Contraception masculine

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FONCTION GONADIQUE ET REPRODUCTION MASCULINE

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2014; 43: 205–211 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Contraception masculine Geoffroy Robin1,2,3, François Marcelli1,4, Jean-Marc Rigot1

1. CHRU de Lille, hôpital Albert-Calmette, service d’andrologie, 59037 Lille cedex, France 2. CHRU de Lille, hôpital Jeanne-de-Flandre, service de gynécologie médicale, orthogénie et médecine du couple, 59037 Lille cedex, France 3. CHRU de Lille, hôpital Jeanne-de-Flandre, service de gynécologie endocrinienne et médecine de la reproduction, 59037 Lille cedex, France 4. CHRU de Lille, hôpital Claude-Huriez, service d’urologie, 59037 Lille cedex, France

Correspondance : Geoffroy Robin, CHRU de Lille, hôpital Albert-Calmette, service d’andrologie, boulevard du Pr. Jules-Leclercq, 59037 Lille cedex, France. [email protected]

Key points Male contraception Contraception allows within a heterosexual couple to have a more fulfilling as possible sexuality while protecting against the occurrence of unintended pregnancy. In a majority of couples, contraception is assumed by women. Currently, male contraceptive methods most commonly used are the male condom and vasectomy. Many other strategies, including hormonal contraceptive regimens, have been proposed and evaluated. The purpose of this review is to present an overview of the various current and future male contraceptive methods.

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ans la société actuelle, la régulation des naissances par la contraception est assumée majoritairement par les femmes au sein des couples. Depuis l’avènement de la première pilule contraceptive, de nombreux développements ont permis d’améliorer encore davantage l’efficacité des méthodes de contraception féminine tout en minimisant les risques inhérents à ces différents moyens contraception, notamment hormonaux. L’efficacité de la pilule contraceptive étant très liée à

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Points essentiels La contraception permet au sein d’un couple hétérosexuel d’avoir une sexualité la plus épanouie possible tout en se protégeant contre la survenue d’une grossesse non désirée. Dans une majorité de couples, elle est assumée par les femmes. Actuellement, les méthodes de contraception masculine les plus couramment utilisées sont le préservatif masculin et la vasectomie. De nombreuses autres stratégies, parmi lesquelles des schémas contraceptifs hormonaux, ont été proposées et évaluées. Le but de cette revue est de dresser un état des lieux des différentes méthodes actuelles et futures de contraception masculine.

l’observance, le développement de méthodes de contraception de longue durée d’action comme les dispositifs intra-utérins (au cuivre ou délivrant un progestatif) ou les implants sous-cutanés de progestatifs a permis de diminuer encore plus le risque de grossesses non désirées. Concernant la ligature tubaire qui jusqu’à présent nécessitait au moins une coelioscopie ou une mini-laparotomie sous anesthésie générale, elle est actuellement remplacée par une méthode au moins aussi efficace et beaucoup moins invasive (pas d’incision, pas d’anesthésie

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Disponible sur internet le : 10 janvier 2014

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générale obligatoire. . .). Cette méthode consiste à insérer sous contrôle hystéroscopique des implants dans les trompes afin d’induire dans les mois suivant le geste d’une fibrose définitive. Alors, quelle place reste-il en 2014 pour une contraception masculine ? Quelles options sont actuellement envisageables pour un homme qui désire assumer lui-même le contrôle de sa fertilité ? Quelles sont les méthodes amenées à se développer dans l’avenir ? Le but de cet article de revue de la littérature est de répondre à ces différentes questions en faisant un état des lieux sur les méthodes actuellement disponibles et sur celles qui pourraient être envisageables dans un futur plus ou moins proche.

