Instabilité génomique et infertilité masculine

Instabilité génomique et infertilité masculine

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 32 (2004) 1013–1022 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/ Faits et arguments Instabilité génomique et infert...

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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 32 (2004) 1013–1022 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/

Faits et arguments

Instabilité génomique et infertilité masculine Genome instability and male infertility F. Vialard a,b,c, M. Benahmed c, R. Lombroso d, J. Selva a,b,c,* a

Laboratoire d’histologie, embryologie, cytogénétique, biologie de la reproduction et de génétique médicale (université de Versailles–Saint-Quentin), centre hospitalier Poissy-Saint-Germain, 10, rue du Champ-Gaillard, 78303 Poissy cedex, France b UFR biomédicale des Saints-Pères, 45, rue des Saints-Pères, 75006 Paris, France c Unité Inserm U407, faculté Lyon-Sud, 69000 Oullins, France d Service de gynécologie–obstétrique, centre hospitalier Poissy-Saint-Germain, 10, rue du Champ-Gaillard, 78303 Poissy, France Reçu le 14 janvier 2004 ; accepté le 8 octobre 2004 Disponible sur internet le 27 octobre 2004

Résumé La connaissance du génome humain a ouvert l’ère de la génomique. L’instabilité du génome, ses causes et les éventuelles répercussions sur la fertilité commencent à être comprises. Cette instabilité peut s’observer au niveau chromosomique mais également au niveau génique. Au niveau chromosomique il s’agit de différents types de remaniements comme les translocations et les délétions du chromosome Y. Le chromosome Y est d’ailleurs un modèle d’instabilité et cette instabilité est à la base de son évolution. Tous ces remaniements sont dus à des recombinaisons entre séquences homologues qui se font de manière illégitime. Au niveau génique on trouve les mutations ponctuelles et dynamiques, les polymorphismes et les anomalies épigénétiques. Toutes sont dues à des erreurs de réplication de l’ADN non réparées par la machinerie cellulaire. Cette machinerie est garante de l’intégrité de notre génome, et son échec induit la mort cellulaire programmée. La connaissance de tous ces mécanismes d’instabilité est essentielle, d’autant qu’avec le développement de techniques d’injection spermatique intracytoplasmique nous contournons des barrières physiologiques auparavant infranchissables sans pour autant avoir les connaissances fondamentales permettant d’évaluer a priori le véritable risque pour la descendance. Il s’agit donc d’un enjeu important non seulement pour les équipes de recherche mais également pour tous les centres d’Assistance Médicale à la Procréation (AMP). Il est clair que le génome est instable. Cette instabilité fait qu’il évolue de façon continuelle, mais elle est également source d’erreurs avec des conséquences pathologiques comme les infertilités, les retards mentaux ou bien d’autres pathologies. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Knowledge of the human genome has opened the genomic era. The genome instability, its causes and the possible consequences especially about fertility start to be understood. This instability can be observed on chromosome structure but also on genes. Different chromosomes rearrangements involved in infertility including translocations and Y chromosome deletions are described. The Y chromosome is a model of instability, and this instability is the source of its evolution. All those rearrangements are the results of illegitimate recombinations between homologous sequences. On genes we find punctual and dynamic mutations, polymorphisms and epigenetic abnormalities. They all are the results of ADN replication mistakes not corrected by the cellular machine. This machinery is the guardian of the genome integrity and in case of abnormality the programmed cellular death is induced. The knowledge of all these instability mechanisms is essential to appreciate the risk for the offspring after intracytoplasmic sperm injection. Indeed we go round physiological barriers without a complete understanding of the mechanisms involved. Thus, this is an important challenge for research teams but also for all assisted reproduction centers, dealing with ART. Genome is unstable – the very basis of its evolution. But this is also the cause of mistakes with pathological consequences like infertility and mental retardation. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Anomalies chromosomiques ; Mutation ; Chromosome Y ; Évolution ; Instabilité ; Génome Keywords: Chromosome abnormalities; Mutation; Y chromosome; Evolution; Instability; Genome

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Selva). 1297-9589/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gyobfe.2004.10.016

