Le Praticien en anesthésie réanimation (2018) 22, 24—31
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RUBRIQUE PRATIQUE
Comment choisir son dispositif de vidéo-laryngoscopie ? How choosing a videolaryngoscope? Yacine Ynineb Praticien hospitalier anesthésie réanimation, hôpital Tenon, Assistance publique—hôpitaux de Paris, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France evrier 2018 Disponible sur Internet le 4 f´
MOTS CLÉS Vidéolaryngoscope ; Intubation difficile ; Airway control
KEYWORDS Videolaryngoscope; Difficult intubation; Airway control
Résumé Il existe aujourd’hui un large éventail de dispositifs de contrôle des voies aériennes. Le choix de chaque dispositif dépend des caractéristiques propres des dispositifs et des situations cliniques. L’usage des vidéoloaryngoscopes a modifié les schémas de contrôle des voies aériennes supérieures dans le cadre des intubations difficiles également en raison de leur intérêt pédagogique. La liste des situations où leur usage est préconisé s’étend, du fait probablement d’une réduction de la morbidité et d’une meilleure gestion des difficultés imprévues. © 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Summary A large serie of videolaryngoscope is available. The choice of a specific device depends on the technical features of the device and the type of patients. The use of videolaryngoscopes has changed the guidelines concerning difficult intubation. In addition teaching airway control is improved by the use of videolaryngoscopes. There is an increasing number of circumstances where videolaryngoscopes could be appropriate with the aim of reducing morbidity and unexpected difficult airway control. © 2018 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
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Comment choisir son dispositif de vidéo-laryngoscopie ?
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Introduction Les vidéo-laryngoscopes sont souvent considérés comme des dispositifs de secours quand le laryngoscope de Macintosh est en échec. Par opposition à la laryngoscopie directe utilisant la lame de Macintosh et nécessitant un alignement de l’axe oro-pharyngo-laryngé, la vidéo-laryngoscopie est une vision « indirecte » de la glotte grâce à un système d’optique permettant une transmission de l’image glottique sur un écran sans nécessité d’aligner l’axe pharyngolaryngé [1]. Durant ces dernières années la vidéo-laryngoscopie, du fait de sa capacité à offrir une vision glottique de qualité, est devenue de plus en plus utilisée dans les situations d’intubation difficile [2]. La Société franc ¸aise d’anesthésie réanimation (SFAR) a publié en 2017 et diffusé de nouvelles recommandations formalisées d’experts [3] concernant l’intubation difficile. Il y est clairement stipulé qu’il faut utiliser en première intention les vidéolaryngoscopes chez les patients avec une ventilation au masque possible et au moins deux critères d’intubation difficile. Un vidéo-laryngoscope est un dispositif constitué schématiquement de 3 parties : • la première partie est une lame ou un masque qui, une fois dans la cavité oropharyngée, permet la mobilisation des structures pharyngées et le positionnement du dispositif ; cette partie peut être munie d’un canal dans lequel une sonde d’intubation peut être pré armée en direction de la glotte facilitant ainsi la progression de la sonde d’intubation dans la trachée ; • une deuxième partie est constituée par le système optique du dispositif, il s’agit de fibres optiques de caméra ou de miroir, dont la lumière permet la visualisation de la glotte ; • la troisième partie est le manche du vidéo-laryngoscope qui contient la connectique permettant la transmission de l’image sur un écran qui peut être fixé sur le manche. L’image peut également être déportée sur n’importe quel écran relié au dispositif. Plusieurs vidéo-laryngoscopes ont été introduit sur le marché durant ces vingt dernières années faisant le trait d’union entre la laryngoscopie directe et la fibroscopie. La quête d’un dispositif universel idéal n’a peut être pas de sens au regard de la variabilité des patients et des situations cliniques. Le choix d’un dispositif de vidéo-laryngoscopie dépend de la confrontation des caractéristiques techniques du dispositif et de la spécificité liée à la situation du patient ou au patient lui-même. Mais l’expertise de l’opérateur et de son degré de maîtrise de l’outil jouent un rôle essentiel.
