Corticoïdes et éducation thérapeutique : expérience d’un service de médecine interne

Corticoïdes et éducation thérapeutique : expérience d’un service de médecine interne

La Revue de médecine interne 34 (2013) 287–292 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mise au point Corticoïdes et éducation thérapeutique ...

1MB Sizes 0 Downloads 28 Views

La Revue de médecine interne 34 (2013) 287–292

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Mise au point

Corticoïdes et éducation thérapeutique : expérience d’un service de médecine interne Corticosteroid therapy and therapeutic education: Experience of an internal medicine department A. Simon a,∗ , A.-M. Ané b , A. Afroun c a

Service de médecine interne, hôpital Pitié-Salpétrière, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France Direction des soins, hôpital Pitié-Salpétrière, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France c Service de Pharmacie, Hôpital Pitié-Salpétrière, Groupe hospitalier Pitié Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le 14 janvier 2013 Mots clés : Éducation thérapeutique Glucocorticoïdes Évaluation des pratiques professionnelles Équipe pluridisciplinaire

r é s u m é Une analyse des besoins des patients traités par corticothérapie prolongée a été réalisée dans notre service de médecine interne en 2003. Elle a favorisé l’harmonisation de nos pratiques médicales et la mise en place d’un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) centré sur les glucocorticoïdes. Ce programme a été défini par l’équipe pluridisciplinaire d’ETP et mis en œuvre par les trois membres de la coordination selon trois axes : au sein de l’équipe d’ETP, au sein du service et au sein du pôle. Le programme est développé dans une approche individuelle en séances mais aussi collective en atelier. Cette prise en charge en ETP, centrée sur l’autonomie du patient et l’amélioration de la qualité des soins, bénéficie par répercussion à tous les patients. Cette approche globale a été partagée par tous les professionnels du service. Les échanges que l’ETP a favorisés au sein de l’équipe de professionnels ont enrichi l’expérience et l’expertise de chacun, permettant ainsi une meilleure connaissance des patients et améliorant la satisfaction de ces derniers et des professionnels dans leur travail quotidien en étant « source de motivation ». © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).

a b s t r a c t Keywords: Therapeutic education Glucocorticoids Professional practice evaluation

In 2003, we sought to determine what were the needs of patients prescribed with long-term glucocorticoid therapy in our internal medicine department. Following this inventory, we decided to homogenize the medical practices regarding glucocorticoid prescriptions in our institution. We also set up a therapeutic educational program focused on these prescriptions. This program is based both on individual and collective sessions. Its aims are to improve patients’ autonomy regarding the glucocorticoid therapy and to improve the quality of care. This program has widely favored discussions within the medical team and has contributed to enrich experience and expertise of each of its member. We believe it has improved both the satisfaction of the patients and the medical staff. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine interne (SNFMI).

1. Introduction En médecine interne, une corticothérapie prolongée est fréquemment prescrite dans le cadre notamment de pathologies auto-immunes ou inflammatoires [1]. Le service dans lequel nous développons le programme d’éducation thérapeutique des patients

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Simon).

(ETP) autour des corticoïdes est un centre de référence pour les maladies musculaires inflammatoires. Si les corticoïdes sont une thérapeutique très efficace notamment dans ces indications, ils sont également pourvoyeurs d’effets secondaires fréquents pouvant entraîner surmortalité et surmorbidité. Ces effets secondaires sont fréquents, connus et appréhendés par les patients mais souvent sous-estimés par les praticiens [2–4]. Ils peuvent pourtant avoir une incidence sur la prise en charge médicale et sur l’adhésion du patient au traitement [5]. C’est pourquoi nous avons souhaité réfléchir à une prise en charge spécifique en ETP

0248-8663/$ – see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2012.12.010

288

A. Simon et al. / La Revue de médecine interne 34 (2013) 287–292

recevant une corticothérapie prolongée. Cette démarche, inscrite dans le projet de service, s’assure du développement de compétences chez ces patients, incluant pour d’Ivernois et Gagnayre [6] « l’intelligibilité de soi et de sa maladie, l’auto-observation, l’auto-soin, le raisonnement et la décision, ainsi que les relations à l’entourage et l’utilisation correcte du système de santé », dans le but d’atteindre une meilleure autogestion de la maladie et la capacité de participer aux soins, de négocier avec les soignants et de faire des choix éclairés ; l’objectif ultime étant l’accès à une meilleure qualité de vie par une meilleure auto-efficacité psychosociale [7]. L’ETP a été déclarée comme priorité nationale dans la loi hôpital patient santé territoire (HPST) [8,9].