Aspects actuels de la contraception masculine Préservatif masculin

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Il couvre le pénis d’une membrane fine afin de prévenir l’émission du sperme dans le vagin. Un réservoir à l’extrémité distale des préservatifs, en regard du méat urétral, permet de limiter les phénomènes de reflux de sperme à l’extrémité opposée au cours de la phase expulsive de l’éjaculation. Les préservatifs sont pour la plupart en latex. En cas d’allergie à ce dernier, il existe des modèles en polyuréthane ou en sensoprène, plus onéreux. Les préservatifs masculins ont montré qu’ils réduisaient le risque de transmission des infections sexuellement transmissibles (IST) [1]. En outre, son utilisation significativement le risque de maladies inflammatoires pelviennes de la femme [2]. Le préservatif masculin exercerait en revanche une action protectrice réelle mais plus modeste vis-àvis des virus human papilloma virus (HPV), dont certains sérotypes sont oncogènes et donc capables d’induire un cancer du col de l’utérus [3]. L’usage du préservatif masculin a connu une phase de déclin après les années 1960 à cause du développement important des autres méthodes de contraception féminine. En 1980, on estimait à environ 5 % le nombre de couples français utilisant ce moyen contraceptif contre 70 % au Japon. Son utilisation connaît un regain en Europe, comme aux États-Unis, parce qu’il constitue un excellent moyen de prévention des IST et en particulier, de l’infection au VIH. Afin d’ « érotiser » l’utilisation des préservatifs, il en existe toute une gamme, rainurés, colorés, parfumés, voire contenant des anesthésiques locaux pour retarder la survenue de l’éjaculation... Le préservatif est une méthode de contraception relativement efficace lorsqu’il est utilisé correctement et systématiquement [4]. Le taux d’échec est très variable selon les séries : de 0,8 à 22 % des utilisateurs par an. D’autres auteurs, évaluent l’indice de Pearl entre 3,6 et 5,4 % [5]. Pour Trussel [6], le taux d’échec au cours de la première année d’utilisation serait de 2 % en utilisation optimale (aucune erreur de manipulation et aucun accident de préservatif) alors qu’il serait de 15 % en utilisation

courante (incluant les erreurs de manipulation et les accidents de préservatifs). Cette efficacité pourrait théoriquement être potentialisée par l’utilisation concomitante de crèmes spermicides (qui joueraient également un rôle lubrifiant) [6], mais cette donnée reste encore controversée. En outre, l’utilisation répétée de certains spermicides pourrait fragiliser la muqueuse vaginale et augmenter le risque de transmission de certaines IST et notamment du virus HIV [7]. Les échecs proviennent le plus souvent d’une mauvaise utilisation (erreur de manipulation, non-respect des précautions d’utilisation. . .) mais des accidents de préservatif (rupture, glissement intra-vaginal. . .), difficilement prévisibles, peuvent également survenir. Ces derniers seraient d’ailleurs plus fréquents avec les préservatifs en polyuréthane [5]. Une méta-analyse de la Cochrane Database comparant l’efficacité contraceptive des préservatifs avec ou sans latex a confirmé une discrète augmentation du risque « d’accidents » avec les préservatifs sans latex [8]. En revanche, aucune différence en terme de taux de grossesse n’était mise en évidence entre les préservatifs masculins avec et sans latex [8]. Son acceptabilité est fortement liée à des facteurs culturels comme en témoignent les grandes variations de son utilisation à travers le monde. Son efficacité en tant que protection contre les IST apporte une justification supplémentaire à son utilisation. Malgré une efficacité contraceptive mitigée et bien moins importante que les méthodes hormonales, il s’agit de la méthode de première intention utilisée spontanément par les adolescents lors de leurs premiers rapports sexuels. En effet, près de 80 % des jeunes français ont déclaré l’avoir utilisé dans cette situation, cela en raison des nombreuses campagnes de prévention contre le VIH et de sa disponibilité sans prescription médicale. Ainsi, en l’absence de partenaire sexuel stable, l’emploi du préservatif est vivement encouragé en association avec les méthodes hormonales féminines lorsque ces dernières ne sont pas contre-indiquées (« Double Dutch » des hollandais). Cette pratique est particulièrement recommandée chez les adolescents [9]. En outre, l’effet contraceptif du préservatif s’ajoutera à celui de la pilule, facteur non négligeable chez les partenaires « oublieuses ». Enfin, des données récentes semblent indiquer que l’utilisation régulière du préservatif masculin serait favorable à l’écosystème vaginal. Son utilisation pourrait donc être recommandée de façon régulière pour des couples au sein desquels les femmes souffrent d’infections vaginales à répétition (vaginites, candidoses. . .) [10].