Classification Les vidéo-laryngoscopes sont classés en trois grandes catégories : • Vidéo-laryngoscopes avec gouttière : ◦ AirtraqTM (Prodol limited, Viscaya, Spain) (Fig. 1) : il s’agit d’un dispositif à usage unique, dont la lame est dite anatomique car elle épouse les structures oropharyngées. Il dispose d’une gouttière latérale dans laquelle la sonde est pré armée avant l’intubation. Des
Figure 1.
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Airtaq .
piles à basse température sont logées dans l’extrémité proximale du manche. Un canal optique à haute définition transmet l’image grâce à une combinaison de système de lentilles et de prismes. L’AirtraqTM est muni d’un système anti buée. Il existe plusieurs tailles de lames pédiatriques, deux tailles de lames adultes, des lames pour sonde double lumière et d’autres lames pour l’ intubation nasotrachéale, ◦ Pentax airwayscopeTM (Pentax medical Ambu Inc Danemark) (Fig. 2) : ce dispositif est composé d’un manche dont l’extrémité proximale est munie d’un écran LCD 2,4 pouces, d’une caméra orientable, et dont le bout de l’extrémité distale est muni d’une diode. L’autonomie de sa batterie est d’environ une heure. La Lame du Pentax airwayscopeTM à usage unique est en polycarbonate (PBlade) substance qui protège la source de lumière contre les contaminations, elle dispose d’une gouttière latérale dans laquelle se loge la sonde d’intubation et d’un canal pour aspirer les secrétions. L’écran du Pentax airwascopeTM peut pivoter permettant une intubation en position « face-à-face » [4]. Une cible est marquée sur l’écran guidant la trajectoire de progression de la sonde d’intubation, ◦ KingvisionTM (Ambu A/S, Ballerup, Danemark) (Fig. 3). Ces vidéo-laryngoscopes se distinguent par la forme de leur lame qui épouse de manière parfaite les structures anatomiques oropharyngées, permettant un positionnement optimal du bout de la lame et donc du système optique en face de la glotte. Il sont également tous munis d’une gouttière latérale permettant d’y loger la sonde d’intubation qui se retrouve pré-armée et disposée en face de la glotte. L’existence d’un canal d’aspiration en plus dépend du dispositif, présent dans
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Figure 2.
Y. Ynineb
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Pentax AWS .
le Pentax airwascopTM , et pas sur le AirtraqTM ni sur le KingVisionTM ; • Vidéo-larynscopes sans gouttière type : ◦ McGrathTM (Aircraft Medical Ltd Edinburgh UK) (Fig. 4) : Il s’agit d’un dispositif composé d’un manche sur lequel est placé un écran orientable et une lame à usage unique qui existe en deux tailles, ◦ GlidescopeTM (Verathon Inc., Bothell, WA USA) (Fig. 5) : Parmi les premiers video-laryngoscopes étudiés, commercialisé pour la première fois en 2001. La lame du dispositif est en plastique rigide et son extrémité distale présente une angulation d’environ 60◦ , son épaisseur est d’environ 18 mm, la camera est incorporée dans la partie incurvée de la lame permettant une orientation antérieure du point de vue. Il existe quatre tailles de lame ; Ces vidéo-laryngoscopes ont un manche dont la forme est presque similaire a celui du laryngoscope classique Macintosh, la lame en revanche possède une courbure avec un angle plus fermé à environ 65◦ , permettant un orientation du faisceau lumineux vers le haut et donc une meilleur visibilité des glottes céphaliques. Ces vidéo-laryngoscopes ne possèdent pas de gouttière et par conséquent l’utilisation d’un mandrin malléable peut s’avérer nécessaire pour pré former la sonde d’intubation, lui permettant d’intuber une glotte parfaitement visible mais inaccessible dans 40 % des cas [5], ce qui peut en revanche augmenter la morbidité du geste ; • Vidéo-laryngoscopes type : ◦ LMA CTrachTM (The Laryngeal Mask Company, Singapour) (Fig. 6) : il s’agit d’un dispositif identique au LMAFastrachTM , muni en plus d’un écran détachable permettant de voir le larynx grâce à une fibre optique disposée sur l’extrémité distale du coussinet, l’intubation trachéale se fait donc sous
Figure 3.