2.1. Objectifs du programme d’éducation thérapeutique des patients Les objectifs du programme sont : • d’améliorer la qualité de vie des patients recevant une corticothérapie prolongée ; • d’améliorer l’observance des patients traités ; • de permettre aux patients une meilleure gestion des effets secondaires du traitement ; • de développer des stratégies pour prévenir ces effets secondaires et ; • de mettre en place si besoin des stratégies de prise en charge des problèmes psycho-socio-affectifs [10].

2. Élaboration du programme 2.2. Identification des acteurs et leurs rôles En 2003, une étude a été réalisée dans deux services de médecine interne portant sur les connaissances des patients recevant une corticothérapie prolongée per os, définie par une posologie supérieure ou égale à 0,5 mg/kg par jour d’équivalent prednisone pour une durée supérieure ou égale à trois mois. Un auto-questionnaire remis aux patients avait pour objectif d’appréhender leur niveau d’information concernant la corticothérapie, les effets secondaires induits et le niveau d’implication dans leur prévention (équilibre alimentaire, prise des traitements adjuvants, etc.). Quatre-vingtdix patients étaient inclus (âge moyen : 55 ans, femmes : 70 %). Près de 80 % des patients étaient touchés par au moins une complication de la corticothérapie prolongée dont 23 % un syndrome de Cushing et 19 % des troubles neuropsychologiques. Soixante-dix pourcent des patients déclaraient avoir eu une information sur la corticothérapie avant sa mise en route mais seulement 64 % des patients citaient spontanément au moins un effet secondaire, 19 % d’entre eux citant des effets qui n’étaient pas en relation avec une corticothérapie prolongée. En plus des besoins en ETP, cette enquête a également mis en évidence des pratiques médicales très diverses concernant par exemple les prescriptions de corticoïdes, leurs modalités de décroissance ou les mesures adjuvantes prescrites. Nous avons donc décidé dans un premier temps de réfléchir à un consensus concernant la prise en charge des patients recevant une corticothérapie prolongée (Tableau 1). Nous avons dans un deuxième temps proposé un programme d’ETP.

L’équipe d’ETP est composée d’un médecin, d’un cadre de santé, d’un pharmacien, d’infirmières, de diététiciennes, d’un rééducateur et d’un médiateur de santé publique. La majorité de ces membres est formée à l’ETP (minimum 40 heures). Le rôle et les modalités d’intervention de chacun auprès des patients ont été déterminés en équipe. Le médecin s’assure de la compréhension du patient de sa pathologie (Que comprend-il de ce qui lui arrive ? Comment le vit-il ?), explique la mise en route de la corticothérapie, les contraintes liées à ce traitement, les effets secondaires et encourage le patient à partager ses difficultés avec l’équipe pour limiter d’éventuelles interruptions brutales du traitement. Il explique le déroulement de la prise en charge médicale et de soins (dont l’ETP) et, avec son accord, adresse le patient en ETP et le présente à l’équipe. Au moment de la prise de contact l’éducateur infirmier complète le diagnostic éducatif en explorant les connaissances, les représentations et les croyances concernant la maladie et les traitements, mais aussi ses obstacles, ses motivations, les relations avec son entourage, son projet de vie, etc. La diététicienne, quant à elle, approfondit avec le patient ses représentations liées à l’alimentation, ses connaissances, et ses habitudes et comportements alimentaires. Le pharmacien aborde avec le patient toute la thérapeutique (corticoïdes et traitements associés), les connaissances, le vécu des contraintes et les appréhensions. Le rééducateur évalue les potentialités physiques et cognitives du patient. Le

Tableau 1 Prise en charge des patients recevant une corticothérapie systémique prolongée. j0 Examen cliniquea Recherche de foyers infectieux Sérologies : VIH, VHC, VHB Bilan biologique standardb Bilan phosphocalcique Dosage de la vitamine D, 25OHD3 Glycémie Hémoglobine glyquéec Numération des CD4 Ostéodensitométrie ECG, écho-cœur ; doppler vaisseaux du coud ETP IDEe ETP diététiciennee ETP pharmacien

j2

j4

X X X X X X X X X X X X X X

X

ETP : éducation thérapeutique des patients. a Examen clinique : poids, pression artérielle. b Bilan biologique standard : NFS, ionogramme sanguin. c Si antécédent personnel ou familial de diabète. d Âge supérieur à 50 ans ou supérieur à trois facteurs de risque. e Suivi à adapter si prise de poids.