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1. Introduction Le séquençage du génome humain a ouvert l’ère de la génomique ou étude des génomes. Aujourd’hui de très nombreux génomes sont connus, celui de la levure de boulanger (Saccharomyces cerevisae) [1], de la souris (Mus musculus) [2], et bien sûr de l’homme (Homo sapiens sapiens) [3]. Le séquençage de ce dernier fut l’enjeu d’une compétition acharnée entre le consortium public mondial et une société privée (Celera) ce qui a permis d’obtenir beaucoup plus rapidement que prévu à l’origine la séquence du génome humain. La génomique est au fondement de l’étude du fonctionnement des génomes dans leur intégralité. Plusieurs questions se posent comme celle de l’abondance des séquences répétées non codantes représentant environ 99 % de notre génome. Ces séquences sont probablement à l’origine de notre évolution, car elles créent l’instabilité de notre génome. Cette instabilité est à l’origine des translocations, et plus largement des mutations, des polymorphismes. Ces aspects induisent des pathologies dont une des plus fréquentes est l’infertilité. Cette question de l’instabilité génomique en relation avec l’infertilité masculine est d’autant plus importante que, depuis le développement de l’ICSI (intra-cytoplasmic sperm injection), il est devenu possible à des hommes considérés auparavant comme stériles, sans aucune possibilité thérapeutique, d’avoir une descendance via l’ICSI. Si la cause de l’altération de la spermatogenèse est génétique, l’ICSI pourrait être parfois réalisée mais au risque d’augmenter celui de transmission d’anomalie génétique à cette même descendance. Un bilan génétique plus ou moins important, mais encore limité en comparaison de l’enjeu, doit donc être proposé en fonction de l’atteinte spermatique de manière à évaluer ce risque de transmission. Le bilan génétique classique comporte aujourd’hui la réalisation d’un caryotype associé, suivant les cas, à la recherche de microdélétions du chromosome Y et/ou des mutations du gène CFTR. Pour le reste il ne s’agit que de techniques de recherche non encore accessibles en routine et dont les indications restent à définir. Nous verrons donc dans cette revue les conséquences de ces instabilités sur la fonction reproductive masculine et leurs impacts. Nous distinguerons plusieurs types d’instabilité, les remaniements chromosomiques (translocations et inversions) et les délétions du chromosome Y, les mutations géniques, et enfin les anomalies de l’empreinte.

brés sont associés à un phénotype habituellement normal et on y trouve les translocations réciproques (échange de deux morceaux de chromosomes de deux paires différentes) (Fig. 1a), les inversions péri- ou paracentriques (remaniement intra-chromosomique) (Fig. 1b et 1c), et enfin de façon beaucoup plus anecdotique les insertions (Fig. 1d). Les remaniements déséquilibrés sont associés à la perte ou au gain d’un morceau de chromosome et sont donc, en général, associés à des syndromes très délétères conduisant à la naissance d’enfants polymalformés ou de morts fœtales in utero. On trouve les délétions (Fig. 1e), les duplications (Fig. 1f) et les translocations déséquilibrées. Nous aborderons dans ce paragraphe tout d’abord les aneuploïdies, puis les anomalies chromosomiques équilibrées, puis les anomalies déséquilibrées avec un point sur les délétions du chromosome Y.

2. Les anomalies chromosomiques Les instabilités génomiques les plus anciennement connues sont les remaniements chromosomiques. Outre les aneuploïdies on distingue deux grands types de remaniements, équilibrés et déséquilibrés. Les remaniements équili-

Fig. 1. Schéma d’obtention des différentes anomalies chromosomiques a. Translocations b. Inversion péricentrique c. Inversion paracentrique d. Insertion e. Délétion f. Duplication.