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KingVision .
contrôle visuel. Ce dispositif permet également une ventilation et une oxygénation des patients, ◦ TotaltrackTM VLM (MedComflow S.A., Barcelona Spain) (Fig. 7) : il s’agit d’un hybride entre un dispositif supraglottique et un vidéo-laryngoscope avec une lame s’adaptant parfaitement à l’anatomie des voies aériennes supérieures ; il permet une visualisation du larynx grâce à une fibre optique aidant à l’intubation trachéale sous contrôle visuel ; il est également muni d’un coussinet oropharyngé permettant la ventilation et l’oxygénation du patient. Un canal latéral va permettre l’aspiration des sécrétions gastrique et oropharyngées, ◦ ces vidéo-laryngoscopes sont des dispositifs permettant à la fois d’oxygéner et d’intuber sous contrôle vidéo. L’oxygénation est possible grâce à un coussinet distal et gonflable qu’on introduit dans la cavité oropharyngée, l’ajustement de la position du masque ainsi que l’intubation de la tachée se font sous contrôle vidéo. Ces dispositifs sont également munis d’un canal latéral permettant l’aspiration de sécrétions oropharyngées
Comment choisir son dispositif de vidéo-laryngoscopie ?
Figure 4.
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Figure 6.
LMA CTrach .
Figure 7.
Totaltrack .
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McGrath .
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améliorant ainsi la qualité de la vision. Un système antibuée y est intégré.
Avantages des vidéo-laryngoscopes
Figure 5.
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Glidescope .
La vidéo-laryngoscopie comparée à la laryngoscopie directe offre une vision glottique de qualité de part la proximité du système d’optique de la glotte, la qualité de la luminosité, et de la haute résolution du système d’optique et de vidéo. La durée de l’intubation est ainsi raccourcie, le nombre de tentatives est lui aussi amélioré et la morbidité de l’intubation se voit ainsi considérablement diminuer. Les nouvelles technologies appliquées à la vidéolaryngoscopie permettent de prendre des photos et de réaliser des enregistrements dont l’intérêt pédagogique est évident pour la gestion des voies aériennes supérieures [6]. Outre, que la vision de la glotte qu’elle procure est meilleure, la vidéo-laryngoscopie nécessite moins de force de traction sur les structures oropharyngées obtenir cette vision. La manœuvre est donc moins traumatisante, elle
28 provoque moins de complications elle est moins douloureuse et a donc moins de conséquences hémodynamiques [7]. Certaines études ont permis de montrer que l’utilisation de vidéo-laryngoscopes avec écran permettait d’ajuster les manœuvres laryngées externes pour améliorer l’exposition glottique. En effet, l’aide peut ajuster son geste en partageant la vision de l’écran avec l’opérateur.
Limites des vidéo-laryngoscopes
Y. Ynineb Ceci montre que l’apprentissage des vidéo-laryngoscopes est nettement plus facile. Le fait qu’il soit recommandé d’utiliser les vidéo-laryngoscopes en routine et au-delà des situations à risque d’intubation difficile, va vraisemblablement permettre d’en assurer la maîtrise par l’ensemble des praticiens d’une même équipe.