Stérilisation masculine à visée contraceptive ou vasectomie En France, les techniques de stérilisation à visée contraceptive sont encadrées très strictement sur le plan législatif (loi du 4 juillet 2001) [11]. Elles sont proposées à un couple et/ou à un tome 43 > n82 > février 2014

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immédiates (hématome scrotal, notamment) sont en pratique rares mais non nulles (moins de 5 % des interventions). Dans 10 à 40 % des cas, à distance de l’intervention, un granulome spermatique peut se développer et être à l’origine, chez certains patients, de phénomènes douloureux chroniques (douleurs inguino-scrotales, dyspareunies à type d’éjaculation douloureuse. . .). L’incidence des granulomes spermatiques symptomatiques est variable selon les séries [12,16,17]. Bien qu’il s’agisse d’une méthode de contraception en théorie définitive, 1 à 6 % des patients vasectomisés vont changer d’opinion pour diverses raisons (modification du statut conjugal, nouvelle union, décès d’un enfant ou tout simplement regret. . .) [18]. Dans cette situation, trois options sont envisageables :  si le patient a auto-conservé du sperme avant la vasectomie au Centre d’études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS), les paillettes de spermatozoïdes cryopréservés peuvent être utilisées en vue de réaliser des techniques d’Assistance médicale à la procréation (AMP). Selon la qualité de ces paillettes et les paramètres féminins, il pourra être proposé soit des inséminations intra-utérines, soit des fécondations in vitro avec micro-injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (FIV/ICSI). Une récente revue de l’activité des CECOS français a permis de montrer qu’environ 12 % des patients réalisaient une autoconservation avant vasectomie et qu’environ 5 % d’entre eux réutilisaient les spermatozoïdes cryopréservés en vue d’un nouveau projet parental [18] ;  il est possible de proposer aux patients qui n’ont pas pratiqué d’autoconservation spermatique une extraction chirurgicale de spermatozoïdes épididymaires et/ou testiculaires (MESA  TESE). Ceux-ci peuvent ensuite être utilisés pour réaliser une FIV/ICSI, si l’âge de la patiente et la réserve ovarienne le permettent. Les taux de grossesse avec cette technique sont tout à fait acceptables. Une récente étude rétrospective retrouve des taux d’accouchement de 32,2 % par tentative d’ICSI dans cette situation clinique [19] ;  on peut également proposer une tentative de reperméabilisation des canaux déférents par microchirurgie (vasovasostomie, vaso-épididymostomie. . .). Le taux de succès de ce type d’intervention dépend beaucoup de la pratique du chirurgien. Il est autour de 85 % pour un opérateur bien rodé à cette technique chirurgicale. Néanmoins, même si ce geste permet d’induire un nombre non négligeable de grossesses spontanées au décours de l’intervention, les taux de conception ne dépassent pas 70 % dans les séries les plus optimistes. . . Cette donnée peut s’expliquer par deux processus physiopathologiques [20,21] : – d’une part, des phénomènes inflammatoires chroniques au niveau de l’anse épididymo-déférentielle qui vont altérer le processus de maturation spermatique post-testiculaire et donc, la qualité intrinsèque des spermatozoïdes éjaculés, – et d’autre part, la présence d’anticorps anti-spermatozoïdes à titre élevé dans le sperme. Leur sécrétion est secondaire à

