Conduite à tenir devant un stridor

Conduite à tenir devant un stridor

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Archives de pédiatrie xxx (2014) xxx–xxx

Conduite à tenir devant un stridor Management of stridor B. Thierry *, F. Denoyelle Hôpital universitaire Necker–Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France

Résumé Le stridor est le plus souvent dû à une laryngomalacie simple. Cette pathologie d’origine indéterminée est, le plus souvent, spontanément résolutive durant les 18 premiers mois. Le diagnostic de laryngomalacie simple est affirmé devant l’absence de retentissement général, une croissance pondérale préservée, l’absence d’apnée du sommeil, et l’absence de comorbidités associées. Le traitement médical et hygiéno-diététique est généralement suffisant. Dans 10 % des cas en revanche, la laryngomalacie est mal tolérée, une endoscopie sous anesthésie générale permet de réaliser l’évaluation et un traitement chirurgical de supraglottoplastie le cas échéant. La ventilation non invasive est un outil complémentaire de choix en cas d’échec chirurgical. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract Pediatric stridor is usually due to benign laryngomalacia. This pathology of unknown origin usually heals spontaneously during the first 18 months of life. Mild laryngomalacia is characterized by normal weight growth, the absence of sleep apneas and of associated swallowing or neurological disorders. Medical treatment is sufficient to release symptoms. Severe clinical forms are more rare, representing about 10 % of cases. They require an endoscopic evaluation of the upper airway under general anesthesia, as well as an endoscopic suppraglottoplasty. Non-invasive ventilation is an interesting additional tool in case of surgical failures or in some infants with comorbid conditions. ß 2014 Elsevier Masson SASElsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. INTRODUCTION Le stridor est un symptôme courant de consultation pédiatrique. Les parents s’inquiètent de l’apparition de ce bruit respiratoire persistant, et ont peur que leur enfant s’arrête de respirer, d’autant plus que les signes accompagnateurs sont importants. La laryngomalacie simple, définie par le collapsus des structures laryngées supra-glottiques (c’est-à-dire au-dessus des cordes vocales) lors de l’inspiration, est la cause la plus fréquente de stridor (80 à 90 %) [1]. Mais elle n’est pas la seule. Devant la mauvaise tolérance respiratoire ou des signes * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Thierry), [email protected] (F. Denoyelle). http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.04.005 0929-693X/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

associés atypiques, d’autres étiologies de stridor doivent être évoquées, et la prise en charge adaptée spécifiquement [2]. L’interrogatoire et l’examen physique de l’enfant permettront d’identifier initialement trois entités cliniques :  le stridor simple ;  le stridor avec retentissement général ;  le stridor avec signes atypiques.

2. PRÉSENTATION CLINIQUE 2.1. Stridor simple Le stridor est le signe clinique majeur de la laryngomalacie. Il peut être présent dès la naissance ou d’apparition retardée. Il

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apparaît classiquement durant les 10 premiers jours de vie. C’est un bruit inspiratoire de tonalité aiguë, vibrant et multiphasique, exacerbé par les pleurs, l’agitation et l’alimentation. Le stridor est intermittent à l’éveil. Il est variable durant le sommeil : l’intensité du stridor pendant la nuit augmente ou diminue selon les enfants. Il peut être accompagné d’un tirage sus-sternal : dépression plus ou moins marquée à la base du cou. Ni la présence d’un tirage sus-sternal ni la profondeur de la dépression ne sont corrélées à la gravité de la laryngomalacie. Classiquement, le stridor, s’il est dû à une laryngomalacie, s’aggrave au cours des premiers mois (jusqu’au quatrième), puis se stabilise pour régresser lentement après l’âge d’un an. Dans certains cas, le stridor peut persister plusieurs années. 2.2. Stridor avec signes de gravité 2.2.1. Le retard de croissance pondérale Le poids est le témoin le plus fiable du retentissement de la laryngomalacie. Lorsque la laryngomalacie est sévère, l’enfant dépense ses apports énergétiques dans le travail respiratoire accru. L’alimentation devient une lutte, la durée de prise des biberons augmente. Jusqu’à une heure pour chaque biberon, sans même le finir. Et le poids stagne ou diminue. 2.2.2. La dyspnée permanente Dans les formes sévères de laryngomalacie, le collapsus inspiratoire est systématique à chaque cycle et réalise un obstacle sus-glottique quasi-constant. Celui-ci se manifeste par une bradypnée inspiratoire avec majoration des signes de lutte : tirage sus-sternal, mais aussi tirage intercostal et sousxiphoïdien. La décompensation d’un état respiratoire précaire peut se manifester par des épisodes de cyanose voire de malaise.