Situations cliniques particulières Intubation difficile
La maîtrise parfaite de la vidéo-laryngoscopie nécessite un apprentissage soutenu. En effet, une certaine habilité est requise pour développer la coordination entre la main et l’œil, car la vision de la glotte et de son environnement par l’opérateur est indirecte et se fait sur l’écran et non pas directement dans la cavité oropharyngée. Dans une étude [8] sur mannequin, comparant l’utilisation par du personnel soignant expérimenté et non expérimenté, de 7 vidéo-laryngoscopes avec la lame de Macintosh, il n’a pas été mis en évidence de supériorité d’un dispositif par rapport à l’autre. De plus, les opérateurs développaient des aptitudes complétement différentes envers les différents dispositifs en fonction de leur âge et de leur expertise préalable dans le domaine de l’intubation. Ceci renforce l’idée que des formations soutenues et répétées sont recommandées pour arriver à une maîtrise parfaite. Un autre élément qu’il faut apprendre à maîtriser est la difficulté liée au fait de pouvoir voir correctement les cordes vocales même les plus céphaliques, et en même temps d’éprouver de la difficulté à faire progresser la sonde d’intubation du fait de l’anatomie du larynx. L’intubation doit alors nécessiter l’utilisation d’un mandrin à mémoire de forme pour donner la courbure qu’il faut à la sonde pour corriger sa trajectoire. L’intubation des glottes hautes par une sonde incurvée par un mandrin constitue une difficulté supplémentaire car la sonde peut buter sur la paroi antérieure de la trachée et une fois le mandrin retiré il est utile d’effectuer la rotation de 180◦ de la sonde nécessaire à sa progression dans la trachée. Toutes ces manœuvres peuvent majorer le risque de lésion laryngée [9]. Enfin le prix parfois élevé de certains dispositifs peut être un frein à leur acquisition [10].
L’expertise du praticien Plusieurs études ont permis de montrer que les vidéolaryngoscopes et notamment l’AirtraqTM ont facilité l’apprentissage de l’intubation par rapport à la lame de Macintosh. Maharaj et al. ont montré, dans des situations de simulation d’intubation difficile sur mannequin, que les avantages de l’AirtraqTM sur la lame de Macintosh s’observaient aussi bien avec des anesthésistes confirmés [11], qu’avec du personnel médical inexpérimenté [12], ou des jeunes anesthésistes [13]. Une autre étude menée par Woollard et al. [14] a montré que lorsque du personnel travaillant en pré-hospitalier sans aucune expérience préalable, était confronté a des intubations difficiles simulées sur mannequin, l’utilisation de l’AirtraqTM leur permettait un taux de succès dès la première tentative, nettement supérieur que lorsque la lame de Macintosh était utilisée.
L’incidence de la survenue d’une intubation difficile est relativement faible (de 1,5 % à 8,5 %). Une situation d’intubation difficile peut conduire à des situations dramatiques, souvent associée à une morbi-mortalité élevée. L’anticipation de tels évènements doit rester une règle de bonne pratique. Il est maintenant clairement stipulé selon les recommandations de la Société franc ¸aise d’anesthésie réanimation (SFAR) que pour les patients présentant au moins deux critères d’intubation difficile, notamment un Mallampati III ou IV, l’utilisation en première intention d’un vidéo-laryngoscope est fortement recommandée. Les vidéo-laryngoscopes améliorent la vision de la glotte, le score d’intubation difficile, et le taux de succès d’intubation à la première tentative, comparativement à la lame de Macintosh [15]. Selon ces mêmes recommandations il est en revanche contreindiqué d’utiliser un vidéo-laryngoscope si l’ouverture de bouche du patient est inférieure à 2,5 cm, si son rachis est fixé en flexion et s’il présente une tumeur du carrefour aérodigestif avec un stridor. Les tumeurs de la sphère O.R.L et notamment oropharyngée constituent une limite à l’utilisation des vidéo-laryngoscopes car un saignement au contact de la tumeur, même minime, peut compromettre la vision des structures oropharyngées et rendre impossible toute tentative d’intubation [16]. Il est également impératif de s’assurer de la possibilité d’introduire le vidéolaryngoscope dans la bouche avant d’endormir le patient. Durant la manœuvre d’intubation, une SPO2 < 95 % donne la priorité à l’oxygénation en mettant en place