Journal des Maladies Vasculaires (2012) 37, 140—145
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
PRATIQUE CLINIQUE
Compression veineuse et thrombose veineuse profonde. Enquête de pratique en médecine vasculaire Compression therapy and deep-vein thrombosis: A clinical practice survey P. Ouvry a, A.-C. Arnoult b, C. Genty c, J.-P. Galanaud d, J.-L. Bosson c,∗ , Le groupe de travail « maladie thromboembolique veineuse » de la Société franc ¸aise de médecine vasculaire a
Clinique Mégival, 76550 Saint-Aubin-sur-Scie, France Service de médecine vasculaire, CHU de Grenoble, 38700 La Tronche, France c UJF-Grenoble 1/CNRS/centre d’investigation clinique, TIMC-IMAG UMR 5525, CHU de Grenoble, Themas, boulevard de la Chantourne, 38041 Grenoble, France d Service de médecine vasculaire, CHU de Montpellier, 34295 Montpellier cedex 5, France b
Rec ¸u le 9 d´ ecembre 2011 ; accepté le 25 f´ evrier 2012
MOTS CLÉS Thrombose veineuse profonde ; Compression veineuse ; Syndrome post-thrombotique ; Enquête de pratique
∗
Résumé Contexte. — La compression est maintenant considérée comme une composante essentielle et validée de la prise en charge de la thrombose veineuse. Cependant, ce traitement reste mal codifié et les habitudes très variables d’un praticien à l’autre. Objectif. — Connaître les habitudes des médecins vasculaires franc ¸ais concernant le traitement compressif à la phase aiguë de la thrombose veineuse. Méthode. — Un questionnaire a été adressé en 2009 à tous les médecins vasculaires membres de la Société franc ¸aise de médecine vasculaire (SFMV) possédant une adresse électronique. Résultats. — Sept cent soixante et un médecins ont répondu au questionnaire ; 56,6 % ont un exercice libéral, 19,8 % hospitalier et 23,6 % mixte. Parmi eux, 94,3 % prescrivent toujours une compression au moment du diagnostic de la TVP. La compression initiale est préférentiellement un bas dans 57,3 % des cas (n = 426) et une bande amovible ou un bandage fixe dans 42,7 % des cas (n = 317). Lorsque le médecin prescrit initialement une bande ou un bandage, il effectue un relais par un bas dans 92,3 % des cas. Finalement, 95,8 % (n = 712) des médecins vasculaires prescrivent un bas au cours du suivi des thromboses veineuses. Il s’agit d’une classe 2 (franc ¸aise, soit 15 à 20 mmHg) dans 64,3 % des cas et d’une classe 3 (20 à 36 mmHg) dans 35,5 % des cas. La durée du traitement est influencée par les données de l’écho-doppler dans 85,9 % (n = 631) des
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.-L. Bosson).
0398-0499/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jmv.2012.02.004
Compression veineuse et thrombose veineuse profonde
141
cas. L’étendue de la thrombose n’influence la durée de la compression que pour un tiers des médecins. Conclusion. — Les médecins vasculaires franc ¸ais prescrivent systématiquement une compression à la phase aiguë de la thrombose veineuse. Ils sont relativement éloignés des recommandations concernant la force de compression en utilisant pour améliorer l’observance des forces de pression inférieures qui n’ont jamais été étudiées. Une validation scientifique de cette pratique est nécessaire. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Compression stockings; Deep venous thrombosis; Physician survey; Post-thrombotic syndrome
Summary Background. — Compression therapy constitutes the cornerstone of prevention of postthrombotic syndrome in patients with deep-vein thrombosis (DVT). However, no consensus has been reached regarding the optimal timing for initiation, duration, and strength of compression therapy. Objective. — To document prescribing practices of compression therapy in case of DVT by French Vascular Medicine physicians. Methods. — E-mail survey sent in 2009 to all physicians members of the French Society of Vascular Medicine. Results. — Seven hundred and sixty-one vascular medicine physicians (56.6% private practice, 19.8% hospital-based and 23.6% both private practice and hospital-based physicians) responded. At