Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 52 (2003) 232–238 www.elsevier.com/locate/ancaan
Article original
Cardioversion électrique externe des troubles du rythme atriaux : critères prédictifs de succès External electrical cardioversion of atrial arrhythmias: predictors of a successful procedure O. Paziaud a,*, O. Piot b, J. Rousseau b, X. Copie b, T. Lavergne a, L. Guize a, J.Y. Le Heuzey a a
Cardiologie A, hôpital européen Georges-Pompidou, 20–40, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France b Centre cardiologique du nord, Saint-Denis, France Reçu le 16 décembre 2002 ; accepté le 13 juin 2003
Résumé But. – Par leur prévalence et leurs conséquences cliniques, les troubles des rythmes atriaux sont un véritable problème de santé publique. Leur prise en charge débute le plus souvent par une restauration du rythme sinusal. L’objectif de ce travail est d’évaluer, sur une population française, l’efficacité de la cardioversion par choc électrique externe des troubles rythmiques atriaux ainsi que les critères pertinents prédictifs du résultat. Matériel et méthodes. – Cette étude rétrospective a inclus 143 chocs électriques externes monophasiques antéropostérieurs réalisés chez 131 patients consécutifs. Résultats. – Le taux de retour en rythme sinusal a été de 91,2 %. Les critères prédictifs d’échec sont un index de masse corporelle élevé et une ancienneté importante du trouble du rythme. L’organisation sous forme de flutter atrial du trouble du rythme est un critère de succès. Ces résultats sont concordants avec ceux des principales études sur le sujet. Cette étude apporte un résultat original concernant le rôle de l’environnement pharmacologique non anti-arythmique du choc électrique externe : les résultats de la cardioversion sont significativement améliorés chez les patients traités par spironolactone (taux de retour en rythme sinusal : 100 vs 89 % en l’absence de ce traitement, p = 0,04). Conclusions. – Nos résultats sont en accord avec les facteurs prédictifs de succès habituellement reconnus dans la littérature, tout en apportant un nouvel élément de réflexion avec l’action favorable de la spironolactone. Il nécessite d’être confirmé par une étude prospective randomisée. © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Abstract Aim. – Supraventricular arrhythmia is a major public health problem because of its prevalence and clinical consequences. The first step of the treatment usually consists in restoring sinusal rhythm. The aim of this study is to evaluate results and predictive factors of success of electrical cardioversion. Methods. – We studied a series of 143 consecutive electric cardioversion preformed in 131 French patients. Results. – The rate of successful direct current cardioversion was 91.2%. Negative predictive factors are the height body mass index and the age of arrhythmia. Atrial flutter is a predictive factor of success. These results agree with published results. Our study highlights the interest of some nonantiarrhythmic drugs received by the patient during the period before the direct current cardioversion. Thus, a spironolactone treatment appears to be a new predictive factor of the success of electrical cardioversion (success in patients treated with spironolactone: 100% vs 89% without, P = 0.04). Conclusions. – Our results agree with usual predictive factors of the success of cardioversion. Nevertheless, a new approach is that of the positive effect of spironolactone on cardioversion. A prospective randomized study is necessary to confirm this result. © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (O. Paziaud). © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. doi:10.1016/S0003-3928(03)00089-1
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Mots clés : Choc électrique externe ; Fibrillation auriculaire ; Flutter auriculaire ; Spironolactone Keywords: Electrical cardioversion; Atrial fibrillation; Atrial flutter; Spironolactone
