Prélèvements parasitologiques en dermatologie

Prélèvements parasitologiques en dermatologie

EMC-Dermatologie Cosmétologie 2 (2005) 161–169 http://france.elsevier.com/direct/EMCDC/ Prélèvements parasitologiques en dermatologie Sampling metho...

482KB Sizes 373 Downloads 521 Views

EMC-Dermatologie Cosmétologie 2 (2005) 161–169

http://france.elsevier.com/direct/EMCDC/

Prélèvements parasitologiques en dermatologie Sampling methods in dermatology M. Develoux (Maître de conférences, praticien hospitalier) Service de parasitologie-mycologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France

MOTS CLÉS Manifestations cutanées des parasitoses ; Prélèvements ; Diagnostic parasitologique

KEYWORDS Cutaneous manifestations of parasitosis; Sampling methods; Parasitological diagnosis

Résumé Les manifestations cutanées des parasitoses sont nombreuses et obéissent à des mécanismes divers. Lorsque les parasites sont situés au site d’inoculation (Leishmania spp.), dans le derme (Onchocerca volvulus) sur la peau et les phanères (ectoparasitoses), c’est essentiellement grâce à l’examen direct que sera établi le diagnostic. Dans le cas des leishmanioses cutanées la PCR (polymerase chain reaction) est une méthode diagnostique sensible qui permet de plus une identification rapide de l’espèce impliquée. Les autres signes cutanés sont des manifestations générales surtout de type allergique. Les examens parasitologiques devront être choisis en fonction des données cliniques et épidémiologiques. Les réactions allergiques sont particulièrement marquées dans les phases d’invasion de certaines helminthiases (trichinellose, bilharziose, fasciolose) ou dans les syndromes de larva migrans viscérale (toxocarose). Dans ces cas, le diagnostic parasitologique repose sur les réactions sérologiques. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Cutaneous manifestations of parasitosis are numerous and related to various mechanisms. When parasites are located at the inoculation site (Leishmania spp), in dermis (Onchocerca volvulus), live on skin or hair (ectoparasites) diagnosis is mainly made by direct examination. PCR (polymerase chain reaction) is a sensible diagnostic method for cutaneous leishmaniaisis and allows a rapid identification of causative species. Other cutaneous symptoms of parasitosis are general allergic manifestations. In this case, specific demands must be selected after clinical and epidemiological data. Allergic reactions are particularly intense during the invasive stage of some helminthiasis (trichinellosis, schistosomiasis, fasciolasis) or in visceral larva migrans (toxocariasis). In these cases, the parasitologic diagnosis relies on serologic assays. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Les manifestations cutanées des parasitoses sont nombreuses. Pour aboutir au diagnostic étiologique deux cas de figures se présentent. L’agent pathogène adulte ou non se trouve au niveau de l’inoculation cutanée, dans le derme, ou vit sur la peau et les Adresse e-mail : [email protected] (M. Develoux).

phanères. Dans ces cas, c’est le prélèvement local avec examen microscopique ou à la loupe des prélèvements qui est privilégié. Il peut être insuffisant et sera si besoin complété par la biopsie, la sérologie et les méthodes de biologie moléculaire. Dans le deuxième cas, les signes cutanés sont généraux, le choix des examens à pratiquer implique que le laboratoire est en possession d’un minimum de renseignements concernant le patient et qu’il y a contact entre le clinicien et le biologiste en cas de doute.

1762-5696/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcdc.2005.08.003

162

Protozooses Entamoebose La localisation cutanée est une manifestation rare de l’entamoebose due à Entamoeba histolytica.1 Les lésions ulcérées, délabrantes, siègent sur une cicatrice d’intervention abdominale, l’orifice de drainage d’un abcès hépatique ou d’une colostomie, au niveau de l’anus ou des organes génitaux. Dans ce dernier cas la contamination est sexuelle.2 La mise en évidence des amibes hématophages est généralement aisée par l’examen direct des exsudats obtenus par grattage des bords de la lésion, il n’est malheureusement pas toujours pratiqué et le diagnostic sera une surprise histologique. En ce qui concerne les localisations génitales, le diagnostic est généralement fait par l’examen direct des sécrétions vaginales chez la femme. Chez l’homme où la localisation génitale est plus exceptionnelle, trompeuse, c’est la biopsie qui a permis de faire le diagnostic dans la majorité des cas rapportés. La sérologie est généralement positive dans les localisations extracoliques de l’entamoebose, elle doit être demandée si une localisation cutanée de cette protozoose est suspectée.

