Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2011) 3, 236-238 ISSN 1877-1203
Revue des
Maladies
Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française
Actualités Congrès de Pneumologie de Langue Française 2011 Lille Grand-Palais Confrontations anatomo-cliniques, coordonnées par Ph. Bonniaud et J. Cadranel Fil Orange CPLF – Les âges du poumon, coordonné par D. Montani
68485
Numéro réalisé avec le soutien institutionnel de Novartis
www.splf.org
Septembre Vol 3 2011
N°
3
SESSION A47 : SPÉCIFICITÉS DE L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE À DIFFÉRENTS ÂGES, EN COLLABORATION AVEC LE GROUPE ETHER
Comment aborder le refus de soins : l’exemple de la mucoviscidose chez l’adolescent How to deal with the denial of care: the example of cystic brosis in adolescents Présidents : A. Guillaumot (Vandœuvre-Lès-Nancy), A. Prud’Homme (Tarbes) Orateur : F. Bremont (Toulouse) Article rédigé par : E. Artaud Macari (Rouen) Pneumologie-Allergologie - Hôpital des Enfants - CHU de Toulouse, 24 chemin de Pouvourville, 31059 Toulouse, France
MOTS CLÉS Adolescence ; Refus de soins ; Mucoviscidose ; Observance
KEYWORDS Teenagehood; Denial of care; Cystic brosis; Treatment observation
Résumé La mucoviscidose est un exemple de pathologie chronique grave touchant l’adolescent pouvant être à l’origine de perturbations physiques, sociales et psychologiques inuant sur les émotions et le comportement du patient et pouvant retentir sur ses capacités d’observance. Le refus de soin témoigne d’une stratégie de protection plus ou moins consciente et parfois d’un appel à la discussion et nécessite une intervention adaptée. © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Cystic brosis is an example of a severe chronic disease affecting adolescents that may be at the origin of physical, social and psychological disturbances which inuence on patient emotions and behavior and can alter his treatment observation. The refusal of care reects a protection strategy more or less conscious and sometimes a call for discussion and requires an appropriate response. © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
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Comment aborder le refus de soins
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Comprendre l’origine de l’inobservance de l’adolescent Il existe un continuum entre l’observance, l’inobservance et le refus de soins qui implique le médecin et le patient. Dans la mucoviscidose, 30 à 50 % des patients ne suivent pas les traitements. La mucoviscidose est une maladie chronique dont le traitement est palliatif, qui entraine une atteinte physique s’aggravant au cours du temps et devenant visible à l’adolescence. La prise en charge de cette pathologie est réalisée par une équipe pluridisciplinaire au sein de centres spéciques (CRCM : centres de ressources et de compétence de la mucoviscidose) en lien avec des intervenants libéraux. L’observance est variable selon le type de traitement : elle dépend du bénéce ressenti et des contraintes liées au traitement (Tableau 1). En effet, en cas de traitement avec un bénéce direct sur la symptomatologie comme les extraits pancréatiques, celui-ci est bien suivi car son arrêt provoque des douleurs abdominales et une diarrhée d’apparition rapide. Mais pour les traitements ayant un impact symptomatologique moins évident, comme les aérosols de pulmozyme, l’observance est beaucoup plus faible. L’inobservance se majore à l’adolescence puis à l’âge adulte secondairement à l’autonomisation du patient. On peut mettre en évidence 4 types de comportements liés à l’inobservance ou au refus de soins : le déni, la passivité, l’agressivité et les comportements à risque. Il n’existe pas d’étude de la prévalence de l’inobservance ou du refus de soin chez les patients mucoviscidosiques. Mais parmi la cohorte de patients suivi au CHU de Toulouse (49 adolescents suivis), l’étude de l’inobservance et des comportements associés montre que 1/3 sont observant., 1/3 présentent des comportements passifs et 14 % présentent des comportements à risque, qui augmentent d’autant plus qu’il existe un dysfonctionnement familial.
Observance évaluée Enzyme pancréatique (1)
81 - 97 %
Systématiquement à chaque repas 40 % Antibiotiques oraux (2)
68 - 93 %
Vitamines (4)
46 - 90 %
Pulmozyme (3)
66 - 83 %
Plus de 5 minutes
52 %
Kinésithérapie Enfant
70 %
Adulte (5)
40 %
Recommandation diététiques (6)
16 - 50 %
Tableau 1. Évaluation de l’observance aux traitements des patients atteints de mucoviscidose.
L’adolescent malade L’observance des adolescents est de 33 à 77 %. L’enfant compliant et conant devient en grandissant moins observant. L’adolescent n’est pas moins observant que l’adulte. L’adolescence est marquée par la puberté au cours de la quelle on note un changement physique et l’apparition de pulsions sexuelles créant un décalage entre l’image de soi, le corps réel, et la sexualité possible physiquement mais non assumée, aboutissant à un climat d’angoisse. Pour faire face à cette anxiété, un comportement de maitrise se développe avec opposition. Socialement, il existe un deuil de la position d’enfant associé à une identication à un groupe au développement d’une opposition à la famille. Enn, l’adolescence se caractérise sur le plan psychologique par une maturation intellectuelle permettant une prise de conscience de l’être et pouvant être à l’origine d’un syndrome dépressif. La maladie chronique entrave le processuse de l’adolescence. Il existe un paradoxe entre la nécessité d’obéissance aux recommandations médicales connotées d’une certaine dominance parfois vécue comme une agression et l’appropriation de son corps de son mode de vie, de son autonomie et de son psychisme par l’adolescent. De plus, l’adolescence correspond au moment de passage d’un suivi par le CRCM pédiatrique au CRCM adulte et cette transition peut favoriser l’inobservance.