La prise en charge thérapeutique des troubles des rythmes atriaux (TRA) représente un véritable enjeu de santé publique. La prévalence de la fibrillation atriale (FA), du flutter atrial (Fl A) et de la tachycardie atriale (TA) est importante dans la population générale, de l’ordre de 0,5 %, augmentant avec l’âge pour atteindre 4 % au-delà de 60 ans [1]. La morbimortalité cardiovasculaire associée à ces troubles du rythme est clairement établie dans la population générale [2], chez les sujets âgés [3], chez les patients ayant une cardiopathie ischémique [4] ou une insuffisance cardiaque [5]. Leur prise en charge thérapeutique comporte, outre une prévention thrombo-embolique et un contrôle de la fréquence cardiaque, une tentative de restauration du rythme sinusal [6]. La cardioversion électrique externe (CEE) représente la technique la plus couramment utilisée pour réduire les TRA. Les critères prédictifs de son succès ont été déterminés dans plusieurs études, sur des populations diverses et à des périodes parfois anciennes [7–11]. L’objectif de ce travail est de déterminer la pertinence actuelle de ces critères sur une population française. 1. Matériels et méthodes 1.1. Population Cette étude rétrospective a inclus les 143 CEE consécutives réalisées à l’hôpital Broussais en 1999 pour réduction d’un TRA. Les patients ont eu à l’admission un examen clinique, un électrocardiogramme 12 dérivations (ECG), un bilan biologique (ionogramme sanguin, hémostase, NFS et bilan thyroïdien) et une échographie cardiaque, transthoracique et si nécessaire transœsophagienne (Éto). Les CEE ont été réalisées après s’être assuré de la vacuité de l’oreillette gauche, soit par réalisation d’une Éto, soit par une anticoagulation efficace supérieure à 3 semaines. 1.2. Matériels La technique de cardioversion électrique a été la même pour tous les patients : chocs monophasiques selon un axe antéroposterieur, synchrones du QRS. Le défibrillateur utilisé (Physio-control lifepack 9B) permet de délivrer une énergie de 10 à 360 J par l’intermédiaire de patchs autocollants (Zoll) de 12 cm de diamètre. Le protocole de défibrillation est le suivant : une CEE à 200 J, suivi en cas d’échec d’une CEE à 300 J puis de 2 CEE à 360 J. L’absence de retour en rythme sinusal à l’issu de ce protocole est considérée comme un échec de cardioversion. 1.3. Analyse statistique Les analyses univariées ont été réalisées par test du v2 en cas de variable qualitative (v2 modifié par la formule Yates pour les petits effectifs) et par un test de Student en cas de
variables quantitatives. Les analyses multivariées ont été réalisées par un test de régression logistique. Le seuil de significativité était de 0,05. 2. Résultats 2.1. Description de la population 2.1.1. Patients Cent quarante-trois CEE ont été réalisées chez 131 patients (certains patients ont eu plusieurs procédures de cardioversion durant cette période). La population est composée de 38 femmes (29 %) et 93 hommes (71 %) âgés en moyenne de 65,1 ± 13,5 ans (extrêmes : 34–88 ans). Une cardiopathie est retrouvée chez 101 des 131 patients soit 77 % de la population. Il s’agit de 27 cardiopathies valvulaires (dont 20 mitrales), 26 ischémiques, 19 hypertensives, 15 cardiomyopathies dilatées, 10 cardiopathies hypertrophiques et 4 cardiopathies mixtes, valvulaires et ischémiques. Des antécédents de chirurgie cardiaque sont présents chez 26 patients : 19 chirurgies de valve mitrale, 6 remplacements valvulaires aortiques et 4 revascularisations par pontages aortocoronaires. Le Tableau 1 présente les caractéristiques cliniques de la population en fonction du type de TRA. Trois paramètres sont significativement différents : chez les patients en Fl A, il existe une nette prévalence de la population masculine (p = 0,01), un taux de cardiopathie ischémique plus élevé (p = 0,03) et une durée du dernier épisode de TRA plus courte (p = 0,02) que chez les sujets en FA. Les données biologiques et échographiques sont présentées dans le Tableau 2. 2.1.2. Troubles rythmiques atriaux Lors de la cardioversion, le type de TRA est la FA chez 107 patients, le Fl A chez 33 et la TA chez 3. L’ancienneté de l’anamnèse des TRA est en moyenne de 3,80 ± 5,04 ans, allant de 2 j à plus 20 ans. Le nombre de CEE précédemment réalisées est en moyenne de 0,67 ± 0,98 avec un maximum de 5. Enfin, l’ancienneté du dernier épisode de TRA motivant la cardioversion est de 225 ± 556 j (extrêmes : 1 j–15 ans). 2.1.3. Traitements médicamenteux Les cardioversions ont été réalisées avec une anticoagulation efficace en majorité par traitement antivitamine K (131 cas), plus rarement sous héparine non fractionnée (12 cas). Le traitement antivitamine K avait une durée d’au moins 4 semaines avec INR entre 2 et 3 dans 115 cas et une Éto a été réalisée dans 28 cas (19,6 % des cas). Le Tableau 3 comporte les traitements médicamenteux cardiovasculaires que reçoivent les patients lors de leur hospitalisation. Les patients sont traités par un anti-arythmique (82,7 %), un ralentisseur de la fréquence cardiaque non digitalique (35,2 %) ou un digitalique arrêté 48 h avant la CEE (30 %).
