Demandes de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale : ETude Urgences en DErmatologie libérale (ET.U.DE)

Demandes de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale : ETude Urgences en DErmatologie libérale (ET.U.DE)

Articles scientifiques Mémoire original Ann Dermatol Venereol 2007;134:23-9 Demandes de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale : ETude Urge...

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Articles scientifiques Mémoire original

Ann Dermatol Venereol 2007;134:23-9

Demandes de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale : ETude Urgences en DErmatologie libérale (ET.U.DE) D. PENSO-ASSATHIANY (1), E. BOURDON-LANOY (2), C. DERANCOURT (3), J.-C. ROUJEAU (4), S. BASTUJI-GARIN (5)

Résumé Introduction. Les demandes de consultations en urgence semblent assez fréquentes en cabinet de dermatologie libérale, cependant ni cette fréquence ni les motifs de demande n’ont été évalués. L’objectif principal de cette étude était d’estimer cette demande de manière qualitative et quantitative. L’objectif secondaire était de chercher une association entre les demandes dont l’urgence était justifiée à 48 heures et la symptomatologie invoquée par les malades afin d’établir un score prédictif de la validité de la demande. Méthodes. Quarante dermatologues répartis sur la France métropolitaine ont été recrutés sur la base du volontariat. L’étude s’est déroulée pendant une semaine d’avril 2004, durant laquelle les dermatologues avaient allégé leurs rendez-vous programmés de façon à recevoir tout malade demandant à être vu en urgence. Les renseignements collectés concernaient : l’activité habituelle des dermatologues, les motifs d’appel, la symptomatologie, le diagnostic et l’appréciation par le dermatologue du degré d’urgence. L’analyse des données a été univariée puis multivariée. Un score a pu être réalisé à partir des coefficients des variables retenues dans le modèle de régression logistique.

Summary Background. Requests for emergency appointments are fairly common in private dermatologic practice in France. To our knowledge the frequency and reasons for such requests have not yet been evaluated. The primary objective of our study was to provide a quantitative and qualitative evaluation of such requests and to assess the underlying reasons. The secondary aim was to investigate for an association between emergency requests where response was justified within 48 hours and the symptoms reported by patients in order to establish a predictive score for the validity of requests. Methods. The study took place during one week in April 2004. Forty French dermatologists took part on a voluntary basis. They deliberately reduced their ongoing schedule to accommodate patients seeking an urgent appointment. We collected data regarding the normal professional activity of each dermatologist, reasons for appointments, symptoms, diagnosis and evaluation of the degree of emergency by the attending dermatologist. Univariate and multivariate analyses were performed and a score was attributed based on the results for the variables used in the logistic regression model.

Résultats. Le nombre moyen de malades vus en urgence par chaque dermatologue participant à l’étude a doublé par rapport à une semaine normale. Durant la semaine d’étude, 613 malades ont demandé un rendez-vous en urgence et la totalité des questionnaires a été remplie pour 538 (88 p. 100) d’entre eux. Les diagnostics les plus fréquemment posés par les dermatologues étaient : eczéma, infections, dermatite atopique, mycose, nævus. Les dermatologues ont estimé que la consultation était justifiée dans les 48 heures pour un tiers des malades. En analyse multivariée, les facteurs significativement associés à une urgence justifiée étaient plus généraux que dermatologiques. Le score réalisé avait une sensibilité médiocre et aucun seuil ne permettait de bien classer plus de 77 p. 100 des demandes.

Results. The mean number of patients seen at emergency appointments during the study week doubled in comparison with a normal period. During the week, 613 patients phoned and all questionnaires were completed for 538 (88%) patients. The most common reasons for requesting an appointment were: rash, eczema, pruritus, tumour modification, localized lesion and allergy. The most frequent diagnoses were: eczema, bacterial and viral infection, atopic dermatitis, mycosis and naevus. The dermatologists considered that the consultations were justified within 48 hours for one third of patients. In the multivariate analysis, factors significantly associated with a justified request were of a general medical rather than a dermatological nature: enlarged cysts, blisters, insomnia, impaired activity, onset or aggravation within the previous 7 days, inability to work. The score showed good specificity but poor sensitivity and discriminative value.

