Dabigatran : données pharmaco-cliniques

Dabigatran : données pharmaco-cliniques

Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) S8–S14 Dabigatran : données pharmaco-cliniques Dabigatran: clinical pharmacology P. Misme...

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Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) S8–S14

Dabigatran : données pharmaco-cliniques Dabigatran: clinical pharmacology P. Mismetti1,*, S. Laporte2 1 Groupe de Recherche sur la Thrombose : EA 3065, CIE3, CHU de Saint-Étienne, Université Jean Monnet, 42 055 Saint-Étienne, France Unité de Recherche Clinique, de l’innovation et de Pharmacologie, CHU de Saint-Étienne, Université Jean Monnet, 42 055 Saint-Étienne, France

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Résumé Le dabigatran (Pradaxa®), administrable par voie orale, inhibe directement et sélectivement la thrombine. Les principales caractéristiques pharmacocinétiques du dabigatran sont une biodisponibilité d’environ 7,5 %, une concentration maximale obtenue en 0,5 à 2 heures, une demi-vie d’élimination terminale de 7 à 17 heures, une élimination rénale pour 80 % sous forme inchangée et sous forme glucuroconjuguée pour 20 %. Les principales sources de variabilité sont la fonction rénale, la motilité gastrique notamment en période post-opératoire immédiate et en cas d’association avec l’amiodarone. En conséquence, ce produit peut être administré oralement en 1 ou 2 prises quotidiennes, sans surveillance biologique ni ajustement posologique et est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale et hépatique sévère. Deux études de phase II avec 2 287 patients ont été réalisées dans la prévention de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) après chirurgie orthopédique majeure montrant que les posologies de 150 et 220 mg x 1 fois par jour semblaient être la dose optimale à tester en phase 3. Une étude de phase II pour la prévention des complications thromboemboliques sur fibrillation auriculaire (FA) a été réalisée avec 502 patients montrant que la posologie optimale à tester en phase III semblait être 110 ou 150 mg x 2 / jour. Aucun signal de toxicité hépatique grave n’a été noté dans ces études de phase II. À partir de cette étude dans la FA, la posologie de 150 mg x 2 / j est en cours d’évaluation dans le traitement de la MTEV. À ce stade du développement, il n’existe pas de signal de toxicité hépatique grave. © 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : dabigatran ; Fibrillation auriculaire ; Thrombose veineuse ; Chirurgie orthopédique ; Pharmacologie clinique ; Étude de dose

Summary dabigatran (Pradaxa®) is a new oral, direct, selective and reversible inhibitor of the factor IIa of the coagulation cascade. The main pharmacokinetic characteristics of dabigatran are a bioavailability of approximately 7.5%, a maximum concentration obtained in 0.5 to 2 hours, a terminal half-life of elimination of 7 to 17 hours, a renal way of elimination, 80% as unchanged form and 20% as glucuronide conjugate. The main sources of variability are the renal function, the gastric motility, especially during the early post-operative period and a potential interaction with amiodarone. This compound can be orally administrated, once or twice daily, without any biological monitoring and without any need for dose adjustment. There is a contra-indication in case of severe renal or liver insufficiency. Two phases II with 2287 patients were carried out to for venous thromboembolic (VTE) prophylaxis after major orthopaedic surgery, showing that 150 mg and 220 mg once daily could be the optimal dose regimen to assess in phase III. One phase II with 502 patients vas carried out for the prevention of thromboembolic complications of atrial fibrillation (AF) showing that 110 mg or 150 mg twice daily could be the optimal dose regimen to evaluate in the following phases 3. From this study in AF patients, a dose regimen of 150 mg bid has been chosen to be evaluated for the treatment of VTE. No strong signal for a potential liver toxicity was shown during these studies. © 2009. Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: dabigatran; Atrial fibrillation; Venous thromboembolism; Orthopaedic surgery; Clinical pharmacology; Dose-ranging

*Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (P. Mismetti) © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Le dabigatran est un nouvel inhibiteur direct, sélectif et réversible du facteur II activé de la coagulation ou thrombine. Conséquence de sa petite taille, le dabigatran peut inhiber la thrombine (facteur II de la coagulation) libre ou liée au thrombus [1]. Du fait d’une très forte lipophilie, le dabigatran ne peut être administré en l’état par voie orale. À l’inverse, sous la forme d’une prodrogue, le dabigatran étexilate, une administration per os est possible. Le dabigatran étexilate (Pradaxa®) a été largement évalué chez l’homme avec plusieurs études de phase 1 chez des volontaires sains jeunes ou âgés, chez des insuffisants hépatiques et rénaux et dans 4 études de phase 2 de recherche de dose : r Deux études en chirurgie orthopédique majeure, études BISTRO I [2] et BISTRO II [3] avec 2 287 patients ; r Une étude dans la prévention des événements thromboemboliques dans la fibrillation auriculaire non rhumatismale (FANR), étude PETRO [4] avec 502 patients ; r et une étude de dose dans le syndrome coronarien aigu, étude RE-DEEM avec 1 800 patients (http://clinicaltrials.gov). Nous présentons ici une synthèse des données pharmacocliniques utiles à la prescription et aux modalités de suivi de cette molécule. Nous décrirons également le rationnel et le degré de confiance qu’on peut attendre quant au choix de la dose optimale à évaluer en phase 3 dans : r la prévention de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) en chirurgie orthopédique majeure (RE-MODEL, RE-MOBILIZE, RE-NOVATE) [5-7] ; r dans le traitement de la MTEV (programme RE-COVER 1 et 2, RE-MEDY et RE-SONATE) ; r dans la FANR (programme RE-LY) ; r dans la pathologie coronaire (RE-PLY 1 et 2) (http://clinicaltrials.gov).

1. Données pharmacocinétiques en phase 1 et 2 Chez le volontaire sain, les principales caractéristiques pharmacocinétiques du dabigatran sont les suivantes [8] : r biodisponibilité : ~ 7,5 % ; r temps pour atteindre la concentration maximale : 0,5 à 2 heures ; r demi-vie terminale d’élimination : 8 à 17 heures ; r élimination mixte, rénale sous forme inchangée : ~ 80 % ; r rénale après glucuroconjugaison : ~ 20 %. r pharmacocinétique linéaire, dose-dépendante et prévisible, sans effet de premier passage jusqu’à des posologies de 400 mg x 3/jour, doses bien supérieures aux schémas validés en orthopédie ou utilisées dans les différentes phases III en cours de réalisation [10]. Les paramètres pharmacocinétiques du dabigatran ne sont pas modifiés par une administration en une ou 2 prises par jour.