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Tableau 1 Caractéristiques cliniques de la population selon le trouble rythmique (entre parenthèses, les pourcentages par rapport au nombre total de patients) Nombre patients Nombre de CEE ˆ ge (ans) A Rapport hommes/femmes Index de masse corporelle Cardiopathie sous-jacente Hypertensive Ischémique Valvulopathie mitrale Valvulopathie aortique Valvulopathie mitro-aortique Cardiomyopathie dilatée Cardiopathie hypertrophique Aucune Chirurgie cardiaque Ancienneté du dernier épisode de TRA (j) Fréquence cardiaque (bpm) Symptômes Dyspnée IVG Palpitations Angor Asthénie AVC
FA 96 107 64,3 ± 12,2 64/32 27,4 ± 5,8
Fl A 32 33 67,7 ± 11,9 29/3 25,8 ± 3,2
TA 3 3 57 ± 9,9 0/3 24 ± 4,9
14 (14,6) 16 (16,6) 15 (15,6) 4 (4,2) 4 (4,2) 12 (12,5) 8 (8,3) 37 (38,5) 18 (18,7) 262,2 ± 622
5 (15,6) 10 (31,2) 5 (15,6) 1 (3,1) 2 (6,2) 3 (9,3) 1 (3,1) 12 (37,5) 9 (28,1) 87,7 ± 176
0 0 0 0 1 0 1 1 0 492 ± 786
98,1 ± 84
103,8 ± 34
96,6 ± 32
44 (41,1) 18 (16,8) 27 (25,2) 6 (5,6) 5 (4,6) 0
13 (39,4) 4 (12,1) 7 (21,2) 6 (18,1) 2 (6,2) 1(3,1)
3 3 0 0 0 0
Tableau 2 Caractéristiques biologiques et échographiques de la population selon le trouble rythmique (entre parenthèses, les pourcentages par rapport au nombre total de cardioversions) Biologie TSH (mUI/l)) K+ (meq/l) CO2(meq/l) INR Échographie cardiaque OG (mm) DTDVG (mm) FEVG (%) HVG Éto pré-CEE
FA
Fl A
TA
2,2 ± 1,8 4,36 ± 0,34 27,9 ± 2,07 3,11 ± 0,96
1,9 ± 1 4,35 ± 0,34 28,2 ± 2,1 2,8 ± 0,76
6,6 ± 0,7 4,36 ± 0,51 28,3 ± 1,5 3,2 ± 0,3
47,3 ± 6,2 53 ± 6,6 59,3 ± 15,8 23 (23,9) 41 (38,3)
45,2 ± 6,8 54,2 ± 8,9 55 ± 13,5 6 (18,1) 14 (42,4)
48 ± 9,9 51 ± 2,8 62,5 ± 3,5 1 0
Tableau 3 Thérapeutique cardiovasculaire pré-CEE selon le trouble rythmique en cause (entre parenthèses, les pourcentages par rapport au nombre total de cardioversions) Amiodarone Anti-arythmique classe I Bêtabloquant Inh calcique bradycardisant Dihydropyridine Furosémide IEC Spironolactone Sotalol
FA 73 (68,2) 4 (3,7) 25 (23,3) 11 (10,2) 5 (4,6) 37 (34,5) 43 (40,2) 21 (19,6) 2 (1,8)
Fl A 23 (69,7) 4 (12,1) 9 (27,2) 2 (6) 2 (6) 11 (33,3) 12 (36,3) 4 (12,1) 1 (3)
TA 3 0 3 0 0 3 1 1 0
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Tableau 4 Comparaisons cliniques, échographiques et biologiques entre les groupes « succès » et « échec » de cardioversion (entre parenthèses, valeur en pourcentage de cardioversions) Nombre ˆ ge (ans) A IMC Type de TRA FA Flutter atrial TA Cardiopathie HTA Ischémique Mitrale Aortique CMD CMH Chirurgie cardiaque Échographie OG (mm) DTDVG (mm) FEVG (%) HVG Biologie TSH (mUI/l) K+ (meq/l) CO2 (meq/l) INR Début de la maladie rythmologique (années) Ancienneté du dernier épisode de TRA (j). Anesthésie (thiopental 1 %/propofol) Éto Durée d’hospitalisation (h)
Réussite 131 65,4 ± 10,2 26,5 ± 4,4
Échec 12 61,5 ± 12,3 32,1 ± 10,1
95 (88,7) 33 (100) 3 (100)
12 (11,3) 0 0
p = 0,02
18 (13,7) 26 19,8) 33 (25,2) 11 (8,4) 14 (10,7) 10 (7,6) 30 (22,9)
2 (16,6) 3 (25) 1 (8,3) 0 2 (16,6) 0 1 (8,3)
NS NS NS NS NS NS NS
46,5 ± 6,5 53 ± 7,3 58,8 ± 15,4 34 (25,9)
49,9 ± 2,96 56 ± 3,85 51,8 ± 10,9 2
NS NS NS NS
2,29 ± 1,8 4,35 ± 0,34 27,96 ± 2,08 3,08 ± 0,88 3,41 ± 2,2
1,7 ± 0,6 4,47 ± 0,37 28,72 ± 1,84 2,66 ± 1,09 5,33 ± 2,5
NS NS NS NS NS
199 ± 538
558 ± 700
p = 0,04
56/55 51 (38,9) 108 ± 160
5/5 5 (41,6) 144 ± 166