diagnosis, 94.3% (n = 707) systematically prescribed compression therapy. The initial compression consisted in elastic compression stockings (ECS) for 57.3% of patients (n = 426) and in bandages for 42.7% (n = 317). When physicians initially prescribed bandages, in 92.3% of cases they later switched to elastic compression stockings (ECS). Finally, 95.8% (n = 712) of vascular medicine physicians reported prescribing ECS during DVT follow-up. The ECS ankle pressure gradient was 15—20 mmHg in 64.3% of cases and 20—36 mmHg in 35.5%. Most physicians (85.9%, n = 631) modulated the duration of compression therapy according to the results of follow-up compression ultrasonographic explorations. Only a limited proportion of physicians took into account thrombus localization or its initial extention. Conclusion. — In case of DVT, French vascular medicine physicians systematically prescribed compression therapy. However, the strength of compression was lower than recommended by international guidelines. Efficacy and benefits (potential better compliance) of this common practice should be assessed with a randomized controlled trial. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction L’incidence de la maladie veineuse thromboembolique (MTE) (thrombose veineuse profonde ou superficielle [TVP/TVS], embolie pulmonaire [EP]) est difficile à déterminer dans la mesure où cette pathologie reste sous-diagnostiquée. On estime que son incidence serait de 1/1000 habitants par an [1] avec une incidence de la TVP évaluée à 124/100 000 habitants par an et celle de l’EP à 60/100 000 habitants par an [2]. La complication la plus fréquente des TVP est la survenue d’un syndrome postthrombotique (SPT). Ainsi, après une TVP proximale, et malgré un traitement anticoagulant adapté, 20 à 50 % des patients développeront un SPT [3] dans les deux ans [4—6]. Cinq à dix pour cent développeront un SPT sévère [7]. Cette complication chronique est invalidante, et altère profondément la qualité de vie des patients : l’impact du SPT sévère sur la qualité de vie est équivalent à celui d’un cancer ou d’une insuffisance cardiaque grave [8]. De plus, elle engendre des coûts socioéconomiques considérables [9]. En l’absence de traitement efficace, la prise en charge du SPT repose sur la prévention de sa survenue grâce notamment au port d’une compression élastique après une TVP, qui diminue le risque de SPT de moitié. La compression
constitue une composante essentielle de la prise en charge de la thrombose veineuse [10,11]. Elle permet une amélioration immédiate des symptômes (douleur, œdème) [12,13] et à moyen et long terme la prévention de la maladie postthrombotique [11,13,14]. Bien que de nombreuses études aient mis en évidence l’intérêt de la compression veineuse en cas de TVP, la mise en pratique reste très variable d’un praticien à l’autre. Ce travail a pour objectif de documenter les habitudes de prescription de la compression veineuse des médecins vasculaires franc ¸ais en cas de TVP. Il permet de mettre en évidence la variabilité des pratiques de ces derniers dans l’utilisation de la compression veineuse à la phase aiguë d’une thrombose veineuse.
Méthode Pour cette évaluation des pratiques professionnelles, un questionnaire a été adressé à tous les médecins membres de la Société franc ¸aise de médecine vasculaire (SFMV) possédant une adresse électronique. Ils ont été interrogés sur leurs habitudes de prescription de compression veineuse : type de compression préférentiellement utilisé, modalités de prescription, durée, influence de la localisation thrombotique sur la prescription, interaction avec les
142
P. Ouvry et al.
Tableau 1 Choix du type de compression à la phase aiguë de la thrombose veineuse. Selecting type of compression during the acute phase of venous thrombosis.
Tableau 2 Hauteur de la compression prescrite en fonction de la localisation de la thrombose et du sexe du patient. Height of compression prescribed according to thrombosis localization and patient gender.