Discussion. La demande de rendez-vous en urgence est importante et considérée comme justifiée dans les 48 heures pour un tiers des malades. Les motifs et diagnostics sont proches de ceux observés dans les consultations d’urgence hospitalière à l’urticaire près. Les critères associés à une urgence justifiée sont peu dermatologiques. Le score établi à partir de ces critères n’a pas été suffisamment sensible pour permettre une sélection téléphonique fiable des malades.

Discussion. These results suggest that requests for emergency appointments are more frequent than previously suspected (14% of all requests). Physicians considered that emergency appointments within 48 hours were justified for one third of patients. The reasons for consultation and the resulting diagnoses were similar to those seen in emergency hospital consultations. The criteria on which the need for emergency consultation was based were not for the most

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D. PENSO-ASSATHIANY, E. BOURDON-LANOY, C. DERANCOURT et al.

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part dermatologic. The scoring system we established was not sensitive enough to allow reliable pre-selection of patients requiring emergency consultation by telephone.

Requests for emergency appointments with dermatologists in private practice in France: the ETude Urgences en DErmatologie libérale (ET.U.DE) study. D. PENSO-ASSATHIANY, E. BOURDON-LANOY, C. DERANCOURT, J.-C. ROUJEAU, S. BASTUJI-GARIN Ann Dermatol Venereol 2007;134:23-9

L

a demande de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale augmente parallèlement à l’augmentation des délais de rendez-vous. En 2003, J. Lullin tirait une sonnette d’alarme sur ce problème [1]. Des consultations d’urgence se sont ouvertes dans les services hospitaliers et leur fréquentation ne diminue pas. Chaque dermatologue est confronté à un nombre variable d’appels quotidiens de malades souhaitant venir en consultation le jour même. Si chacun a une idée du nombre de demandes urgentes dans sa pratique, aucune étude n’a permis d’évaluer le poids de ces demandes en France. Nous avons réalisé cette ETude des Urgences en DErmatologie libérale (ET.U.DE) dont l’objectif principal était d’estimer le nombre de demandes dites urgentes, de déterminer la proportion de consultations estimées réellement urgentes par les dermatologues et de préciser les motifs d’appel. L’objectif secondaire était de rechercher s’il existait des facteurs prédictifs du caractère justifié de l’urgence dans les 48 heures afin de proposer un score permettant de sélectionner a priori les malades qui devaient être vus rapidement.

Méthodes Cette étude prospective s’est déroulée en deux phases auprès de 40 dermatologues recrutés en France métropolitaine sur la base du volontariat. La première phase s’est déroulée durant une semaine d’activité normale choisie par chaque médecin, la seconde pendant la semaine du 29 mars 2004 au 3 avril 2004 (hors vacances scolaires pour toutes les zones). Durant cette semaine, il avait été demandé aux dermatologues participant à l’étude d’aménager leur agenda de façon à pouvoir recevoir dans les 48 heures tout malade demandant une consultation en urgence. Deux séries de questionnaires ont été adressées aux dermatologues. Ce travail a été financé par l’obtention du prix Jean Darier 2003 soutenu par les laboratoires SVR. (1) Cabinet libéral, Issy-les-Moulineaux. (2) Service de Dermatologie, Hôpital Necker-Enfants Malades (APHP), Paris. (3) Service de Dermatologie, CHU de Reims. (4) Service de Dermatologie,(5) Service de Santé Publique, Hôpital Henri Mondor (APHP), Université Paris 12, Créteil. Tirés à part : D. PENSO-ASSATHIANY, 30, avenue Victor Cresson, 92130 Issy-les-Moulineaux. E-mail : [email protected]