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La faible biodisponibilité de ce produit nécessite de prescrire des posologies importantes. Cependant la variabilité de cette biodisponibilité est modérée (< 40 %) et n’apparaît pas affectée de façon cliniquement significative par les conditions de prise alimentaire. Si la coprescription de médicaments modifiant la motilité gastrique, notamment les inhibiteurs de la pompe à protons affectent de façon significative les paramètres pharmacocinétiques du dabigatran, les modifications observées ne semblent pas avoir de conséquences cliniques et ne justifient pas de précautions particulières [10]. À ce jour, en dehors de l’insuffisance rénale et hépatique sévère, la seule condition physiopathologique nécessitant des précautions d’emploi concerne le premier jour postopératoire en chirurgie orthopédique majeure où l’absorption et l’élimination du dabigatran sont plus faibles que lors des jours suivants, aboutissants à une exposition plus importante lors de ce premier jour pour des doses identiques. Cette accumulation semble être la résultante de modifications de la vidange gastrique due à la chirurgie et aux drogues anesthésiques comme les opioïdes [10]. En pratique cet effet explique que la première dose postopératoire soit réduite de moitié par rapport aux posologies recommandées à partir du 2e jour postopératoire [5-7]. L’élimination rénale et l’accumulation potentielle observée chez l’insuffisant rénal, justifie une contre-indication chez l’insuffisant rénale sévère. Il existe en effet, par rapport à une fonction rénale normale, un ratio d’accumulation de 1,4 en cas d’insuffisance rénale légère, 1,8 en cas d’insuffisance rénale modérée et 2,4 en cas d’insuffisance rénale sévère [8]. Ainsi, en chirurgie orthopédique majeure, une étude de pharmacocinétique par approche de population (4 064 prélèvements chez 287 malades) a montré une diminution de la clairance du dabigatran de 11 % à chaque diminution de 10 ml/mn de la clairance de la créatinine estimée selon la formule de Cockcroft et Gault [10]. Le métabolisme hépatique partiel correspond à une glucuroconjugaison aboutissant à des métabolites actifs. L’insuffisance hépatique ne modifie pas de manière significative les propriétés pharmacocinétiques du dabigatran [11]. Ce métabolisme hépatique ne passe pas par la voie des cytochromes (CYP450) et notamment du 3A4 ou du 2C9. Il n’y a donc pas d’interaction médicamenteuse significative à envisager à partir de ces voies métaboliques. Concernant l’absorption du dabigatran, il pourrait exister des interactions avec le système transporteur impliquant la P-gp même s’il n’existe pas d’interaction avec la digoxine, un des substrats de la P-GP. Cependant, une interaction avec l’amiodarone (métabolisée par le CYP450 2C9, 2D6, 3A4 et inhibiteur de la P-gp) résulte en une augmentation de l’aire TPVTMBDPVSCFFUEV$."9EVEBCJHBUSBOSFTQFDUJWFNFOU de 50 et 60 % (Résumé des Caractéristiques du produit, http://www.emea.europa.eu). Cette interaction entraîne des précautions d’emploi pour la prophylaxie de la MTEV en chirurgie orthopédique majeure, et par analogie la prudence

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est conseillée en cas d’association aux inhibiteurs (la quinidine qui est même contre-indiquée en association avec le dabigatran, la clarithromycine, le verapamil) et inducteurs (rifampicine et millepertuis) puissants de la P-gp. De ces caractéristiques obtenues en phase 1, on peut conclure que le dabigatran étexilate : r peut être administré par voie orale ; r peut être prescrit en 1 ou 2 prises par jour sans risque d’accumulation ; r peut être prescrit avec un schéma posologique simple et à dose fixe en raison d’une variabilité faible [9-11] en dehors de l’insuffisance rénale et hépatique sévère ; r a des propriétés pharmacocinétiques non affectées significativement par les conditions de prise alimentaire ; r nécessite une réduction de moitié de la première dose postopératoire en chirurgie orthopédique majeure en raison d’une modification de l’absorption et de l’élimination du dabigatran durant le 1er jour postopératoire par rapport aux jours suivants ; r ne présente pas à ce jour de d’interaction médicamenteuse majeure en dehors de l’amiodarone (réduction de dose) et de la quinidine (contre-indication). Les études de phase III et post-AMM permettront bien évidemment de confirmer ces données. Cependant, ces données pharmacocinétiques sont observées sur des populations sélectionnées (volontaires sains ou patients de phase 2) et devront être confirmées sur des populations moins restrictives (phase 3) et dans les conditions de pratique de soins courants (phase 4).

2. Données pharmacodynamiques en phase 1 et 2 Le dabigatran est un inhibiteur direct, sélectif et réversible de la thrombine. Il existe une corrélation significative entre les concentrations en dabigatran et : r le temps de céphaline avec activateur (TCA) avec une corrélation exponentielle et donc un effet plateau ; r le temps d’ecarine (ECT) avec une corrélation linéaire [9, 10, 12]) ; r l’INR avec une corrélation linéaire [12] ; r le temps de thrombine [12]. Ainsi l’effet maximal est observé 2 heures après ingestion et il persiste environ 50 % de l’effet maximal 12 heures après ingestion [10]. L’observation de concentrations plus élevées en dabigatran lors du 1er jour postopératoire est confirmée par une prolongation plus importante du TCA et de l’ECT pour une même dose en postopératoire immédiat par rapport aux administrations suivantes [10]. Ce phénomène justifie une réduction de moitié de la première dose postopératoire [5-7]. La relation pharmacocinétique-pharmacodynamique plus directe avec le temps d’ecarine qu’avec le temps de céphaline avec activateur pourrait en faire le test de coagulation de choix