Type de compression
Hauteur de compression
Initiale Bas Bande amovible Bandage fixe
n/N 426/743 256/743 61/743
Si bandage fixe ou amovible, relais par un bas Non 24/310 Oui 286/310 Si relais, utilité de revoir le 151/284 patient au moment du relais Prescription globale de bas 712/743
% 57,3 34,5 8,2 7,7 92,3 53,2 95,8
Classe des bas Classe 2 : 15 à 20 mmHg Classe 3 : 20 à 36 mmHg Classe 1 :10 à 15 mmHg Classe 4 : > 36 mmHg
455/708 251/708 1/708 1/708
64,3 35,5 0,1 0,1
Type de bande Élastique forte Élastique légère À allongement court Autre
161/253 68/253 20/253 4/253
63,6 26,9 7,9 1,6
48/60 11/60 1/60
80,0 18,3 1,7
Type de bandage Collé Cohésive Autre
personnels paramédicaux, éducation thérapeutique promulguée au patient. Les premiers questionnaires ont été envoyés en 2009 et l’analyse des données fut achevée en 2010. Les questionnaires ont été adressés directement sur la messagerie des médecins vasculaires (logiciel 123Interview). Deux relances par courrier électronique ont été ciblées sur les non-répondants. L’analyse statistique a été réalisée sous Stata 11. Elle utilise les statistiques descriptives usuelles (médiane et valeurs extrêmes pour les variables continues et pourcentage pour les variables qualitatives).
Résultats Sept cent soixante et un médecins ont répondu au questionnaire avec une bonne répartition sur tout le territoire (soit 51 % de réponses par rapport à la liste de courriers électroniques valides de la SFMV) : Parmi eux, 56,6 % avaient un exercice libéral, 19,8 % un exercice hospitalier et 23,6 % une activité mixte. En médiane, ils sont installés depuis 15 ans (0—54) et 38,4 % d’entre eux exercent dans une ville de moins de 50 000 habitants. Le choix du type de compression à la phase aiguë de la TVP est détaillé dans le Tableau 1. Plus de 94 % prescrivent systématiquement une compression au moment du diagnostic de la TVP mais 2,5 % des praticiens attendent le lever pour les patients alités. Lors de la première prescription de
Hommes n/N
Femmes %
Chaussette de compression Poplitéo1/615 0,2 fémorale Poplitée 65/615 10,6 Distale 549/615 89,3 Bas cuisse Poplitéofémorale-iliaque Poplitée Distale Collant Poplitéofémorale Poplitée Distale
n/N 4/593
% 0,7
44/593 7,4 545/593 91,9
310/622 49,8
259/605 42,8
310/622 49,8 2/622 0,3
339/605 56,0 7/605 1,2
366/381 96,1
408/423 96,5
13/381 2/381
3,4 0,5
13/423 2/423
3,1 0,5
compression, celle-ci est un bas dans 57,3 % des cas, une bande amovible dans 34,5 % des cas et un bandage fixe dans 8,2 % des cas. Le plus souvent les patients quittent le cabinet sans compression (plus de deux tiers des patients vus en ambulatoire). La force de compression reste variable selon qu’il s’agisse d’un bas ou d’une bande élastique : dans 64,3 % des cas, les bas prescrits sont de classe 2 franc ¸aise (15 à 20 mmHg) et dans 63,6 % des cas les bandes sont à fort pouvoir compressif (20 à 36 mmHg). Lorsque le bandage fixe est préféré (8,2 % des cas), le plus souvent, il s’agit d’une bande cohésive (61 %). Parmi les patients, 92,3 % auxquels il a été prescrit initialement un bandage fixe ou amovible bénéficient ensuite d’un relais par bas. Dans 53,2 % des cas, le relais est effectué lors d’une nouvelle consultation chez le médecin vasculaire. Au final, les bas de compression sont prescrits chez 95,8 % des patients. Lors de prescription d’un bas de compression, la hauteur de compression souhaitée est précisée dans 98,9 % des cas et la localisation de la tête du thrombus influence majoritairement ce choix, en revanche, elle est peu influencée par le sexe du patient (Tableau 2). Pour les modalités de la prescription (Tableau 3), seulement 10 % des médecins vasculaires prennent les mesures au cabinet, mais 60,2 % précisent la marque et le modèle de celle-ci sur l’ordonnance. L’essayage est majoritairement réalisé auprès du pharmacien ou dans un centre orthopédique spécialisé (dans 96 % des cas), car seulement 4 % des praticiens possèdent des échantillons de toutes les tailles au cabinet. Parmi les recommandations préconisées par le médecin vasculaire au patient quant à l’utilisation souhaitable de la compression, 71,9 % proposent de ne la porter que dans la journée et 28,2 % d’entre eux préconisent une utilisation permanente.
