Choc anaphylactique gravissime après induction anesthésique

Choc anaphylactique gravissime après induction anesthésique

Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 19 : 691-8 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0750765800002999/COR Choc anaph...

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Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 19 : 691-8 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0750765800002999/COR

Choc anaphylactique gravissime après induction anesthésique F. Michel, H. Grosshans, B. Rondelet Service d’anesthésie-réanimation, centre hospitalier Lyon-Sud, 165, chemin du Grand-Revoyet, 69695 Pierre-Bénite, cedex, France

Le choc anaphylactique en anesthésie est une complication redoutable pour laquelle le diagnostic résulte de la convergence d’un faisceau d’arguments et dont le pronostic peut faire rediscuter la prise en charge thérapeutique. Une femme de 32 ans souffrant de douleurs pelviennes a été admise au bloc opératoire pour cœlioscopie diagnostique. L’interrogatoire ne notait pas d’antécédent particulier notamment allergique chez cette patiente ayant déjà été opérée. La prémédication orale associait alprazolam (0,5 mg), hydroxyzine (100 mg) et ranitidine (150 mg). Après 1 gramme de cefotétan en antibioprophylaxie, l’induction a été faite par propofol, rémifentanil et atracurium. L’intubation sans problème et la mise sous respirateur ont été suivies d’un bronchospasme qui a cédé après ventilation manuelle et salbutamol. Une tachycardie sinusale à 180 b·min–1 puis une hypotension systolique à 60 mmHg ont été observées, conduisant à un traitement par adrénaline (2 mg en bolus puis 6 mg·h–1). L’état hémodynamique de la patiente s’est néanmoins dégradé : bradycardie 50 b·min–1, élargissement du QRS et passage en fibrillation ventriculaire. Le rythme sinusal a été rétabli après défibrillation conduisant à une amélioration tensionnelle (147/40 mmHg). L’intervention a été annulée et le transfert en réanimation a été décidé. Une protection cérébrale a été assurée par 300 mg de thiopental. Une chute tensionnelle sévère (60/ 30 mmHg) durant le transport est réapparue, malgré le remplissage par Ringer lactactet (2 000 mL) et l’adrénaline (au total 25 mg). Parallèlement, une éruption cutanée diffuse s’est installée orientant vers le diagnostic de choc anaphylactique. À l’arrivée dans le service de réanimation (40 minutes après l’apparition du bronchospasme initial), les

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pupilles étaient en mydriase aréactive, la pression artérielle et la SpO2 impossibles à mesurer. Un abord veineux central a été posé au niveau de la veine sousclavière droite (contrôle radiographique), de même qu’un cathéter dans l’artère fémorale gauche. À l’échographie cardiaque, il existait un ventricule gauche hypokinétique. L’évolution a été marquée par une hypoxie réfractaire bien qu’aucun signe évocateur d’œdème pulmonaire ou de pneumothorax n’ait été observé. Sur le plan cardiaque s’est installée une tachycardie jonctionnelle cédant à 300 mg de cordarone, ce qui a entraîné une amélioration tensionnelle transitoire (110/70 mmHg). Mais rapidement est apparu un bloc auriculo-ventriculaire du 3e degré itératif qui, malgré la mise en place d’une sonde d’entraînement électrosystolique externe puis interne et 0,4 mg d’isoprénaline, a été suivi d’une bradycardie extrême (début du massage cardiaque externe) puis d’une fibrillation ventriculaire (réduite par choc électrique externe). Malgré le remplissage (1 000 mL d’Elohèst, 1 000 mL de Ringer lactatet et 500 mL de bicarbonate de sodium à 4,2 %), l’administration massive d’adrénaline (150 mg), la patiente a eu trois arrêts cardiocirculatoires. Après massage cardiaque externe d’une durée totale de deux heures et devant l’absence de reprise d’activité électrique, la réanimation a été arrêtée. Le bilan biologique immunoallergique (effectué au bloc opératoire) notifiait l’absence de polynucléaire basophile (coloration au bleu de toluidine), et une concentration de tryptase plasmatique huit fois supérieure à la normale (108 µg·L–1) faisait soupçonner une dégranulation mastocytaire intense. D’autre part, on notait l’absence d’IgE spécifiques circulantes au propofol, céfotétan, suxaméthonium, latex et ammonium quaternaire (RIA à 0,2 %). Le tableau clinique, l’absence de basophile et la tryptase sérique élevée orientent vers le diagnostic de choc anaphylactique grave [1-3]. Dans cette hypothèse, la responsabilité de l’atracurium est la plus probable, malgré la négativité des IgE spécifiques (la sensibilité du test n’est pas de 100 % et seules les IgE sériques sont dosées). La gravité cardiaque de ce tableau clinique fait évoquer le diagnostic d’anaphylaxie cardiaque par conflit antigène-anticorps