Acanthomoebose L’acanthomoebose cutanée est bien différente, il s’agit d’une infection rare à amibes libres qui ne s’observe que chez des immunodéprimés, sidéens en particulier. Le diagnostic est fait par l’examen anatomopathologique.

Trypanosomiase humaine africaine La trypanosomiase humaine africaine (THA) est une infection en recrudescence dans les foyers endémiques. Des manifestations cutanées peuvent s’observer à tous les stades de la maladie.3 Ce n’est que dans la lésion initiale, chancre d’inoculation ou trypanome, que les trypanosomes peuvent être retrouvés à l’examen direct. Il n’est pas toujours présent et les patients sont vus à des stades plus évolués en zone d’endémie. Ce chancre d’inoculation est plus fréquemment observé dans la forme est-africaine due à Trypanosoma rhodesiense. Ainsi, dans les trypanosomiases d’importation rapportées chez des touristes européens ou nordaméricains ayant fait des séjours dans les parcs d’Afrique de l’Est, la présence d’un chancre a été souvent constatée.4 Le frottis de la lésion permet de mettre en évidence les parasites et de mettre en route rapidement le traitement. Dans les formes

M. Develoux plus avancées de THA le parasite n’est pas retrouvé au niveau des lésions cutanées appelées alors trypanides. Le diagnostic est fait à ce stade par la recherche de trypanosomes dans le sang, les ganglions, le liquide céphalorachidien et par la sérologie.

Leishmanioses cutanées et cutanéomuqueuses Les leishmanioses cutanées et cutanéomuqueuses sont très répandues puisqu’on estime à environ 1,5 million les cas diagnostiqués chaque année dans les différents foyers répartis dans le monde. Si la leishmaniose cutanée reste rare en France métropolitaine, les cas d’importation se multiplient en provenance du bassin méditerranéen, d’Afrique de l’Ouest et de Guyane. Le diagnostic biologique est indispensable pour la mise en œuvre d’un traitement adapté. Les méthodes classiques ont pour but de mettre en évidence les formes amastigotes des parasites.5,6 Prélèvement Le frottis de suc dermique obtenu par grattage est l’examen le plus simple. Avec un vaccinostyle ou un scalpel, le versant interne de la bordure d’une lésion ulcérée ou ulcérocroûteuse est raclé. Le suc dermique est étalé sur une lame qui sera colorée au May-Grünwald-Giemsa. Il est souhaitable de faire plusieurs prélèvements. La lecture peut être gênée par la présence de germes de surinfection. Dans ce cas, l’examen doit être refait après un court traitement antibiotique. Certains auteurs préfèrent le prélèvement par aspiration à l’aiguille après injection de sérum physiologique fait à l’aide d’une seringue de 1 ml munie d’une aiguille hypodermique.5 L’aiguille est enfoncée dans le grand axe de la lésion, 0,3 à 0,5 ml de sérum physiologique est injecté, puis, après friction de la zone lésionnelle le liquide est réaspiré et étalé sur une lame. Cette méthode a l’avantage de pouvoir être aussi utilisée lorsque les lésions sont fermées, nodulaires (leishmanioses sporotrichoïdes, leishmanioses cutanées diffuses, manifestations cutanées des leishmanioses viscérales de l’immunodéprimé, leishmaniose cutanée post-kala-azar). Elle est moins gênée par la surinfection et les aspirations permettent de pratiquer aisément des cultures ; l’inconvénient, en revanche, est l’obtention d’un matériel parfois insuffisant. La biopsie doit porter sur les bords de la lésion en dehors d’une zone croûteuse, elle permet de faire des appositions sur lame et un fragment peut être cultivé. Le résultat de la lecture dépend en partie de l’expérience qu’a l’anatomopathologiste des leishmanioses.

