Contrôle du rythme sinusal – Cardioversion

Contrôle du rythme sinusal – Cardioversion

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S38–S41 Contrôle du rythme sinusal – Cardioversion Rhythm control – Cardioversion S. Boveda*, E. Ma...

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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S38–S41

Contrôle du rythme sinusal – Cardioversion Rhythm control – Cardioversion S. Boveda*, E. Marijon, A. Deplagne, P. Hausman, M. El Bayomi, S. Combes, N. Combes, A. Bortone, J.-P. Albenque Département de Rythmologie, Clinique Pasteur, 45, Avenue de Lombez, 31076 Toulouse cedex, France

Résumé Devant la découverte d’une fibrillation auriculaire persistante et symptomatique, une cardioversion pharmacologique sera débutée, avec une couverture anticoagulante efficace, en accord avec les recommandations récentes. En l’absence de retour en rythme sinusal, une cardioversion électrique pourra alors être effectuée. Après retour au rythme sinusal se posera la question du traitement anticoagulant et antiarythmique qui devront le plus souvent être poursuivis au long cours. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract In case of persistent and symptomatic atrial fibrillation, a pharmacological cardioversion under effective anticoagulation treatment may be performed according to current guidelines. In the absence of return to sinus rhythm, a Direct-Current cardioversion can be performed. After returning to sinus rhythm will arise the question of anticoagulation and antiarrhythmic drugs treatments that will be most often longterm pursued. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots Clés : Fibrillation auriculaire ; Cardioversion Pharmacologique ; Cardioversion Electrique Keywords: Atrial fibrillation; Pharmacological Cardioversion; Direct-Current cardioversion

1. Restaurer l’activité sinusale présente plusieurs avantages – La récupération de la systole atriale permet une amélioration hémodynamique significative. – La régularisation des cycles cardiaques apportera une amélioration des symptômes et de la qualité de vie des patients. – Enfin, plusieurs essais cliniques ont démontré que la Fibrillation Auriculaire (FA) était certes responsable d’une augmentation très significative du risque d’accident vasculaire cérébral (jusqu’à 7 fois plus par rapport aux patients en rythme sinusal), mais qu’il existait également une augmentation significative du risque de mortalité globale chez les patients en arythmie [1,2]. Ce dernier point, fondamental s’il en est, n’a toutefois pas été confirmé par l’analyse globale des essais comparant le contrôle du rythme sinusal et le contrôle de la fréquence cardiaque chez des patients en FA [3,4]. Cependant, des analy* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected]

© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ses ultérieures d’AFFIRM ont bien montré qu’en fait le maintien du rythme sinusal était associé à une meilleure survie [5]. Ce bénéfice pouvait toutefois être « gommé » par des effets secondaires délétères des antiarythmiques, principalement chez les patients âgés, pour lesquels l’indication de ce traitement n’était pas parfaitement choisie. Il paraît donc logique de privilégier une stratégie de contrôle de la fréquence cardiaque dans cette population de personnes âgées, si elles sont peu symptomatiques. À l’inverse, chez des patients jeunes, indemnes de cardiopathie, une stratégie de contrôle du rythme sinusal sera privilégiée. La décision de tenter une cardioversion doit ainsi être prise à la lumière de plusieurs facteurs : le type et la durée de la FA, la sévérité des symptômes, la cardiopathie associée, l’âge du patient et sa morbidité, les buts attendus à court et long terme du traitement ainsi que les options possibles au cas par cas, de traitements pharmacologiques ou non-pharmacologiques [6] (Fig. 1).

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FA persistante/récidivante

Pas ou peu de symptômes

Symptômes génants en FA

Anticoagulation + contrôle de la fréquence cardiaque

Anticoagulation + contrôle de la fréquence cardiaque

Antiarythmiques (cardioversion pharmaco.)

Cardioversion électrique (si besoin…)

Anticoagulants (CHADS2) + Antiarythmiques

FA récidivante mal tolérée : discuter ablation de FA…

Fig. 1. Algorithme décisionnel pour le prise en charge d’une fibrillation auriculaire persistante (adapté selon les recommandations ACC/AHA/ESC 2006 [6]).