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RECUEIL DES DONNÉES Le premier questionnaire complété par les dermatologues lors d’une semaine d’activité normale hors vacances scolaires comportait des questions sur leurs caractéristiques personnelles (âge, sexe, année d’installation), et leur mode d’exercice (secteur, mode et lieu d’exercice, gestion des rendez-vous). Il était également demandé aux dermatologues d’enregistrer de manière prospective sur la semaine le nombre de malades vus en consultation programmée, en urgence et le délai moyen de rendez-vous. La deuxième série de questionnaires comportait trois parties : – la première était complétée par la personne répondant à l’appel téléphonique (médecin ou secrétaire) et concernait le motif de consultation ainsi que l’âge du malade et la date de début de la symptomatologie ; – la seconde était un auto-questionnaire que le malade devait compléter en salle d’attente avant la consultation. Ce questionnaire portait sur les caractéristiques sociodémographiques des malades, leur symptomatologie et sa chronologie ainsi que le retentissement de ces symptômes ; – la troisième partie était complétée par le dermatologue à l’issue de la consultation. Elle comportait le ou les diagnostics évoqués et un jugement sur le degré d’urgence. Les questions étaient fermées, à l’exception de celles concernant le « motif de consultation » et le « diagnostic du dermatologue ». ANALYSE Les analyses ont été réalisées à partir des malades pour lesquels l’ensemble des questionnaires était disponible. Les malades ont été classés en deux catégories, ceux pour lesquels l’urgence était considérée comme justifiée dans les 48 heures et ceux pour lesquels elle ne l’était pas. Ont été considérés comme « urgences justifiées » les cas pour lesquels le dermatologue a estimé après examen que « la consultation était médicalement et/ou psychologiquement justifiée dans un délai de 48 heures ». Les caractéristiques des malades des deux groupes ont été comparées par un test de Student pour les variables quantitatives et par le test du Chi2 (ou le test exact de Fisher) pour les variables qualitatives. Les odds ratios et leur intervalle de confiance à 95 p. 100 ont été calculés afin d’estimer l’ampleur des associations. Toutes les variables associées en analyse

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Demandes de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale

univariée à l’urgence au seuil p < 0,15 ont été considérées pour l’analyse multivariée. Les associations entre les différentes variables ont été testées, la recherche d’interaction et de confusion a été systématiquement réalisée. Les variables candidates ont ensuite été sélectionnées par des modèles bivariés. Enfin un modèle de régression logistique a été testé. Un score dont l’objectif était de prédire si la consultation était ou non justifiée dans les 48 heures selon les données issues de l’autoquestionnaire a ensuite été réalisé à partir des coefficients des variables retenues dans le modèle de régression logistique final. Après avoir vérifié que cela n’entraînait pas de perte d’adéquation du modèle, les coefficients ont été arrondis pour simplifier le calcul du score dans la pratique. Le test d’Hosmer-Lemeshow a permis de vérifier l’adéquation du modèle obtenu, l’aire sous la courbe ROC a été calculée pour estimer la capacité discriminante du modèle. Les qualités intrinsèques du score, sensibilité et spécificité, ont été calculées pour chaque seuil de score. La sensibilité représente la proportion de malades dont le score est supérieur ou égal au seuil choisi parmi ceux dont la consultation est justifiée dans les 48 heures ; la spécificité est la proportion de malades dont le score est inférieur au seuil choisi parmi ceux dont la consultation n’est pas justifiée dans les 48 heures. L’analyse de la sensibilité et de la spécificité pour chaque niveau de score permet de déterminer le seuil optimal pour discriminer entre les malades qui devraient ou non être vus en urgence. Les variables quantitatives sont présentées sous forme de moyenne (± 1 écart-type) ou de médiane (25e – 75e percentile) selon leur distribution, les variables qualitatives en effectifs et pourcentages. Tous les tests étaient bilatéraux, p < 0,05 a été considéré comme significatif. L’analyse a été réalisée avec le logiciel Stata (StataCorp 2003. Release 8.0. College Station, Texas).

Résultats LES DERMATOLOGUES ET LEUR ACTIVITÉ HABITUELLE Les principales caractéristiques des dermatologues qui ont participé à l’étude sont résumées dans le tableau I. Ils étaient en moyenne âgés de 48 ans, 60 p. 100 d’entre eux étaient des femmes. La répartition entre dermatologues installés en secteur I et II était équilibrée. Le délai moyen d’obtention de rendez-vous durant une semaine normale était de 20 jours (± 22) pour un malade qui acceptait n’importe quel horaire. Pour un rendez-vous après 17 heures, le délai passait à 32 jours (± 28). En moyenne, le nombre de malades vus lors d’une semaine normale était de 101 (± 27) dont 7 (± 5) en urgence. Pendant la semaine ET.U.DE, le nombre moyen de malades vus était similaire : 100 (± 37) mais le nombre de malades vus en urgence doublait : 14 (± 9). LES MALADES Durant la semaine ET.U.DE, 613 malades ont téléphoné pour obtenir un rendez-vous en urgence et 601 (98 p. 100) se sont rendus au rendez-vous fixé. L’autoquestionnaire et le questionnaire concernant le diagnostic du dermatologue ont été remplis pour 538 malades, soit 88 p. 100 de ceux qui avaient téléphoné (fig. 1) ; le caractère justifié ou non de la Dermatologues N = 40