NS NS NS
NS p = 0,0004
Tableau 5 Comparaisons des traitements lors de la cardioversion entre les groupes « succès » et « échec » (entre parenthèses, valeur en pourcentage de cardioversions) Traitement lors du CEE Amiodarone Anti-arythmique classe I Bêtabloquant Inh calcique bradycardisant Dihydropiridine Furosémide IEC Spironolactone Sotalol
Réussite
Échec
Taux de cardioversion (%)
89 (73,5) 7 (5,7) 32 (26,4) 11 (9,1) 6 (4,9) 49 (40,5) 53 (43,8) 26 (21,4) 3 (2 ,5)
9 (75) 0 5 (41,6) 2 (16,6) 2 (16,6) 1 (8,3) 3 (25) 0 0
90,8 100 86,4 84,6 75 98 94,6 100 100
2.2. Résultats de la cardioversion électrique externe Le retour en rythme sinusal a été obtenu par 131 des 143 CEE (91,2 % de succès). Aucune complication thromboembolique ou rythmique ventriculaire n’a été observée lors de l’hospitalisation. Pour déterminer les facteurs de succès de la CEE, les patients ont été répartis dans un groupe « succès » et un groupe « échec » ; les données de ces
NS NS NS NS NS NS NS p = 0,04 NS
2 groupes ont été comparées selon une analyse multivariée, sauf en cas de groupe nul ou l’analyse a été univariée (Fl A et traitement par spironolactone). Les paramètres cliniques, biologiques et échographiques sont présentés dans le Tableau 4, les traitements utilisés dans le Tableau 5. Quatre éléments sont discriminants entre les 2 groupes : • l’index de masse corporelle (IMC), plus bas dans le groupe « succès » (p = 0,004) ;
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• le type de TRA, avec du Fl A plus fréquemment dans le groupe « succès » (p = 0,02) ; • la durée du dernier épisode de TRA, plus courte dans le groupe « succès » (p = 0,04) ; • le traitement par spironolactone, plus fréquemment reçu dans le groupe « succès » (p = 0,04). 3. Discussion Il existe un nombre important d’études sur la CEE des TRA, datant pour la plupart de la fin des années 1960 avec l’avènement de cette technique et des années 1990 avec des tentatives d’amélioration de celle-ci. Notre population est comparable aux séries récentes en termes d’âge moyen, sexratio, IMC, rapport FA/Fl A ainsi que dans la répartition des facteurs de risques cardiovasculaires. La répartition des cardiopathies sous-jacentes est conforme à celle des études européennes avec une majorité de cardiopathies valvulaires. Le taux de cardioversion de notre série est de 91,2 %. Ce résultat est comparable à ceux publiés (taux de cardioversion entre 67 et 93 % [7–12]). 3.1. Critères prédictifs de succès 3.1.1. Index de masse corporelle Un IMC augmenté est associé à un taux de cardioversion plus faible dans la quasi-totalité des études. L’augmentation de l’impédance transthoracique (ITT) en cas d’IMC augmenté, réduit la quantité de courant qui traverse le myocarde atrial [13] et limite ainsi le résultat de la cardioversion. Kerber et al. [14] ont étudié chez 44 patients l’influence du poids et du périmètre thoracique sur l’ITT. Il existe une corrélation significative entre le poids (p < 0,05), le périmètre thoracique (p < 0,01) et l’ITT. 3.1.2. Ancienneté du trouble rythmique Un épisode rythmique atrial prolongé compromet constamment la réussite de la cardioversion dans la littérature [7,11,12,15–17], ainsi que dans notre série (p = 0,04). De même, le taux de cardioversion est significativement différent selon que le TRA est