Le refus de soins dans les services d'urgence

Le refus de soins dans les services d'urgence

Réanimation 14 (2005) 751–753 http://france.elsevier.com/direct/REAURG/ Juridique Le refus de soins dans les services d’urgence Refusal of treatment...

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Réanimation 14 (2005) 751–753 http://france.elsevier.com/direct/REAURG/

Juridique

Le refus de soins dans les services d’urgence Refusal of treatment in Accident and Emergency departments D. Baranger, C. Sicot * Le Sou médical, groupe MACSF, 10, cours du Triangle-de-l’Arche, TSA 40100, 92919 La-Défense cedex, France

Résumé Le malade est toujours libre de refuser des soins, en dehors de quelques cas expressément prévus par la loi. Mais, le médecin ne doit pas s’incliner trop facilement et est dans l’obligation d’inciter le patient à ne pas persister dans son refus. En cas d’échec, il est indispensable de faire signer au patient une « attestation de refus de soins » où sont mentionnés les risques auxquels il s’expose par sa position. Les mêmes obligations existent dans les services d’urgence sauf en cas de danger immédiat pour la vie du malade ou lorsque ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté. Mais beaucoup de situations rencontrées par les médecins urgentistes ne sont pas réglées par les textes existants ou sont régies par des dispositions d’ordre général éloignées de la pratique quotidienne, plongeant ainsi les équipes dans des conditions délicates où leur responsabilité médicolégale peut être recherchée, quelle que soit la décision qu’elles aient prise en leur âme et conscience. © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The patient is always free to refuse treatment, other than in cases expressly provided for by law. However, the doctor should not give in too easily and is under an obligation to encourage the patient not to persist in his refusal. If he fails, it is essential to have the patient sign an “attestation of refusal of treatment” in which the risks to which the patient exposes himself by his position are mentioned. The same obligations apply in Accident and Emergency departments, except in the case of immediate danger to the patient’s life or when the latter is not in a condition to express his wishes. But many situations met with by emergency doctors are not covered by the existing texts or else are governed by provisions of a general nature which are detached from daily practice, and this puts the medical teams in a difficult situation where their medical and legal liability may be called into question whatever decision they may have taken with the best of intentions and in all conscience. © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Refus de soins ; Service d’urgences Keywords: Refusal of treatment; Accident and emergency department

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a fait du refus de soins une liberté fondamentale. Cet impératif implique que le consentement du patient soit recueilli avant la réalisation de tout acte à caractère diagnostique ou thérapeutique et que ce dernier ait bénéficié, au préalable, d’une information précise et intelligible sur les

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Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Sicot).

soins susceptibles d’être entrepris par l’équipe soignante. L’article 36 du code de déontologie médicale précisait déjà que : « lorsque le malade en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences ». Il ne peut être passé outre ce refus que par autorisation de la loi. Certaines exceptions légales permettent, en effet, le traitement des malades sans que leur consentement soit nécessaire. C’est notamment le cas des malades mentaux internés, en placement d’office ou à la demande d’un tiers (loi du

1624-0693 /$ - see front matter © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2005.10.013

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27 juin 1990). On peut également citer le cas des mineurs, où le médecin est autorisé à passer outre, un éventuel refus de consentement des parents (loi du 4 mars 2002, précitée), bien qu’il reste conseillé, au préalable, d’aviser le juge des enfants qui peut ordonner toute mesure d’assistance permettant d’assurer les soins nécessaires. Toutefois, le médecin ne doit pas s’incliner trop facilement face au refus du patient. Il est dans l’obligation d’inciter le patient à ne pas persister dans son refus de traitement [1]. Il commettrait, dans le cas contraire, une faute de nature à engager sa responsabilité. Pour convaincre le patient, on peut faire appel à un autre médecin pour confirmer le bien-fondé des propositions faites, voire, si le patient ne s’y oppose pas, contacter son médecin traitant et même faire intervenir ses proches, à condition évidemment de respecter le secret professionnel. Cette problématique prend une dimension particulière dans les services amenés à prendre en charge des patients en situation d’urgence. Seule l’existence d’un danger immédiat pour la santé ou la vie du malade autorise à ne pas disposer de son accord en raison de l’obligation « d’assistance à personne en danger ». Dans les autres cas d’urgence, si la loi dispense le médecin de l’obligation d’informer le patient des risques et des alternatives possibles, l’obligation de recueillir son consentement demeure, hormis les cas où il est hors d’état d’exprimer sa volonté. Dans cette dernière situation, aucune disposition n’impose d’obtenir le consentement de la famille, mais il est vivement recommandé, dans les limites de temps imposées par l’urgence, de tenter de la contacter pour l’informer dans le respect du secret professionnel, des mesures qui ont été décidées. Le médecin ne peut donc, de principe, évoquer l’urgence pour passer outre le refus du patient, qu’il s’agisse d’un refus d’être examiné par un praticien au sein du service des urgences après avoir été pris en charge par un infirmier, d’un refus d’hospitalisation après examen médical ou d’un refus de traitement. Les textes ne comportent aucune disposition spécifique aux patients en état d’ébriété, aux patients agités ou à ceux pris en charge dans le cadre d’une tentative de suicide. Il faut, par conséquent, déduire de cette absence de réglementation propre à ces situations spécifiques, que le principe juridique de portée générale précisant que le patient demeure libre de refuser les soins, a vocation à s’appliquer. Il a quelquefois été préconisé que les patients en état d’ébriété fassent l’objet d’une mesure d’hospitalisation sous contrainte afin d’éviter qu’ils ne quittent l’établissement. Cette solution doit être fermement déconseillée dans la mesure où l’hospitalisation sous contrainte répond à des conditions strictes tant dans le fonds que sur la forme et que celles-ci sont énumérées dans un souci de protection des droits du patient. Un tel recours exposerait, en conséquence, le praticien à des poursuites pour internement abusif. Dans une telle situation, a t-on le droit de prévenir la police ? A priori, comme il ne s’agit pas là, d’une des dérogations prévues par la loi, cette démarche ferait courir le risque d’une plainte, suivie éventuellement d’une condamnation, pour violation du secret professionnel. Même si le médecin argue pour sa défense que le patient re-