Appels pour une consultation en urgence N = 613

Malades venus au rendez-vous

Tableau I. – Caractéristiques des dermatologues ayant participé à l’étude. Âge moyen Année médiane d’installation

N = 601

48 ans (36-63)

Malades ayant complété le questionnaire

1988 (1971-2000)

N = 548

Sex-ratio (H/F)

16/24

Secteur d’installation (I/II)

20/20

Malades dont la fiche médicale a été

Installation seul

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complétée par le dermatologue

Installation à plusieurs dermatologues

7

N = 538

Cabinet multidisciplinaire

9

Secrétaire à temps plein

17

Ne répond jamais directement au téléphone

16

Ville > 20 000 habitants

30

Malades pour lesquels le caractère justifié ou non était précisé N = 531

Nombre moyen de RDV/semaine (extrêmes)

106 (54-180)

Nombre moyen de malades vus/semaine (extrêmes)

101 (53-168)

Nombre moyen de malades vus en urgence/semaine

7,4 (0-27)

Urgence non justifiée

Délai de rendez-vous, quelle que soit l’heure

20 jours (1-90)

N = 378

Délai de rendez-vous après 17 heures

32 jours (2-120)

Urgence justifiée N = 153

Fig. 1. Arbre d’inclusion des malades dans l’analyse.

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D. PENSO-ASSATHIANY, E. BOURDON-LANOY, C. DERANCOURT et al.

demande a été précisé pour 531 malades. Les principales caractéristiques des malades sont résumées dans le tableau II. Leur âge moyen était de 35 ± 23 ans. Les enfants représentaient un quart des consultants (25,8 p. 100). Trois cent trente-deux (61,9 p. 100) étaient de sexe féminin. Un quart des malades (n = 133) étaient adressés par un médecin mais seulement 87 (16,4 p. 100) en urgence. Parmi les 206 malades qui devaient travailler ce jour-là, 31 en ont été empêchés en raison de leur problème cutané. La symptomatologie était aiguë (début ou aggravation inférieurs à 48 heures) pour 21 p. 100 des malades, récente (entre 2 et 7 jours) pour 45 p. 100 des malades et plus ancienne (début ou aggravation depuis plus de 7 jours) pour 34 p. 100 des malades. Presque la moitié des malades (47,6 p. 100) consultaient de façon habituelle le cabinet. DIAGNOSTICS Les motifs d’appel représentant 50 p. 100 de la totalité des demandes étaient : éruption en particulier du visage, prurit, eczéma, modification de tumeur, lésion localisée, allergie. Les diagnostics les plus fréquemment portés par le dermatologue et représentant 50 p. 100 des diagnostics étaient : eczéma (22,4 p. 100), infections virales et bactériennes (14,3 p. 100), dermatite atopique (5,2 p. 100), mycose (4,5 p. 100), dermatite séborrhéique (3,2 p. 100), nævus (2,8 p. 100). Un geste thérapeutique a été effectué chez 61 malades (11,3 p. 100). Il consistait en une incision d’un kyste épidermique inflammatoire, traitement des kératoses séborrhéiques, de molluscum contagiosum et verrues, les modalités exactes n’ayant pas été précisées. LE DEGRÉ D’URGENCE ET JUSTIFICATION Les dermatologues ont considéré que l’obtention d’une consultation en moins d’une semaine était logique pour 67,6 p. 100 des malades examinés. L’urgence était considérée comme justifiée par le dermatologue dans les 48 heures pour 153 malades (28,8 p. 100).