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individu qui ne peut assumer une autre méthode contraceptive et qui souhaite mettre fin à tout projet parental. Le caractère définitif de la vasectomie doit impérativement être exposé en consultation. La loi impose à tout patient souhaitant avoir recours à une technique de stérilisation à visée contraceptive un délai de réflexion de 4 mois [11]. Ce délai doit être respecté scrupuleusement par les chirurgiens et clairement tracé dans le dossier médical. La remise d’un formulaire de consentement éclairé qui sera signé par le patient concerné est fortement recommandée. Sur le plan technique, la vasectomie correspond à la section des deux canaux déférents au niveau des cordons spermatiques. Cette intervention peut être réalisée selon les habitudes de chaque service et/ou chirurgien sous anesthésie locale, locorégionale ou générale [11]. Le chirurgien réalise le plus souvent une exérèse segmentaire d’une portion de chacun des deux canaux déférents. Diverses techniques chirurgicales ont été décrites [12]. En l’état actuel des connaissances, aucune n’a fait la preuve d’une efficacité supérieure [11,13]. Les fragments de canaux déférents sont classiquement adressés en anatomopathologie afin d’avoir la confirmation histologique. Cette dernière donnée constitue une preuve médico-légale qui peut s’avérer utile au chirurgien en cas d’échec. La vasectomie est une technique de contraception très efficace. En effet, les échecs ne touchent que 0,5 à 2 % des patients selon les séries [13]. L’analyse prospective de la cohorte « US Collaborative Review of Sterilization » a mis en évidence un taux cumulé de grossesse/vasectomie de 0,74 % à 1 an et de 1,13 % à 2, 3 et 5 ans [14]. Ces échecs sont encore mal compris et correspondent soit à des reperméabilisations spontanées des canaux déférents soit, plus rarement, à des variantes anatomiques (duplications, voies spermatiques accessoires. . .) [12]. L’efficacité n’est pas immédiate et plusieurs éjaculations sont nécessaires avant de réaliser un contrôle du spermogramme. En effet, les vésicules séminales, situées en aval des canaux déférents, jouent un rôle de stockage des spermatozoïdes entre les éjaculations (au même titre que la queue de l’épididyme). Il est donc nécessaire qu’une « vidange » complète de ces glandes soit réalisée avant de s’assurer de l’efficacité de la vasectomie [12]. Certains auteurs estiment qu’il faut qu’il y ait eu au moins 24 éjaculations avant de contrôler l’efficacité de la vasectomie par la réalisation de spermogrammes [15]. Cette particularité physiologique impose donc le maintien d’une ou plusieurs méthodes de contraception efficaces au sein du couple, en attendant la confirmation de l’efficacité de la vasectomie. Seule l’azoospermie, confirmée après centrifugation du sperme sur au moins deux spermogrammes, réalisés à au moins trois mois d’intervalle, permet de confirmer la pleine efficacité de la vasectomie et d’envisager l’arrêt d’utilisation des autres méthodes de contraception. Les complications peropératoires (canal déférent non individualisable lors de l’exploration chirurgicale. . .) et postopératoires

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Fonction gonadique et reproduction masculine

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la rupture iatrogène (lors de la vasectomie) de la « barrière histologique » épithéliale qui isole normalement les spermatozoïdes des cellules immunitaires tout au long de leur trajet au sein du tractus génital profond (présence de jonctions serrées au pôle apical des cellules épithéliales des tubes séminifères, des cônes efférents, de l’épididyme et des canaux déférents).

La contraception masculine du futur Contraception hormonale masculine : quelle faisabilité en 2014 ?

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En réalité, l’idée de mettre en place des méthodes hormonales de contraception masculine, par analogie aux méthodes hormonales féminines, date déjà de plusieurs dizaines d’années. Ce concept est considéré comme envisageable puisque 44 à 83 % des hommes seraient capables d’accepter une contraception hormonale du type pilule contraceptive [22]. Cette option contraceptive au sein des couples est plébiscitée par 71 % à 90 % des femmes selon les pays [23]. Pour bien comprendre les différentes options qui ont été étudiées, il convient de faire un bref rappel de la régulation hormonale de la spermatogenèse. Cette dernière a lieu au sein des tubes séminifères constitués de cellules de Sertoli et de cellules germinales en cours de méiose et de différenciation cellulaire. L’initiation de la spermatogenèse et son maintien sont assurés par la testostérone intra-testiculaire produite par les cellules de Leydig présentes dans le tissu interstitiel autour des tubes séminifères. Cette sécrétion de testostérone est stimulée par la LH hypophysaire [24]. Les cellules de Sertoli sont quant à elles sous le contrôle de la FSH hypophysaire qui va amplifier le processus de spermatogenèse au sein des tubes séminifères. Sa régulation implique des phénomènes de rétrocontrôle négatif au niveau de l’axe gonadotrope hypothalamo-hypophysaire [24] : la testostérone exerce un phénomène de rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de LH et à un moindre degré également sur la sécrétion de FSH ; l’inhibine B, produite par les cellules de Sertoli en réponse à la FSH, exerce un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de FSH. L’objectif de la contraception hormonale masculine est d’obtenir au mieux une azoospermie ou au moins une oligospermie sévère (moins de 1 millions/mL, voire même moins de 3 millions/mL, selon les auteurs) [25]. Depuis de nombreuses années, différents schémas contraceptifs ont été élaborés et testés [26–28] : androgènes seuls, association agoniste de la GnRH + androgènes, association antagoniste de la GnRH + androgènes, associations progestatifs + androgènes, inhibine B... L’utilisation des androgènes seuls (énanthate de testostérone et undécanoate de testostérone), à doses supra-physiologiques, permet d’induire un déficit gonadotrope fonctionnel à l’origine d’un blocage plus ou moins complet de la spermatogenèse.