Compression veineuse et thrombose veineuse profonde
143
Tableau 3 Modalités de prescription. Prescription modalities. Modalité de la prescription
n/N
Mesures Patient adressé 356/747 dans une pharmacie spécialisée ou un centre orthopédique Prises par le 316/747 pharmacien habituel du patient Prises par le 75/747 médecin vasculaire lui-même Précision pour la prescription des bas De la marque + du 445/739 modèle Ni de la marque ni 207/739 du modèle Uniquement de la 87/739 marque Mention « ne pas substituer » Ne figure pas sur 540/731 l’ordonnance Figure sur 191/731 l’ordonnance Essayage À la pharmacie ou 699/728 au centre orthopédique Au cabinet du 29/728 médecin vasculaire
%
Tableau 4 Facteurs influenc ¸ant la durée de la compression. Factors affecting duration of compression. Durée de la compression
47,7
42,3
10,0
60,2 28,0 11,8
73,9 26,1
96,0
4,0
Le Tableau 4 résume les principaux éléments modulant la durée de prescription de la compression veineuse. La compression veineuse est prolongée dans 81,4 % des cas après l’arrêt du traitement anticoagulant. Par ailleurs, les données de l’écho-doppler influencent dans 85,9 % des cas la durée de traitement compressif, mais les pratiques fluctuent selon le type et la localisation de la thrombose, ainsi qu’en fonction de la présence de séquelles post-thrombotiques. Ainsi, l’existence d’un reflux profond secondaire incite 85,2 % des praticiens à prolonger la durée de la compression. Au cours de leurs études, 52,7 % des médecins vasculaires ont été formés à la prescription de la compression veineuse. Afin de favoriser la compliance des patients au traitement compressif, les médecins vasculaires précisent en premier lieu qu’elle prévient l’apparition d’ulcère. Puis, ils argumentent l’intérêt de la poursuite du traitement par le confort apporté par la compression, par l’accélération de la lyse du thrombus qu’elle entraîne et par la prévention des complications, telles que l’EP et l’extension ou la récidive du thrombus, qu’elle occasionne. Parmi les professionnels de santé partenaires des médecins vasculaires, ceux qui sont le plus souvent cités sont les pharmaciens (89,5 %), puis le médecin traitant (88,7 %),
Compression maintenue Pour une durée > traitement AC Pour une durée = traitement AC Jusqu’à disparition de sémiologie clinique initiale Pour une durée < traitement AC
n/N
%
602/740 93/740 34/740
81,4 12,6 4,6
11/740
1,5
Étendue de la thrombose influence la durée Non 495/736 Oui 241/736
67,3 32,7
Si oui, Pour les thromboses surales musculaires 1 mois 1/2 3 mois 6 mois 1 an Au long cours
63/235 132/235 31/235 8/235 1/235
26,8 56,2 13,2 3,4 0,4
Pour les TVP jambières 1 mois 1/2 3 mois 6 mois 1 an Au long cours
20/236 136/236 54/236 17/236 9/236
8,5 57,6 22,9 7,2 3,8
Pour les TVP poplitées 1 mois 1/2 3 mois 6 mois 1 an Au long cours
1/234 49/234 98/234 56/234 30/234
0,4 20,9 41,9 23,9 12,8
Pour les TVP poplitéo-fémorales 1 mois 1/2 3 mois 6 mois 1 an Au long cours
1/235 12/235 75/235 79/235 68/235
0,4 5,1 31,9 33,6 28,9
Pour les TVP fémoro-iliaques 1 mois 1/2 3 mois 6 mois 1 an Au long cours
1/228 8/228 35/228 85/228 99/228
0,4 3,5 15,4 37,3 43,4
Données de l’ED influencent la durée Non Oui
104/735 631/735
14,2 85,9
Anomalies incitant une durée plus longue (plusieurs réponses possibles) Reflux profond secondaire Obstruction résiduelle Volume de thrombus résiduel
648/761 578/761 324/761
85,2 76,0 42,6
TVP : thrombose veineuse profonde ; AC : anticoagulant ; ED : écho-doppler.