X

j15

M1

M2

M3

M4

M5

M6

M9

M12

X X

X

X

X

X

X

X

X

X

X X

X

X

X

X

X

X

X

X X

X

X

X X X

X

X X

X X X

X

X X X X X

A. Simon et al. / La Revue de médecine interne 34 (2013) 287–292

médiateur de santé publique aide le patient et l’équipe à la compréhension de situations particulières rencontrées notamment chez des patients de culture différente. Chacun de ces professionnels de santé identifie les stratégies d’apprentissages des patients et élabore un programme d’ETP personnalisé au regard des objectifs fixés avec chaque patient. Une évaluation régulière des connaissances et des compétences des patients est réalisée par chaque professionnel afin de mieux appréhender leur apprentissage et de progresser ainsi sur les objectifs négociés avec eux.

289

élaborées à partir des critères de la HAS, adaptées et validées par l’équipe [11]. Un protocole d’évaluation de l’impact de l’ETP est en cours d’élaboration et de mise en œuvre. Il sera développé auprès des patients et des professionnels à partir de plusieurs domaines : clinique, biologique, pédagogique et psychosocial, planifié régulièrement pour rendre compte de l’évolution et du dynamisme du programme en répondant aussi aux attentes de l’ARS. Ce protocole tient compte du phénomène de « corticophobie » exploré chez nos patients dans le cadre d’un travail de recherche de master à l’université de Genève [12].

2.3. Outils pédagogiques 2.7. Coordination Notre programme d’ETP s’est enrichi d’outils pédagogiques type cartes symptômes, questionnaires, plan de prise et planning thérapeutique ainsi qu’une ronde de décision en cours de finalisation. Des supports pédagogiques, type « fiches conseils » sont remis aux patients (Fig. 1). Tous ces supports concourent à faciliter l’apprentissage et l’évaluation des compétences acquises par les patients. Le dossier d’ETP, également élaboré par l’équipe, rassemble tous ces documents. 2.4. Patients concernés Le programme d’ETP est proposé à tout patient débutant une corticothérapie prolongée ou développant des effets secondaires cliniques, quelle que soit la durée du traitement. Le handicap, les douleurs ou la dépression induits par la pathologie, le stade de la maladie, mais aussi la représentation que les patients ont des corticoïdes ou de leur maladie ont un impact sur leur vie quotidienne, familiale, professionnelle et sociale. Ces répercussions conditionnent leur participation à la démarche de soin. Nous considérons le patient comme une personne, entourée de proches, ayant une personnalité, des appréhensions et une vie antérieure à la maladie où la notion de bonne santé était la référence. Or, la maladie et sa chronicité les propulsent dans l’incertitude. Préoccupés par ces différentes dimensions, nous cherchons comment rencontrer les patients dans leur univers afin de mieux les accompagner, de comprendre leur souffrance, d’accueillir leurs croyances, de repérer leurs difficultés et soutenir leurs choix de santé. L’ETP favorise ainsi le questionnement pour accroître les connaissances des patients et renforcer leur pouvoir qu’ils ont sur leur santé (savoir-faire, autoefficacité, etc.). 2.5. Déroulement du programme Notre programme propose une moyenne de cinq séances individuelles dont le nombre peut varier en fonction des objectifs spécifiques des patients. Des ateliers collectifs mensuels sont proposés sur les thèmes de l’activité physique et de l’équilibre alimentaire. Ils débutent par une évaluation (connaissances et pratiques) suivie d’une mise en situation. L’entourage des patients peut être associé à certaines séances. 2.6. Évaluation du programme Une évaluation de notre programme d’ETP est engagée depuis quelques années et elle s’est enrichie avec les exigences de la loi HPST. L’évaluation quantitative mise en place suit les indicateurs suivants : nombre de patients suivis, de séances, taux de participation des patients, données sociodémographiques, modalités de prise en charge (hospitalisation traditionnelle ou ambulatoire) et les « perdus de vue ». Une évaluation de la satisfaction des patients a été réalisée en 2010 sous forme d’un entretien collectif avec des patients. Une évaluation de la qualité de la prise en charge éducative a été mise en place depuis 2011 : cinq dossiers éducatifs et deux séances par éducateur par an sont évalués à l’aide de grilles

