pratique |parasitologie
De nouveaux tests simples de diagnostic des leishmanioses Les leishmanioses qui sont dues à des parasites, les leishmanies, présentent trois formes principales. Sur le terrain, de nouveaux outils diagnostiques simples ont fait leur preuve et permettent de proposer rapidement un traitement précoce.
L
es leishmanioses sont des zoonoses dues à des protozoaires flagelles, les leishmanies, dont il existe plusieurs espèces selon la répartition géographique (tableau I). Il en existe trois formes : – les leishmanioses cutanées dues à Leishmania tropica et L. major dans l’ancien monde et L. mexicana , L. amazonensis et L. venezuelensis en Amérique du Sud ; – les leishmanioses cutanéo-muqueuses dues à L. braziliensis en Amérique du Sud ; – les leishmanioses viscérales dues à L. donovani et L. infantum.
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| Figure 1 : Phlébotome.
Ces parasites ont de nombreux réservoirs animaux (chiens, rongeurs, marsupiaux, singes) et sont transmis par la piqûre de petits diptères, les phlébotomes (Figure 1). Les leishmanioses sont localisées dans différents foyers : pourtour méditerranéen, Afrique de l’Est, Inde, Amérique du Sud, Europe centrale, Chine (tableau II).
Les leishmanioses cutanéo-muqueuses provoquent des lésions des cartilages et des tissus sous-cutanés qui peuvent devenir mutilantes. Le diagnostic est établi sur la mise en évidence des parasites sur les frottis des lésions cutanées (Figure 3). | Figure 3 : Parasites.
Description des formes de leishmanioses Leishmanioses cutanées et cutanéo-muqueuses Les leishmanioses cutanées (bouton d’Orient, clou de Biskra, bouton d’Alep) se manifestent par une lésion papuleuse qui s’infiltre, s’ulcère et se recouvre d’une croûte (Figure 2).
| Figure 2 : Croûte de Leishmanioses.
Tableau 1. Classification toxonomique des leishmanies, selon les caractères isoenzymatiques (OMS, 1990) Espèce
Sous-genre Leishmania
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Complexe
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Géographie
L. venezuelensis L. mexicana
L. mexicana L. amazonensis
Nouveau monde
Sous-genre Vianna L. braziliensis *
Tableau II. Différents foyers de leishmaniose viscérale (ou kala-azar) Foyer
Réservoir
Vecteur
Particularités
Kala-azar africain
Homme Rongeur
Ph. orientalis
Adénopathies Peau, mucus nasal
Kala-azar chinois
Chien
Ph. chinensis
Enfants ++ Atteinte broncho-pulmonaire
Kala-azar méditerranéen
Chien Renard Rongeur
Ph. perniciosus Ph. arasi
Enfants et adultes
Kala-azar sud-américain
Chien
Ph. lutzi
Enfants et adultes
Kala-azar indien
Homme
Ph. argentipes
Adultes ++ Nodules cutanés Taches brunes ++
L. braziliensis L. peruviana L. guyanensis L. guyanensis L. anamensis L. donovani** L. donovani** L. infantum** Ancien monde
L. major
L. major
L. tropica
L. tropica
L. aethiopica
L. aethiopica
* Principale forme cutanéo-muqueuse ** Forme viscérale.
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Ph. : phlébotomes.
OptionBio | Mardi 25 mars 2008 | n° 397
parasitologie
| pratique
Traitement et prophylaxie Le traitement est basé sur les injections locales ou générales de dérivés stibiés, efficaces mais souvent mal tolérés. Un produit anticancéreux, la miltéfosine,
Nouveaux tests de diagnostic
semble très prometteur, bien toléré et
Sur le terrain, il faut préférer les réactifs simples mais néanmoins fiables. Aussi, des tests utilisables partout ont été mis au point : – l’agglutination directe dans le sang (DAT) ; – l’agglutination directe dans les urines après chauffage pendant 5 minutes (KAtex) ; – un test sur bandelette (rk39 dipstick), ce dernier montrant, en cas de positivité, une bande visible à l’œil nu en 10 minutes (Figure 5).
administré per os. La prophylaxie est
| Figure 5 : Test de dépistage.
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Leishmanioses viscérales Dans la forme viscérale, ou kala-azar, après une incubation de plusieurs mois, apparaissent de façon insidieuse une asthénie, une fièvre capricieuse, une pâleur “vieille cire” et un amaigrissement. L’examen clinique retrouve une hépatosplénomégalie et des adénopathies. L’évolution spontanée est fatale. Le diagnostic est évoqué classiquement sur la pancytopénie, l’hypergammaglobulinémie (IgG) et confirmé par le sérodiagnostic positif et surtout par la mise en évidence des parasites sur le médullogramme. Le sérodiagnostic peut être réalisé par immunofluorescence, Elisa ou Western-blot (Figure 4), mais ces techniques nécessitent des laboratoires bien équipés.
| Figure 4 : Leishmania WB IgG. Exemple d’immunoblots obtenus (échantillon négatif et positif).
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difficile : les phlébotomes étant petits et passant à travers les moustiquaires habituelles, ils ne sont arrêtés que par des moustiquaires à mailles fines.
Une étude réalisée en Éthiopie avec ces trois tests a montré une sensibilité de 95 %, 57,4 % et 71,7 %, respectivement, et une sensibilité de 62,7 %, 84,3 % et 82,4 %, respectivement. Il en résulte que la sensibilité du KAtex et de la bandelette sont fiables et utilisables dans les formations sanitaires des zones d’endémie.
Importance du diagnostic La destruction des phlébotomes par pulvérisations d’insecticides est difficile, ne détruisant que les espèces endophiles (à l’intérieur des habitations) dont les gîtes sont les interstices des murs. D’autre part, la lutte contre les réservoirs animaux est complexe, même si, par exemple, l’élimination des chiens errants en Chine a fait baisser considérablement l’incidence de la leishmaniose dans cette région. Mais la lutte contre les espèces exophiles, localisées dans la nature, est impossible. Il est donc important de pouvoir diagnostiquer rapidement une leishmaniose pour pouvoir entreprendre un traitement dans les meilleurs délais. |
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OptionBio | Mardi 25 mars 2008 | n° 397
PATRICE BOURÉE, ALIREZA ENSAF Chef de l’unité fonctionnelle parasitologie-mycologie, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre (94)
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Référence bibliographique Lutte contre les leishmanioses. Rapport d’un comité OMS d’experts. Genève, Organisation mondiale de la santé, 1990 (OMS, Série de Rapports techniques, n° 793).
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