présentait « un danger pour autrui », l’issue de la procédure reste très aléatoire. En cas de détresse vitale, s’il s’agit d’un adulte capable et conscient, force est de respecter son refus, tout au moins tant qu’il n’a pas perdu connaissance et qu’il reste capable d’exprimer sa volonté, car dès lors le médecin s’exposerait au délit de non-assistance à personne en danger s’il n’agissait pas. Toutefois, bien que la loi du 4 mars 2002 n’ait prévu aucune exception au refus de soins du patient, la jurisprudence a, dans une décision remarquée, justifié l’attitude d’un réanimateur qui était passé outre le refus de transfusion sanguine d’une patiente, témoin de Jéhovah hospitalisée dans son service. Il s’agissait, dans les faits, d’une malade admise suite à une hémorragie du post-partum et qui avait manifesté son refus de toute transfusion. Le Conseil d’état a pris soin, cependant, de préciser qu’il s’agissait d’une situation dérogatoire et que le droit au consentement demeurait un principe fondamental de la relation unissant le médecin et son patient [2]. La haute juridiction pose, ainsi, des conditions strictement énumérées afin de pouvoir déroger aux principes précités : ● la situation doit être extrême et mettre en jeu le pronostic vital ; ● l’acte doit être indispensable à la survie du patient ; ● l’acte doit être proportionné à son état. Sous réserve du respect de ces conditions qui présentent un caractère cumulatif, il peut être dérogé, à titre exceptionnel, au refus de soins du patient. Comme il a déjà été souligné, les dispositions de la loi du 4 mars 2002 précitées imposent au médecin d’insister afin de tenter de convaincre le patient de la nécessité des soins préconisés [1]. C’est donc un véritable « devoir pédagogique » qui est imposé ici au médecin et qui doit le conduire à réitérer l’information initiale afin que le refus du patient soit éclairé et s’exerce en parfaite connaissance des risques encourus. Le médecin veillera, si le patient maintient son refus, à conserver la trace de cette information afin d’être en mesure d’établir, en cas de litige, qu’il s’est effectivement acquitté de cette obligation. Il supporte, en effet, la charge de la preuve [3]. L’obtention d’une « attestation de refus de soins » signée du patient — et non d’une « décharge de responsabilité » qui laisserait croire (à tort) qu’elle met le médecin à l’abri de toute condamnation —, sera systématiquement recherchée. Ce document doit nécessairement mentionner les complications — notamment vitales —, auxquelles s’expose le patient de par le maintien de sa position, car il doit apporter la preuve que le refus a bien été « libre », « éclairé » et « certain » [4]. À défaut, il convient de consigner dans le dossier du patient ou le registre du service d’urgence prévu à cet effet, les circonstances ayant conduit le patient à consulter, les éléments médicaux en possession de l’équipe et le fait qu’il ait bénéficié d’une information claire et réitérée sur la nécessité de subir les soins.

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Il sera également conseillé de préciser le jour, l’heure, le mode d’entrée et, si elle est connue, l’identité du patient en cause. Si un autre membre du personnel soignant a assisté à l’entretien, il conviendra également d’en faire mention en indiquant son identité et sa fonction au sein du service. Dans les hôpitaux publics, en cas de refus d’hospitalisation, un procès verbal de refus doit être dressé dans le cadre de l’article 7 du décret du 14 janvier 1974. Cette démarche est également conseillée dans les autres établissements.

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Références [1] Article L 1111-4 alinéa 2 du Code de santé publique (CSP). [2] Baranger D, Sicot C. Loi du 4 mars 2002. Transfusion sanguine et témoin de Jéhovah. Réanimation 2003;12:171–2. [3] Article L 1111-4 dernier alinéa du CSP. [4] Bouquier JJ. Du droit au consentement au droit au refus de soins. Bull Ordre Médecins mai 2004:16.