pour le suivi thérapeutique en cas de nécessité. Ces données avaient également été observées avec le ximelagatran. Enfin le dabigatran inhibe la génération de thrombine sur sang total et sur plasma riche en plaquettes et ce quel que soit le paramètre évalué (lag-time, time to peak) [13]. Le dabigatran ne modifie pas l’agrégation plaquettaire induite par le collagène, l’ADP ou l’acide arachidinique [14]. Cependant, le dabigatran semble inhiber plus fortement l’agrégation plaquettaire induite par le facteur tissulaire que le rivaroxaban et l’apixaban [1]. Cet effet suggère que le dabigatran pourrait être utile pour prévenir l’apparition de thrombus artériels et veineux.

3. Données pharmacocliniques en phase 2 en chirurgie orthopédique majeure : prothèse totale de Hanche (PTH) et de genou (PTG) Deux études de phase 2 ont été réalisées chez des patients opérés d’une PTG ou PTH avec une évaluation phlébographique de l’efficacité antithrombotique : r une étude pilote dans la PTH avec un schéma en 1 ou 2 administrations par jour [2] ; r une étude dans la PTG et la PTH avec un schéma en 1 ou 2 administrations par jour [3]. La première étude pilote a inclus 314 patients avec une PTH et a testé 9 doses de dabigatran, avec une première administration 4 à 8 heures après la fin de la chirurgie [2]. Les principaux résultats sont fournis dans le tableau 1. Ils montrent que la plage de doses testées dans cette étude était compatible avec la poursuite du programme avec pour des doses supérieures à 12,5 mg x 2/j et inférieures à 300 mg x 2/j et deuxièmement qu’un schéma posologique en 1 ou 2 administrations par jour était envisageable. Dans ces conditions, une 2e phase 2 était conduite chez 1 973 malades opérés d’une PTH ou d’une PTG pour tester 4 doses de dabigatran administrées en 1 fois ou 2 fois par jour [3]. La 1re administration était effectuée en postopératoire, 1 à 4 heures après la fin de la chirurgie ou dès que la prise orale était possible. Les résultats de cette étude sont fournis dans le tableau 2. De plus, une analyse post-hoc évaluant l’effet de l’horaire de la 1re administration postopératoire sur le risque thrombotique et sur le risque hémorragique a été effectuée et les principaux résultats sont fournis dans le tableau 3. Cette analyse confirme qu’une administration postopératoire relativement précoce (entre 1 et 4 heures après la fin de la chirurgie) semble être une stratégie optimale. Enfin une analyse pharmacocinétique par approche de population réalisée chez les patients de cette étude a montré une relation directe entre la concentration maximale obtenue après la première dose de dabigatran et le risque thrombotique et hémorragique. Cette analyse pharmacocinétique a permis de déterminer qu’une posologie de 75 mg pour la première administration postopératoire semblait offrir le meilleur rapport bénéfice-risque [3].

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Tableau 1 Résultat d’une étude de phase 2 du dabigatran pour la prophylaxie de la MTEV après PTH [2]. 12.5 bid

25 bid

50 bid

100 bid

150 qd

150 bid

200 bid

300 qd

300 bid

Âge (ans)

68

65

67

67

66

67

67

67

70

Sexe F (%)

41 %

43 %

57 %

60 %

49 %

41 %

57 %

56 %

70 %

TVP totales

21 %

9,5 %

115 %

19 %

9,1 %

9,5 %

19 %

6,1 %

0

TVP prox.

13 %

4,8 %

3,7 %

6,5 %

0

0

4,8 %

3,0 %

0

Hgie maj.

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Hgie  transfusion

0

0

0

10 %

2,4 %

17 %

7,1 %

11 %

10 %

7,4 %

32 %

60 %

83 %

95 %

90 %

79 %

89 %

80 %

Hgie min.