La coordination du programme est assurée par le médecin, le cadre de santé et la pharmacienne selon trois axes • le programme et les acteurs du programme d’ETP ; • la déclinaison du programme au sein du pôle et ; • le pilotage au sein du service et de l’établissement. Une réunion mensuelle est organisée avec l’équipe des éducateurs. Elle est dédiée, soit à la coordination organisationnelle (planification des rendez-vous des patients, disponibilité des locaux, planning des éducateurs, modalités de lien avec la ville, etc.), soit à la coordination pédagogique (techniques d’entretien, d’animation, élaboration du dossier d’ETP, d’outils, d’évaluation et d’évolution du programme et de la PEC éducatifs, etc.). Ces réunions sont animées selon des principes de pédagogie participative. Les animations sont variées et tentent d’être transposables par les éducateurs avec les patients. Une réunion mensuelle de supervision avec une psychanalyste où les éducateurs se réunissent dans un espace d’expression libre à l’image d’un groupe BALINT est organisée depuis 2004. Ce groupe, initié suite aux questionnements de l’équipe sur ses pratiques en ETP et les difficultés rencontrées, favorise ainsi l’analyse réflexive des participants sur leurs pratiques. Le rôle du superviseur consiste à donner, accueillir et contenir la parole. Il favorise l’expression de la problématique par cette parole et permet la prise de conscience des conflits, générateurs de gênes. Depuis 2011, la prise en charge des patients traités par corticothérapie prolongée s’est organisée de manière transversale au sein du pôle : un dossier d’ETP a été créé ainsi que des ateliers collectifs communs animés à tour de rôle par les éducateurs de chaque service. Dans le service, un staff pluriprofessionnel trimestriel est organisé avec les médecins référents, les infirmiers éducateurs, les cadres de santé, le psychiatre, la diététicienne, le pharmacien et le médiateur de santé. À cette occasion, sont présentés les patients dont la prise en charge en ETP pose problème : contexte personnel, évolution de la maladie et du traitement, priorités d’apprentissage, etc. Ces staffs permettent également de résoudre d’éventuelles difficultés organisationnelles. Pour une cohérence du programme au sein des activités du service, un comité de pilotage s’est constitué, composé du chef de service, de l’équipe de coordination, d’un représentant associatif et d’un médecin de santé publique. Il se réunit actuellement une fois par an avec pour mission de définir la politique d’ETP du service dans un but d’efficience et de recherche, en lien avec la politique d’ETP institutionnelle. 2.8. Le bilan de 2011 Dans notre service, la file active de patients recevant une corticothérapie prolongée est de 125 à 130. En 2011, 113 séances d’ETP ont été réalisées pour 62 patients, dont 58 patients débutant une prise en charge ETP. Chaque patient a assisté en moyenne à deux séances, ce constat mettant en évidence des difficultés de suivi,

290

A. Simon et al. / La Revue de médecine interne 34 (2013) 287–292

Fig. 1. Exemples d’outils pédagogiques mis à disposition des patients.

A. Simon et al. / La Revue de médecine interne 34 (2013) 287–292

notamment en raison de l’éloignement géographique des patients. La majorité des séances d’ETP était couplée avec un rendez-vous médical (80 %, n = 90). Seulement quatre séances ont été annulées. Les patients pris en charge étaient autant des hommes (n = 28) que des femmes (n = 32), un tiers était âgé de plus de 60 ans (37 %). Un quart des patients avait des difficultés de compréhension du franc¸ais (durée de la séance augmentée, parfois avec un interprète). En ce qui concerne les séances collectives d’ETP : 11 ateliers ont été réalisés sur l’année ; deux à trois patients étaient présents en moyenne par atelier. Les évaluations réalisées ont mis en évidence une satisfaction globale des éducateurs et des patients pour la prise en charge individuelle. En revanche, les éducateurs ont évoqué des difficultés de recrutement et d’organisation des ateliers, notamment pour les personnes hospitalisées. L’évaluation des dossiers a mis en valeur une bonne organisation et structuration des dossiers d’ETP, un diagnostic éducatif et une synthèse bien renseignée. L’évaluation des séances d’ETP (six dont deux collectives et quatre individuelles) a mis en valeur une prise en charge centrée sur le patient, un respect des principes d’apprentissage (travail centré sur les objectifs du patient) ainsi qu’une valorisation des compétences du patient. Les points à améliorer concernent les synthèses des séances individuelles et l’organisation des ateliers (absence de dossiers, manque de clarté sur le déroulement).