Prélèvements parasitologiques en dermatologie Examens biochimiques Les cultures se font sur milieu NNN (Novy-Mac NealNicolle) ou d’autres milieux diphasiques à une température comprise entre 21 et 27 °C. Pour la plupart des auteurs, la culture est la plus sensible des méthodes classiques. Elle peut être difficile pour certaines espèces, en particulier celles du Nouveau Monde. Parmi les inconvénients, il y a le risque de contamination des cultures ainsi que le temps nécessaire pour obtenir des formes promastigotes, 7 à 10 jours. Le diagnostic d’espèce ne peut être obtenu qu’à partir de ces formes, il se fait sur des critères biochimiques (électrophorèse des isoenzymes) ou par des techniques de biologie moléculaire. L’identification n’est réalisée que par des centres spécialisés qui reçoivent de nombreuses demandes de typage, d’où parfois de longs délais de réponse. Le diagnostic par PCR (polymerase chain reaction) appliquée à la leishmaniose cutanée s’est avéré intéressant.6,7 On peut la pratiquer sur différents types de spécimens : biopsie incluse ou non, frottis cutanés, produit d’aspiration à l’aiguille fine. La sensibilité est moindre dans les lésions chroniques où le nombre de parasites est peu important. La PCR permet aussi l’identification de l’espèce en cause, ce qui entraîne un précieux gain de temps par rapport aux tests traditionnels. Une identification d’espèce par PCR a été possible dans des cas où les cultures étaient restées négatives ou lorsque les méthodes enzymatiques n’avaient pas permis de tirer de conclusion.7 Cet examen prometteur n’est pratiqué pour l’instant que par quelques laboratoires hyperspécialisés. La sérologie est peu utilisée dans les leishmanioses cutanées en raison de son manque de sensibilité mais des résultats intéressants ont été obtenus par western blot. La réaction de Monténégro (intradermoréaction à la leishmanine) n’a pas d’intérêt pour porter le diagnostic de leishmaniose. Elle est encore parfois utilisée dans des enquêtes épidémiologiques.

163 visée bactériologique. Chez l’homme, la trichomonose, le plus souvent asymptomatique, se manifeste parfois par une urétrite subaiguë. Un examen à l’état frais du culot de centrifugation du premier jet urinaire doit donc être pratiqué.

Helminthiases Onchocercose L’onchocercose est une filariose dont les signes cliniques sont essentiellement cutanés et dont l’atteinte oculaire, qui en fait toute la gravité, peut conduire à la cécité. Elle sévit essentiellement en Afrique intertropicale, de petits foyers existent au Yémen, en Amérique Centrale et du Sud. Le grand programme de lutte mis en place en Afrique de l’Ouest depuis trois décennies a entraîné une raréfaction des cas d’importation en Europe. Le diagnostic parasitologique repose sur la mise en évidence des microfilaires dermiques. La méthode la plus utilisée pour cette biopsie cutanée exsangue (BCE) utilise une pince à sclérotomie (Fig. 1), ce qui permet d’obtenir des fragments de peau de taille et de poids similaires.8,9 Les prélèvements se font au niveau des crêtes iliaques droite et gauche. Les fragments de peau recueillis sont mis dans des

Trichomonose La trichomonose dont l’agent étiologique est un protozoaire flagellé, Trichomonas vaginalis, détermine chez la femme une vulvovaginite avec leucorrhées verdâtres. L’examen local est fait à la curette ou à la pipette Pasteur. Le prélèvement doit être examiné rapidement à l’état frais dans une goutte de sérum physiologique. Le parasite est aisément observé avec ses flagelles et son mouvement caractéristique. Les parasites sont plus difficiles à reconnaître sur des frottis colorés. T. vaginalis est parfois retrouvé fortuitement à un examen d’urine à

Figure 1 Biopsie cutanée exsangue avec pince à sclérotomie (collection du Dr Chandenier).

164 verres de montre ou des cupules de plaques de microtitration contenant du sérum physiologique. La lecture peut se faire une demi-heure après, les microfilaires mobiles qui s’échappent de la biopsie dans le liquide sont facilement repérées à la loupe binoculaire. Les microfilaires d’O. volvulus mesurent environ 300 lm et doivent être distinguées d’autres microfilaires dermiques non pathogènes qui sont de plus petite taille. Pour effectuer le prélèvement dermique, des ciseaux courbes peuvent aussi être utilisés pour prélever un lambeau de peau pincée entre le pouce et l’index ou éventuellement un scalpel, une lame de rasoir, la peau ayant été tirée avec la pointe d’une aiguille enfoncée sous l’épiderme. Dans les deux cas, le but est là encore d’obtenir de petits fragments de peau sans faire saigner. Dans certains pays d’Afrique Centrale la méthode des scarifications est utilisée. Elles se font à la face externe du bras. Les lames sont appliquées sur les scarifications, elles sont lues après coloration, ce qui permet de distinguer les microfilaires sanguicoles (Loa-loa en particulier) de celles d’O. volvulus. Dans l’avenir la recherche d’ADN parasitaire dans la peau de sujets infectés, plus adaptée aux enquêtes de masse, pourrait supplanter les méthodes parasitologiques traditionnelles.10 Le test de Mazotti est un test clinique qui se justifiait, en l’absence de lésion oculaire, lorsque les examens parasitologiques directs étaient restés négatifs. Le test était considéré comme positif s’il apparaissait, une demi-heure après la prise de 50 mg de diéthylcarbamazine, un prurit prédominant au bassin, avec parfois œdème localisé et adénopathies. Il est abandonné mais des tests utilisant la diéthylcarbamazine sous forme de pommade sont en cours d’étude en zone d’endémie. Les sujets infectés présentent une réaction locale papuleuse 48 heures après l’application. Les méthodes sérologiques classiques manquaient de spécificité et reproductibilité. Avec de nouveaux antigènes et en utilisant la méthode Elisa la sensibilité a été améliorée. Ces nouveaux tests sérologiques constituent un grand progrès pour les études sur le terrain mais ne sont pas assez sensibles pour le diagnostic individuel.9