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2.1. Les aneuploïdies On distingue les aneuploïdies par gain d’un chromosome entier et celles qui résultent d’un remaniement de structure déséquilibré. Il ne s’agit pas vraiment ici d’instabilité génomique à proprement parler, mais plutôt d’erreur de ségrégation méiotique. Les deux syndromes les plus connus sont la trisomie 21 (47,XA,+21) et le syndrome de Klinefelter (47,XXY). La fréquence du premier est estimée à une naissance sur 700, le second concerne entre 1/500 à 1/1000 garçons [4] mais cette fréquence est difficile à estimer. Une des questions importantes est de comprendre comment la cellule peut supporter un chromosome supplémentaire. Le génome est donc non seulement instable de par la structure de ses chromosomes mais également dans sa faculté à générer des aneuploïdies. Si l’altération de la spermatogenèse allant le plus souvent jusqu’à l’azoospermie a très clairement été montrée chez les hommes 47,XXY, aucune étude de la fertilité des hommes trisomiques pour le chromosome 21 n’a été effectuée jusqu’à présent. Seuls quelques cas de paternité ont été rapportés, mais il semble qu’il y ait une diminution de la fertilité chez ces patients [5]. Néanmoins, il existe des cas de syndrome de Klinefelter où l’on retrouve des spermatozoïdes lors d’une biopsie testiculaire ou même dans l’éjaculat. Leur présence dans le testicule semble liée à celle de cellules normales 46,XY seules capables d’achever la spermatogenèse dans un environnement testiculaire très défavorable [6]. Le risque de malségrégation chromosomique pourra concerner non seulement la paire XY mais aussi les autosomes [7]. 2.2. Anomalies chromosomiques équilibrées La réalisation du caryotype des individus présentant un trouble de la fertilité est aujourd’hui couramment pratiquée. Les premières études du caryotype de populations d’hommes infertiles ont montré que la fréquence des anomalies chromosomiques était beaucoup plus importante dans ces populations que dans la population des enfants nouveau-nés [8,9]. Cette fréquence varie entre 2 et 20 % selon la population étudiée [10–14], et elle augmente avec la sévérité de l’atteinte spermatique, la numération étant le paramètre le plus prédictif d’un risque d’anomalie chromosomique. Pour schématiser, il semble que les anomalies numériques touchant les gonosomes entraînent le plus souvent des azoospermies, les anomalies équilibrées touchant plutôt les autosomes des oligospermies. Ces anomalies peuvent survenir de novo ou être héritées. Ceci montre qu’elles peuvent être compatibles avec une fertilité et ne sont le plus souvent que des facteurs de risque d’altération de la gamétogenèse. Le mécanisme exact par lequel l’anomalie chromosomique équilibrée peut induire l’échec de la gamétogenèse n’est pas encore complètement élucidé. Différentes hypothèses ont été émises et la plus vraisemblable est celle de l’interaction entre le quadrivalent et la vésicule sexuelle qui est la résultante de l’appariement

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entre les chromosomes X et Y par leurs régions dites pseudoautosomiques au niveau de leurs extrémités. Cette association a été démontrée par différentes études de la méiose dont celles de patients porteurs d’une translocation robertsonnienne [15–17]. Ces études montraient une interaction entre le quadrivalent, les chromosomes acrocentriques et la vésicule sexuelle, le tout proche du nucléole. Si le problème d’encombrement paraît évident, il semble néanmoins que ce soit plutôt une extension de l’inactivation précoce du chromosome X aux autosomes qui soit à l’origine de l’échec de la méiose. La présence de la vésicule sexuelle permet de plus d’expliquer la variation de l’effet délétère d’une translocation si l’on compare la méiose masculine et la méiose féminine. Certes, l’on retrouve fréquemment des remaniements chromosomiques dans la population de femmes infertiles, mais ces remaniements sont plus souvent à l’origine d’une hypofertilité ou de fausses couches spontanées que responsables d’une anovulation. Ces remaniements sont parfois de découverte fortuite lors du bilan de couple avant une injection spermatique intra cytoplasmique (ICSI) [18]. Enfin une autre explication pourrait être une perturbation des complexes synaptonémaux entre les homologues (asynapsis). En effet l’échec de la formation de ces complexes est délétère pour la spermatogenèse [19,20]. Comme pour les translocations la fréquence des inversions péricentriques est augmentée dans la population des hommes infertiles. Les inversions du chromosome 9 et du chromosome 1 ont fréquemment été rapportées mais le rôle de l’inversion du chromosome 9 reste très controversé puisqu’il est plutôt considéré comme un variant chromosomique. Des études de la méiose masculine ont également été réalisées et, dans ces situations, suggéraient un problème d’asynapsis (zone de non-appariement au stade pachytène de la première division de la méiose entre deux chromosomes d’une même paire) comme l’origine des troubles de la spermatogenèse [19,20]. Ces troubles peuvent d’ailleurs être majeurs et conduire à des azoospermies [21]. Pourquoi retrouve-t-on tant d’anomalies chromosomiques ? La réponse pourrait être que, dans notre espèce, les anomalies chromosomiques équilibrées sont un facteur important d’évolution. Chez les primates, on observe une variation du nombre de chromosomes. Le caryotype des singes dits supérieurs (chimpanzé, gorille, orang-outan) comporte 48 chromosomes, contre 46 pour l’espèce humaine. La différence se situe par la présence chez eux de deux paires de chromosomes acrocentriques (sans bras court), à la place d’une paire chromosomique ; ces paires ont fusionné pour former l’actuel chromosome deux humain [22,23]. Cette tendance des acrocentriques à fusionner se retrouve chez l’homme, l’exemple le plus parlant est la translocation robertsonnienne entre un chromosome 13 et un chromosome 14 qui est la translocation la plus fréquente dans la population humaine (0,1 % dans la population générale [24]). Une des questions essentielles est de comprendre la cause de ces remaniements. Une des réponses pourrait être la présence de régions répétées ou duplicons. Ces séquences dupli-