3. Discussion L’harmonisation des pratiques menée initialement dans notre service a permis une homogénéisation et une amélioration de la qualité des soins des patients traités par corticothérapie prolongée. L’évaluation du processus du programme d’ETP est un moment essentiel de formation continue des intervenants, l’occasion de maintenir une dynamique d’évolution du programme et des pratiques de l’équipe dans la prise en charge médicale et de soins. L’impact bénéfique de la prise en charge en ETP a été démontré dans d’autres pathologies notamment dans l’insuffisance cardiaque [13,14] sur les hospitalisations et la mortalité. Cela a conduit la société européenne de cardiologie à faire une recommandation de type 1A pour la prise en charge en ETP dans l’insuffisance cardiaque. En ce qui nous concerne, nous souhaiterions démontrer l’impact de cette ETP par des critères clinico-biologiques et psychosociaux lors de notre prochaine évaluation. Le programme mis en place depuis 2004 est opérationnel et a apporté des bénéfices aux patients. Les objectifs semblent être adaptés au développement des compétences à acquérir pour les patients dans le domaine des connaissances mais aussi dans le domaine psychosocial. Cette prise en charge professionnelle mise en place dans une approche nouvelle de la relation soignant-soigné, contribue à développer la qualité du lien thérapeutique dont on connaît l’impact sur la santé au cours des maladies chroniques [15]. L’ETP favorise l’implication du patient en reconnaissant son expertise dans le vécu de la maladie. L’ETP donne aussi aux patients un espace pour parler de leurs attentes, de leurs difficultés ; pour exprimer et faire reconnaître par les soignants leur perception des effets secondaires des traitements, un besoin clairement revendiqué par les patients [13,15]. Notre expérience est actuellement bien affirmée dans la prise en charge individuelle. La prise en charge collective doit être développée pour accroître l’accessibilité des patients mais aussi pour faire bénéficier les patients de la richesse du groupe : interactivité créative est source de motivation. Par ailleurs, l’accès des patients ne parlant pas et/ou ne sachant pas lire le franc¸ais est possible par la présence d’un interprète : séances complexes mais envisageables.

291

Afin de favoriser encore l’accessibilité pour tous, nous avons mis en place une médiation en santé pour un public d’Afrique subsaharienne. Nous pensons que cette médiation est indispensable pour mieux comprendre certaines représentations de la maladie et des traitements différentes culturellement et éloignées du domaine médical. L’impact de l’ETP sur l’équipe du service est notable. Le fonctionnement en pluridisciplinarité et en pluriconfessionnalité favorise les échanges autour des patients, améliorant la connaissance du patient dans tous ses aspects. Chaque professionnel peut faire partager sa vision du patient aux autres professionnels et leur dévoiler ainsi un autre aspect du patient pour mieux le comprendre. Cela facilite le suivi médical, surtout dans le cas de patients difficiles. Le suivi relève le plus souvent « d’un ordre négocié » [16] et la qualité des soins est ainsi améliorée. Ces échanges entre professionnels modifient également les relations au sein de l’équipe. La reconnaissance de l’expertise des éducateurs renforce leur confiance en eux en ETP mais également des professionnels entre eux. Les échanges d’expérience développent implicitement une posture plus éducative de tous les autres professionnels. La prise en charge en ETP a eu un impact sur nos pratiques en tant que professionnels de santé. La capacité d’écoute du patient et de ses différents points de vue développée en ETP ne se limite plus à ce seul cadre. Tous, patients et soignants en bénéficient. L’analyse de nos pratiques menée en équipe lors de la supervision a renforcé notre confiance en nous, par la mise en valeur des compétences professionnelles que nous avions mais aussi par la révélation de nouvelles compétences relationnelles et pédagogiques développées au cours de l’ETP. Cette capacité à acquérir ces nouvelles compétences après plusieurs années de pratiques est valorisante et motivante. La confiance acquise par les éducateurs en eux-mêmes et en l’équipe de coordination, favorise des échanges de qualité sur la prise en charge des patients mais aussi dans le travail quotidien des infirmières : autonomie, implications dans les projets, propositions constructives et créativité. Il permet de fait une meilleure éthique de la prise en charge avec un meilleur accueil de l’autre, de ses différences et de ses différents points de vue. Il contribue donc à une amélioration et une cohérence des pratiques dans l’équipe. Nos positions de coordinateurs de programme d’ETP et de managers ainsi facilitées nous permettent d’oser des animations innovantes lors de réunion de travail. Si l’ETP favorise le travail d’équipe, la pluridisciplinarité n’est pas acquise. Malgré les bonnes volontés des différents professionnels, les échanges restent encore insuffisants. L’explicitation des rôles de chacun dans l’ETP doit être poursuivie mais ne suffit pas. Les formations ainsi que les réflexions communes doivent être encouragées pour mieux partager et travailler ensemble.