Il existe deux types de cardioversion : – la Cardioversion Pharmacologique (CP) qui vise à rétablir le rythme sinusal par l’administration d’antiarythmiques ; – et la Cardioversion Electrique (CE). Ces deux modes de cardioversion sont simples à mettre en œuvre, en hospitalisation de jour. Quel que soit le type de cardioversion, le risque emboligène est présent et nécessite la stricte application des recommandations en matière d’anti-coagulation [6] (Tableau 1). Concernant la CP, le principal avantage réside dans le fait qu’elle peut être pratiquée sans anesthésie, toutefois, le risque pro-arythmique (Torsades de Pointes pour les antiarythmiques de classe III) est significatif, justifiant une surveillance stricte par monitoring ECG. La CP sera d’autant plus efficace que la FA sera récente et il est classiquement admis qu’elle sera peu efficace si cette arythmie évolue depuis plus de 7 jours. Les recommandations concernant la CP font appel en première intention à flécaïnide IV, dofetilide, propafenone, ibutilide IV, en l’absence de cardiopathie sous-jacente [6] (Tableau 2). Par ailleurs, la CP peut être basée sur la stratégie du “Pill-in-the-pocket” : dans une population sélectionnée de patients à faible risque présentant une FA récidivante, ce traitement est envisageable en toute sécurité, avec peu d’effets secondaires et une diminution significative des consultations et des hospitalisations [7]. Pour ce qui est de la CE, en dehors du fait qu’elle présente l’inconvénient de nécessiter une anesthésie générale, ce qui complique quelque peu sa mise œuvre, elle ne présente pas de risque pro-arythmique si elle est pratiquée en accord avec

les recommandations [6] (Tableau 3). Par ailleurs, son efficacité est supérieure à 90 % pour tous les types de FA [8], ce qui la rend plus efficace que la CP, en particulier pour les FA évoluant depuis plus de 7 jours. Le choc électrique interne, très en vogue dans les années 90, est pratiquement abandonné de nos jours au profit du choc externe, beaucoup plus

Tableau 1 Recommandations d’anti-coagulation préalable à une cardioversion pharmacologique ou électrique. Classe I (1) FA > 48 h (ou inconnue) : anti-coagulation (INR 2 à 3) 3 semaines au moins avant et 4 semaines après cardioversion (électrique ou pharmacologique) (Niveau d’évidenceþ: B) (2) FA > 48 h (ou inconnue) nécessitant une cardioversion immédiate pour mauvaise tolérance clinique : Héparine bolus + seringue électrique (TCA 1.5 à 2) + INR 2 à 3 pendant au moins 4 semaines (Niveau d’évidenceþ: C) (3) FA < 48 h nécessitant une cardioversion immédiate pour mauvaise tolérance : cardioversion immédiate sans anti-coagulation préalable (Niveau d’évidenceþ: C) Classe IIa (1) FA < 48 h : anticoagulation avant et après cardioversion basée sur le risque thromboembolique du patient (Niveau d’évidenceþ: C) (2) ETO possible comme alternative à l’anticoagulation avant cardioversion 2a. Si pas de thrombus : cardioversion possible (héparine + AVK à poursuivre 4 semaines au moins) 2b. Si thrombus : anticoagulation 3 semaines avant + 4 semaines après (INR 2 à 3) (3) Recommandations similaires pour le flutter atrial (Niveau d’évidenceþ: C)

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Tableau 2 Recommandations concernant la mise en œuvre d’une cardioversion pharmacologique (CP). Classe I : Flécaïnide IV, dofetilide, propafenone, ibutilide administrés en première intention, en l’absence de contre-indications (Niveau d’évidenceþ: A) Classe IIa : (1) amiodarone est une « option raisonnable » (Niveau d’évidence : A) (2) Un bolus oral de propafenone ou flécaïnide (‘pill-in-the-pocket’) peut être administré en dehors de l’hôpital, après avoir démontré son innocuité chez des patients sélectionnés hospitalisés. Un béta-bloquant devrait être administré préalablement afin d’éviter une conduction AV rapide en cas de survenue d’un flutter atrial (Niveau d’évidence : C) (3) L’administration d’amiodarone peut être envisagée chez des patients non-hospitalisés lorsqu’un rétablissement rapide du rythme sinusal n’est pas jugé nécessaire (Niveau d’évidence : C) Classe IIbþ: quinidine ou procainamide peuvent être considérés pour la régularisation pharmacologique d’une FA, mais l’utilité de ces molécules n’est pas bien établie (Niveau d’évidenceþ: C) Classe IIIþ: (1) Digoxine et sotalol peuvent être délétères lorsqu’ils sont utilisés pour la régularisation pharmacologique d’une FA et ils ne sont pas recommandés (Niveau d’évidenceþ: A) (2) Quinidine, procainamide, disopyramide, et dofetilide ne doivent pas être débutés en dehors de l’hôpital pour la régularisation d’une FA (Niveau d’évidenceþ: B)

