Presse Med 2004; 33: 693-4
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© 2004, Masson, Paris
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Pneumologie
Conduite à tenir devant une dyspnée aiguë LA DYSPNÉE AIGUË, SYMPTÔME FRÉQUENT, EST UNE SENSATION COMPLEXE ET SUBJECTIVE QUI RÉSULTE 1 : SECONDAIRE À UNE INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUË, PLUS RAREMENT LIÉE À UNE DIMINUTION DU TRANSPORT D’OXYGÈNE (O2) OU À UN TROUBLE MÉTABOLIQUE.
D’ORIGINES DISTINCTES
Évaluer la gravité de la dyspnée Dès l’inspection, les données cliniques permettent le diagnostic (estimation de la fréquence respiratoire montrant le plus souvent une polypnée) et mesurent le retentissement ventilatoire et général: difficultés d’élocution, tirage, battement des ailes du nez,cyanose,sueurs,angoisse, agitation, tachycardie, hypertension artérielle… Certains signes précédent de peu l’arrêt cardiorespiratoire et justifient le recours immédiat à l’assistance ventilatoire (bradypnée,bradycardie, Figure Dyspnée aiguë, arbre décisionnel Signes de gravité (clinique, SpO2, gaz du sang)
OUI
Situation critique (menace d’arrêt cardio-respiratoire) OUI Ventilation assistée
NON
NON
Hypoxémie (SpO2 < 90 %) NON OUI Echec
Oxygénothérapie
Stabilité ou amélioration Étiologie évidente
NON
Diagnostic clinique simple
NON
Radiographie de thorax
5 juin 2004 • tome 33 • n°10
OUI Transfert en soins intensifs après - Noyade premiers soins sur place - Traumatismes thoraciques - Causes neurologiques - Inhalation de corps étrangers - Hémoptysies massives OUI Hospitalisation sauf amélioration - OAP spectaculaire après - Asthme premiers soins - Exacerbation de BPCO connue - Epanchements pleuraux - Causes ORL
obnubilation, troubles de la conscience). La mesure de la SpO2 (< 90 %) ou des gaz du sang (PaO2 < 60 mm Hg) objective cette gravité et guide l’oxygénothérapie. Elle est souvent réservée aux structures hospitalières.
Assurer les premières mesures thérapeutiques Dans le doute,l’oxygénothérapie peut être débutée immédiatement sous réserve de surveillance surtout si on suspecte une hypercapnie chronique (insuffisance respiratoire chronique sévère) qui peut s’aggraver sous O2. En cas de menace d’arrêt cardiorespiratoire ou si l’état du patient se dégrade malgré les traitements d’urgence,le recours à la ventilation assistée – non invasive si l’état de conscience le per2 met – doit être envisagée rapidement. L’enquête étiologique indique parfois un traitement spécifique à débuter dès cette étape (figure). Dans certains cas, l’étiologie de la dyspnée aiguë est évidente et justifie l’hospitalisation immédiate en soins intensifs (noyade, traumatisme thoracique, hémoptysie massive, inhalation de corps étranger qu’il faut tenter d’évacuer - après vérification de la vacuité buccale par la manœuvre de Heimlich:compression épigastrique brusque du diaphragme vers le haut). Parfois l’examen clinique suffit à poser le diagnostic étiologique et à débuter un traitement spécifique: asthme à traiter par de fortes doses 3 de sympathomimétiques inhalés , œdème aigu pulmonaire (OAP) relevant des diurétiques, obstacle des voies aériennes proximales source de dyspnée inspiratoire, épanchements pleuraux à évacuer,exacerbation d’insuffisance respiratoire chronique (IRC) connue. Dans ce cas, il faut rechercher une cause à la décompensation: surinfection, embolie pulmonaire, pneumothorax, prise de sédatif, OAP… La présence de signes d’insuffisance cardiaque droite fait chercher une La Presse Médicale - 693
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Conduite à tenir devant une dyspnée aiguë