Dracunculose ou filariose de Médine C’est une helminthiase assimilée aux filarioses.11 Elle a été éradiquée d’Asie et de nombreux pays endémiques africains depuis la mise en œuvre du programme d’éradication institué par l’OMS en 1986. Elle est en voie de disparition et en 2002-2003 89 % des cas notifiés concernaient le Soudan et le

M. Develoux Ghana. Pathologie d’importation fréquente chez les migrants d’Afrique de l’Ouest il y a quelques années, elle n’est plus observée en France maintenant. La sortie de la filaire adulte se fait essentiellement au niveau du membre inférieur et avant tout du cou-de-pied. Les larves peuvent être retrouvées dans le liquide émis après ouverture de la phlyctène, première manifestation locale précédant la sortie de la femelle adulte. Elles sont de grande taille, 600 à 700 lm, facilement reconnaissables.

Ectoparasitoses Gale humaine Épidémiologie La gale humaine due à un acarien Sarcoptes scabiei var hominis est une ectoparasitose cosmopolite. Elle frappe préférentiellement les couches les plus défavorisées des populations. En Europe, elle est fréquente dans les collectivités : hôpitaux, maisons de retraite, écoles. Le diagnostic biologique se fait par recherche de sarcoptes à l’examen direct.12 Il n’est pas toujours pratiqué, le diagnostic de gale étant souvent porté, parfois par excès, sur des arguments cliniques ou épidémiologiques. Il paraît souhaitable de pratiquer la recherche de sarcopte chez un sujet isolé suspect de gale ou dans un contexte épidémique où il est impératif d’affirmer le diagnostic. Dans le cadre des « maladies liées à des agents infectieux ou parasitaires contractées en milieu d’hospitalisation et d’hospitalisation à domicile », l’affection doit être confirmée par l’identification de sarcoptes en dehors d’un contexte épidémiologique pour être reconnue maladie professionnelle. Prélèvements et examens La mise en évidence du parasite est réputée difficile chez l’immunocompétent en raison du nombre réduit de sarcoptes hébergés. La sensibilité de l’examen dépend de plusieurs facteurs comme la présentation clinique, l’expérience du préleveur. Lorsque les signes les plus évocateurs, sillons et vésicules perlées des espaces interdigitaux, sont présents, l’examen est généralement positif. Les sillons peuvent être mieux mis en évidence par le test à l’encre de Chine, l’encre pénétrant par capillarité dans les sillons qui restent marqués après nettoyage à l’alcool.13 Nous n’utilisons pas ce test dans notre pratique courante. Le raclage se fait perpendiculairement au sillon à l’aide d’une curette, d’un scalpel ou d’un vaccinostyle qui nous apparaît le plus adapté. C’est à l’extrémité du

Prélèvements parasitologiques en dermatologie sillon où l’on remarque parfois une élevure grisâtre, que se trouve le sarcopte femelle. Les squames recueillies sont déposées sur une lame dans du sérum physiologique ou dans des mélanges éclaircissants (KOH à 30 %, chloral-lactophénol, noir chlorazol). Plusieurs prélèvements doivent être pratiqués. Les femelles adultes et/ou les œufs sont facilement reconnaissables. Les premières sont ovalaires, mesurant de 300 à 350 lm, avec quatre paires de pattes (Fig. 2). Les œufs ont une coque bien dessinée, un diamètre de 150 lm environ (Fig. 3). Les larves hexapodes, œufs vides, débris et déjections (scybales) de sarcoptes sont plus difficiles à identifier. Les sarcoptes peuvent être retrouvés au niveau de papules périombilicales, des aisselles, du pénis chez l’homme et des mamelons chez la femme, de vésicules plantaires ou palmaires chez le nourrisson. Même dans les formes typiques, la négativité de l’examen direct ne peut formellement éliminer le diagnostic. Dans les formes modifiées, surinfectées, impétiginisées, il est difficile de pratiquer un prélèvement dirigé. Dans les gales croûteuses, localisées ou généralisées, les

Figure 2 Sarcopte adulte.

