Comment la résistance vient aux bactéries

Comment la résistance vient aux bactéries

SEAT E 1 I\ la recherche de nouveaux antib iotiques Comment la rksistance vient aux bact~ries Depuis les an&es 1940, la rksistance aux antibiotiqu...

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SEAT

E 1 I\ la recherche

de nouveaux

antib iotiques

Comment la rksistance vient aux bact~ries Depuis les an&es 1940, la rksistance aux antibiotiques n’a cess6,inexorablement, de progresser park les bacte’ries. Comme l’expliquent Julian Davies et Didier Mazel, ce ph~nom&ze est surtout dfi 2 de frbquents e’changes de g&es de rhistance entre les microorganismes. * Departement de microbiologic et d’immunologie, University Bristish

of Columbia,

Vancouver,

Canada.

* lnstitut

Pasteur,

actuellement

en

dbtachement

dans

le laboratoire

de

l

J Davies, a

(1) G Mezelas

(1997)

8iofutuf159.31-34 (2) K Bush (1997)

Ciba Found Symp 207, 152-166. (3) J Davies GO Wright (1997)

Trends Microbial 5(6), 234-240.

‘utilisation des antibiotiques a radicalement change la facon de traiter les maladies infectieuses. A I’heure actuelle, les praticiens disposent d’un large arsenal d’agents antimicrobiens pour combattre les infections, avec ou sans hospitalisation (uoir figwe 1). Toutefois, ces dernieres annees ont CtC marquees par I’tmergence en nombre croissant de souches bactiriennes risistantes a un ou a plusieurs des antibiotiques communement utilises dans le traitement des maladies infectieuses (I). Dans quelques cas, les microorganismes pathogtnes ont evolue au point de resister a toutes les formes de traitement, conduisant a une situation de crise pour les therapies antimicrobiennes. Cette situation ne se limite pas seulement aux hopitaux mais s’etend a l’ensemble de la population, et le traitement d’un grand nombre de maladies, jusqu’a recemment aisement curables, se transforme en veritable defi, aussi bien pour les medecins que pour les patients. Que connait-on de la resistance aux antibiotiques et comment se propage-t-elle? Ce phenomene devoile un aspect inattendu de l’ecologie microbienne. Ses developpements les plus r¢s sont integralement imputables a l’esptce humaine. Voild maintenant un peu plus de soixante ans que les premiers antibiotiques ont et6 introduits dans le traitement des maladies infectieuses, avec l’espoir de mettre un terme definitif a la menace qu’elles font peser. Cette introduction aurait dti provoquer une catastrophe chez les microbes, mais leur plasticite genetique leur a permis, non seulement de survivre, mais meme de prosperer dans cet environnement hostile. I1 s’est CcoulC parfois moins de trois ans entre la 14 BIOFUTUR

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mise sur le marchi d’un antibiotique et l’emergence des premiers organismes risistants. Bien que ce delai soit souvent un peu plus long, une fois que les premieres souches resistantes a un agent annmicrobien apparaissent, le caractere de resistance envahit progressivement, mais iniluctablement, l’ensemble de la population bacterienne vi&e. Les mecanismes biochrmiques .h l’origine des resistances aux differents antibiotiques ont Cti dans la plupart des cas Clucidis (voir figure 2 et tableau). Pour chacurie des classes d’antibiotiques, il existe au moins un mecanisme permettant a la bacterie de se proteger. Les mecanismes les plus frequemment observes sont : l’efflux, c’est-a-dire l’excretion active, par des pompes, de l’antibiotique hors de la cellule ; la modification de la cible de l’antibiotique de telle facon qu’il ne puisse plus reagir avec celle-ci (ribosomes, enzymes de synthese de la paroi bacterienne, etc) ; la modifica.tion enzymatiqur de l’antibiotique, qui entraine son inactivation.

> khangerait plasmides ! Le clivage de la penicilline et des autres R-lactamines illustre parfaitement ce dernier mkanisme. Un grand nombre de &lactamases (les enzymes qui
la vancomycine, tres etudie par Patrice Courvalin et ses collaborateurs a 1’Institut Pasteur de Paris, est en ce sens exemplaire (4, 5). En effet, la caracterisation recente par Gerard Wright (universite McMaster, Hamilton, Ontario) des genes qui protegent les batteries productrices de vancomycine de son action deli&-e, a montre que ces genes sont directement apparent& i ceux qui ont Cti dtcouverts chez les enterocoques risistants (6). Aussi est-il crucial de strictement controler et limiter l’utilisation des antibiotiques : plus l’homme les utilise, plus il tree des populations bacteriennes resistantes, reservoirs de genes de resistance qui peuvent etre propages par transfert nature1 de plasmides entre bacttries. Les genes de resistance sont euxmemes, dans la plupart ties cas, hiberges par des structures genetiques mobiles, les transposons, capables de (ssauter )) d’un plasmide a un autre, ou a un chromosome, multipliant ainsi les capacites d’envahissement et de propagation de ces ghes. Ce 50 tableau s’est encore complique **i* e CIBLES

BIOCHIMIQUES

DES PRINCIPAUX

(4) R Leclercq et a/ (1988), NEnglJ Med319.157-161. (5) M Arthur P Courvalin (1993) Antimicrob Chemother

Agents 37,

1563-1571. (6) GD Wright (sous press@.