Les résultats restent relativement satisfaisants dans la littérature avec des index de Pearl variant de 0,8 à 1,4, c’est-à-dire comparables à ceux des méthodes de contraception hormonale féminine (pilules essentiellement) [29]. Il est observé une variabilité de réponse inter-ethnique : ainsi, elle serait beaucoup plus efficace chez les asiatiques que chez les européens (respectivement, 90 % et 60 % d’azoospermie) [29]. L’inconvénient de cette méthode de contraception concerne les interrogations sur l’innocuité de l’utilisation de doses assez élevées d’androgènes au long cours à visée contraceptive (risque de polyglobulie, risques prostatiques mal définis. . .), bien que la plupart des suivis de cohorte restent plutôt rassurants sur des durées de traitements contraceptifs par androgènes allant jusqu’à 30 mois. Enfin, la plupart des esters de testostérone actuellement développés ont une biodisponibilité médiocre lorsqu’ils sont administrés par voie orale, imposant ainsi en théorie la prise de comprimés plusieurs fois par jour, ce qui poserait des problèmes à la fois en termes d’observance mais aussi d’efficacité. C’est pourquoi toutes ces études ont été réalisées avec des androgènes par voie injectable en intramusculaire. Cette voie d’injection peut être vécue comme invasive par certains patients. L’association agoniste de la GnRH + androgènes a été étudiée. Les agonistes de la GnRH à action retard vont induire, après un bref effet paradoxal de stimulation de la sécrétion des gonadotrophines (effet flare-up), une désensibilisation des cellules gonadotropes hypophysaires (par downregulation des récepteurs à la GnRH). Les androgènes sont administrés à visée substitutive. Néanmoins, les résultats issus d’une vingtaine d’études confirment l’absence d’efficacité suffisante de ce schéma thérapeutique en termes de contraception masculine. L’association antagoniste de la GnRH + androgènes a également été testée. Les antagonistes de la GnRH sont capables d’induire un blocage extrêmement rapide de la sécrétion des gonadotrophines par les cellules gonadotropes hypophysaires en se fixant de manière compétitive sur leurs récepteurs membranaires à la GnRH. Les androgènes sont là encore apportés à visée essentiellement substitutive. Ces schémas sont extrêmement efficaces car ils permettent d’induire une azoospermie chez la quasi-totalité des patients [26,30]. Le principal inconvénient de cette méthode est lié au mode d’administration des antagonistes qui nécessitent des injections sous-cutanées, le plus souvent quotidiennes ou au mieux tous les trois jours dans certaines formes retard. De nombreux schémas d’associations progestatifs + androgènes (androgéno-progestatives) ont été testés, par analogie à la contraception oestroprogestative chez la femme. Dans les deux sexes, les progestatifs exercent un effet anti-gonadotrope, notamment sur la sécrétion de LH mais aussi sur celle de FSH, induisant une diminution de la sécrétion d’androgènes par les cellules de Leydig. Les androgènes exogènes vont quant à eux, en plus de leur rôle substitutif, renforcer l’action