Tableau 3 Recommandations concernant la mise en œuvre d’une cardioversion électrique (CE). Classe I (1) FA rapide, mal tolérée (angor, insuffisance cardiaque…), ne répondant pas au traitement pharmacologique, CE synchronisée sur l’onde R recommandée (Niveau d’évidence : C) (2) CE immédiate également recommandée en cas de FA sur pré-excitation avec mauvaise tolérance (Niveau d’évidence : B) (3) CE recommandée lorsque les symptômes sont insupportables pour le patient. En cas de récidive précoce après CE, de nouvelles tentatives pourront être effectuées après administrations d’antiarythmiques (Niveau d’évidence : C) Classe IIa (1) CE peut-être utile pour rétablir le rythme sinusal dans le cadre d’une prise en charge à long terme des patients en FA (Niveau d’évidence : B) (2) La préférence du patient doit être prise en compte en cas de CE répétées pour la prise en charge de FA symptomatiques et récidivantes (Niveau d’évidence : C) Classe III (1) Les CE répétées ne sont pas recommandées chez les patients ayant de courtes périodes de rythme sinusal après plusieurs régularisations, malgré le traitement antiarythmique (Niveau d’évidence : C) (2) CE sont contre-indiquées chez les patients ayant un surdosage digitalique ou une hypokaliémie (Niveau d’évidence : C)

simple à réaliser, pour un taux de succès similaire et un même nombre de récidives de FA au cours du suivi [9].

L’organisation d’une CE doit être rigoureuse et nécessite une consultation anesthésique préalable, un contrôle de la digoxinémie, du ionogramme (K+ ), de l’INR, du TCA. Pour être efficace, la CE nécessite une impédance basse. Pour cela, le diamètre des électrodes doit être compris entre 8 et 12 cm et du gel doit être appliqué afin d’améliorer l’interface avec la peau, d’où l’intérêt d’utiliser des électrodes adhésives gélifiées. Il faut essayer de diminuer le diamètre trans-thoracique, en particulier chez les obèses, en appliquant la CE en expiration ou avec une compression thoracique [8]. Les électrodes seront placées préférentiellement en position antéropostérieure (2 e et 3e espaces intercostaux droits/angle omoplate gauche), en évitant les vertèbres et le sternum, afin de limiter la dispersion de l’énergie délivrée [10]. Les défibrillateurs délivrant des chocs bipolaires seront préférés car ils ont démontré une plus grande efficacité pour régulariser la FA [7,11]. Si nécessaire, trois chocs bipolaires pourront être délivrés par séance : un premier choc à 100 J si le patient est de corpulence normale, puis d’énergie croissante jusqu’à 200 J au maximum. La CE devra impérativement être synchronisée à l’onde R de l’ECG de surface afin d’éviter tout effet pro-arythmique pouvant survenir si le choc électrique était malencontreusement délivré lors de la phase de repolarisation ventriculaire. Les complications potentielles de la CE comprennent un risque d’embolie si le patient est mal anticoagulé, la survenue d’une Fibrillation Ventriculaire (FV) si le choc est mal synchronisé sur l’onde R, ou s’il existe une hypokaliémie ou une surcharge digitalique (risque de FV réfractaire). Chez les patients porteurs d’une prothèse (stimulateur ou défibrillateur), la CE est possible en toute sécurité, toutefois, il existe un risque de déprogrammation : les électrodes doivent être placées à distance de la prothèse (préférentiellement en position antéropostérieure), l’appareil sera systématiquement interrogé après le choc électrique. 1.1. En pratique Devant la découverte d’une FA persistante et symptomatique, une CP sera débutée, avec une couverture anticoagulante efficace [6]. En l’absence de retour au rythme sinusal, une CE pourra alors être effectuée. Après retour au rythme sinusal se posera la question des traitements anticoagulants et antiarythmiques qui devront le plus souvent être poursuivis au long cours. Enfin, le taux important de récidives de FA après cardioversion pourra faire discuter chez certains patients l’opportunité d’un traitement radical par ablation dans un deuxième temps. Conflit d’intérêts : S. Boveda, E. Marijon, A. Deplagne, P. Hausman, M. El Bayomi, S. Combes, N. Combes, JP. Albenque : aucun conflits d’intérêts. A. Bortone : Essais cliniques : en qualité d’investigateur principal, coordonnateur ou expérimentateur prinicpal

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(Registre expresso (Atrial fibrillation) Biosense Webster) ; conférences : invitations en qualité d’intervenant (Biosense Webster) ; conférences : invitations en qualité d’auditeur (frais de déplacement et d’hébergement pris en charge par une entreprise) (Biosense Webster).

Références [1]

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