TVP : thromboses veineuses profondes phlébographiques distales et/ou proximales. Hgie = hémorragie majeure ou nécessitant une transfusion ou mineure.

Tableau 2 Étude de phase 2 du dabigatran, administré en 1 ou 2 prises quotidiennes pour la prophylaxie de la MTEV en chirurgie orthopédique majeure (PTH et PTG) [3]. 50 mg x2/j

150 mg x2/j

300 mg x1/j

225 mg x2/j

&/09 40 mg / j

N

389

390

385

393

392

âge (ans)

66

66

67

66

65

57 %

65 %

64 %

58 %

61 %

258/122

263/122

253/127

264/122

268/122

TVP totales

28,5 %

17,4 %

16,6 %

13,1 %

24,0 %

TVP proximales + EP

5,0 %

4,0 %

2,1 %

1,7 %

5,6 %

TVP totales PTH

23,6 %

13,4 %

13,1 %

8,3 %

14,9 %

TVP proximales + EP

5,7 %

4,5 %

1,5 %

2,0 %

5,2 %

TVP totales

39,4 %

27,2 %

23,9 %

23,7 %

44,6 %

TVP proximales + EP

3,4 %

2,6 %

3,4 %

1,1 %

6,6 %

Hgies majeures

0,3 %

4,1 %

4,7 %

3,8 %

2,0 %

Hgies clin sign. + maj**

2,6 %

8,2 %

8,3 %

8,4 %

4,6 %

Sexe F PTH/PTG ETE PTH + PTG

ETE PTH

ETE PTG

Hgies

ALAT > 3 x LSN***

1,5 à 3,5 %

7 ,4 %

* ETE : événements thromboemboliques ** hémorragies *** hémorragies cliniquement significatives et majeures **** limite supérieure de la normale. Aucune élévation concomitante de la bilirubine.

Il ressort de ces 2 études que le schéma posologique optimal à tester au cours des études de phases 3 suivantes correspondait à ; r une première administration de dabigatran 1 à 4 heures après la chirurgie, avec une dose réduite de moitié par rapport aux posologies à prescrire à partir du 2e jour postopératoire ;

r un schéma en une seule administration quotidienne semble être la stratégie optimale ; r la plage de dose optimale semble être comprise entre 100 mg et 300 mg/j. Compte tenu de la relative imprécision de cet intervalle, il était légitime d’envisager de tester 2 schémas posologiques au cours des phases 3, à savoir

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Tableau 3 Analyse de l’effet de l’horaire de la 1re administration post-opératoire du dabigatran prescrit pour la prophylaxie de la MTEV en chirurgie orthopédique majeure (PTH et PTG) [3]. < 2 heures post-op,

> 2 heures post-op,

P

ETE*

14,1 %

22,4 %

0,0005

Hgies majeures**

2,9 %

3,6 %

> 0,05

* ETE : événements thromboemboliques ** hémorragies

une dose relativement modérée de 150 mg x 1/jour et une dose relativement forte de 220 mg x 1/jour. Il ressort également que la variabilité pharmacocinétique et pharmacodynamique du dabigatran est suffisamment faible pour ne pas nécessiter de surveillance biologique systématique. Cependant, l’effet du dabigatran peut être augmenté de façon significative en cas d’association avec l’amiodarone justifiant une précaution d’emploi. Enfin, il ne semble pas exister de signal de toxicité hépatique avec les posologies et les durées de traitement étudiées (5 à 9 jours).