165 sarcoptes sont toujours mis en évidence par l’examen direct qui est indispensable. Son intérêt est majeur vu la contagiosité de ces formes, il permet de donner une réponse rapide et de prendre les précautions adaptées vis-à-vis du patient. La négativité de l’examen doit faire envisager une autre dermatose hyperkératosique. Le prélèvement peut porter sur n’importe quelle partie croûteuse du corps, préférentiellement il se fera aux mains. L’atteinte du cuir chevelu est fréquente dans les formes croûteuses et un prélèvement peut être fait à ce niveau. L’utilisation d’un mélange éclaircissant est indispensable vu l’épaisseur des squames. La lecture des lames peut donc être retardée. Si besoin, les lames qui auront été conservées au réfrigérateur pour éviter la dessiccation seront relues le lendemain. La microscopie par épiluminescence (MEL) est une méthode non invasive ne nécessitant pas l’intervention du laboratoire.14 Elle s’est révélée sensible, rapide, adaptée à la recherche de sarcoptes in vivo. Ceux-ci apparaissent comme de petites structures triangulaires, noires. La présence de petites bulles d’air permet d’objectiver un segment linéaire partant de la base du triangle, correspondant au sillon. Le tout évoque un chasseur à réaction à ailes delta suivi de sa traînée en haute altitude. Cette méthode ne permet pas de distinguer les sarcoptes vivants de ceux qui sont morts. Chez l’enfant, la sensibilité de la MEL a été également constatée, le principal avantage dans cette population est le caractère indolore de la méthode.15 Enfin, la MEL peut être utilisée pour suivre l’évolution après traitement et pour détecter d’éventuels cas dans l’entourage familial. La biopsie n’est pas d’utilisation courante dans la gale. Elle a permis de porter le diagnostic dans des formes cliniques rares comme des formes bulleuses ou croûteuses dont le diagnostic n’avait pas été évoqué cliniquement.

Pédiculose

Figure 3 Œuf de sarcopte.

Le biologiste polyvalent ou le parasitologue peut être sollicité pour la recherche ou l’identification de poux. La pédiculose du cuir chevelu est due à Pediculus humanus capitis.16 Ce pou est aplati dorsoventralement, de couleur gris-beige, sa taille varie entre 1 et 3 mm. Il possède une tête, un thorax, un abdomen. Ses trois paires de pattes, armées de griffes, sont fixées au thorax. Les œufs ou lentes sont fixées aux cheveux difficilement détachables. Elles sont ovoïdes, blanchâtres, mesurant environ 0,8 mm (Fig. 4). Elles sont retrouvées dans les régions occipitales et rétro-auriculaires. Les lentes sont parfois retrouvées fortuitement

166

M. Develoux

Figure 4 Lente de Pediculus capitis.

Figure 5 Demodex folliculorum.

chez un enfant chez qui il avait été demandé une recherche de teigne pour prurit du cuir chevelu. Les poux du corps (Pediculus humanus corporis) s’observent de plus en plus souvent en Europe chez des sujets sans domicile fixe. Ils sont retrouvés dans les vêtements. L’aspect du pou du corps est similaire à celui du pou de tête, en revanche sa taille est plus grande allant de 2 à 4 mm. Le troisième pou parasite obligatoire de l’homme est Phtirius pubis (morpion) dont la transmission est sexuelle. Son aspect est bien différent de celui des deux précédents avec un corps ramassé et un volumineux thorax (« crab » des Anglo-Saxons). Sa taille varie de 0,8 à 1,2 mm. Les griffes de ses deux dernières paires de pattes sont très développées. Le diagnostic est fait par l’identification des adultes ou par la présence de lentes sur les poils pubiens. Ils peuvent être retrouvés sur d’autres pilosités chez l’homme et au niveau des cils chez l’enfant et l’adolescent.

pect vermiforme, mesurant de 300 à 400 lm, avec quatre paires de pattes situées au tiers antérieur du corps (Fig. 5). Pour l’interprétation des résultats il faut préciser le nombre de parasites observés par lame.17 Les blépharites chroniques à Demodex dont la réalité semble indéniable sont recherchées par prélèvement des cils.