2.3.4. Laryngomalacie syndromique La laryngomalacie peut s’intégrer dans une pathologie plus complexe avec syndrome polymalformatif : on parle de laryngomalacie syndromique. Dans ce cas le stridor n’est qu’un élément d’une pathologie plus complexe avec selon les cas troubles de déglutition, apnées périphériques ou centrales, etc. . .

3. QUE FAIRE EN CAS DE STRIDOR SIMPLE, ISOLÉ, SANS SIGNE DE GRAVITÉ ? Par argument de fréquence, il s’agit probablement d’une laryngomalacie. Néanmoins, le stridor n’est pas le signe pathognomonique de la laryngomalacie. Il est également présent dans les anomalies de mobilité (5 %) des cordes vocales (paralysie laryngée ou dyskinésie laryngée) ou les sténoses sous-glottiques (5 %) congénitales ou acquises. Le diagnostic « à l’oreille » n’est pas donc pas suffisant et ne permet pas à lui seul d’affirmer le diagnostic de laryngomalacie. La fibroscopie pharyngo-laryngée, dynamique, doit donc être systématique [3] et sera faite, sans urgence, en consultation d’ORL. Cet examen, sans prémédication, sera réalisé dans un environnement permettant une réanimation chez l’enfant présentant un risque de malaise cardiorespiratoire. L’enfant est allongé sur le dos, maintenu par l’infirmière de consultation. Le fibroscope est introduit par la bouche, en l’absence de dent, ou par le nez, chez un enfant réveillé, à jeun depuis plus de trois heures. La constatation d’un collapsus inspiratoire des structures supra-glottiques associé à un stridor et en l’absence de signe de gravité permet d’affirmer le diagnostic de laryngomalacie simple. En consultation, le plan glottique n’est pas franchi, afin d’éviter le risque de spasme laryngé en dehors d’une structure de réanimation adaptée.

2.3. Stridor avec signes atypiques 2.3.1. Fausses routes Sauf dans les cas complexes de laryngomalacie syndromique, la laryngomalacie n’est pas responsable de fausses routes. Il faudra donc rechercher une autre cause de stridor : diastème laryngé ou un trouble de mobilité du larynx et notamment une paralysie laryngée. 2.3.2. Apparition retardée L’apparition d’un stridor après l’âge d’un mois n’est pas en faveur d’une laryngomalacie simple. Les réductions de calibre trachéal d’évolution progressive telles l’angiome sous-glottique ou les kystes sous-glottiques, post-intubation de l’enfant prématuré, de révélation tardive peuvent donner le même tableau clinique initial. 2.3.3. Stridor rauque La raucité du stridor et l’absence de caractère multiphasique ne sont pas non plus en faveur d’une laryngomalacie simple.

4. QUEL TRAITEMENT ET QUELLES MODALITÉS DE SURVEILLANCE POUR UNE LARYNGOMALACIE SIMPLE ? Le meilleur des traitements est l’attente : la croissance se chargera de « rigidifier » le larynx et de régler le problème du collapsus inspiratoire. Le suivi sera assuré par le pédiatre ou le médecin traitant. Une nouvelle consultation d’ORL ne sera pas nécessaire sauf en cas d’apparition de signe de gravité. Si le reflux est pressenti pour aggraver la laryngomalacie, il n’y a pas de consensus concernant le traitement médical du reflux gastro-œsophagien. En l’absence de preuve formelle, l’introduction d’un Inhibiteur de la Pompe à Proton (IPP) n’est pas recommandée. En revanche, la laryngomalacie favorisant le reflux par l’augmentation du travail respiratoire, on proposera systématiquement des mesures hygiéno-diététiques : proclive (tête surélevée) et anti-trendelenburg (308), épaississement du lait, fractionnement des repas, faible volume des biberons et couches modérément serrées.

