d’adrénaline ou enfin à l’injection de doses inappropriées (par défaut ou par excès) d’adrénaline (12, 13). Même si les réactions de bas grade (I, II) ne rentrent pas dans la définition du choc anaphylactique, il paraît indispensable de rappeler que l’adrénaline ne doit pas être injectée au cours du

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grade I et peut être parfois nécessaire au cours du grade II (bolus i.v de 10 à 20 μg) (hypotension artérielle mal tolérée chez un patient hypertendu par exemple). ■ Tout retard à l’administration d’adrénaline a des conséquences néfastes sur l’évolution d’un choc anaphylactique ■

En revanche, l’adrénaline demeure le traitement de première intention au cours des grades III et IV.

Traitement du grade III Des bolus titrés de 100 à 200  μg (soit 0,1 à 0,2 mg) doivent être administrés par voie i.v toutes les 1 à 2 minutes en fonction de la réponse hémodynamique. La posologie doit être augmentée rapidement en l’absence d’efficacité. Une perfusion intraveineuse d’adrénaline par seringue auto-pousseuse à la posologie de 0,05 à 0,1 μg. kg–1.min–1 peut permettre d’éviter la répétition des bolus d’adrénaline (8). Titration de l’adrénaline

La titration de l’adrénaline est fondamentale et a pour but de tester rapidement la réponse hémodynamique du patient. Les effets secondaires de l’adrénaline (accès hypertensif sévère accompagné d’une crise convulsive, ischémie myocardique par augmentation brutale de la post-charge et de la fréquence cardiaque, troubles du rythme ventriculaire) sont liés à l’injection i.v de doses inappropriées d’adrénaline. Remplissage vasculaire

La correction de l’hypovolémie doit être rapide et débutée conjointement à l’injection d’adrénaline. L’expansion volémique est débutée par des cristalloïdes isotoniques (Ringer Lactate®, NaCl 0,9 %) à adapter en fonction de la réponse clinique et hémodynamique. Lorsque le volume de ces derniers dépasse 30 à 50 ml.kg–1, le remplissage vasculaire est assuré par des colloïdes (hydroxyéthylamidons ou HEA, gélatines), en contre-indiquant ceux éventuellement responsables de la réaction car les gélatines (Plasmion®, Gélofusine®...) peuvent elles-mêmes être responsables de réactions allergiques. Les HEA sont préférables aux gélatines en raison de l’incidence moindre de réactions allergiques. Une augmentation de la volémie centrale peut être obtenue par la mise du patient en position de Trendelenburg ou en surélevant les membres inférieurs. Autres médicaments

En France, les antagonistes des récepteurs à l’histamine de type H1 et/ou H2 ne font pas partie du traitement du choc anaphylactique.

Traitement du grade IV Le grade IV correspondant à l’arrêt cardiaque, les mesures thérapeutiques préconisées lors d’un arrêt cardio-circulatoire doivent être appliquées selon les recommandations en vigueur (8, 14). L’injection d’adrénaline par voie i.v est débutée par une dose de 1 mg à réinjecter toutes les 1 à 2 minutes en fonction de l’efficacité thérapeutique, une dose de 5 mg est proposée après la 2e injection. Des doses cumulatives d’adrénaline de 50 voire 100 mg peuvent être nécessaires. La voie i.v centrale est considérée comme la voie de référence pour l’injection des médicaments en cas de réanimation de l’arrêt cardio-circulatoire ou lors de l’administration continue d’adrénaline. Sa mise en place ne doit pas faire retarder le début de la réanimation sur la voie veineuse périphérique (8).

Choc anaphylactique réfractaire Dans la majeure partie des cas, un traitement approprié permet de restaurer l’homéostasie cardio-vasculaire. Néanmoins, l’adrénaline n’est pas toujours efficace lors du traitement du choc anaphylactique. La littérature internationale ne définit pas le choc anaphylactique réfractaire au traitement dont la physiopathologie demeure inconnue. En France, le choc anaphylactique réfractaire a été défini de façon arbitraire par l’absence de réponse aux mesures thérapeutiques habituelles c’est-à-dire une expansion volémique qui corrige l’hémoconcentration associée à une administration d’adrénaline à des doses cumulées supérieures à 10 mg (8). L’inefficacité cardio-circulatoire réfractaire au traitement la plus fréquemment rencontrée en pratique clinique serait le choc anaphylactique survenant chez le patient β-bloqué. Les schémas thérapeutiques proposés sont alors d’augmenter les doses d’adrénaline voire d’administrer du glucagon (à la posologie de 1 à 2 mg par voie i.v à renouveler toutes les 5 minutes). Lorsque l’hypotension persiste malgré plusieurs injections répétées, une perfusion continue de glucagon (0,3-1 mg.h–1) a été proposée (8). L’hypotension artérielle réfractaire au traitement correspond à une pression artérielle moyenne < 60 mmHg malgré des injections répétées d’adrénaline et une correction de la volémie. Une perfusion continue d’adrénaline et/ou de noradrénaline (0,050,1 μg. kg–1. min–1) dont le débit doit être adapté aux effets de la réponse hémodynamique a été proposée (8).

