Club d’infectiologie
Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 19 : 424–9 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0750765800002136/FLA
Consommations pharmaceutiques et antibiothérapie en réanimation* R. Gauzit1 et le Club d’infectiologie en anesthésie-réanimation, Icare2, ACE3 1
Département d’anesthésie-réanimation, CHU Jean Verdier, 93143 Bondy cedex ; 2 société Icare, 2/12, chemin des femmes, 91886 Massy cedex ; 3 société ACE, 10, rue Beffroy, 92200 Neuilly-sur-Seine, France
RE´SUME´ L’objectif de cette étude réalisée sur un échantillon de 750 services de réanimation médicochirurgicale ou chirurgicale était d’identifier les variations de consommation des antibiotiques (AB), mesurées en termes de coûts et de rechercher les variables explicatives de ces dépenses. Les données d’activité et les dépenses pharmaceutiques recueillies sont celles de l’année 1997. Une liste d’AB « de réserve » a été arbitrairement définie : imipenem, ceftazidime, cefpirome, céfépime, pipéracilline/tazobactam, amikacine, isépamicine, vancomycine et teicoplanine. Seuls 60 questionnaires analysables ont été retournés (28 000 admissions et 183 960 journées d’hospitalisations). Les résultats sont présentés en moyenne plus ou moins déviation standard (DS) et la variabilité a été considérée comme importante quand le rapport DS/moyenne était supérieur à 1. Une surveillance des infections nosocomiales (IN), un comité antibiotique et une liste d’AB à prescription contrôlée existaient respectivement dans 95, 67 et 78 % des cas. La taille des services correspondait à une unité de dix lits (extrêmes 6 à 24) pour une activité de 468 ± 184 admissions/an et de 3 066 ± 1 454 journées d’hospitalisation. La durée moyenne de séjour (DMS) était de 6,9 ± 2,7 jours et le score oméga de 114 ± 61. L’âge moyen des patients était de 56,5 ans, le score IGS II de 35 ± 7, 29 ± 16 % des patients était ventilés plus de 48 heures et la mortalité était de 17 ± 7 %. Le nombre moyen de souches isolées par service a été de 369 ± 323 : Staphylococcus sp. 30 % (dont 25 % de SAMR), entérobactéries 30 % (dont 14 % de céfotaxime R) Pseudomonas sp. 14 % (dont 40 % de ticarcilline R). Les dépenses de pharmacie et de consommables par journée d’hospitalisation étaient de 834 ± 364 F, dont 536 ± 273 F pour les médicaments. Les AB représentaient 32 % du budget du médicament, et les AB « de réserve »
*Travail présenté au Club d’infectiologie en anesthésie-réanimation, 23 septembre 1999.
près de 50 % du budget des AB. Plus de 80 % des dépenses en AB reposaient sur dix molécules. Le coût moyen par jour d’hospitalisation du premier poste budgétaire des AB, toutes molécules confondues, était de 27 F, celui du deuxième et du troisième de 18 et 14 F alors que le dixième ne représentait que 3 F. Les dépenses en AB étaient corrélées avec le nombre de lits, le nombre de journées d’hospitalisation, la DMS, le score oméga, le nombre de patients ventilés plus de 48 heures, la mortalité, le nombre de souches isolées et le taux d’IN. Les traitements actifs contre les SAMR et Pseudomonas sp. ticarcilline R correspondaient à 7 et 20 % des dépenses totales en AB alors que ces deux germes représentaient respectivement 7,5 et 4,6 % des souches isolées. En conclusion, dans cet échantillon de 60 unités de réanimation, il existait des différences dans le coût de l’antibiothérapie, mais sans variabilité ni disproportion majeure. 83 % des dépenses d’antibiothérapie reposaient sur dix molécules. Les AB actifs contre Pseudomonas sp. ticarcilline R avaient un impact financier important. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS pharmaco-économie / budget antibiothérapie / réanimation
pharmaceutique
/
ABSTRACT Pharmaceutical use and antibiotherapy in intensive care units. The present study has involved a sample of 750 medical or medical/surgical intensive care units. The aim was to indentify the variations of antibiotic (AB) use, measured in monetary terms, and to sort out explicative variables accounting for the corresponding expense. Activity and expense
Consommations pharmaceutiques et antibiothérapie en réanimation