des dispositifs supra-glottiques. Plusieurs études ont comparé les différents vidéolaryngoscopes dans des situations simulées d’intubation difficile, comme celle de Savoldelli et al. [17] qui a comparé AirtraqTM , GlidescopeTM , McGrathTM et lame de Macintosh dans des situations d’intubation difficile, simulées sur mannequin, comme une obstruction pharyngée avec immobilité du rachis cervical et œdème de la langue. Les vidéolaryngoscopes étudiés ont tous montré leur supériorité quant à la facilité d’intubation comparées à la lame de Macintosh. La laryngoscopie indirecte provoquait moins de bris dentaire lors de l’utilisation des vidéo-laryngoscopes. Dans certaines situations d’intubation difficile les techniques peuvent être combinées comme dans le case report décrit par dans le Canadian Journal of Anaesthesia [18], où le patient avait en plus d’une difficulté prévisible de l’intubation une macroglossie, et une masse cervicale gauche comprimant le larynx associées à un index de masse corporel à 52 kg/m2 , un syndrome d’apnée du sommeil et un test de morsure de la lèvre supérieure positif. Dans ce cas l’utilisation de l’AirtraqTM a été associée au fibroscope bronchique introduit dans le canal latéral et guidé ainsi dans
Comment choisir son dispositif de vidéo-laryngoscopie ? l’oropharynx pour effectuer l’intubation orotrachéale. En effet, l’intubation nasotrachéale par fibroscopie vigile était impossible suite à un échec de visualisation de la glotte, ® l’utilisation de l’Airtraq n’a pas permis non plus d’accéder à la glotte, en revanche l’intubation trachéale a été possible ® grâce à l’utilisation combinée de l’Airtraq qui a permis de libérer une voie d’accès à proximité de la glotte, le fibroscope introduit dans la sonde d’intubation déjà pré-armée ® dans la gouttière de l’Airtraq a permis de visualiser puis d’intuber la glotte. Les vidéo-laryngoscopes avec ou sans gouttière ont donc montré leur supériorité dans des situations critiques comparés à la lame Macintosh, faisant d’eux des outils de choix dans ce genre de circonstances.
Intubation de l’obèse morbide Les obèses morbides ont la particularité d’avoir des réserves limitées en oxygène, ainsi qu’une consommation d’oxygène augmentée, ce qui les rend particulièrement vulnérables à l’hypoxie lors des tentatives d’intubation. La rapidité du geste est donc nécessaire pour toute intubation d’un sujet obèse. La vidéo-laryngoscopie de part la qualité de vision de la glotte qu’elle procure, permet de raccourcir la durée de l’intubation et donc l’incidence des hypoxémies per-procédure. Putz et al. [19] ont montré que lors de l’intubation des sujets obèses (BMI > 30 kg/m2 ) l’utilisation de l’AirtraqTM et du GlidescopeTM permettait des temps d’intubation inférieurs à 120 s avec une médiane de 55 s dans les deux groupes avec un léger avantage pour le GlidescopeTM vraisemblablement lié à son manche plus court et donc plus maniable ; un seul cas de désaturation (Sp02 < 92 %) a été observé dans le groupe AirtraqTM en rapport avec une difficulté à l’introduction du dispositif dans la bouche, et tous les patients ont été intubé sans difficulté. Dans une autre étude concernant 106 patients obèses le délai de l’intubation était de moitié plus court avec l’AirtraqTM comparé à la lame Macintosh (24 vs 56 s p < 0,005), l’AirtraqTM diminuait également le nombre d’échecs et l’incidence de désaturations dans cette population d’obèses [20]. Ces études semblent démontrer également que les systèmes de vidéo-laryngoscopie nécessitent moins de force pour placer l’instrument et semblent entraîner moins de réflexe hémodynamique que l’intubation avec la lame Macintosh [21]. Si la visualisation de la glotte est nettement améliorée avec les vidéo-laryngoscopes, chez les patients obèses cela ne se traduit pas automatiquement par une intubation plus facile, comme évoqué précédemment. Avec l’AirtraqTM on constate qu’en raison d’un manche relativement long, l’introduction du dispositif est plus difficile nécessitant le recours à une technique alternative d’introduction soit en abord latéral avec une ouverture de bouche d’au moins 18 mm ou en utilisant la technique proposée par D’honneur et al. [22], qui consiste à introduire l’AirtraqTM en rotation spirale à la manière d’une canule de Guedel ce qui permettait de réduire la durée de l’intubation à 25 s.