Nous avons cherché quels étaient les symptômes invoqués par les malades, et leur retentissement, associés à ce que les dermatologues ont considéré comme étant une urgence à voir dans les 48 heures. Tableau II. – Caractéristiques des malades.

Enfants Sex-ratio H/F

35 139 (25,8 %) 204/332

Actifs

282

Non actifs

224

Malades habituels du cabinet

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En analyse univariée (tableau III), les symptômes suivants, rapportés par les malades, étaient significativement associés à une demande en urgence justifiée : les « cloques d’eau », les boutons, l’atteinte du visage, un visage gonflé, l’existence de fièvre et frissons, la douleur, la fatigue, l’insomnie, la gêne relationnelle, la gêne dans les activités, le début et/ou l’aggravation de la symptomatologie depuis moins de 48 heures mais aussi depuis moins de 7 jours, le fait d’avoir été empêché d’aller travailler. Une tendance était observée pour les sueurs, « une boule qui grossit » et les plaies. En analyse multivariée (tableau IV), les facteurs restant significatifs étaient : une « boule qui grossit », des « cloques d’eau », l’insomnie quelle qu’en soit l’intensité, la gène dans les activités quel qu’en soit le degré, le début et/ou l’aggravation depuis moins de 7 jours et surtout depuis moins de 48 heures, le fait d’avoir été empêché d’aller travailler. L’adéquation du modèle était satisfaisante (p du test d’HosmerLemeshow : > 0,80) ainsi que sa capacité discriminante (Aire sous la courbe ROC 0,78, IC95 % 0,74-0,82). ÉTABLISSEMENT D’UN SCORE Les caractéristiques du score construit à partir des variables significatives en multivarié sont présentées dans le tableau V. Plus les valeurs du score sont élevées, plus on augmente sa spécificité, c’est-à-dire que le pourcentage de « fausses urgences » est faible dans la population examinée. Plus les valeurs du score sont basses plus on augmente sa sensibilité, c’est-à-dire que la probabilité de manquer une « vraie urgence » est faible. On remarque cependant qu’on n’écarterait qu’un nombre très faible de demandes pour ne pas manquer une urgence. Par exemple pour un score supérieur à 0,5 on ne manquerait que 2 p. 100 d’urgences justifiées, mais en voyant 85 p. 100 des demandeurs. Un score supérieur à 4 garantirait contre les fausses urgences (6,4 p. 100) mais manquerait 63 p. 100 des urgences justifiées. Aucun seuil ne permet de bien classer plus de 77 p. 100 des demandes.

Discussion

FACTEURS ASSOCIÉS AUX « URGENCES JUSTIFIÉES »

Âge moyen

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243 (47,5 %)

Cette étude a pu être effectuée grâce au concours de 40 dermatologues répartis géographiquement en France métropolitaine. Certes, leur représentativité est discutable mais ils couvrent assez bien le territoire et leur pratique ne paraît pas différente de celle de la majorité des dermatologues. De même, si nous extrapolons le nombre total de consultants vus par semaine en France métropolitaine pendant un an, nous obtenons le chiffre de 13 millions, ce qui est assez proche des données du syndicat des dermatologues et de la Caisse Nationale d’Assurance-maladie [2]. Une faiblesse de cette étude réside dans le fait que la validation du degré d’urgence a été faite par chaque dermatologue sans critère pré-établi. Nous avions envisagé la validation de ce degré d’urgence par un groupe d’experts mais cela supposait un matériel photographique et des questionnaires

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Demandes de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale

Tableau III. – Analyse univariée des facteurs potentiellement associés à la « nécessité » de voir le malade dans les 48 heures (consultation urgente justifiée ou non). Non justifiée N = 378 (%) Justifiée N = 153 (%)

OR

IC 95 %

p

Caractéristiques générales 36,2 ± 23,2

32,8 ± 23,5

0,99

[0,99-1,00]

0,13

Enfants

Âge, moyenne ± 1 écart-type

24,7

28,8

1,23

[0,81-1,87]

0,33

Sexe masculin

37,2

39,2

1,03

[0,61-1,35]

0,67

Fièvre

6,5

10,8

1,08

[1,00-1,06]

0,05

Frissons

3,5

8,7

2,63

[1,19-5,80]

0,02

Sueurs

3,5

7,3

2,19

[0,96-5,00]