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Fig. 2. Différents types de recombinaison (entre chromosomes donc touchant les deux chromatides) ou conversion (entre chromatides) a. Mésappariement entre deux chromosomes issus de deux paires différentes aboutissant à une translocation b. Mésappariement entre deux chromosomes issus d’une même paire ou de deux chromatides aboutissant à une délétion sur l’un et à une duplication sur l’autre c. Mésappariement intra-chromosomique ou intra-chromatidien à l’origine d’une délétion d. Mésappariement intra-chromosomique ou intra-chromatidien à l’origine d’une inversion.

quées ont une homologie entre elles supérieure à 90 %. Elles peuvent être situées sur un même chromosome et être très proches ou bien être situées sur deux chromosomes différents. Elles sont à l’origine de désordres génomiques, issus d’une recombinaison résultant d’un mésappariement entre elles durant la méiose (Fig. 2) [25,26]. Un exemple de famille de gènes est celle des gènes des récepteurs olfactifs. Actuellement 388 gènes, potentiellement fonctionnels, ont été décrits ainsi que 414 pseudogènes (séquence ayant la structure d’un gène mais sans promoteurs de transcription) [27]. Cette famille est connue pour son rôle dans des anomalies récurrentes du génome [28]. Ces gènes sont présents sur tous les chromosomes à l’exception des chromosomes 20 et Y [29]. Ayant une grande homologie entre eux ils sont sources de recombinaisons qui peuvent aboutir à des translocations (Fig. 2a), des délétions / duplications (Fig. 2b), des délétions (Fig. 2c) et des inversions (Fig. 2d). Les patients porteurs de remaniement chromosomique présentent donc souvent une altération de la spermatogenèse et sont demandeurs d’Assistance Médicale à la Procréation. Une des questions pour ces patients pris en charge en AMP est d’évaluer le risque chromosomique pour le conceptus, lié à la présence d’un tel remaniement. Notre rôle est donc d’évaluer ce risque en effectuant une étude directe du contenu chromosomique des spermatozoïdes par hybridation in situ fluorescente (FISH). Ceci permet de connaître le mode de ségrégation de leur remaniement et d’évaluer le risque pour le conceptus [30,31]. Le conseil génétique et la conduite seront adaptés au pourcentage de spermatozoïdes équilibrés ou normaux.

2.3. Anomalies chromosomiques déséquilibrées et infertilité : les délétions Les délétions chromosomiques, mis à part celle du chromosome Y, sont en général associées à des syndromes malformatifs. Certains de ces syndromes sont associés à des problèmes de déterminisme de sexe et donc de stérilité. À titre d’exemple les délétions du bras court du chromosome 9 sont associées à des réversions dans le sens masculin féminin [32–35]. Une région critique a été décrite sur l’extrémité du bras court du chromosome 9 et dans cette région on trouve un gène candidat : DMRT1. Un cas particulier est représenté chez l’homme par les délétions du chromosome Y, où ici, seule la fertilité est altérée. L’observation de larges délétions du chromosome Y, visible sur un caryotype standard, chez des individus azoospermes a suggéré l’existence d’un facteur AZF (azoospsermic factor) sur le chromosome Y. Grâce à des sondes moléculaires la présence de microdélétions interstitielles sur le chromosomeY a pu être démontrée [36]. Avec l’utilisation de la PCR (polymerase chain reaction) la présence de trois régions impliquées dans ces remaniements AZFa, b et c a pu être démontrée [37]. La fréquence de ces délétions est, comme pour les translocations, d’autant plus importante que les caractères spermatiques et surtout la numération sont altérés. La fréquence des délétions varie entre 3 et 28 % [38–41] chez les oligospermes sévères et les azoospermes. Les délétions de AZFa sont associées à des défauts spermatiques plus graves mais ont une fréquence moins importante. Les délétions de AZF b et c peuvent également conduire à une azoospermie si la délétion est de grande taille [36].