data have been recorded for 1997. “Second intention” antibiotics have been defined as follows: imipenem, ceftazidime, cefpirome, cefepime, piperacillin/tazobactam, amikacin, isepamicin, vancomycin and teicoplanin. Only 60 evaluable sheets have been sent back. They include data about 28 000 admissions and 183 960 hospital days. The results are presented as means ± standard deviation (SD) and the variability has been considered to be important if the ratio SD/mean was > 1. Nosocomial infections (NI) surveillance, antibiotic advisory board and restriction of use for some molecules were present in 95%, 67% and 78% of units, respectively. The units usually had 10 beds (range: 6–24) and the mean activity was 468 ± 184 admissions/ year and 3,066 ± 1,454 hospital days/year. Mean duration of hospitalisation (MDH) was 6.9 ± 2.7 days and mean omega score 114 ± 61. Mean age of patients was 56.5 years, IGS II score 35.7 ± 7 ; 29 ± 16% of patients were mechanically ventilated for more than 48 hours and mortality rate was 17 ± 7%. The mean number of bacterial isolates per unit was 369 ± 323 : Staphylococcus sp. 30% [including 25% of meticillin-resistant Staphylococcus aureus (MRSA)]; enterobacteria 30% (including 14% of cefotaxime-resistant isolates); Pseudomonas sp. 14% (including 40% of ticarcillin R isolates); other 26%. Pharmaceutical expense was 834 ± 364 FF per day of hospitalisation, including 536 ± 273 FF for drugs. Antibiotics accounted for 32% of the expense and second intention molecules for nearly 50 % of antibiotic expense. More than 80% of antibiotic expense was accounted for by only 10 molecules. The mean cost/hospital day for the most expensive antibiotic, whatever the molecule ranking first, was 27 FF, for the second and third ones 18 and 14 FF. The expense for the tenth molecule was only 3 FF. There was a correlation between antibiotic expense and number of beds, number of hospital days, MDH, omega score, number of patients mechanically ventilated for more than 48 hours, mortality, number of bacterial isolates and incidence of NI. Molecules thought to be active against MRSA and ticarcillinresistant Pseudomonas sp. accounted for 7 and 20% of total antibiotic expense, as compared to 7.5 and 4.6%, respectively, of bacterial isolates. As a conclusion, in this sample of 60 intensive care units, differences were shown for the cost of antibiotics, but the variability was low, without major discrepancies. Ten molecules accounted for 83% of total antibiotic expense. The financial impact of molecules against ticarcillin-resistant Pseudomonas sp is high. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS pharmacoeconomics / pharmaceutical expense / antibiotherapy / intensive care
425
Les antibiotiques représentent une part importante du budget pharmaceutique des hôpitaux ; ce poids est probablement plus marqué si l’on ne tient compte que des unités de réanimation. Les objectifs de cette enquête, de type pharmaco-économique, étaient : – d’identifier, dans le budget pharmaceutique des services de réanimation, le poids financier de l’antibiothérapie et de déterminer si des variations importantes existent d’une unité à l’autre ; – de rechercher les variables explicatives de ces variations de consommations, exprimées en termes de coûts, en fonction du type de structures, d’indicateurs d’activité et de gravité des patients et des données microbiologiques ; – d’analyser l’impact des souches résistantes sur les dépenses d’antibiotiques. Pour la compréhension du problème, il faut se rappeler qu’à aucun moment nous ne parlons de consommation en quantité de prescriptions, mais uniquement de coût et de dépenses. MÉTHODOLOGIE Il s’agit d’une étude pharmaco-économique d’observation réalisée auprès d’un échantillon aléatoire de 750 services français de réanimation médicochirurgicale ou chirurgicale. Le tirage au sort a comporté une stratification par région et par type d’établissement (CHU/CHR, CHG, établissement privé). Les centres ont été invités par courrier à compléter une fiche de recueil de données, à laquelle était joints un document expliquant la nature et les objectifs de l’étude. Une relance téléphonique a été réalisée auprès de 300 centres sélectionnés au hasard à partir du trentième jour. Les données du questionnaire étaient réparties en cinq rubriques et concernaient l’année 1997. 1) Informations sur les centres : type d’établissement (CHU/CHR, CHG, privé), existence d’un relevé des infections nosocomiales (IN), d’un comité des antibiotiques, de prescriptions contrôlées pour certaines molécules et de protocoles d’antibiothérapie empirique. 2) Données sur les services : nature de l’activité (réanimation médicochirurgicale ou chirurgicale), nombre de lits, nombre d’entrée et de journées d’hospitalisation réalisées, durée moyenne de séjour (DMS) et score oméga moyen.