4. Données pharmacocliniques en phase 2 pour la prévention des complications thromboembolique de la FANR Un anticoagulant oral, simple à utiliser tant dans sa prescription que dans sa surveillance est surtout attendu dans les indications nécessitant des durées de traitement prolongées voire au long cours, indications qui relèvent actuellement d’un traitement antivitamine K (AVK) qui impose une surveillance biologique stricte, des ajustements posologiques complexes et fréquents avec de très nombreuses interactions médicamenteuses. Ces indications sont représentées en premier lieu par la prévention des complications thromboemboliques cérébrales et systémiques sur fibrillation auriculaire [15] et par le traitement de la MTEV [16]. Généralement ces 2 indications relèvent de la même intensité de traitement anticoagulant et les posologies utilisées sont a priori identiques [17-19]. Dans ces conditions, les études de doses semblent pouvoir être réalisées dans 1 seule de ces 2 indications. Dans le cas du dabigatran, l’étude de doses a été conduite dans la prévention des AVC et embols systémiques sur FANR [4], Le plan d’expérience de cette étude est relativement complexe puisque 3 doses de dabigatran ont été testées en double-aveugle chez 9 groupes de malades. En effet, selon un plan factoriel, pour chaque dose de dabigatran, les patients pouvant recevoir 3 doses différentes d’aspirine, 0 mg/jour, 81 mg/jour ou 325 mg/ jour. Enfin un 10e groupe de malades recevait en ouvert de la warfarine, afin de maintenir un INR entre 2 et 3, et sans adjonction d’aspirine. Les résultats de cette étude ayant inclus 502 malades, sont fournis dans le tableau 4. Ils montrent que la dose de

50 mg x 2/jour semble insuffisante (risque thrombotique potentiel) alors que la dose de 300 mg x 2/jour, associée notamment à l’aspirine semble trop forte (risque hémorragique potentiel). Tenant compte également des valeurs de TCA et de D-Dimères obtenues avec les différentes doses de dabigatran [4], 2 doses sont actuellement en cours d’évaluation dans la FANR en comparaison en ouvert avec la warfarine à savoir 110 mg x 2/jour et 150 mg x 2/jour. Il s’agit de l’étude RE-LY dont la phase de recrutement est d’ores et déjà terminée avec environ 18 000 malades (http://clinicaltrials.gov). À noter qu’il n’existe pas de signal de toxicité hépatique cliniquement significatif au cours des 12 semaines d’exposition au dabigatran (tableau 4) [4]. À partir de l’étude PETRO, la dose de 150 mg x 2/jour est en cours d’évaluation dans le traitement de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV). En effet, cette dose a permis d’obtenir en effet des TCA équivalents à la dose EFNHYKPVSEF9JNMFHBUSBO<> EPTFRVJBWBJUÊUÊ validée pour le traitement de la MTEV dans une étude de phase 3 [17]. Ainsi 4 études de phase 3 sont en cours avec ce schéma posologique de 150 mg x 2/j dans le traitement de la MTEV : r 2 études versus AVK en double aveugle dans les 6 premiers mois de traitement dun épisode de MTEV (études RE-COVER 1 et 2), Dans ces 2 études, le dabigatran est prescrit après un traitement anticoagulant parentéral initial ; r 1 étude en double aveugle versus AVK dans la prévention secondaire de la MTEV après 6 à 12 mois de traitement initial (étude RE-MEDY) ; r 1 étude en double aveugle versus placebo dans la prévention secondaire de la MTEV après 6 mois de traitement initial (étude RE-SONATE).

5. Données pharmacocliniques en phase 2 pour la pathologie coronarienne Le dabigatran est également évalué dans la prise en charge des syndromes coronariens aigus (SCA). En effet une étude de dose est en cours (étude RE-DEEM) avec 4 doses de dabigatran (50 mg 75 mg, 110 mg, 150 mg en 2 prises quotidiennes pendant 6 mois) et 1 groupe placebo, chez 1 800 patients ayant présenté un SCA dans les 14 jours précédents, ces patients recevant par ailleurs soit de l’aspirine en monothérapie

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Tableau 4 Étude de phase 2 du dabigatran, administré en 2 prises quotidiennes pendant 12 semaines, pour la prévention des complications thrombo-emboliques sur FANR [4]. 50 mg x2/j

150 mg x2/j

300 mg x2/j

Warfarine INR 2 - 3

N

105

166

161

70

âge (ans)