inférieur ou supérieur à 6 mois (95/70 %, p < 0,05). Ce résultat est la conséquence des modifications électrophysiologiques et morphologiques induites par le TRA, définissant le remodelage atrial [18]. Celui-ci évolue selon Allessie en 4 phases [19] : métabolique (en quelques heures), électrique (jours), structurale (semaines) avec le développement de fibrose atriale et anatomique. Ces phénomènes plaident pour une cardioversion précoce des TRA. 3.1.3. Organisation du trouble du rythme Nous avons retrouvé que l’organisation du trouble du rythme sous forme de Fl A augmente le taux de cardioversion (p < 0,02). Ce résultat est retrouvé dans l’ensemble des études incluant des Fl A dans leur population. Parmi les travaux récents, Van Gelder et al. ont retrouvé pour 191 FA et
55 Fl A, un taux de cardioversion de respectivement 70 et 96 % (p < 0,02) [20], alors que l’étude ACUTE [20] incluant 753 FA et 41 Fl A retrouve un taux de cardioversion respectivement de 78,8 et 95,1 % (p = 0,01). 3.1.4. Autres paramètres Le diamètre atrial gauche. Ce paramètre n’est pas discriminant dans de nombreuses études [7,11,16,21–24] tout comme dans notre série. Seuls 2 auteurs rapportent une limitation de l’efficacité avec l’augmentation du diamètre atrial [22,25]. Notre étude nous incite à ne pas faire de la dilatation atriale gauche isolée un critère d’exclusion des tentatives de cardioversion, du moins jusqu’à 60 mm qui est le diamètre maximal observé dans notre série. En effet, dans notre série comme dans la plupart des études sur le sujet les patients dont l’oreillette gauche est supérieure à 60 mm ne sont pas inclus. Enfin l’âge n’a été retrouvé comme facteur discriminant que dans une seule étude [11]. 3.1.5. Action des différents traitements anti-arythmiques L’effet de la plupart des anti-arythmiques a été testé sur la CEE dans de petites séries, rarement randomisées. L’effet des classes Ic est contradictoire, avec le plus souvent une augmentation du seuil de défibrillation et l’absence d’effet clair sur la cardioversion. Les classes II et IV n’ont pas d’effet sur la cardioversion. Seul l’amiodarone a permis d’améliorer les résultats de la cardioversion lors de la plupart des études. Ce résultat s’observe notamment en cas de FA rebelle à une première tentative de cardioversion [26], le mécanisme étant en partie attribué à une diminution du seuil de défibrillation. Les différents anti-arythmiques n’ont pas d’effet sur le CEE dans notre série. Ces résultats s’expliquent probablement par leur prévalence dans notre population. L’amiodarone est très largement prescrite (73 % de la population) contrairement aux anti-arythmiques de classe Ic (6 %) et au sotalol (2,2 %). 3.1.6. La spironolactone Dans notre série, le taux de succès de la CEE est significativement plus élevé chez les patients traités par un antagoniste de l’aldostérone, la spironolactone. Il n’y a pas d’effet des autres thérapeutiques cardiovasculaires non antiarythmiques sur le résultat de la cardioversion. Il n’existe pas de données comparables dans la littérature, mais aucune étude n’a jusque-là porté sur l’effet des traitements non anti-arythmique sur le résultat de la CEE. Il existe en revanche plusieurs arguments, essentiellement expérimentaux, en faveur de ce résultat. En cas de TRA, il existe un hyperaldostéronisme relatif qui disparaît après retour en rythme sinusal [27]. Les conséquences de cet hyperaldostéronisme sont métaboliques, hémodynamiques et structurales. Au plan métabolique, l’augmentation de l’aldostérone s’accompagne d’une diminution des concentrations plasmatiques et cellulaires en potassium et magnésium. Ces modifications favorisent l’émergence de TRA. Leur correction per-