ANTIBIOTIQUES

Membrane Des streptocoques

en microscopic

a balayage.

mides, qui sont &changes entre les batteries. Ce processus, decrit comme la cqresistance transferable aux antibiotiques )), est caracteristique de l’incroyable flexibilite genitique des batteries dans la nature : en echangeant des plasmides, elles acquierent les fonctions de resistance, mais aussi de virulence, ou encore des fonctions genetiques accessoires, mais qui ont toutes pour point commun de permettre a la bacterie de survivre a une modification de son environnement habituel. Ces plasmides peuvent htberger plusieurs genes de resistance. Si bien qu’une population de batteries pathogenes peut devenir resistante simultantment a plusieurs antibiotiques (multiresistance), mCme si le traitement du patient ne comPorte qu’un seul antibacterien. 11est tres vraisemblable que la majoritt des genes de resistance aux antibiotiques ont pour origine les microorganismes (batteries, champignons) qui produisent naturellement les antibiotiques. Le fait meme que les antibiotiques soient des substances toxiques implique, en effet, que les microbes qui les produisent posstdent un mecanisme d’autoprotection, afin d’echapper a leur action kale. Le cas de la resistance des entirocoques a

periplasmique

de la synthese

Peptidoglycane

proteique

Glycopeptides

Clindamycina T&tracyclines Linoornycines

FIG 1 - Les principaux antibiotiques et leurs modes d’action. Pertains antibiotiques inhibent la synthese des parois bacteriennes. D’autres empechent la synthese des proteines. Un troisieme groupe altere, directement ou indirectement, la synthese ou le fonctionnement de I’ADN bacterien. En rouge, est indique un mode d’inactivation de deux types d’antibiotiques par des enzymes bacteriennes agissant dans le periplasme (entre la membrane cytoplasmique et le peptidoglycane). BIOFUTLJR170

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A la recherche

de nouveaux

antibiotiques

FIG 2 - Les mkanismes de rksistance. Les antibiotiques p&&rent dans les bactbries soit directement $I &avers le peptidoglycane recouvrant la membrane plasmique, chez les bactbries gram positives (staphylocoques, etc), soit par des pores form& par des prot&nes (les porines) de la membrane externe, chez les bactkes gram negatives (colibacille, etc), soit par transport actif. Certaines bacttkies gram negatives rksistent en alterant les porines et en rhduisant ainsi la perm6abilit6 cellulaire (notamment aux l3-lactamines) ; d’autres inhibent le transport actif (des aminosides et t6tracyclines en particulier). Elles peuvent chasser I’antibiotiqu’e (quinolones notamment) par efflux actif de la cellule, grdce g une pompe & protons. La modification de la cible de I’antibiotique (ADN-gyrase, ARN polym&ase, ribosome...) ou son amplification reduit la liaison de I’antibiotique B celle-ci (macrolides, aminosides...). Le mkanisme de rksistance le plus courant est la d&oxication ~(ou inactivation) intra- ou extracellulaire de I’antibiotique par des enzymes bacteriennes (&phalosporinases, O-lactamases, aminoglycosidases, etc). Plus rarement, I’antibiotique peut se lier B une protkine et dtre ainsi cts6questr6~ (par exemple, les O-lactamines par les l3-lactamases). Dans certains cas, la bactkie met en place une voie m&abolique alternative B la kaction inhib6e (rksistance aux sulfamides et ti la trimkthoprime, entkrocoques contournant I’inhibition de synthese du peptidoglycane par les glycopeptides).

(7) RM Hall et CM Collins (1995) Ah/ MiCfOb/Oll5, 593-600 (9) RM Hall (1997)

Ciba Found Symp 207.192-202. (9) J Davies (1994) Science 264,375 382.

rkemment quand on a dicouvert que certains transposons des bactkries gram nigatives (I’une des deux classes de bactkries dkfinies par la coloration de Gram) hCbergent des iliments gkktiques trk particuliers, les in& grons, capables d’kchanger des (Ccassettes >>de rksistance indkpendantes, c’est-A-dire des zones codantes. Un intkgron est form.6 de diffkrentes cassettes, qui s’y intkgrent par recombinaison gkktique (un peu comme les wagons d’un train). Elles peuvent se stparer de 1’intCgron et se recombiner sur d’autres sites g&e g une enzyme codCe par l’inttgron, une recombinase (7, 8). L’efficacitC des kchanges entre les intCgrons pork par les transposons est telle que les quelque cinquante cassettes diffkrentes connues permettent de rksister h toutes les classes d’antibiotiques. Elles peuvent s’accumuler au sein d’une meme structure, si bien que l’on a dkjl caractirisi des intkgrons exprimant jusqu’k cinq rksistances diffkrentes. 11 est clair que tous ces systkmes 16 BIOFUTUR 170