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La fréquence anormalement élevée de ce type d’anomalie a pu être expliquée par la présence sur le bras long du chromosome Y de séquences répétées [42] qui seraient la conséquence durant l’évolution d’une spécialisation du chromosome Y vers la spermatogenèse [43]. Le chromosome Y échappe à la pression de la sélection naturelle puisqu’il n’est que peu soumis à la recombinaison. Il possède néanmoins des régions dites pseudo-autosomiques de petites tailles communes avec le chromosome X. Or des séquences étrangères, la plupart d’origine rétrovirale, s’insèrent parfois dans le génome. Elles ont la particularité de pouvoir se dupliquer par recombinaison intra-chromosomique (Fig. 2) et donc de multiplier leurs copies. Ces séquences sont naturellement éliminées durant la méiose non pas par la présence de recombinaison intra-chromosomique mais inter-chromosomique (les crossing-over) entre les paires de chromosomes homologues. Or sur le chromosome Y, en l’absence de recombinaison classique, les séquences rétrovirales peuvent donc s’accumuler et être par la suite susceptibles de recombinaison homologues intra-chromosomique et in fine aboutir à l’excision de certaines séquences. Ceci a été vérifié pour AZFa où la présence de deux séquences HERV15 de part et d’autre de ce locus est à l’origine des délétions par recombinaison [44]. Pour le chromosome X, la méiose féminine est garante de son intégrité, les deux chromosomes étant alors considérés comme des autosomes. Comme pour les patients atteints de translocation le problème de la transmission d’une anomalie génétique à la descendance est posé pour les délétions du chromosome Y mais dans le cas présent le risque de transmission est de 100 % pour la descendance masculine [45,46]. La découverte, chez des individus fertiles, de délétion du chromosome Y [47] nous amène à réfléchir sur l’avenir du chromosome Y et sur l’effet variable d’une délétion dans une même famille en raison de l’environnement génétique global du sujet. Historiquement, on estime à environ 300 millions d’années le temps qui nous sépare de l’apparition du chromosome Y à partir d’une paire d’autosomes [43,44]. Auparavant seule la température du milieu, durant le développement embryonnaire, déterminait le sexe du conceptus comme cela se produit actuellement chez les reptiles [48]. Chez les homéothermes (c’est-à-dire les animaux ayant une seule température corporelle constante) la température a cessé d’être le signal du déterminisme du sexe et les chromosomes sexuels ou gonosomes sont apparus probablement grâce à la différenciation du gène SRY à partir de son homologue SOX3, sur le chromosome X. Ceci a persisté chez les mammifères [49,50]. C’est la présence du gène SRY, qui est le signal d’initiation du déterminisme sexuel masculin. Il est aujourd’hui acquis que le chromosome Y est le vestige d’un chromosome X qui a ensuite dégénéré ou tout du moins évolué [43]. Il contient d’ailleurs encore des parties identiques au chromosome X au niveau des extrémités des deux bras, les régions dites pseudoautosomiques ; PAR1 sur le bras court (2,4Mb) et PAR2 sur le bras long (0,7Mb) [51,52]. Ces deux régions permettent l’appariement du chromosomeY et du chromosome X durant