70

70

70

69

> 75 ans

34 %

31 %

32 %

27 %

Antécédent d’AVC*

18 %

18 %

16 %

19 %

Aspirine 0 mg

1,7 %

0

0

Asprine 81 mg

4,8 %

0

0

0

0

0

Aspirine 0 mg

0

0

0

Asprine 81 mg

0

0

2,9 %

Aspirine 325 mg

0

0

10 %

Aspirine 0 mg

0

9%

5,7 %

Asprine 81 mg

4,8 %

5,6 %

14,7 %

Aspirine 325 mg

3,7 %

6,1 %

20 %

0

1,2 %

1,2 %

Evts thromboemboliques

Aspirine 325 mg

0

Hgies majeures*

0%

Hgies clin relevantes + maj**

Transaminases > 3 x LSN****

5,7 %

0

* accident vasculaire cérébral ; ** hémorragies ; *** hémorragies cliniquement pertinentes et majeures ; **** limite supérieure de la normale : aucune élévation concomitante de la bilirubine.

soit une association aspirine plus clopidogrel. Il est prévu que cette étude de dose soit suivie de 2 études de phase 3 (RE-PLY 1 et 2) dans le SCA ayant avec ou sans angioplastie (http://clinicaltrials.gov).

6. Discussion Le dabigatran est un inhibiteur direct, sélectif et réversible de la thrombine, que celle-ci soit libre ou impliquée dans un thrombus, lui conférant des propriétés anticoagulantes évaluables par le temps de génération de thrombine, le TCA, l’ECT, le temps de thrombine ou l’INR. En dehors de l’activation dépendant de la thrombine, le dabigatran n’interfère pas avec l’agrégation plaquettaire induite par le collagène, l’ADP ou l’acide arachidonique. Le dabigatran présente des propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques intéressantes avec une relation dose dépendante, linéaire et prévisible. Il est administré par voie orale sous la forme d’une prodrogue, le dabigatran étexilate, très rapidement hydrolysé dans le plasma. La variabilité pharmacocinétique et pharmacodynamique est suffisamment

faible pour permettre un schéma posologique simple, en dose unique quotidienne et sans surveillance biologique. Le dabigatran est éliminé par le rein, sous forme inchangée pour 80 % et sous forme glucuroconjuguée active pour 20 % de la dose ingérée. Le système des cytochromes P450 n’est donc pas impliqué dans l’élimination du dabigatran. Ainsi, à ce jour les seules interactions médicamenteuses connues et cliniquement significatives concernent l’Amiodarone (réduction posologique) et la quinidine (contre-indication). Bien évidemment ceci sera confirmé par les études de phase III en cours et par les études post-AMM. Avec des données limitées à une exposition de 12 semaines, il ne semble pas exister de toxicité hépatique cliniquement significative, ce qui devra également être confirmé ultérieurement, notamment au cours des études de traitement prolongé dans la MTEV (RE-MEDY et RE-SONATE) et dans la FANR (RE-LY). Enfin les études de doses et les différentes analyses pharmacocinétiques et pharmacodynamiques réalisées semblent avoir permis de définir un schéma posologique optimal et cliniquement intéressant comme l’attestent déjà les résultats de phase 3 en chirurgie orthopédique majeure. Ceci reste à

P. Mismetti et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) S8-S14

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confirmer pour le traitement de la MTEV et la prise en charge des fibrillations auriculaires. Enfin le développement du dabigatran a prévu de développer deux schémas posologiques pour une même indication (déjà validée en orthopédie, en cours d’évaluation dans la FANR). Ce développement présente donc l’avantage théorique de pouvoir disposer de posologies adaptées au profil de risque thrombotique et hémorragique des patients. Il serait dommage que le rapport bénéfice risque a priori optimal du dabigatran soit en partie contre balancé par un mésusage résultant d’une confusion entre les différentes posologies et les différentes indications Il est hautement souhaitable de mettre en place un programme pédagogique intensif reposant sur plusieurs supports, comme le présent numéro des Annales Françaises d’Anesthésie Réanimation.

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Conflit d’intérêts : L’auteur n’a pas transmis de conflits d’intérêts.

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