Demodex folliculorum Demodex folliculorum est un acarien fréquemment retrouvé dans les follicules pileux de l’homme au niveau de la face : aile du nez, joues, front, cils. Il n’est donc pas rare de retrouver des Demodex fortuitement dans ces régions, ceci d’autant plus qu’il s’agit d’un sujet âgé. Demodex brevis décrit plus récemment est un parasite des glandes sébacées. Le rôle de D. folliculorum dans certaines pathologies dermatologiques (dermatite rosacéiforme, dermatite périorale, folliculites) reste discuté.17 La recherche de Demodex est plus souvent demandée aux laboratoires hospitaliers de parasitologie depuis l’apparition du sida, des cas de démodécidose cutanée ayant été décrits sur ce terrain. Le prélèvement est facilement pratiqué par grattage, le produit est étalé sur une lame et éclairci, on peut faire également un scotch-test cutané après le grattage. Les Demodex ont un as-

Myiases Elles sont définies par la présence de larves de mouches dans les tissus de vertébrés.18 Plusieurs types de classification des myiases pouvant être observées chez l’homme ont été proposés, la classification basée sur la localisation anatomique des larves est la mieux adaptée à la pratique clinique. Le laboratoire de biologie peut être amené à identifier une larve émise spontanément ou extraite. Dans certains cas, l’identification précise nécessite l’avis d’un entomologiste spécialisé. Pour l’envoi à distance à un laboratoire spécialisé, les larves doivent être mises dans de l’alcool à 70°. C’est essentiellement au groupe des myiases furonculoïdes que le dermatologue est confronté. En Europe ou en Amérique du Nord elles ne sont pas rares parmi les dermatoses observées chez des voyageurs au retour d’un séjour sous les tropiques. Dans ce type de myiase, le diagnostic est facilité par les données épidémiologiques et cliniques ainsi que par le nombre réduit d’espèces impliquées. Cordylobia anthropophaga (ver de Cayor) se rencontre en Afrique tropicale, Dermatobia hominis (ver macaque) en Amérique Latine, du Mexique à l’Argentine. Les larves des deux espèces se distinguent par leur taille. Les larves de C. anthropophaga au stade 3 mesurent de 8 à 12 mm de long, celles de D. hominis de 10 à 25 mm selon le stade. Les larves stade 2 de cette dernière espèce ont un aspect en bouteille caractéristique. D’autres types de myiases peuvent être observés en dermatologie comme les myiases

Prélèvements parasitologiques en dermatologie des plaies de diagnostic clinique facile, mais dont le diagnostic d’espèce nécessite l’intervention d’un spécialiste. C’est l’aspect des stigmates respiratoires et des crochets buccaux en particulier qui permet cette reconnaissance. L’hypodermose, cosmopolite, est devenue rare en France. Le cycle de cette myiase obligatoire est complexe, tissulaire. La larve est parfois émise par un pseudofuroncle, ce qui permet son identification. En raison du cycle tissulaire la sérologie est d’un grand intérêt.

Tungose C’est une ectoparasitose tropicale due à une puce, Tunga penetrans (puce chique). Elle s’observe en Amérique Centrale et du Sud, en Afrique intertropicale, les prévalences et la morbidité sont élevées dans les couches les plus défavorisées des populations de ces régions.19 Des cas d’importation sont régulièrement rapportés en Europe et aux Étatsunis. Le diagnostic est clinique : papule translucide centrée par un point noir, unique ou multiple siégeant au pied. Chaque papule correspond à une femelle gravide située dans l’épiderme. Dans des cas d’importation non diagnostiqués cliniquement, la tungose a pu être affirmée par l’examen direct ou anatomopathologique du produit d’exérèse. Ils montrent la cuticule de l’arthropode et des œufs de grande taille.