0,06

Fatigue

15,4

23,7

1,70

[1,06-2,74]

0,03

Symptômes/signes

Douleurs Aucune

43,4

22,7

1

Modérées

40,7

44,7

2,10

[1,31-3,36]

0,002

Importantes

15,9

32,7

3,93

[2,32-6,68]

0,0001

0,07

Prurit

40,7

Non

26,7

27,4

1

Modéré

42,0

26,7

0,62

[0,37-1,03]

Important

31,3

45,9

1,43

[0,89-2,30]

0,14

Atteinte des mains

12,1

14,3

1,22

[0,63-2,34]

0,56

Atteinte du visage

27,6

41,9

1,89

[1,22-2,93]

0,04

Visage gonflé

17,6

27,0

1,73

[1,10-2,73]

0,02

Boutons

55,3

69,3

1,82

[1,20-2,76]

0,003

« Cloque d’eau »

6,2

17,7

3,23

[1,77-5,92]

0,0001

« Boule qui grossit »

10,9

16,3

1,58

[0,92-2,70]

0,08

Nævus

9,9

4,8

0,46

[0,20-1,07]

0,07

Plaie

13,8

25,5

1,35

[0,91-1,98]

0,06

Piqûre

2,0

3,4

1,76

[0,55-5,62]

0,34

Aucune

70,5

48,3

1

Modéré

22,8

35,9

2,29

[1,48-3,55]

0,0001

Importante

6,7

15,9

3,46

[1,84-6,50]

0,0001

Aucune

19,4

13,6

1

Modéré

58,3

55,1

1,35

[0,77-2,36]

0,29

Importante

22,2

31,3

2,01

[1,09-3,72]

0,06

Retentissement Insomnie

Inquiétude

Peur d’être contagieux Aucune

73,5

65,1

1

Modéré

20,9

25,4

1,50

[0,80-3,10]

0,25

5,6

9,6

2,00

[0,72-5,25]

0,30

Importante Gêne relationnelle Aucune

59,6

45,3

1

Modéré

31,9

38,7

1,59

[1,04-2,42]

0,03

Importante

8,5

16

2,48

[1,36-4,53]

0,003

Gêne dans les activités Aucune

59,9

37,3

1

Modéré

32,5

41,3

2,04

[1,33-3,13]

0,001

Importante

7,6

21,3

4,49

[2,49-8,10]

0,0001

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Ann Dermatol Venereol 2007;134:23-9

D. PENSO-ASSATHIANY, E. BOURDON-LANOY, C. DERANCOURT et al.

Tableau III. – Analyse univariée des facteurs potentiellement associés à la « nécessité » de voir le malade dans les 48 heures (consultation urgente justifiée ou non). (suite) Non justifiée N = 378 (%) Justifiée N = 153 (%)

OR

IC 95 %

p

1,19

[0,78-1,82]

0,43

Autres caractéristiques Est adressé par un médecin

24,7

28,0

A consulté un médecin dans la semaine

29,4

41,6

1,71

[1,15-2,54]

0,008

A reçu un traitement

37,9

47,7

1,49

[1,01-2,19]

0,04

Est un malade habituel du cabinet

46,1

51,4

1,24

[0,84-1,82]

0,28

Devait travailler ce jour Non

61,4

67,3

1

Oui et a été travaillé

35,5

20,3

0,52

[0,33-0,82]

0,005

Oui et en a été empêché en raison du motif de consultation

3,17

12,4

3,57

[1,67-7,62]

0,001

Début ou aggravation des symptômes > 7 jours

43,4

12,1

1

2-7 jours

41,8

53,0

4,56

[2,61-7,97]

0,0001

≤ 48 heures

14,8

34,9

8,45

[4,55-15,69]

0,0001

plus précis portant sur la symptomatologie, ce qui aurait été trop lourd. Nous avons donc choisi de nous fonder uniquement sur le jugement du dermatologue. Cette étude a aussi des forces : son caractère prospectif et des données pour 88 p. 100 des malades ayant demandé un rendez-vous en urgence Le nombre de malades vus en urgence au cours de la semaine d’ET.U.DE a doublé par rapport à une semaine normale, signe que la demande est forte et l’offre insuffisante puisque ces rendez-vous en urgence ne sont habituellement pas proposés aux malades. Si nous extrapolons les chiffres de cette étude à l’ensemble du territoire français sur une année, cela correspondrait à des demandes de consultation urgente de l’ordre de 2 millions.