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la méiose masculine pour constituer la vésicule sexuelle, où PAR1 sera le siège d’un crossing-over obligatoire [53–55]. Contrairement aux autres gènes du chromosome Y, les gènes des régions pseudo-autosomiques sont de constitution génique identique aux gènes des autosomes car ils sont présents à la fois sur l’Y et l’X. À la suite de l’apparition du gène SRY et de nombreux remaniements du chromosome Y, celui-ci s’est enrichi en gènes spécifiques de la spermatogenèse et parallèlement appauvri en gènes déjà présents sur le chromosome X. Cette disparition s’est probablement accompagnée d’une augmentation de l’expression de ces mêmes gènes sur le chromosome X, et d’une inhibition du deuxième chromosome X chez la femme : phénomène appelé l’inactivation du chromosome X [56–58]. Aujourd’hui chez l’homme le chromosome Y est donc constitué des deux régions dites pseudo-autosomiques et de la région anciennement appelée région non recombinante du chromosome Y, et maintenant MSY pour male specific Y chromosome [59]. Dans cette région on retrouve trois types de gènes : • classe 1 : expression ubiquitaire, présent en une seule copie et dont il existe un homologue actif sur le chromosome X : exemple : USP9Y / USP9X. • classe 2 : expression testiculaire uniquement, sans homologue sur le chromosome X, et présentant plusieurs copies sur l’Y : exemple : DAZ. • classe 3 : ne correspond ni à la classe 1, ni à la classe 2. Le plus connu de ces gènes est SRY déterminant testiculaire. Récemment une nouvelle classification des gènes a été proposée en fonction de leur origine et de leur évolution [42]. On retrouve donc les gènes transposés de l’X, les gènes dégénérés issus de l’X et enfin les gènes ampliconiques (gènes en multiples copies). 2.4. Un avenir pour le chromosome Y ? Dernièrement D.C. Page et son équipe [42,60] ont émis l’hypothèse que les séquences ampliconiques du chromosome Y (c’est-à-dire composées de deux bras de séquences identiques mais orientés en sens inverse) sont à l’origine des délétions (suite aux recombinaisons intra-chromosomiques) et donc à l’origine des échecs de spermatogenèse, mais également à l’origine de la préservation des gènes spécifiquement testiculaires. Les deux bras peuvent interagir et former une boucle qui est le lieu de recombinaison Y-Y. Grâce à ce phénomène de conversion génique, c’est-à-dire de recombinaison entre les deux chromatides du chromosome Y de multiples copies de ces gènes sont apparues. Il reste à définir le nombre de copies des gènes nécessaires à une spermatogenèse complète. D’ores et déjà on sait qu’il existe des délétions englobant 50 % de la région AZFc mais qui ne sont pas associées à une altération sévère de la spermatogenèse malgré une diminution du nombre de copies des gènes spécifiques testiculaires comme DAZ (deux copies sur quatre) [61–63] et qui ont pu conduire à une paternité.

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De plus, un lien semble exister entre aneuploïdie et délétion du chromosome Y et ceci en raison de l’instabilité de ce chromosome [64,65].

3. Les mutations Si les remaniements chromosomiques sont une des facettes de l’instabilité génomique, les mutations en constituent une autre. On peut distinguer deux types de mutations, les mutations ponctuelles et les mutations par expansion ou dynamiques. Les mutations peuvent modifier une protéine et ainsi modifier, atténuer ou plus fréquemment supprimer la fonction d’un gène. Par définition les enzymes permettant la réplication de l’ADN (mécanisme de duplication de l’ADN permettant ultérieurement la division cellulaire) sont à l’origine d’erreurs que l’on estime à une erreur de bases tous les dix millions d’enzymes. Il existe donc toute une machinerie moléculaire de réparation de ces erreurs, mais il est bien évident que toutes ces erreurs ne peuvent pas être corrigées et que les tissus ayant un fort potentiel de division sont les plus souvent atteints par ces mutations de novo ; les cellules germinales font partie de ces tissus hautement réplicatifs. Pour avoir une possibilité d’expansion la nouvelle cellule doit acquérir un potentiel de développement supérieur aux cellules environnantes sinon elle disparaît consécutivement à la pression de sélection. À l’échelle d’un organe cette acquisition de nouvelles fonctions peut se traduire par un cancer et l’on parle de mutations somatiques puisqu’elles ne peuvent être transmises aux générations ultérieures. Dans le tissu germinal la mutation peut se transmettre de novo à la génération suivante et on parle de mutations germinales. Puisque quelques cellules germinales seulement ont acquis cette mutation la probabilité de transmission à la génération ultérieure est faible et il faudra des millénaires pour que la pression de sélection puisse éventuellement favoriser cette mutation si son potentiel de développement est supérieur. 3.1. Mutation ponctuelle Dans le cas de l’infertilité l’exemple le plus connu est constitué par les mutations du gène CFTR, avec 1291 mutations différentes décrites fin 2003 [66]. Dans la population générale un individu sur 25 est hétérozygote pour une des mutations (DF508 étant de loin la plus fréquente des mutations dans la population générale). L’émergence d’une telle fréquence de mutations pour un gène dans la population générale n’est possible que si cela correspond à l’acquisition d’une fonction nouvelle par les individus hétérozygotes. Pour le gène CFTR il s’agit de l’acquisition d’un mécanisme de résistance à différentes bactéries pathogènes intestinales [67,68]. On distingue deux types de mutations du gène CFTR, les mutations majeures (ex : DF508) et les mutations mineures. L’association de deux mutations majeures entraîne