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Contraception masculine

anti-gonadotrope sur la sécrétion des deux gonadotrophines. Plusieurs schémas efficaces ont été développés en utilisant :  d’une part, différents types de progestatifs utilisables per os (dérivés prégnanes comme l’acétate de médroxyprogestérone et l’acétate de cyprotérone, dérivés norstéroïdes comme le diénogest, le lévonorgestrel, le désogestrel. . .), en intramusculaire (énanthate de norésthistérone, acétate de médroxyprogestérone dépôt. . .) et même sous forme d’implants sous-cutanés de lévonorgestrel ou d’étonogestrel ;  et d’autre part, des androgènes injectables à libération rapide (énanthate de testostérone) ou lente (undécanoate de testostérone). Toutes ces associations « androgéno-progestatives » ont prouvé une bonne efficacité en termes de taux d’oligospermie sévère (moins de 1 million de spermatozoïdes/mL d’éjaculat), d’azoospermie et surtout de risque de survenue de grossesse spontanée [5,26]. L’inhibine B serait théoriquement la contraception hormonale masculine idéale, car elle assurerait un blocage puissant de la spermatogenèse sans affecter la fonction testiculaire endocrine. Néanmoins, les autres fonctions physiologiques de l’inhibine B chez l’homme n’étant pas encore parfaitement connues, il ne paraît pas raisonnable, à l’heure actuelle, de l’utiliser en contraception. Tous ces schémas de contraception hormonale sont réversibles, même si la reprise de la spermatogenèse semble un peu plus longue après utilisation d’associations androgéno-progestatives qu’après recours aux androgènes seuls [5,29]. Néanmoins, on est encore loin de la « simplicité » d’une pilule contraceptive hormonale et la complexité de ces schémas peut être vécue comme particulièrement invasive et contraignante par bon nombre de patients. Quoiqu’il en soit, l’analyse de toutes ces données confirme qu’aucun schéma idéal de contraception hormonale masculine n’a été officiellement validé pour être utilisé en pratique courante dans la population générale [5,26–28]. Une récente méta-analyse de la Cochrane Database arrivait d’ailleurs à cette même conclusion [31]. Le développement d’androgènes de synthèse plus antigonadotropes, ayant une durée d’action prolongée et qui ne subiraient pas de réduction en 5a (ce qui empêcherait leur transformation en dihydrotestostérone et donc limiterait les effets prostatiques), constituerait un progrès notable dans le développement d’une contraception hormonale masculine. Ainsi, la 7a-méthyl-19-nortestostérone pourrait apporter un nouvel élan dans le développement de nouveaux schémas de contraception hormonale masculine [32].

fertilité masculine est connu depuis l’Antiquité. Outre la pratique très régulière des bains chauds, d’autres méthodes ont été élaborées pour assurer une contraception efficace. L’équipe toulousaine de Mieusset et al. [33–36] avait imaginé un sousvêtement qui permettait de remonter les testicules au niveau du canal inguinal induisant leur réchauffement par une cryptorchidie artificielle. Après plusieurs semaines d’utilisation, cette méthode provoquait des altérations spermatiques compatibles avec un effet contraceptif acceptable. Le principal inconvénient était l’inconfort généré par ce sous-vêtement et ressenti par près de la moitié des utilisateurs [36]. L’isolation thermique du scrotum a été testée avec succès en contraception mais génère un inconfort liée à une hypersudation scrotale réactionnelle [37]. Des dispositifs permettant un réchauffement direct contrôlé des testicules sont également à l’étude [5].