Les pathologies d’urgence dermatologiques observées en ville diffèrent légèrement de celles rencontrées dans les consultations d’urgence hospitalière. Ainsi l’urticaire n’apparaît pas comme un diagnostic fréquent en ville, comme d’ailleurs dans l’étude hospitalière effectuée au CHU de Limoges [3], alors qu’il l’est dans deux autres études sur les consultations hospitalières d’urgence dermatologique [4, 5]. Les diagnostics ne mettent pas la vie des malades en danger mais leur symptomatologie est suffisamment invalidante ou inquiétante pour justifier de voir les malades rapidement. La création d’un outil à type de score qui permettrait, par téléphone, de ne pas risquer de laisser passer une urgence vraie, nous a conduit à réaliser sur nos données une analyse univariée puis multivariée portant sur les éléments de

Tableau IV. – Facteurs indépendamment associés à la « nécessité » de voir le malade dans les 48 heures (régression logistique multivariée). Odds ratio

IC95 %

p

Coefficient*

Fièvre et/ou frissons

2,28

« Boule qui grossit »

2,30

« Cloque d’eau »

2,69

Insomnie quelle qu’en soit l’intensité

2,41

Gêne dans les activités quel qu’en soit le degré

1,93

Points**

[0,92-5,65]

0,07

0,826

1

[1,19-4,43]

0,013

0,833

1

[1,33-5,40]

0,006

0,988

1

[1,47-3,96]

0,000

0,881

1

[1,18-3,13]

0,008

0,665

0,5

Début ou aggravation des symptômes 2-7 jours

5,00

[2,66-9,39]

0,000

1,609

1,5

≤ 48 heures

9,51

[4,65-19,43]

0,000

2,252

2

et a été travaillé

0,52

[0,33-0,82]

0,005

-0,999

-1

N’a pu travailler en raison du motif de consultation

3,57

[1,67-7,62]

0,001

1,130

1

Devait travailler ce jour

* Coefficients (bêta) de chaque variable dans la régression logistique. ** Les points qui correspondent à la contribution de chaque variable au score sont les coefficients arrondis.

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Ann Dermatol Venereol 2007;134:23-9

Demandes de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale

Tableau V. – Sensibilité et spécificité du score selon le seuil choisi. Seuils de score Total Sensibilité* Spécificité** Bien classés*** (%) ≥ -1

17

1

0

≥ -0,5

6

1

0,052

33,6

≥0

46

1

0,070

34,8

≥ 0,5

48

0,979

0,201

43,4

≥1

32

0,929

0,326

50,6

≥ 1,5

69

0,914

0,418

56,6

≥2

67

0,807

0,582

65,0

≥ 2,5

46

0,664

0,726

70,7

≥3

42

0,586

0,832

75,9

≥ 3,5

22

0,450

0,902

76,7

≥4

26

0,371

0,936

76,7

≥ 4,5

18

0,243

0,960

74,6

≥5

7

0,164

0,982

73,7

≥ 5,5

9

0,121

0,985

72,7

≥6

8

0,071

0,991

71,6

≥ 6,5

5

0,036

1

71,2

29,9

* La sensibilité représente la probabilité d’avoir un score ≥ au seuil parmi ceux dont la consultation est justifiée dans les 48 heures. ** La spécificité représente la probabilité d’avoir un score < seuil parmi ceux dont la consultation n’est pas justifiée dans les 48 heures. *** Correspond au pourcentage de malades correctement classés, i.e. vus dans les 48 heures pour ceux qui le devraient et non vus pour ceux qui ne devraient pas.