la mucoviscidose, l’association d’une mutation majeure et d’une mutation mineure entraîne un phénotype atténué comme la présence chez un individu masculin d’une atrésie des canaux déférents isolée [69]. Aujourd’hui la recherche systématique de mutations du gène CFTR est admise pour tous les patients atteints d’azoospermie ou d’oligospermie extrême d’origine excrétoire. C’est actuellement le seul gène faisant l’objet d’une recherche systématique dans le cadre de l’infertilité. 3.2. Les polymorphismes Les polymorphismes génétiques sont des variations d’une paire de base dans une séquence codante ou non mais n’entraînant pas de modification de la structure de la protéine. L’origine de ce polymorphisme est identique à celle des mutations si on considère qu’un polymorphisme est une mutation non pathologique. Leurs fréquences, en revanche, sont très différentes puisque si une mutation proprement dite est rarissime il n’en est pas de même pour un polymorphisme qui par définition est présent chez au moins 1 % des individus de la population générale. Certains de ces polymorphismes sont associés à une variation de l’expression du gène les incluant. Cette variation peut être soit positive soit négative, mais en aucun cas il ne peut y avoir une absence d’expression comme dans le cas des mutations ponctuelles. Le polymorphisme le plus connu est celui différenciant les métaboliseurs rapides des métaboliseurs lents de l’alcool [70]. Certains polymorphismes ont déjà été étudiés dans le cadre de l’infertilité [71–73], et montrent des résultats très encourageants. Une des perspectives de recherche dans le domaine de l’infertilité masculine sera probablement l’étude des polymorphismes de tous les gènes intervenant dans la spermatogenèse. Ceci permettrait de déterminer des facteurs prédictifs d’infertilité comme cela est déjà proposé pour de nombreuses pathologies telles que les maladies cardiovasculaires. 3.3. Mutation dynamique Une autre source de mutations est liée aux erreurs de l’ADN transcriptase lors de la réplication d’une séquence répétée comme les microsatellites ou les triplets répétés. Il y a donc des erreurs de réplication de ces séquences entraînant des pathologies toutes dominantes. Les plus connues sont le syndrome de l’X fragile (associé à un retard mental chez l’homme) et la maladie de Steinert (ou dystrophie myotonique). Dans ces pathologies il existe trois types de patients : normaux, prémutés et mutés [74]. La différence entre ces trois groupes concerne le nombre de répétitions du triplet impliqué. Un sujet normal ne peut pas transmettre la pathologie car il ne possède que peu de répétitions et par conséquent l’ADN transcriptase ne fait pas ou peu d’erreurs. À l’inverse un individu prémuté, s’il n’est pas atteint, possède suffisamment de répétitions pour engendrer un dérapage de l’enzyme et donc transmettre la mutation à l’origine de la pathologie. Dans le cas de la maladie de Steinert, des troubles

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de la fertilité masculine ont été mis en évidence [75]. Une relation claire entre la ménopause précoce et l’état prémuté des femmes porteuses de la maladie de l’X fragile a été démontrée [76]. D’autres pathologies de ce type ont depuis été décrites et parmi elles de nombreuses pathologies neurodégénératives. Le gène du récepteur aux androgènes présente également une zone de répétition du triplet CAG dans l’exon un. Un faible nombre de répétitions est un facteur de risque pour développer un cancer de la prostate [77,78]. À l’opposé une augmentation du nombre des répétitions serait plutôt associée à un risque d’infertilité chez les hommes [79,80] mais ceci reste controversé [81].

tains patients [86–88]. Ceci, conjugué à l’observation chez les patients oligospermes d’une augmentation de la fréquence des cancers des testicules [89] permet de formuler l’hypothèse d’une dérégulation des mécanismes de contrôle de la mort cellulaire aboutissant chez certains individus à l’hypo-spermatogenèse idiopathique et ou à l’apparition d’un cancer. Cette hypothèse reste bien entendu à vérifier. Dans les années à venir, la recherche autour de ce sujet paraît essentielle. Il apparaît clair aujourd’hui que nous contournons avec l’ICSI des barrières physiologiques pour des pathologies que nous n’avons pas encore élucidées.