144 les infirmières (86,7 %), les kinésithérapeutes (82,0 %) et les aides-soignants (80,2 %). Dans le questionnaire, un item a évalué les facteurs favorisants, selon les médecins, une mauvaise observance thérapeutique de la compression. Pour 44,6 % des praticiens, celle-ci est liée à l’absence d’explication sur ce volet thérapeutique. Puis viennent l’absence d’entourage (21,1 %), l’âge du patient (15,2 %) et l’absence de symptômes (8,6 %) pour expliquer le mésusage de la compression.
Discussion Le nombre très élevé de répondants montre l’intérêt majeur des médecins vasculaires pour ce sujet. La compression et la déambulation sont recommandées à la phase aiguë de la TVP, que ce soit dans les recommandations nord-américaines de l’American College of Chest Physician ou dans les recommandations franc ¸aises de l’Afssaps [15]. Ainsi, le port d’une chaussette ou bas de compression veineuse élastique délivrant 30 à 40 mmHg à la cheville est recommandé dès que possible après le diagnostic de TVP et l’instauration du traitement anticoagulant, pour une durée minimale de deux ans (Grade A pour les TVP proximales). Cette recommandation forte s’appuie sur les études randomisées en ouvert de Brandjes et al. [10] et Prandoni et al. [11] qui ont démontré que ce type de compression diminue de moitié l’incidence de la maladie post-thrombotique. On notera que le dossier sur la compression de la Haute Autorité de santé [www.hassante.fr]) propose une compression de 20 à 36 mmHg. Notre étude met en évidence qu’en pratique de soins courants, si la prescription d’une compression élastique est largement respectée, les médecins vasculaires franc ¸ais proposent en revanche bien plus souvent une compression de force moindre à celle recommandée. Si les différentes hauteurs de compression ont été étudiées [16,17] et ont suggéré que l’efficacité semblait être équivalente selon que l’on applique une compression à hauteur de genou ou de cuisse, avec les avantages d’une meilleure compliance lors d’une compression au genou, aucune étude n’a comparé les différentes forces de compression. Les études de Prandoni et Brandjes ayant utilisé une pression de 30 à 40 mmHg à la cheville, celle-ci est devenue la pression de référence. Il semble donc intéressant de comparer l’efficacité de cette force de compression, en termes de prévention du SPT, à une compression plus faible (20 à 30 mmHg à la cheville), qui pourrait améliorer la compliance à ce traitement. Pour la prévention des récidives d’ulcères veineux, il n’apparaît pas de différence entre les classes 2 et 3 dans l’étude Nelson en 2006 [18]. Nous disposons de moins de données concernant le moment et la meilleure fac ¸on d’appliquer ce traitement à la phase aiguë de la TVP [19]. Dans l’étude de Brandjes et al. [10], la compression n’était instituée que plusieurs jours après le diagnostic de TVP. Dans une étude publiée en 2000, Partsch et Blätter [13] se sont intéressés plus spécifiquement à la meilleure fac ¸on d’instaurer la compression en début de traitement dans une étude randomisée avec trois bras, un bras compression par bandage fixe et déambulation, un bras compression par bas de classe 2 (classe 3 franc ¸aise) et un bras alitement sans compression. La compression-déambulation est plus efficace que l’alitement dans la réduction de la douleur et de l’œdème, avec un avantage significatif pour le bandage.