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l’ensemble des voies respiratoires. L’absence d’obstacle statique ou dynamique autre que la laryngomalacie confirmera la laryngomalacie sévère mais isolée. Le traitement chirurgical de la laryngomalacie sévère est endoscopique (Fig. 1). Il consiste en une section des replis aryépiglottiques (Fig. 2) [4], quelle que soit la méthode utilisée [5,6]. Ce geste n’est réalisé que dans une structure pédiatrique adéquate [7] disposant d’une réanimation pédiatrique prête à accueillir l’enfant en cas de nécessité d’intubation. En cas de persistance de dyspnée malgré l’intervention chirurgicale, une ventilation non invasive au sommeil est mise en place. La trachéotomie, traitement historique des laryngomalacies sévères, n’a heureusement plus sa place aujourd’hui en dehors des formes syndromiques. 6. CONCLUSION Fig. 2. Laryngomalacie sévère après section des replis ary-épiglottiques. Plan glottique bien visible.

5. QUE FAIRE EN CAS DE STRIDOR AVEC SIGNES DE GRAVITÉ, OU SIGNES ATYPIQUES ? De la même manière, une fibroscopie laryngée sera réalisée en consultation (en dehors des dyspnées majeures et malaises). Elle permettra d’orienter le diagnostic vers une laryngomalacie mal tolérée ou une autre pathologie laryngée. Dans les deux cas, la réalisation d’une endoscopie laryngotrachéale sous anesthésie générale permettra d’explorer

Le stridor est le plus souvent le symptôme d’une laryngomalacie simple (80 à 90 %). La laryngomalacie est l’affection laryngée la plus fréquente du nourrisson. Le diagnostic de laryngomalacie repose sur la fibroscopie réalisée en consultation. La laryngomalacie est le plus souvent bien tolérée et évolue favorablement en plusieurs mois. Dans 10 % des cas, la laryngomalacie est sévère, l’endoscopie laryngo-trachéale au bloc opératoire permet de confirmer le diagnostic et de réaliser le traitement dans le même temps. DÉCLARATION D’INTÉRÊTS Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. RÉFÉRENCES

Fig. 1. Laryngomalacie sévère avant section des replis ary-épiglottiques. Epiglotte tubulisée. Replis ary-épiglottiques courts. Plan glottique non vu.

[1] Denoyelle F, Froehlich P, Couloigner V, et al. Le larynx de l’enfant. SFORL; 2011. [2] Ayari S, Aubertin G, Girschig H, et al. ‘‘Management of laryngomalacia’’. Eur Ann Otorhinolaryngol Head Neck Dis 2013;130(1):15–21. [3] Landry AM, Thompson DM. ‘‘Laryngomalacia: disease presentation, spectrum, and management’’. Int J Pediatr 2012;2012:1–6. [4] Zalzal GH, Anon JB, Cotton RT. ‘‘Epiglottoplasty for the treatment of laryngomalacia’’. Ann Otol Rhinol Laryngol 1987;96(1 Pt 1):72–6. [5] Denoyelle F, Mondain M, Gresillon N, et al. ‘‘Failures and complications of supraglottoplasty in children’’. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2003;129(10):1077–80. [6] Preciado D, Zalzal G. ‘‘A systematic review of supraglottoplasty outcomes’’. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2012;138(8):718–21. [7] SFAR. SFAR – Recommandations pour les structures et le matériel de l’anesthésie pédiatrique. (SFAR); 2004.