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met d’augmenter la longueur d’onde des réentrées atriales [28], favorisant la cardioversion. Au plan hémodynamique, le rôle du stretch atrial est déterminant. La rétention hydrosodée secondaire à l’hyperaldostéronisme augmente le stretch atrial et provoque l’activation de canaux spécifiques, non sélectifs, les SACs. L’ouverture de ces canaux accroît la vulnérabilité atriale par l’intermédiaire d’une diminution des périodes réfractaires. Bode et al. [29] ont ainsi démontré sur un modèle expérimental, que la durée de FA induite par un burst atrial est d’autant plus prolongée que la pression atriale est élevée. Chez l’homme, Akyurek et al. [17] ont étudié l’effet de cette pression atriale sur le résultat de la CEE. Chez 40 patients, une mesure sanglante de la pression atriale gauche a été réalisée avant cardioversion. Les auteurs ont retrouvé une étroite relation entre l’élévation de la pression atriale et l’échec de la CEE. Des modifications hémodynamiques telles que l’élévation des pressions atriales, droite ou gauche, peuvent être inhibées par la spironolactone dès la dose de 25 mg/j [30]. Au plan structural, le remodelage atrial induit par le TRA peut provoquer le développement d’une fibrose atriale isolant les myocytes les uns des autres et limitant l’efficacité de la cardioversion. Zannad et al. [31], en reprenant la population de l’étude Rales, ont montré qu’un traitement par spironolactone pendant 6 mois permet de diminuer la synthèse de procollagène de type I et III, précurseur de la fibrose. Cette diminution du turn-over de la matrice extracellulaire pourrait améliorer le résultat de la CEE, en cas de traitement au long cours.
Remerciements Ce travail a reçu le prix Abbott 2002 de la Société française de cardiologie.
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4. Limites Les principales limites de cette étude sont liées à son caractère rétrospectif et non randomisé. L’absence de protocole de cardioversion préalablement établi ne permet pas d’évaluer avec précision les seuils de défibrillation. Le traitement n’est pas randomisé.
5. Conclusions Cette étude sur 143 cardioversions consécutives confirme l’efficacité de la cardioversion électrique externe des TRA. Nos résultats sont en accord avec les facteurs prédictifs de succès habituellement reconnus dans la littérature, tout en apportant un nouvel élément de réflexion. Ainsi, la surcharge pondérale et l’ancienneté du TRA limitent l’efficacité de la CEE, alors que la présence d’un flutter atrial l’augmente. Nous avons de plus observé que les patients traités par spironolactone ont présenté un taux de cardioversion plus élevé. Il existe de nombreuses données, essentiellement expérimentales, qui sont en faveur de ce résultat. Il nécessite cependant d’être confirmé par une étude prospective et randomisée.
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