Retentissement de la mucoviscidose Sur le plan physique, la mucoviscidose se caractérise par une maigreur, une petite taille responsables d’une perte de l’intégrité narcissique entrainant d’un point de vue comportemental une altération de la construction de l’image de soi et un vécu persécutoire de la maladie. La puberté est souvent différée et le corps subit des « agressions » médicales responsable d’un déni de la réalité de la maturité, du sentiment de dépossession d’autant plus important que l’adolescence est une phase d’appropriation de leur espace de liberté. La gravité de la maladie modie l’accession à un statut social et confère un sentiment d’exclusion, de solitude ou d’humiliation. De plus, le passage à l’adolescence s’accompagne d’un gain de maturité associé à une prise de conscience de la gravité de la maladie et de la mort proche pouvant être à l’origine d’une dépression. La maladie vient donc majorer tous ces phénomènes de l’adolescence. Les degrés d’acceptation de la maladie sont le reet de la capacité à prendre soin de soi, du vécu existentiel global de la maladie, du partage des responsabilités, de la relation plus générale entre l’adolescent et ses parents. Ces comportements non observant témoignent d’un climat d’insécurité, du fait des remaniements imposés par l’adolescence et majorés par la maladie et non d’un simple manque de connaissance de la maladie et des traitements. Il faut donc décoder les émotions au travers des comportements : le déni traduit la peur, la passivité et la dépression sont à liées au sentiment d’impuissance, l’agressivité est secondaire à la colère et au sentiment d’injustice, et les comportements à risque au besoin de tester les limites de son corps.
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Prévenir et faire face au refus de soin L’attitude de refus de soins n’apparait pas d’emblé. On note en effet un historique dans l’évolution des comportements du patient avec la nécessité de prévention de la part des soignants. Les facteurs diminuant l’observance peuvent être liés : • au patient (mauvaise estime de soi, affects dépressifs ou déni ou intellectualisation de la pathologie, la connaissance de la maladie et la gravité du pronostic n’ont aucune inuence sur l’observance des traitements) ; • à la famille qui peut développer des dysfonctionnements relationnels, une absence de soutien ou à l’inverse entraver l’autonomie de l’adolescent ; • aux traitements complexes ou avec des effets secondaires ; • au médecin qui doit permettre l’accès de l’adolescent au statut de patient (en lui donnant du temps en consultation seul sans ses parents, en valorisant l’autonomie et en pratiquant des consultations fréquentes et sufsamment longues pour permettre une écoute et une bonne relation médecin-patient). On peut adapter son attitude face au comportement et à l’émotion à l’origine de l’inobservance. Face au déni, l’équipe soignante doit être très disponible. En cas de passivité, il faut étayer, valoriser, encourager, donner des objectifs à court terme. En réponse à l’agressivité, il faut prendre du temps, reconnaitre le sentiment d’injustice, donner la possibilité de verbaliser pour modier progressivement les émotions et les pensées. Face à un comportement à risque, il faut donner un cadre, des limites et rester en lien avec le patient. Le recours à un psychologue ou à un pédopsychiatre peut s’avérer nécessaire. Il s’agit bien souvent d’un intervenant connu depuis l’annonce du diagnostic, agissant comme un tiers aidant l’adolescent et son médecin et non pas comme un intervenant obligatoire dans le parcours des consultations. Ils ont pour rôle d’éliminer une pathologie psychiatrique vraie, d’orienter ou prendre en charge le patient, et de soutenir l’équipe. Il est nécessaire d’évaluer le contexte individuel (croyances, attitudes face à la maladie, effets secondaires, rechercher un découragement ou un raz le bol). Il convient de chercher le traitement le plus simple possible compte tenu des capacités d’adaptation du moment avec éventuellement
F. Bremont
la proposition d’une relâche à l’égard d’un traitement contraignant si les conditions médicales le permettent et en précisant au patient le caractère circonstancielle et temporaire. Le médecin doit apprendre à accepter son impuissance relative et à rester en position d’écoute. L’éducation thérapeutique aura pour objectif la prise en compte du patient dans sa globalité (dimensions psychologique, sociale, affective…) et établir une relation de soin personnalisée adaptée au patient. Elle reste parfois difcilement applicable dans la vie courante. La réalisation de contrats de soins permet de xer avec le patient des limites acceptables, de donner un cadre, de clarier et simplier la prise charge du médecin. Le caractère individuel de cette démarche rassure l’adolescent sur les capacités d’écoute des soignants. En cas de refus de traitement malgré ces mesures, il est possible de faire appel à la loi : le juge des enfants peut alors prendre une mesure d’assistance éducative lorsque l’adolescent est en danger.
Conclusion Une mauvaise observance et un refus de soin témoignent d’une stratégie de protection plus ou moins consciente et parfois d’un appel à la discussion et nécessite une intervention adaptée. Il faut savoir accepter une observance non parfaite et aborder le sujet avec l’adolescent qui en parle difcilement en raison du sentiment de culpabilité généré. Le médecin doit prendre l’adolescent comme un partenaire actif, prendre du temps et lui porter attention. Il ne faut pas croire qu’une bonne connaissance de la maladie équivaut nécessairement à une bonne observance et éviter de sur ou sous-estimer l’attitude thérapeutique de l’adolescent soit disant « intelligent » ou « à problème ».
Conits d’intérêts F. Bremont : en attente E. Artaud Macari : aucun.