Intubation et rachis pathologique La difficulté lors de l’intubation des patients au rachis cervical pathologique consiste à assurer une stabilité au rachis et à imposer le moins de contrainte possible afin de
29 ne pas aggraver les lésions pré-éxistantes, notamment les lésions médullaires. Une méta-analyse a permis de montrer une meilleure vision de la glotte, un taux de succès de l’intubation plus élevé, et un taux de complication considérablement plus bas avec l’AirtraqTM comparé à la lame de Macintosh [23]. Hirabayashi et al. [24] ont montré que l’utilisation de l’AirtraqTM entraînait moins de mouvement du rachis cervical que la lame de Macintosh ne le faisait. L’extension du rachis cervical était de 29 % moins importante avec l’AirtraqTM qu’avec la lame Macintosh entre l’occiput et C4, et 44 % moins importante en C3/C4. Les déviations antérieures des corps vertébraux par rapport à la ligne de base, étaient de 32 %, 35 %, 38 % et 40 % moindre au niveau de l’atlas, C2, C3, et C4 avec l’AirtraqTM . Le fait que les vidéo-laryngoscopes du groupe 1 type AirtraqTM et AirwayscopeTM se distinguent par la forme particulière de leurs lames qui épousent parfaitement les structures oropharyngées, leur donne la possibilité d’entraîner moins de mouvements et donc moins de contraintes sur le rachis cervical lors de l’intubation trachéale, ce qui fait de ces dispositifs les vidéo-laryngoscopes de choix lorsque le rachis cervical est pathologique.
L’intubation dans l’urgence La gestion des voies aériennes supérieures peut être particulièrement difficiles dans les situations d’urgences pré-hospitalières et peut constituer un réel défi, spécialement lorsque le patient est incarcéré dans un amas de tôles en position assise avec difficulté d’accès aux vois aériennes supérieures. Il est facile d’imaginer que l’utilisation d’une lame de Macintosh pour intuber ces patients paraît illusoire, l’utilisation de dispositifs supra-glottiques pour assurer une oxygénation est recommandée ainsi qu’une intubation à l’aveugle au travers de ces dispositifs. L’intubation à l’aveugle peut s’avérer impossible mettant en jeu très rapidement le pronostic vital du patient. Certains vidéolaryngoscopes peuvent trouver une place de choix dans ce genre de situation car ils permettent une intubation orotrachéale en se mettant en face du patient même si celui ci est en position assise. L’apprentissage des techniques d’intubation par des médecins urgentistes ne travaillant pas au bloc opératoire semble plus rapide quand la vidéolaryngoscopie est utilisée et semble être un bon choix de première intention pour l’intubation en urgence et dans certaines situations difficiles comme l’impossibilité de se mettre à la tête du patient, l’intubation en « face à face » peut s’avérer une excellente alternative rendu possible grâce à certains vidéo-laryngoscopes comme l’AirtraqTM [4]. D’honneur et al. [25] ont montré dans un essai randomisé comparant le LMA FastrachTM , le GlidescopeTM et l’AirtraqTM qu’il était possible que l’opérateur se place face au patient pour effectuer l’intubation. Avec l’AirtraqTM les opérateurs réussissaient des intubations en moins d’une minute.