426
R. Gauzit et al.
3) Caractéristiques des patients : âge moyen, IGS II moyen, pourcentage de patients ventilés et pourcentage de patients ventilés plus de 48 heures, taux de mortalité. 4) Données sur les dépenses de l’unité : budget pharmaceutique total (y compris consommables et produits sanguins stables), budget total du médicament, budget de l’antibiothérapie, et liste des dix antibiotiques représentant les dix premiers postes budgétaires (avec la dépense en francs pour chaque molécule). 5) Données microbiologiques : pourcentage de patients ayant présentés une IN, nombre total de souches isolées, nombre de souches isolées de Staphylococci sp. et de Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SAMR), d’entérobactéries et d’entérobactéries résistantes au céfotaxime, Pseudomonas sp. résistant à la ticarcilline. Une liste d’antibiotiques « de réserve » ou antibiotiques « de seconde ligne » a été définie de façon arbitraire, elle comporte l’imipénème, l’association pipéracillinetazobactam, la ceftazidime, le cefpirome, la céfépime, l’amikacine et l’isépamicine, ainsi que les glycopeptides (vancomycine et teicoplanine).
CARACTÉRISTIQUES DES CENTRES ET DE L’ACTIVITÉ Les 60 réponses provenaient pour 25 % de CHU/ CHR et pour 75 % de CHG. Deux centres sur trois disposaient d’un comité des antibiotiques et plus de trois sur quatre avaient adopté des mesures de prescription contrôlée pour certains antibiotiques et trois centres sur quatre avaient des protocoles d’antibiothérapie empirique. Un relevé des infections nosocomiales (légalement obligatoire) était assuré dans la quasi-totalité des cas (95 %). L’ensemble des réponses représentait 28 000 admissions et 183 960 journées d’hospitalisation en réanimation. Le nombre moyen de lits par unité était de dix (extrêmes : 6 à 24) pour un nombre moyen d’admissions de 468 ± 184, représentant en moyenne 3 066 ± 1 454 journées d’hospitalisation. La durée moyenne de séjour (DMS) était de 6,9 ± 2,7 jours et le score Oméga total moyen de 114 ± 61. L’âge moyen des patients était de 56,5 ans, le score IGS II moyen de 35 ± 7. Près de la moitié des patients (45 ± 23 %) étaient ventilés et 29 ± 16 % l’étaient plus de 48 heures. La mortalité était de 17 ± 7 %. COMPARAISON STRUCTURELLE CHU–CHR/CHG
DÉROULEMENT DE L’ÉTUDE Sur 750 centres sollicités, et malgré une relance téléphonique auprès de 300 centres, seuls 63 questionnaires analysables ont été retournés, soit un taux de réponse de 8,4 %. Seuls trois centres relevant de l’hospitalisation privée ont répondu, ce qui a conduit à exclure de l’analyse les centres privés. Les résultats présentés sont donc ceux des 60 unités de réanimation des structures publiques qui ont répondu. Le taux de réponse était identique pour les CHU/CHR (18 %) et les CHG (15 %), mais très variable d’une région à l’autre : aucune réponse en Franche-Comté (17 questionnaires envoyés) et en ChampagneArdenne (11 questionnaires), 3 % en région RhôneAlpes, 11 % en Île-de-France, 22 % en région PACA. Lors de la relance téléphonique, les motifs de refus ont été nombreux, mais peuvent être regroupés en quatre rubriques : refus catégorique (100 centres sur 300 relances téléphoniques), perte du questionnaire, manque de temps et/ou problème de personnel et absence de données sur l’année 1997.