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directement sur le myocarde, ce qui expliquerait les troubles du rythme et la défaillance myocardique. Si l’adrénaline reste le traitement de référence dans ce contexte, elle n’est pas dénuée d’effets secondaires (troubles du rythme, ischémie myocardique), notamment à de telles doses. Un autre aspect de cette observation concerne le rôle éventuellement joué par la ranitidine effervescente, prescrite en prémédication. L’inhibition des récepteurs H2, dont la stimulation produit un effet inotrope et dromotrope positifs et une coronaro-dilatation, pourrait prédisposer à l’ischémie myocardique et aux troubles de conduction potentialisant ainsi l’effet des médiateurs de l’anaphylaxie [4]. Le tableau clinique présenté par cette jeune patiente sans antécédent particulier est celui d’un choc probablement d’origine anaphylactique. Cette forme cardiaque gravissime conduit à réfléchir sur le rôle potentiellement aggravant de la prémédication par ranitidine et sur la thérapeutique à mettre en place, notamment dans le choix des catécholamines [5] et le monitorage à instaurer en réanimation. RE´ FE´ RENCES 1 Laroche D, Dubois F, Lefrançois C, Vergnaud MC, Gérard JL, Soufaradis H, et al. Marqueurs biologiques précoces des réactions anaphylactoïdes peranesthésiques. Ann Fr Anesth Réanim 1992 ; 11 : 613-8. 2 Fisher MM, Baldo BA. The diagnosis of fatal anaphylactic reactions during anaesthesia : employment of immunoassays for mast cell tryptase and drug-reactive IgE antibodies. Anaesth Intensive Care 1993 ; 21 : 353-7. 3 Fisher MM, Baldo BA. Mast cell tryptase in anaesthetic anaphylactoid reactions. Br J Anaesth 1998 ; 80 : 26-9.

4 Lindsey J. Latex anaphylaxis causing heart block : role of ranitidine. Can J Anaesth 1999 ; 46 : 776-8. 5 Levy JH. New concepts in the treatment of anaphylactoid reactions in anesthesia. Ann Fr Anesth Réanim 1993 ; 12 : 223-7. S0750765800002999/COR Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 19 : 691–2

Conjonctivite liée à une mauvaise utilisation du Bodedext lors de la décontamination d’un masque facial B. Vivien, X. Paqueron, P. Le Cosquer Département d’anesthésie-réanimation, CHU PitiéSalpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France

Nous rapportons le cas d’un patient qui a présenté une très vive irritation oculaire bilatérale, à type de conjonctivite, dès le réveil après une anesthésie générale en décubitus dorsal. La réalisation peropératoire systématique d’une occlusion palpébrale nous a conduit à rechercher la responsabilité d’un agent extérieur, et en particulier du masque facial ayant servi à ventiler le patient. L’examen immédiat de celui-ci a mis en évidence la présence d’un agglomérat de poudre blanche (figure 1). Une rapide enquête a établi que cette poudre était du Bodedext,

Figure 1. Agglomérat de poudre blanche sur le masque facial.