Alternatives thérapeutiques au choc anaphylactique réfractaire Des cas cliniques de chocs anaphylactiques per-anesthésiques réfractaires à l’adrénaline et/ou à la noradrénaline ont été traités avec succès par des α-agonistes comme la methoxamine ou

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l’aramine. La methoxamine n’est pas disponible en France, au contraire de l’aramine, qui l’est sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative (15). L’arginine vasopressine et son analogue structural, la terlipressine, pourraient également avoir un intérêt au cours du choc anaphylactique réfractaire au traitement conventionnel. Quatre publications récentes rapportent le succès thérapeutique de 5 cas d’anaphylaxie per-opératoire ou après piqûre d’hyménoptères après injection de bolus i.v d’arginine vasopressine (n = 4) ou de terlipressine (n = 1) alors que l’adrénaline seule ou associée à la noradrénaline ou la phényléphrine seule n’avaient pas permis de corriger l’hypotension artérielle, le collapsus cardio-vasculaire voire l’arrêt cardiaque (15, 16). L’arginine vasopressine a d’ailleurs été proposée comme alternative thérapeutique au cours du choc anaphylactique par les dernières recommandations nord-américaines (14). Ainsi, l’arginine vasopressine ou la terlipressine pourrait constituer une alternative au cours du choc anaphylactique réfractaire aux catécholamines. Néanmoins, des travaux expérimentaux et cliniques devront en préciser au préalable les conditions d’administration.

Bronchospasme Les agonistes β2-adrénergiques sont les bronchodilatateurs les plus puissants et les plus rapides en efficacité. Ils sont administrés par inhalation ou par voie intra-veineuse. Le traitement du bronchospasme peut débuter par une inhalation de salbutamol type Ventoline® à l’aide d’une chambre d’inhalation chez un patient intubé. Cependant, en cas de résistance au traitement où s’il s’agit d’une forme d’emblée sévère de bronchospasme, la voie intraveineuse doit être privilégiée selon le schéma posologique suivant : Salbumol Fort® en bolus de 100 à 200 μg suivi d’une perfusion continue de 5 à 25 μg.min–1. Il ne semble pas utile d’augmenter les posologies au-delà de 5 mg.h–1 (15). Lorsqu’un collapsus cardio-vasculaire accompagne le bronchospasme, l’urgence est de restaurer l’homéostasie cardio-vasculaire. L’adrénaline doit par conséquent être administrée en première intention selon le schéma posologique cité plus haut. Grâce à ses effets β 2 adrénergiques, l’adrénaline est souvent efficace pour le traitement du bronchospasme. Le traitement du bronchospasme sera à adapter en fonction de l’évolution clinique. La prescription précoce et systématique des glucocorticoïdes à la posologie de 1 à 2 mg.kg–1 par jour d’équivalent de méthylprednisolone est également indiquée en raison notamment de leur effet anti-œdémateux. En revanche, la durée optimale du traitement n’est pas établie (15).

Cas particulier de la grossesse Le choc anaphylactique survenant chez une parturiente à l’induction anesthésique d’une césarienne est une situation clinique particulière qui constitue un risque aggravé en raison de la physiopathologie de l’anaphylaxie et de la compression aorto-cave inhérente à la physiologie de la grossesse. La compression aorto-cave est un élément majeur à prendre en compte lors de la conduite de la réanimation et l’extraction fœtale rapide dans ces circonstances fait partie du traitement afin d’améliorer le retour veineux et par conséquent le débit cardiaque. Il est habituellement recommandé de traiter l’hypotension artérielle de la femme enceinte par injection i.v d’éphédrine (10 mg à réinjecter toutes les 1 à 2 minutes) en raison de l’effet vasoconstricteur de l’adrénaline sur la circulation utéro-placentaire. Néanmoins, si l’efficacité de l’éphédrine n’est pas immédiate, il faut rapidement passer à l’adrénaline. La titration de l’adrénaline s’impose et la posologie recommandée est de 10-20 μg soit 0,01-0,02 mg par voie i.v à réinjecter toutes les 1 à 2 minutes en fonction de l’efficacité thérapeutique (8). Le remplissage vasculaire est assuré par une solution de Ringer lactate® poursuivie si besoin par les HEA.

Bilan diagnostique Le diagnostic initial d’une réaction anaphylactique per-anesthésique repose sur une présomption d’imputabilité fondée sur la reconnaissance des signes cliniques selon la classification de Ring et Messmer (7). Le diagnostic doit être par conséquent confirmé ou infirmé par un bilan allergologique associant bilans biologique et cutané. Dès que la situation clinique est maîtrisée ou avant l’arrêt de la réanimation lorsque l’évolution est défavorable, un prélèvement sanguin doit être réalisé afin de monitorer la dégranulation cellulaire (histamine plasmatique, tryptase). Un bilan cutané (prick-tests, intradermoréactions) doit être réalisé 6 à 8 semaines après la réaction afin d’identifier le médicament ou la substance en cause. Les tests cutanés correspondent au gold standard diagnostique des réactions IgE-médiées et doivent être pratiqués par des médecins allergologues rompus aux tests cutanés médicamenteux. Ce bilan cutané permettra notamment de rechercher s’il s’est agi d’une anaphylaxie à un curare, une réactivité croisée avec d’autres curares. L’ensemble des éléments cliniques, biologiques associés aux

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résultats des tests cutanés permet d’identifier le médicament impliqué, de confirmer le mécanisme immunologique de la réaction mais également de prodiguer les conseils pour les anesthésies futures. La remise d’un courrier exhaustif et/ou d’une carte d’allergique doit/doivent être remis au patient afin d’optimiser la prise en charge d’une anesthésie future. Enfin, les déclarations au Centre Régional de Pharmacovigilance (médicament) ou en matériovigilance (latex) ne doivent pas être omises.

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Conclusion Le choc anaphylactique per-anesthésique est une situation rare en pratique clinique mais dont l’évolution peut engager en quelques minutes le pronostic vital du patient. Sa reconnaissance immédiate, qui n’est pas toujours aisée, impose de débuter le traitement adapté dans les meilleurs délais afin d’optimiser l’évolution du patient. Le bilan allergologique fait partie intégrante de la prise en charge thérapeutique de ces patients.

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