La taille (14 ± 5 lits contre 9 ± 3) et l’activité moyenne (4 439 ± 1 686 journées d’hospitalisation contre 2 598 ± 1 023) des structures universitaires (CHU) ou régionales (CHR) étaient supérieures à celles des centres hospitaliers généraux (CHG). La durée moyenne de séjour était plus longue dans les CHU/ CHR (8,5 ± 3 jours contre 6,3 ± 2,3, P < 0,05) et le score Oméga moyen était plus élevé (144 ± 70 versus 104 ± 58, P < 0,05). En revanche, il n’existait pas de différence en termes d’organisation de structures, le statut de l’établissement n’intervenant pas dans l’existence ou non d’un comité des antibiotiques, d’un relevé des infections nosocomiales, d’antibiotiques à prescription contrôlée ou de protocoles d’antibiothérapie probabiliste. Le score IGS II, le nombre de patients ventilés, et ceux qui le sont plus de 48 heures ne présentaient pas de différence quel que soit le type d’établissement. DONNÉES MICROBIOLOGIQUES Le nombre moyen de souches isolées par service était de 369 ± 323, ce qui représentait 0,11 souche isolée
427
Consommations pharmaceutiques et antibiothérapie en réanimation
Tableau I. Dépenses pharmaceutiques par journée d’hospitalisation en réanimation (en francs français). Pharmacie + consommables Médicaments Antibiotiques Antibiotiques « de réserve »*
838 ± 364 536 ± 273 131 ± 57 66 ± 41
* M ± DS. calculé sur la base des dix premiers antibiotiques cités en coût.
par jour d’hospitalisation dans les CHU/CHR, et 0,12 dans les CHG, soit 0,8 souche/patient. En moyenne, 18 % des patients ont présenté une infection nosocomiale (24 % dans les CHU/CHR versus 16 % dans les CHG, P < 0,05) La distribution des souches isolées était la suivante : Staphylococcus sp. 30 %, entérobactéries 30 %, Pseudomonas sp. 14 %, autres 26 %. Parmi ces souches, 25 % des staphylocoques étaient des SAMR, 40 % des Pseudomonas sp. étaient résistants à la ticarcilline et 14 % des entérobactéries étaient résistantes au céfotaxime. La comparaison CHUCHR/CHG ne montrait pas de différence en dehors d’un nombre d’entérobactéries résistantes au céfotaxime supérieur dans les CHU/CHR (22 % contre 12 %, P < 0,05). DÉPENSES PHARMACEUTIQUES Les dépenses par journée d’hospitalisation ne différaient pas entre les CHU/CHR et les CHG (tableau I). Les dépenses de médicaments représentaient 64 % du budget pharmaceutique, les antibiotiques 32 % du budget des médicaments et les antibiotiques « de réserve » près de la moitié des dépenses d’antibiotiques. Le poids financier des dix premiers postes budgétaires antibiotiques représentait à lui seul 83 % des dépenses imputables à la totalité de l’antibiothérapie (77 % dans les CHU/CHR contre 85 % dans les CHG, P < 0,05). Le coût moyen du premier poste budgétaire de l’antibiothérapie, toutes molécules confondues, représentait en moyenne 27 F par jour d’hospitalisation et par patient (que les patients aient reçu ou non une antibiothérapie). Les deuxième et troisième ne coûtaient que 18 et 14 F. Dès le sixième rang, la dépense journalière par patient devenait inférieure à 10 F, et le dixième poste budgétaire n’était plus que de 3 F. Les molécules figurant le plus souvent parmi
Tableau II. Antibiotiques figurant le plus souvent parmi les dix premiers postes budgétaires cités.