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gCnCtiques prkexistaient g l’utilisation des antibiotiques en chimiothkapie. Nkanmoins, leurs rdles et leur dispersion ont CtC profondiment modifiks par l’intervention humaine. Nous n’avons presque rien dit de la klection de mutants, qui est le mtcanisme qui Cent spontakment g l’esprit de tout gkkticien quand on dicrit un phCnom& ne de risistance. Les mutations engendrant une risistance B un antibiotique peuvent exister, mais restent une Cchappatoire peu commune chez la plupart des espkces bactiriennes (9). Toutefois, chez un groupe bactkrien, ce mkanisme est t&s rkpandu : il s’agit des mycobactkries, caractkisies par une paroi trks impermCable et rigide qui les rend naturellement plus risistantes aux antibiotiques que les autres bacttries. L’un de ces bacilles (Mycobacterium tuberculosis) est responsable de la tuberculose, flCau de l’humanitk depuis des milliers d’an&es et toujours la premiire cause de mortalitk parml les

maladies infectieuses : plus de trois millions de personnes en meurent chaque annee. M tuberculosis est tris communement multiresistant. C’est l’une des causes essentielles de la recrudescence de la tuberculose dans les pays industrialises, depuis une dizaine d’annies. La multiresistance necessite la selection et le maintien de plusieurs mutations, modifiant les cibles des differents medicaments dans la cellule.

disponibles, et de nouvelles molecules sont actuellement en phase de dheloppement. De plus, l’industrie pharmaceutique a considerablement accru son effort de recherche pour decouvrir de nouveaux agents antimicrobiens et cela par des mtthodes tres variees (voir Les midicaments de l’an 2000, Biofutur, numkro spkial, 168, juin 1997). En juin dernier, a Paris, s’est tenue une Euroconference qui a rassemble plus de 300 scientifiques du secteur public et de l’industrie pour discuter de ce que pourrait itre les ~~Nouvelles cibles pour de nouveaux antibiotiques *) (voir article suivant). Ainsi, la therapie antimicrobienne n’est pas morte. Si l’on s’en tient aux investissements et aux efforts qui ont et6 mis dans la recherche de nouvelles molecules biologiquement actives, on peut etre assure que
> La thkrapie antibact6rienne n’est pas morte Pourquoi observe-t-on des resistances par mutation chez ce pathogene et quasiment jamais chez les autres ? La raison en est tres vraisemblablement que M tuberculosis est incapable d’utiliser le large reservoir de genes de resistance qui est a la disposition des autres microbes dans la nature. On n’a effectivement jamais mis en ividence ni plasmide ni systeme de transfert genetique chez cet organisme : reste a en Clucider les causes. Face a la menace que constitue l’augmentation continue de la resistance des bacttries aux antibiotiques, la presse du monde entier a clam6 de facon unanime que l’on vivait la fin du regne de ces medicaments dans le traitement des maladies infectieuses. De telles predic.. tions alarmistes sont vraisemblablement tres rentables pour faire vendre des journaux mais ne sont pas d’un grand benefice pour les Ctats d’ime de la population. 11 est clair que la situation, sans 2tre critique, mirite toute l’attention des medecins et de l’industrie pharmaceutique. Toutefois, il y a encore de nombreux antibiotiques

Classe

d’antibiotlques

Exemple

MBcanisme

Aminosides

Kanamycine,

gentamicine,

tobramycine

Ansamycines

Rifampicine

Nactamines

Penicillines,

Bleomycine

Womycine

7

Chloramphenicol

Chloramphenicol

1,2,4

Glycopeptides

Vancomycine

3

Macrolides

kythromycine,

3, 4 2, 3

methicilline,

cephamycine

clarithromycine

113,4,

9

Quinolone

Acide

2, 3

Combinaison de sulfamides et de trimethoprime

c-Trimoxazole

Tetracyclines

Tetracycline,

nicotiniques

nalidixique

5

2, 3, 4

lsoniazide

Hydrazides

de rdsistance

2, 6, 8

minocycline

1, 2, 3 (?), 6 (?)

Mdcanismes 1 - Reduction de la permeabilite cellulaire. 2 - Efflux actif hors de la cellule. 3 - Modification de la cible. 4 - Detoxification de I’antibiotique. 5 - Sequestration de I’antibiotique par une proteine. 6 - Voie metabolique alternative. 7 - Capture de I’antibiotique par une proteine immunitaire specifique (cas de la bleomycine). 8 - Surproduction de la cible de I’antibiotique. 9 - lncapacite a activer la prodrogue (qui requiert I’activite d’une catalase cellulaire).

BlOFUTUR 170 l Septembre1997 ‘I7

Pour en savoir plus P Berche ef a/ (1997) Antibiotiques, Mkd J/113. hors drie. Ciba Found Symp

(1997) 207.