3.4. Épigénétique

4. Conclusion

Le dernier point à aborder dans cette revue est le moins connu actuellement mais il semble être à l’origine de très nombreuses pathologies. Il s’agit des mécanismes épigénétiques. Le génome est soumis à des mécanismes épigénétiques qui permettent de réguler l’expression des gènes sans en modifier la séquence. Un des mécanismes épigénétiques est la méthylation des doublets cytosine–guanine. La méthylation d’un gène provoque, en règle générale, son inactivation. Tous les phénomènes perturbant la méthylation sont donc potentiellement à l’origine de pathologies et les tissus les plus sensibles sont ceux qui ont un haut taux réplicatif comme les cellules germinales. On peut émettre l’hypothèse que des facteurs environnementaux comme des produits exogènes pourraient modifier cette méthylation dans les cellules germinales est donc modifier l’expression des gènes dans ces tissus. La question de la transmission ou non de ces modifications est posée. De plus on sait aujourd’hui que selon l’origine parentale un gène n’a pas la même empreinte et qu’il faut à la fois une contribution maternelle et une contribution paternelle pour obtenir un embryon normal. Une perturbation des mécanismes d’empreinte peut expliquer des échecs de développement embryonnaire ou des développements pathologiques. En outre, plusieurs publications ont récemment montré une augmentation de la fréquence des pathologies liées à l’empreinte chez les enfants issus d’AMP [82–84]. Si ceci se confirme, deux causes principales pourraient expliquer ce phénomène : un lien entre altération de la gamétogenèse et pathologie d’empreinte ou bien une altération des mécanismes épigénétiques lors des cultures de gamètes et d’embryons in vitro. Il s’agirait là d’un effet délétère des techniques d’AMP en elles-mêmes. De plus, des études effectuées sur le rat montrent de façon très explicite que dans certaines expositions médicamenteuses de la femelle gestante, l’hypo-spermatogenèse de la descendance mâle à l’âge adulte est due à une augmentation de l’apoptose (ou mort cellulaire programmée) lors de l’embryogenèse [85]. L’hypothèse serait une induction par les médicaments d’une modification épigénétique des gènes impliqués dans l’apoptose. Une proportion anormale de spermatozoïdes présentant un index de fragmentation nucléaire (spermatozoïdes à ADN fragmenté) a été observée chez cer-

L’instabilité génomique est source d’évolution. Une espèce qui n’a plus cette instabilité ne peut plus évoluer aussi vite que les autres. Cette instabilité se traduit dans l’espèce humaine par l’apparition de mutations ponctuelles ou dynamiques mais également de différents types de remaniements chromosomiques. Souvent ces modifications sont à l’origine d’impasse évolutive en provoquant soit l’apparition dans la descendance d’un phénotype anormal qui peut aller du syndrome polymalformatif à l’infertilité. Auparavant il n’y avait pas de descendance si la mutation conduisait à une infertilité. Le problème est différent aujourd’hui car d’une part de nombreux patients infertiles deviennent fertiles grâce aux techniques d’AMP et d’autre part des pathologies très délétères peuvent être associées à une vie prolongée. La connaissance du génome nous permettra très probablement de découvrir de nouveaux gènes impliqués dans les infertilités. Parmi ces pathologies bien connues émerge aujourd’hui un nouveau type de pathologie où ce n’est plus la séquence qui est touchée directement mais les systèmes de régulation par l’atteinte de l’empreinte génétique. De nombreuses molécules capables de modifier cette empreinte sont connues aujourd’hui. Elles perturbent l’expression du génome en modifiant par exemple la méthylation. L’identification de ces molécules et de ces mécanismes constitue un grand enjeu proposé à toutes les équipes travaillant sur l’infertilité. Enfin, l’infertilité peut être associée aux cancers puisque de nombreuses études ont déjà montré que l’augmentation du nombre d’hommes infertiles était corrélée à celle du nombre de cancers des testicules. Cette corrélation nous a conduits à poser la question des mécanismes régulant les infertilités et les cancers et des gènes mis en jeu. La part des oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeurs est connue dans la genèse des cancers. Il est donc crucial de progresser dans la compréhension des gènes mis en jeu dans la spermatogenèse et ses pathologies. Ceci permettra de vérifier que l’AMP ne conduit pas à transmettre à la descendance de ces hommes infertiles des mutations constitutionnelles de ces gènes et donc une prédisposition aux cancers. Enfin, et pour finir, si des mécanismes épigénétiques tels que la méthylation de l’ADN peuvent être modifiés dans les testicules par des produits exogènes on peut donc admettre

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que de tels traitements peuvent modifier les mécanismes de régulation de l’expression du génome et donc peut-être son intégrité si ces modifications sont transmises.

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