Imipenem Ceftazidime Amoxicilline Amikacine Ciprofloxacine Pipéracilline-tazobactam Céfotaxime Ofloxacine Vancomycine Teicoplamine Ceftriaxone Fluconazole Amphotéricine B
n
Coût moyen/ jour d’hospitalisation (F)
54 52 51 49 44 42 42 29 29 27 27 56 39
15 13 7 12 14 21 9 11 5 16 9 12 2
les dix premiers postes budgétaires (tableau II) variaient notablement d’un centre à l’autre. Cependant, certaines molécules apparaissaient dans le classement de presque tous les services, et seul leur ordre d’apparition (donc les dépenses qu’elles avaient généré en 1997) variait d’un service à l’autre. On peut remarquer que malgré un coût moyen par journée d’hospitalisation relativement faible pour l’amoxicilline, cette molécule est citée par 51 centres sur 60 parmi les dix premiers postes budgétaires, ce qui représente un volume de prescription très important. La vancomycine et la teicoplanine sont citées le même nombre de fois alors que leurs coûts moyens par journée d’hospitalisation varient du simple au triple. L’analyse centre par centre montre que souvent il existe une prescription exclusive ou quasi exclusive de l’un ou de l’autre des deux glycopeptides. Il existe une corrélation entre la dépense totale d’antibiotiques et le nombre de lits (r = 0,73, P < 0,0001), la durée moyenne de séjour (r = 0,73, P < 0,0001) le nombre de journées d’hospitalisation (r = 0,77, P < 0,0001) et le score Oméga total (r = 0,51, P = 0,0002). En revanche, il n’existe pas de corrélation significative avec le nombre d’entrées, ni avec la nature de l’unité (réanimation médicochirurgicale ou chirurgicale) ou le statut de l’établissement (CHU-CHR/CHG). L’IGS II et l’âge ne sont pas corrélés au budget de l’antibiothérapie, alors que le taux de patients ventilés plus de 48 heures (r = 0,49, P = 0,0003) et la mortalité (r = 0,47, P = 0,0002) le sont.
428
R. Gauzit et al.
Tableau III. Impact financier de certaines molécules sur le budget antibiotique des 60 services de l’étude (en pourcentage du budget total des antibiotiques). Pourcentage de dépenses (ATB + fluconazole) Imipenem Pipéracilline-tazobactam Fluconazole Ceftazidime Ciprofloxacine Amikacine Teicoplamine Amoxicilline Vancomycine
10,4 10,4 8,3 8,3 7,6 6,0 5,8 4,1 1,6
Total
62,5
Sur le plan microbiologique, le coût total de l’antibiothérapie est corrélé avec le nombre de souches isolées (r = 0,53, P < 0,0001), mais pas avec le nombre de souches résistantes isolées. Il existe une corrélation entre d’une part la dépense d’antibiotiques « de réserve » et d’autre part l’incidence des IN et le nombre de souches résistantes isolées, mais avec des coefficients de corrélation de 0,42 et de 0,5. Les traitements actifs contre SAMR et Pseudomonas sp. résistant à la ticarcilline correspondaient à 7 et 20 % des dépenses totales en antibiotiques, alors que ces deux souches représentaient respectivement 7,5 et 4,6 % des souches isolées. L’impact financier de certaines molécules est représenté sur le tableau III. L’imipénème et l’association pipéracilline-tazobactam participaient chacune pour plus de 10 % des dépenses totales de l’antibiothérapie. Les neuf molécules du tableau étaient responsables de plus de 60 % des dépenses d’antibiotiques et les quatre premières molécules de presque 30 %. DISCUSSION Le premier élément de réflexion, suggéré par les résultats de cette enquête est la faiblesse du taux de réponses (avec une quasi-absence de réponse du secteur privé) qui est comparable à celui obtenu lors des enquêtes faites dans le domaine de la grande consommation. Ces résultats doivent conduire à s’interroger sur la sensibilisation actuelle, des médecins des unités de réanimation, à la nécessité (impérieuse) de l’évaluation, élément essentiel des procédures actuelles d’accréditation et de démarches de qualité des soins. Lors de la relance téléphonique, les raisons