Manifestations cutanées allergiques des parasitoses En dehors des parasitoses où l’atteinte cutanée est directe et où le diagnostic se fait essentiellement par mise en évidence du parasite à ce niveau, il existe d’autres situations où les signes cutanés correspondent à des réactions générales. Il s’agit avant tout de manifestations allergiques observées au cours de diverses helminthiases. Pour que les examens parasitologiques adéquats soient pratiqués il est indispensable que le biologiste ait un minimum de renseignements concernant le patient : âge, sexe, profession, origine géographique, voyages outre-mer effectués, symptomatologie clinique, présence ou non d’une hyperéosinophilie. S’il y a un doute sur les examens à pratiquer ou leur bien-fondé, un contact doit être établi entre le clinicien et le biologiste. Certaines helminthiases intestinales réclament en effet des examens spécifiques : scotch-test anal à la recherche d’œufs d’oxyure, méthode d’extraction des larves d’anguillules de Baermann.20 Il n’est pas rare aussi que le laboratoire reçoive des demandes de sérologies

167 qui ne se font pas en pratique courante en raison de leur manque de sensibilité (sérologie de giardiose, tæniase, anguillulose) alors que les examens simples à visée diagnostique de ces parasitoses n’avaient pas été demandés. Les signes allergiques des helminthiases surviennent en effet principalement lors de la phase d’invasion du parasite où les adultes, les œufs ou les larves (trichinellose, bilharzioses, distomatose à Fasciola hepatica) ne peuvent être mis en évidence. C’est la sérologie alors qui permet de poser le diagnostic. Les signes allergiques cutanés sont aussi fréquents dans les impasses parasitaires (toxocarose) où là encore le diagnostic est sérologique. Le cas du tæniasis est particulier, il peut y avoir des signes allergiques accompagnés de douleurs abdominales à la phase d’invasion. L’examen des selles est négatif à ce stade et la sérologie manque de sensibilité. En revanche, la présence de cristaux de CharcotLeyden dans les selles peut plaider en faveur de cette hypothèse. L’attention a été portée par quelques auteurs sur l’association d’une giardiose et de manifestations allergiques cutanées. Il s’agit là d’une parasitose intestinale due à un protozoaire, mais elle est de toute façon dépistée par l’examen parasitologique des selles qui doit faire partie du bilan d’une allergie cutanée. La loase, filariose d’Afrique Centrale, se manifeste par des œdèmes localisés spontanément régressifs (œdèmes de Calabar) ou des signes cutanés allergiques non spécifiques. Le diagnostic réclame la recherche de microfilaires dans le sang par un prélèvement diurne. La sérologie manque de spécificité et de sensibilité. Le Tableau 1 résume les examens à envisager devant des réactions allergiques soupçonnées être d’origine parasitaire en distinguant les parasitoses cosmopolites de celles contractées exclusivement ou quasi exclusivement en dehors de la France métropolitaine.

Dermatoses rampantes et nodules parasitaires Deux autres situations classiques peuvent se présenter en dermatologie parasitaire : les dermatoses rampantes et les nodules sous-cutanés.

Dermatoses rampantes Une des principales dermatoses rampantes est le larbish (larva migrans cutanée ankylostomienne) dont le diagnostic est clinique.21 La larva currens, manifestation cutanée pathognomonique de l’an-

168

M. Develoux

Tableau 1 Examens parasitologiques à demander en cas de suspicion d’une des principales helminthiases pouvant s’accompagner de signes allergiques. Parasitose Oxyurose Trichinellose

Toxocarose Distomatose à Fasciola hepatica

Ascaridiose Ankylostomose en phase d’invasion Anguillulose

Signes cutanés Éosinophile Helminthiases cosmopolites Prurit anal ± Œdème facial, prurit, urticaire, +++ éruption papulomaculeuse Urticaire chronique Urticaire, prurit, dermographisme

+++ ++

Helminthiases contractées hors de l’hexagone Prurit ++ Urticaire

Examen à pratiquer Scotch-test anal Sérologie Biopsie musculaire 3 semaines après l’infestation Sérologie Sérologie Examen des selles 3 mois après l’infestation Examen des selles se positivant 40 à 60 j après l’infestation

++ (fluctuante)

Méthode de Baermann

Loase

Prurit Urticaire Œdèmes localisés, prurit

++

Bilhazioses en phase d’invasion

Prurit

+++

Hydatidose fissurée ou rompue

Prurit, urticaire, œdème de Quincke

++

Recherche de microfilaires sanguines, sérologie Sérologie 4 à 5 semaines après l’infestation Sérologie

guillulose, a une sémiologie différente. La suspicion de larva currens doit faire demander un examen des selles avec méthode de Baermann, la sérologie de cette parasitose souvent demandée au laboratoire n’est pas pratiquée en routine. La gnathostomose peut se révéler par une dermatose rampante. C’est une parasitose du Sud-Est asiatique et d’Amérique Latine qui n’est plus exceptionnelle en Europe ou en Amérique du Nord comme pathologie d’importation. Le diagnostic est sérologique mais cet examen ne se pratique pas en France, le sérum doit être transmis à un laboratoire spécialisé en parasitologie qui se charge de l’adresser à un centre de référence.