P. Ouvry et al. Il s’agissait d’un bandage composite avec à la jambe une bande enduite type Unna, avec par-dessus une bande à allongement court et à la cuisse un bandage adhésif ; le tout étant renouvelé tous les trois jours. Roumen-Klappe et al., en 2009 [20], confirment qu’une compression précoce (par bandage multicouche) améliore la symptomatologie plus rapidement par rapport à une compression par bas instaurée seulement après réduction de l’œdème, mais cela ne réduit pas de fac ¸on significative l’incidence de la maladie post-thrombotique à un an. Pour autant, les médecins vasculaires franc ¸ais prescrivent bien une compression dès le diagnostic. En revanche, concernant les recommandations en termes de durée de compression, qui préconisent des traitements prolongés dans les TVP proximales, et mis à part le cas de thrombose fémoro-iliaque, on constate une grande variabilité dans les durées de prescriptions. Rares sont les praticiens qui suggèrent un port prolongé de la compression, sauf en cas d’apparition d’une séquelle de l’épisode thrombotique de type reflux profond. Dans la cohorte Edith, la compliance au traitement compressif serait de 47 % [21], mais il y a eu beaucoup de perdus de vue dans cette étude, si bien que ce chiffre paraît surévalué puisque seuls les patients les plus impliqués ont réellement bénéficié du suivi à quatre ans. Ces difficultés d’utilisation de la compression veineuse sont également retrouvées dans le traitement de l’insuffisance veineuse chronique avec des taux d’utilisation régulière encore plus faibles de l’ordre de 20 à 25 % liés en partie à une absence de prescription initiale [22,23]. Pour expliquer ce problème de compliance plusieurs hypothèses sont avancées par les médecins interrogés, la plus fréquemment citée reste le manque d’explication par les médecins. En effet, les médecins, s’ils prescrivent la compression, s’appuient sur leurs partenaires de soins pour la suite de la prise en charge de cette thérapeutique. Une revue de la littérature montre que la mesure même de l’observance n’a jamais été rigoureuse dans les études sur la compression puisqu’il ne s’agit le plus souvent que d’une auto-déclaration du patient. De même, les déterminants de l’observance s’ils ont fait l’objet de nombreux travaux en pharmacologie n’ont jamais été étudiés spécifiquement pour la compression. Pour améliorer l’observance, informer les patients sur les avantages apportés par la compression semble insuffisant. Certaines études insistent sur l’importance de l’encadrement de cette thérapeutique, sur l’éducation du patient, et l’application de protocoles consensuels.
Conclusion Les médecins vasculaires franc ¸ais prescrivent systématiquement une compression à la phase aiguë de la thrombose veineuse mais ils sont relativement éloignés des recommandations concernant la force de compression. Par ailleurs, ils s’investissent peu dans la prescription de celle-ci et dans l’éducation du patient. Cependant, des pistes sont à explorer pour favoriser le port de la compression dont le renforcement de l’information thérapeutique et le coaching téléphonique. Démontrer l’efficacité des compressions modérées centrées sur 25 mmHg, étudier l’observance à la compression et mettre en place un coaching téléphonique sont les principaux objectifs de l’étude Celest
Compression veineuse et thrombose veineuse profonde (évaluation de l’efficacité de la compression élastique dans la prévention du SPT) mise en place en 2012 par le centre d’investigation clinique du CHU de Grenoble avec le soutien de la SFMV (Laboratoire Innothera promoteur). Cette étude en double-insu permettra d’évaluer l’efficacité et le bénéfice en termes de compliance au traitement d’une compression plus faible, telle qu’elle est actuellement prescrite de fac ¸on empirique par les médecins vasculaires franc ¸ais.