officielles du refus de participation ont été dans un tiers des cas un refus catégorique et non motivé, dans d’autres cas la perception du questionnaire comme une menace ou une ingérence dans les pratiques médicales, le manque de personnel, ou l’absence de données. Parmi les motifs officieux, il faut probablement citer la peur d’un « contrôle » et la crainte de possibles comparaisons entre services. Il est également probable que dans de nombreuses structures le manque de moyens (entre autres informatiques) n’ait pas permis de recueillir les données. En revanche, dans les questionnaires renvoyés, il ne manquait pratiquement aucun paramètre. En fait, il semble que la participation à cette enquête ait répondu à la loi du tout ou rien. L’existence de disparités inter-régionales importantes, dans les taux de réponses, semble montrer que la sensibilisation à l’évaluation n’est pas la même partout et que certaines régions sont sans doute très en retard. Il y a là un problème « culturel » préoccupant, auquel il faut réfléchir pour l’avenir. Les chiffres d’activité et les caractéristiques des patients de l’échantillon sont équivalents à ce qui est observé à l’échelon national, ce qui est en faveur de la représentativité de l’échantillon. Par ailleurs, ils ne montrent pas de différence importante entre les unités de réanimation des établissements de type CHU/CHR et ceux de type CHG, en termes d’organisation, de structure et de gravité des patients admis. Sur le plan pharmaco-économique, il existe des écarts dans les dépenses d’antibiotiques d’une unité à l’autre, mais sans disproportion ni variabilité majeures, les résultats montrant des déviations standard inférieures à la moyenne (ce qui n’est pas le cas dans la plupart des études pharmaco-économiques). Aucune différence n’existe entre les CHU/CHR et les CHG, et seule la part prise par les dix premiers postes du budget antibiotique dans celui de l’antibiothérapie totale est plus élevée dans les CHG (85 versus 77 %, P < 0,05). Ce qui traduit, sans doute le fait que les CHU/CHR utilisent un panel de molécules plus important. Les données du tableau III doivent être interprétées avec précautions, en fonction du coût d’achat unitaire des antibiotiques, qui varie de façon importante d’un centre à l’autre. Alors que les amplitudes de variation sont relativement faibles pour l’imipénème et pipéracilline/tazobactam, le prix de 1 g d’amoxicilline peut varier d’un facteur 1 à 4. Certains centres obtiennent même cette molécule à titre
Consommations pharmaceutiques et antibiothérapie en réanimation
gratuit. La plus grande variation de coût est celle observée pour 1 gramme de vancomycine, avec un écart allant de un à presque 9. Même si les corrélations entre d’une part les dépenses en antibiotiques « de réserve » et d’autre part le taux d’infections nosocomiales et le nombre de souches résistantes sont significatives, elle sont relativement faibles. Le problème est le même pour la relation « dépense antibiothérapie totale-nombre de souches isolées ». Ces constatations doivent peut-être conduire à s’interroger sur certaines pratiques de l’antibiothérapie. Il est cependant important de souligner que ce type d’approche économique ne permet en aucun cas d’évaluer, ni dans un sens ni dans l’autre, les pratiques médicales. Dans ce but, il faudrait mettre en place une étude longitudinale reposant sur des « cas patients » avec affectation indivi-
429
duelle des dépenses, mais une telle étude est excessivement difficile à mettre en œuvre. Sur les données extraites de l’Étude nationale des coûts en réanimation de la mission PMSI, la structure des coûts directs se décompose comme suit : 59 à 74 % pour les salaires des médecins et du personnel paramédical, 16 à 32 % pour les autres salaires, les amortissements, la logistique médicale et les consommables. Le coût des médicaments intervient très loin derrière ces deux éléments, avec une fourchette variant de 6 à 11 %. Dans ces conditions, le coût des antibiotiques tel qu’il a été estimé dans notre étude ne représente plus que 1,9 à 3,5 % du coût d’un séjour en réanimation. L’importance des économies réalisables sur le budget global d’un service en réduisant le coût des antibiotiques doit être relativisée en fonction de ces paramètres.