Mise au point

Fonction gonadique et reproduction masculine

Immuno-contraception masculine L’immuno-contraception repose sur un principe simple en théorie : induire une immunisation réversible de l’organisme masculin ou féminin contre des antigènes impliqués dans les différentes étapes et phénomènes de reproduction humaine. Plusieurs cibles théoriques ont déjà été identifiées (figure 1) : hormones du système gonadotrope hypothalamohypophysaire, récepteurs aux gonadotrophines, antigènes spermatiques et ovocytaires de surface et hormone gonadotrophine chorionique (hCG). De nombreux travaux ont été menés dans certaines espèces animales, avec une efficacité plus ou moins marquée selon les cibles. Quelques essais de phases 1 et 2 ont déjà eu lieu dans l’espèce humaine avec des résultats mitigés, non superposables à ceux obtenus chez l’animal. Néanmoins, dans l’espèce humaine, les cibles vaccinales les plus prometteuses à moyen terme restent la sousunité b de l’hCG chez la femme et le récepteur de la FSH à la surface des cellules de Sertoli chez l’homme [38–40]. L’identification d’autres antigènes spermatiques, comme ceux impliqués dans le chimiotactisme des spermatozoïdes ou ceux impliqués dans la fécondation, sont en cours d’étude [41]. En pratique, l’élaboration d’immuno-contraceptifs est confrontée à trois problèmes majeurs que sont :  la mise au point de méthodes à la fois efficaces et réversibles ;  la grande variabilité inter-individuelle des réponses vaccinales ;  l’élaboration de schémas vaccinaux qui restent encore beaucoup trop complexes et astreignants. L’immuno-contraception est donc une méthode d’avenir. . . probablement oui ! Mais pas encore celle d’un proche avenir. . .

Contraception thermique

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Autres approches moléculaires : lorsque la fiction dépasse la réalité. . . Les progrès conjoints de la biologie moléculaire et de la biologie de la reproduction permettent d’envisager de nouvelles cibles

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Afin d’assurer une spermatogenèse optimale, les testicules doivent se situer à une température légèrement inférieure à celle de la température corporelle (environ 34–35 8C). L’usage de la chaleur afin de réchauffer les testicules et de diminuer la

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Figure 1 Cibles potentielles de l’immuno-contraception FSH : Follicle-stimulating hormone ; GnRH : gonadotropin-releasing hormone ; hCG : human chorionic gonadotropin ; LH : Luteinizing hormone ; Ag : antigènes ; spz : spermatozoïde.

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en contraception masculine. Une meilleure connaissance de la structure moléculaire et de l’expression de ces cibles au sein des tissus cibles permettrait en théorie d’élaborer des molécules capables de bloquer certaines fonctions reproductrices capitales. Citons par exemple [5,42,43] : des inhibiteurs de la spermatogenèse comme les lonidamines, les canaux calciques du flagelle spermatique, les canaux potassiques des cellules épithéliales épididymaires, les aquaporines des cellules épithéliales épididymaires, déférentielles et des vésicules séminales, les adénylates cyclases spermatiques qui interviennent dans la régulation de la mobilité flagellaire, la réaction acrosomique et la pénétration de la zone pellucide, certaines enzymes cytoplasmiques intervenant dans le métabolisme énergétique des spermatozoïdes, certaines protéines de la famille ADAM ou encore les récepteurs membranaires de type olfactif à la surface des spermatozoïdes qui seraient impliqués dans l’attraction chimiotactique des spermatozoïdes vers les complexes cumulo-ovocytaires. . . Même si ces nouvelles stratégies contraceptives très modernes sont conceptuellement très intéressantes, elles ne relèvent encore en 2014 que de la science-fiction, mais il est envisageable d’espérer que d’ici

quelques années (voire décennies. . .), elles révolutionneront la contraception masculine.

Conclusion Il existe un large éventail de méthodes de contraception masculine qui ont été évaluées dans de nombreuses études mais leur fiabilité au long cours, leur faisabilité et leur acceptabilité restent insuffisamment développées. En Europe, le préservatif reste la méthode de contraception masculine la plus utilisée, bien qu’elle soit d’une efficacité variable. Le recours à la vasectomie reste encore très faible en France. Le développement et la commercialisation d’autres méthodes de contraception masculine dépendront essentiellement à l’avenir de l’évolution des mentalités. À ce propos, deux questions méritent d’être posées : les femmes sont-elles prêtes à partager le contrôle des naissances avec les hommes ? Les hommes sont-ils prêts à assumer cette fonction au sein du couple ? Les réponses à ces deux questions seront bien entendu variables selon l’origine géographique, socioculturelle et les croyances religieuses propres à chaque individu... Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Références

Mise au point

Fonction gonadique et reproduction masculine