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décompensation d’IRC, une embolie pulmonaire, une insuffisance cardiaque globale, une tamponnade cardiaque. Quand les données cliniques sont insuffisantes et pour confirmer le diagnostic,la radiographie de thorax est l’examen clé d’orientation. Elle peut • être normale en cas de dyspnée aiguë d’origines neuromusculaire ou ORL,d’embolie pulmonaire (dans la plupart des cas,la radiographie de thorax est anormale),d’asthme aigu avec hypoxémie sévère.Il faut aussi évoquer un choc débutant ou une anémie (NFS). L’absence d’anomalie des gaz du sang et de la NFS pose le problème d’une dyspnée d’origine psychique. • montrer des anomalies du contenant sous forme d’épanchements pleuraux gazeux (pneumothorax à soupape, compressif,bilatéraux ou sur IRC) ou liquidien plus souvent progressif mais parfois mal toléré (hémothorax qui associe une anémie à la défaillance respiratoire), de lésions costales, de paralysie phrénique beaucoup plus rare. • révéler des lésions alvéolaires. Celles-ci se voient au cours de : - OAP d’origine cardiaque ou non4; - pneumopathies infectieuses, souvent responsables d’un état septique avec images alvéolaires asymétriques. L’antibiothérapie est le plus souvent empirique.La documentation bactériologique se justifie en cas d’immunodépression, de suspicion d’infection nosocomiale, d’échec de traitement empirique et dans les pneumopathies sévères; - alvéolites allergiques extrinsèques après exposition allergénique. Le traitement repose sur la corticothérapie et l’éviction de l’allergène; - hémorragies alvéolaires avec nombreux macrophages phagocytant des hématies (score de Golde > 100) sur le LBA. Elles se voient lors de certaines connectivites, de la maladie de Wegener, de l’hémosidérose, du syndrome de Goodpasture, de pneumopathies médicamenteuses, de traumatisme, d’anomalies sévères de la coagulation; - cancers bronchiolo-alvéolaires, tumeur rare de mauvais pronostic, confirmée par les prélèvements endo bronchiques. • Des causes interstitielles peuvent être mises en évidence: - sub OAP; - pneumopathies toxiques diagnostiquées par le contexte et l’interrogatoire; - Bronchiolites confirmées par les données de la tomodensitométrie thoracique et des épreuves fonctionnelles respiratoires; - pathologies fibrosantes, avec crépitants « velcro » à l’auscultation. Dans ces deux derniers cas, il est souvent nécessaire de réaliser une biopsie pulmonaire pour préciser le cadre nosologique; - Lymphangite carcinomateuse confirmée par les biopsies endobronchiques, survenant dans un contexte néoplasique et d’altération de l’état général. • Une cardiomégalie et une hypertrophie hilaire bilatérale font suspecter une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) qui peut accompagner une défaillance cardiaque gauche, une embolie pulmonaire, une tamponnade péricardique. L’échocardiographie confirme le degré d’HTAP. • Enfin des atélectasies peuvent entraîner une hypoxémie importante.Leur traitement symptomatique relève de la kinésithérapie respiratoire, parfois de l’endoscopie. Références 1
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Huchon G. Investigations pneumologiques. In: Pneumologie pour la praticien. Huchon G eds. Masson éditeur. Paris 2001; 42-55. Sangeeta M, Hill NS. Noninvasive ventilation. Am J Respir Crit Care Med 2001; 163: 540-77. McFadden ER, Elsanadi N, Dixon L, Takacs M, Deal EC, Boyd KK. Protocol Therapy for Acute Asthma: Therapeutic Benefits and Cost Saving. Am J Med 1995; 99: 651-61. Ware LB, Matthay MA. The Acute Respiratory Distress Syndrome. N Engl J Med 2000; 342: 1334-49.
La surveillance Elle est clinique, gazométrique et radiologique. C’est sur ces données que l’on décide de recourir à la ventilation assistée si l’état du patient se dégrade.
La prévention d’un nouvel épisode Elle justifie de faire le point de la pathologie sous-jacente afin d’adapter le traitement de fond.
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Gilles Jébrak Service de Pneumologie et de Réanimation Respiratoire. Hôpital Beaujon, 100 Boulevard du Général Leclerc, 92110 Clichy.
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