l’auto-questionnaire. Nous avions demandé aux dermatologues de se prononcer sur le réel degré d’urgence de la demande. Nous avons considéré comme urgence les demandes pour lesquelles les dermatologues estimaient que la consultation était justifiée dans les 48 heures. Les analyses statistiques ont donc porté sur ces malades (153/538, soit 28,8 p. 100). Ces analyses montrent que les critères les plus significativement associés à l’urgence sont peu dermatologiques mais plus généraux. Ils portent sur la vie au quotidien du malade (le début ou l’aggravation récente de la symptomatologie, l’impossibilité d’aller travailler, la gêne dans les activités) et sur le retentissement (douleur, insomnie). Les seuls symptômes dermatologiques décrits sont la présence de « cloques d’eau » et « une boule qui grossit ». À notre avis, la présence de ces critères doit permettre au dermatologue de repérer les malades qu’il faut en effet voir rapidement. Ils ne sont cependant pas assez sélectifs et leur absence ne suffit pas pour récuser un malade. Cela apparaît dans l’analyse des caractéristiques du score. Elles témoignent d’une élaboration satisfaisante en théorie, mais inutilisable en pratique. Les valeurs seuils qui garantiraient contre le risque de manquer une véritable urgence sont si basses que cela reviendrait à voir presque tous les demandeurs.

Depuis la réalisation de cette étude, les nouvelles dispositions d’accès aux dermatologues ont et vont modifier la donne sur un mode qu’il est pour l’instant difficile d’appréhender tant sont grandes les disparités d’interprétation du mot urgence d’une Caisse d’Assurance-maladie à l’autre. Il sera du rôle du Syndicat des Dermatologues aidé par les autres instances de la Dermatologie (Société Française de Dermatologie, Fédération des Associations), d’obtenir une règle nationale concernant la prise en charge des urgences en dermatologie.

Conclusion Nous sommes à une époque charnière où le nombre de dermatologues commence à décliner et la demande de consultation reste forte. Le nombre de demandes de rendez-vous en urgence va probablement augmenter parallèlement à l’allongement des délais de consultations. Bien sûr cette augmentation risque d’être freinée au moins transitoirement par les nouvelles mesures d’accès au dermatologue. Si nous sommes amenés à faire un tri entre ces demandes de consultation en urgence, le souci est constant de ne pas laisser passer la vraie urgence. Remerciements. Nous remercions vivement les dermatologues qui ont accepté de participer à l’ET.U.DE. Il s’agit de : MarieThérèse Aléos-Guégan, Martine Baspeyras, Hélène Bocquet, Marie-Claude Boullié, Catherine Chevrie, Michel Colomb, Alain Combeau, Phuong Mai Dang-Darthout, Philippe Deshayes, Isabelle Dignac, Anne Dubeau-Denais, Jean-François Farque, Jacqueline Fayol, Khadija Fekir, Catherine Hoff Bermon, Fabienne Léonard, Paul Lestang, Régine Levet, Anne Lorent, Jacques Lulin, Jean-Charles Martin, Françoise Méry, Alexandre Ostojic, Catherine Pauly-Huart, Dominique Penso-Assathiany, Anne-Marie Perroud, Dominique Petit, Richard Phelippot, Isabelle Rekacewicz, Jean-Luc Riboulet, Jean Roby, Michel Roth, Florence Samain, Michel Samsoen, Augustine Schlachter, Isabelle Tallandeau, Éric Tisserand, Martine Vigan, Jean-Pierre Vignali, Laurent Wagner.

Références 1. Lulin J. Demande de consultation dermatologique d’urgence en pratique libérale. Ann Dermatol Venereol 2003;130:157-9. 2. Lukasiewicz E, Martel J, Roujeau JC, Flahault A. La dermatologie libérale en France en 2000. Sondage représentatif un jour donné. Ann Dermatol Venereol 2002;129:1261-5. 3. Blaise S, Trividic M, Boulinguez S, Sparsa A, Bonnetblanc JM, Bédane C. Consultations d’urgence en dermatologie au CHU de Limoges. Ann Dermatol Venereol 2004;131:1098-100. 4. Murr D, Bocquet H, Bachot N, Bagot M, Revuz J, Roujeau JC. Intérêt d’une consultation hospitalière d’urgences dermatologiques. Ann Dermatol Venereol 2003;130:167-70. 5. Legoupil D, Davaine AC, Karam A, Peu Duvallon P, Dupré D, Greco M, et al. Évaluation d’une consultation d’urgences en dermatologie. Ann Dermatol Venereol 2005;132:857-9.

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