2.

3.

4.

5.

6. 7.

Nodules sous-cutanés Les nodules sous-cutanés parasitaires sont le plus souvent des surprises d’examen anatomopathologique. L’identification précise de l’infection parasitaire à l’origine du nodule (cysticercose, onchocercose, dirofilariose, coenurose, sparganose) nécessite une confrontation entre cliniciens, anatomopathologistes et parasitologues.

Références

8.

9. 10.

11. 12.

1.

Parshad S, Grover PS, Sharma A, Verma DK, Sharma A. Primary cutaneous amoebiasis: case report with review of the literature. Int J Dermatol 2002;41:676–80.

13.

Antony SJ, Lopez-Po P. Genital amebiasis: historical perspective of an unusual disease presentation. Urology 1999; 54:952–5. McGovern TW, Williams W, Fitzpatrick JE, Cetron MS, Hepburn BC, Gentry MC. Cutaneous manifestations of African trypanosomiasis. Arch Dermatol 1995;131:1178–82. Jelinek T, Bisoffi Z, Bonazzi L, van Thiel P, Bronner U, de Frey A, et al. Cluster of African trypanosomiasis in travellers to Tanzanian national parks. Emerg Infect Dis 2002;8: 634–5. Vouldoukis I, Monjour L, Frommel D, Rosenheim M, Datry A, Colomb-Vallet I, et al. Prélèvement par aspiration à l’aiguille dans le diagnostic de la leishmaniose cutanée. Presse Méd 1987;16:76–7. Vega-López F. Diagnosis of cutaneous leishmaniasis. Curr Opin Infect Dis 2003;16:97–101. Gangneux JP, Menotti J, Lorenzo F, Sarfati C, Blanche H, Bui H, et al. Prospective value of PCR amplification and sequencing for diagnosis and typing of old world Leishmania infections in an area of nonendemicity. J Clin Microbiol 2003;41:1419–22. Prost A, Prod’hon J. Le diagnostic parasitologique de l’onchocercose. Revue critique des méthodes en usage. Méd Trop 1978;38:519–32. Boussinesq M. L’onchocercose humaine en Afrique. Méd Trop 1997;57:389–400. Vincent JA, Lustigman S, Zhang S, Weil GJ. A comparison of newer tests for the diagnosis of onchocerciasis. Ann Trop Med Parasitol 2000;94:253–8. Greenway C. Dracunculiasis (guinea worm disease). CMAJ 2004;170:495–500. Grossin M. Recherche de sarcoptes. Ann Dermatol Vénéréol 2001;128:69–70. Woodley D, Saurat JH. The burrow ink test and the scabies mite. J Am Acad Dermatol 1981;4:715–22.

Prélèvements parasitologiques en dermatologie 14.

15.

16. 17.

Argenziano G, Fabbrocini G, Delfino M. Epiluminescence microscopy. A new approach to in vivo detection of Sarcoptes scabiei. Arch Dermatol 1997;133:751–3. Lacarruba F, Musumecci ML, Caltabiano R, Impallomeni R, West DP, Micali G. High-magnification videodermatoscopy: a new non-invasive diagnostic tool for scabies in children. Pediatr Dermatol 2001;1:439–41. Ko CJ, Elston DM. Pediculosis. J Am Acad Dermatol 2004; 50:1–12. Forton F, Germaux MA, Brasseur T, De Liever A, Laporte M, Mathys C, et al. Demodicosis and rosacea: epidemiology and significance in daily dermatologic practice. J Am Acad Dermatol 2005;52:74–87.

169 18.

Guiguen C, Gangneux JP, Beaucournu JC. Myiases humaines. In: Chabasse D, Caumes E, editors. Parasitoses et mycoses courantes de la peau et des phanères. Paris: Elsevier; 2003. p. 33–54.

19.

Degeilh B, Beaucournu JC. Tungose. In: Chabasse D, Caumes E, editors. Parasitoses et mycoses courantes de la peau et des phanères. Paris: Elsevier; 2003. p. 55–63.

20.

Chandenier J. Examen parasitologique des selles. Ann Dermatol Vénéréol 2003;130:1115–8.

21.

Verneuil L, Caumes E. Les dermatoses rampantes. Ann Dermatol Vénéréol 2002;129:1191–6.