Déclaration d’intérêts
145
[11]
[12]
[13]
[14]
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références [1] Fowkes FJ, Price JF, Fowkes FG. Incidence of diagnosed deep vein thrombosis in the general population: systematic review. Eur J Vasc Endovasc Surg 2003;25:1—5. [2] Oger E, Epi-getbp study group. Groupe d’étude de la thrombose de Bretagne occidentale. Incidence of venous thromboembolism: a community-based study in western France. Thromb Haemost 2000;83:657—60. [3] Prandoni P, Kahn SR. Post-thrombotic syndrome: prevalence, prognostication and need for progress. Br J Haematol 2009;145:286—95. [4] Prandoni P, Lensing AW, Cogo A, Cuppini S, Villalta S, Carta M, et al. The long-term clinical course of acute deep venous thrombosis. Ann Intern Med 1996;125:1—7. [5] Prandoni P, Villalta S, Bagatella P, Rossi L, Marchiori A, Picciolo A, et al. The clinical course of deep venous thrombosis. Prospective long-term follow-up of 528 symptomatic patients. Haematologica 1997;82:423—8. [6] Gabriel F, Labios M, Portoles O, Guillen M, Corella D, Frances F, et al. Incidence of post-thrombotic syndrome and its association with various risk factors in a cohort of Spanish patients after one year of follow-up following acute deep thrombosis. Thromb Haemost 2004;92:328—36. [7] Kahn SR, Ginsberg JS. Relationship between deep venous thrombosis and the postthrombotic syndrome. Arch Intern Med 2004;164:17—26. [8] Kahn SR, Hirsch A, Shrier I. Effect of post-thrombotic syndrome on health-related quality of life after deep venous thrombosis. Arch Intern Med 2002;162:1144—8. [9] Bergqvist D, Jendteg S, Johansen L, Persson U, Ödegaard K. Cost of long term complications of deep venous thrombosis of the lower extremities: an analysis of a defined population in Sweden. Ann Intern Med 1997;126:454—7. [10] Brandjes DPM, Büller HR, Heijboer H, Huisman MV, de Rijk M, Jagt H, et al. Randomised trial of effect of compression
[15]
[16]
[17]
[18]
[19]
[20]
[21]
[22]
[23]
stockings in patients with symptomatic proximal-vein thrombosis. Lancet 1997;349:759—62. Prandoni P, Lensing AW, Prins MH, Frulla M, Marchiori A, Bernardi E, et al. Below-knee elastic compression stockings to prevent the post-thrombotic syndrome. A randomized, controlled trial. Ann Intern Med 2004;141:249—56. Milne AA, Ruckley CV. The clinical course of patients following extensive deep venous thrombosis. Eur J Vasc Surg 1994;8:56—9. Partsch H, Blätter W. Compression an walking versus bed rest in the treatment of proximal venous thrombosis with low molecular weight heparin. J Vasc Surg 2000;32:861—9. Kahn SR, Elman E, Rodger MA, Wells PS. Use of elastic compression stockings after deep venous thrombosis: a comparison of practices and perceptions of thrombosis physicians and patients. J Thromb Haemost 2003;1: 500—6. Mismetti P, Baud JM, Becker F, Belmahdi F, Blanchard P, ¸aise de sécurité sanitaire des Constans J, et al. Agence franc produits de santé. Guidelines for good clinical practice: prevention and treatment of venous thromboembolism in medical patients. J Mal Vasc 2010;35:127—36. Benko T, Cooke EA, McNally MA, Mollan RA. Graduet compression stockings: knee length or thigh length. Clin Orthop Relat Res 2001;383:197—203. Sajid MS, Tai NR, Goli G, Morris RW, Baker DM, Hamilton G. Knee versus thigh length graduated compression stockings for prevention of deep venous thrombosis: a systematic review. Eur J Vasc Endovasc Surg 2006;32:730—6. Nelson EA, Harper DR, Prescott RJ, Gibson B, Brown D, Ruckley CV. Prevention of recurrence of venous ulceration: randomized controlled trial of class 2 and class 3 elastic compression. J Vasc Surg 2006;44:803—8. Arpaia G, Cimminiello C, Mastrogiacomo O, de Gaudenzi E. Efficacy of elastic compression stockings used early or after the resolution of the oedema on recanalization after deep venous thrombosis: the COM.PRE Trial. Blood Coagul Fibrinolysis 2007;18:131—7. Roumen-Klappe EM, den Heijer M, van Rossum J, Wollersheim H, van der Vleuten C, Thien T, et al. Multilayer compression bandaging in the acute phase of deep-vein thrombosis has no effect on the development of the post-thrombotic syndrome. J Thromb Thrombolysis 2009;27:400—5. Deluc A, Gouedard C, de Saint Martin L, Gracia C, Roguedas AM, Bressollette L, et al. Incidence, facteurs de risque et signes cutanés de la maladie post-thrombotique : suivi à quatre ans de patients inclus dans l’étude EDITH. Rev Med Interne 2010;31:729—34. Raju S, Hollis K, Neglen P. Use of compression stockings in chronic venous disease: patient compliance and efficacy. Ann Vasc Surg 2007;21:790—5. Ziaja D, Kocełak P, Chudek J, Ziaja K. Compliance with compression stockings in patients with chronic venous disorders. Phlebology 2011;26:353—60.