L’intubation sélective Lors d’une intubation sélective la sonde à double lumière est la technique de référence pour assurer l’exclusion et la ventilation uni-pulmonaire ; elle a une structure plus rigide et un diamètre externe plus large qu’une sonde trachéale standard. L’intubation sélective est à priori difficile même
30 si les critères d’intubation sont faciles. Lorsque la vision de la glotte est incomplète la laryngoscopie à l’aveugle peut être à l’origine d’un allongement du temps de l’intubation, surtout si les tentatives se multiplient, augmentant ainsi la morbidité laryngée. Les vidéo-laryngoscopes en améliorant la vision de la glotte ainsi que celle du passage de la sonde au travers des cordes vocales facilitent l’intubation, particulièrement chez des patients avec des critères d’intubation difficile, réduisant considérablement la morbidité du geste. El Tahan M.R et al. [26] en comparant trois vidéolaryngoscopes (AitraqTM , GlidescopeTM et kingVisionTM ) ont montré que l’AitraqTM permettait une intubation par une sonde double lumière dans des délais très rapides, avec un temps médian de 30 sec, vs 35 s pour le GlidescopeTM , et 35 s pour le KingVisionTM . L’intubation avec l’AitraqTM nécessitait moins de manœuvres laryngées externes et avait les scores de difficulté les plus bas. Toutes les autres caractéristiques telles que la qualité de la visualisation de la glotte, le taux de succès à la première tentative, l’incidence des lésions oropharyngées et l’incidence des enrouements et des maux de gorge, étaient équivalents pour les trois dispositifs. Yao et al. [27,28], ont utilisé avec succès le McGrathTM lors de l’intubation sélective de patients sans critères d’intubation difficile, mais ayant une exposition glottique difficile avec la lame Macintosh. Une autre étude [29] réalisée par la même équipe avait comparé le MacGrathTM et l’ AitraqTM pour l’intubation avec une sonde double lumière chez des patients dont la laryngoscopie par la lame Macintosh montrait un grade de Cormack-Lehane 2b et 3 ; l’exposition glottique était considérablement améliorée avec les deux vidéo-laryngoscopes, le temps d’intubation était plus long avec le Macgrath qu’avec le AitraqTM (39,9 vs 28,6 s p < 0,05), en revanche toutes les autres caractéristiques étaient comparables entre les deux groupes. La différence entre les deux dispositifs est liée au fait que le MacGrathTM ne dispose pas de gouttière latérale, l’intubation repose dans ce cas sur des manœuvres de rotation de la sonde ; à contrario l’ AitraqTM dispose d’une gouttière latérale permettant de pré-armer la sonde d’intubation, facilitant ainsi l’intubation. La différence entre les différents dispositifs étudiés semble insignifiante sur le plan clinique quand il s’agit de patients en bonne santé, en revanche pour ceux qui sont à risque de désaturation, il est de règle de choisir le dispositif avec une gouttière latérale permettant ainsi l’intubation dans les meilleurs délais.
L’intubation en obstétrique L’intubation difficile a une incidence 10 fois plus élevée dans une population obstétricale que dans la population générale, notamment lorsque la prise de poids est importante, ceci est dû à une modification des voies aériennes supérieures qui se produit au cours de la grossesse et même pendant l’accouchement. Une série récente revenait sur l’utilisation ® du Glidescope dans une unité obstétricale [30] : sur une période de 36 mois, 180 anesthésies générales avaient été réalisées. Une laryngoscopie directe avait été effectuée à 163 reprises, et à 5 reprises plusieurs tentatives d’intubation avaient été nécessaires et dans un cas l’intubation avait été impossible. La vidéo-laryngoscopie n’avait été utilisée que 18 fois avec un taux de succès de 100 % lors de la première tentative. Il est intéressant de noter que les patientes
Y. Ynineb ayant bénéficié d’une vidéo-laryngoscopie avaient des critères d’intubation difficile et que la patiente qui n’avait pu être intubée en laryngoscopie directe avait pu l’être en vidéo-laryngoscopie. Ces dispositifs semblent donc intéressants en obstétrique même s’il existe peu d’études les concernant dans ce domaine ; certain auteurs proposent leur utilisation en première intention avant la laryngoscopie directe [31].
Conclusion Le choix d’un vidéo-laryngoscope dépend de plusieurs paramètres : les caractéristiques du vidéo-laryngoscope, la situation clinique et l’anatomie du patient. Disposer d’un vidéo-laryngoscope de chaque groupe et en maîtriser l’usage semble être une bonne option pour faire face aux différentes situations possibles.
Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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