4. Conclusion L’analyse des besoins des patients traités par corticothérapie prolongée a favorisé l’harmonisation des pratiques médicales au sein du service et la mise en place du programme ETP Corticoïdes. Cette prise en charge en ETP a bénéficié à tous les patients grâce à la dynamique d’échanges et de travail instaurée au sein de l’équipe des professionnels. Les échanges ainsi suscités ont enrichi l’expérience et l’expertise de chacun, véritable source de satisfaction et de motivation.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

292

A. Simon et al. / La Revue de médecine interne 34 (2013) 287–292

Références [1] Fardet L, Petersen I, Nazareth I. Description des prescriptions de corticothérapies orales en population générale. Rev Med Interne 2011;32: 594–9. [2] Zerah L, Arena C, Morin AS, Blanchon T, Cabane J, Fardet L. Le ressenti des patients vis-à-vis d’une corticothérapie orale prolongée influence l’adhérence déclarée à ce traitement. Rev Med Interne 2012;33:300–4. [3] Fardet L, Flahault A, Kettaneh A, Tiev KP, Généreau T, Tolédano C, et al. Corticosteroid-induced clinical adverse events: frequency, risk factors and patient’s opinion. Br J Dermatol 2007;157:142–8. [4] Fardet L, Blanchon T, Perdodoncini-Roux A, kettaneh A, Tiev K, Turbelin C, et al. Perception par les médecins internistes de la fréquence et de la gêne induite par les effets indésirables d’une corticothérapie systémique prolongée. Rev Med Interne 2009;30:113–8. [5] Arena C, Morin AS, Blanchon T, Hanslik T, Cabane J, Dupuy A, et al. Impact of glucocorticoid-induced adverse events on adherence in patients receiving long-term systemic glucocorticoid therapy. Br J Dermatol 2010;163: 847–53. [6] d’Ivernois JF, Gagnayre R. « Mettre en œuvre l’éducation thérapeutique », ADSP, no 36, septembre 2001. [7] d’Ivernois JF, Gagnayre R. Apprendre à éduquer le patient. 3e éd. Paris: Maloine; 2008.

[8] Loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (1). [9] Saout C, Chiche L. Les internistes et l’éducation thérapeutique du patient. Rev Med Interne 2012;33:646–9. [10] Haute Autorité de santé, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques : guide méthodologique. Saint-Denis: Haute Autorité de santé; 2008. [11] Haute Autorité de santé, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé auto-évaluation annuelle d’un programme d’ETP. Guide pour les coordonnateurs et les équipes mars 2012. [12] Afroun A. Corticophobie. Mémoire de master 2012 [à paraître]. [13] Roccaforte R, Demers C, Baldassadre F. Effectiveness of comprehensive disease management programmes in improving clinical outcomes in heart failure patients. A meta-analysis. Eur J Heart Fail 2005;7:1133–44. [14] Gonseth J, Gullar P, Banegas J. The effectiveness of disease management programmes in reducing hospital readmissions in older patients with heart failure. Eur Heart J 2004;25:1570–95. [15] Dreuil D. Prendre soin de l’attente dans la maladie chronique. Educ Patient Enjeux Sante 2008;26(4):98–105. [16] La Trame de la Négociation, Sociologie qualitative et interactionnisme, Anselm L Strauss, textes réunis et présentés par Isabelle Baszanger. In: Sciences sociales et santé, 1992;10, n◦ 4, 1992. pp. 154–157.