Dépistage du cancer de la prostate : les arguments « contre »

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Médecine Nucléaire 32 (2008) 41–45 http://france.elsevier.com/direct/MEDNUC

Mise au point

Dépistage du cancer de la prostate : les arguments « contre » Screening for prostate cancer: The arguments against Paul Perrin Service d’urologie, centre hospitalier de Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite, France Reçu le 26 novembre 2007 ; accepté le 27 novembre 2007

Résumé Le dépistage de masse du cancer de la prostate fait l’objet de débats souvent passionnés depuis que la mesure du taux d’antigène prostatique spécifique (PSA) sérique est disponible, c’est-à-dire depuis une vingtaine d’années. Les partisans du dépistage de masse s’appuient sur le fait que la découverte précoce d’une tumeur permet un traitement de meilleure qualité et moins agressif. En fait, cet argumentaire repose sur des études des cohortes de suivi longitudinal, mais qui n’ont jamais été comparées à des groupes témoins. Pour vérifier un lien de causalité entre une manœuvre de dépistage de masse et la baisse de la mortalité dans la population (critère principal de jugement), il est nécessaire d’avoir recours à des études randomisées. Deux sont aujourd’hui en cours dont les résultats ne seront disponibles que d’ici trois à quatre ans. En attendant les études randomisées, la question du bien-fondé du dépistage de masse dans le cancer de la prostate reste sans réponse. Cependant, l’analyse des différents paramètres, qui doivent être optimisés pour permettre un dépistage de masse, montre que la probabilité de réduire le risque de mortalité par un dépistage reste très faible. Dans ces conditions et comme le recommandent les pouvoirs publics, le dépistage de masse n’a pas de raison d’être pour l’instant. La détection précoce, à la demande d’un patient, et après avoir expliqué les avantages et les inconvénients d’une telle manœuvre, représente aujourd’hui le juste milieu entre une négligence et un excès de prise en charge. # 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. Abstract The mass screening for prostate cancer is often a subject of passionate debates since the availability of prostate-specific antigen testing, twenty years ago. The supporters of the mass screening emphasize on the fact that early detection of a tumour offers a better quality and less invasive treatment. In reality, this reasoning relies on some long-term studies on certain groups of subjects in spite of the fact that comparison with control groups has never been done. To examine the relationship between the mass screening and the decrease of population mortality (principal criteria for judgment), it is necessary to have recourse to randomized studies. At present, there are two such studies whose results will be available within three or four years. In the meantime, there is no answer to the question of the place for mass screening. Meanwhile, analysis of different parameters that would support the use of mass screening for prostate cancer to reduce the number of deaths has shown that the probability that it would is very low. Considering these conditions as well as the recommendations by the authorities, the mass screening has not yet found its place. The early detection requested by a patient accompanied by the discussion about its advantages and inconveniences are for now the right way between negligence and excessive management. # 2008 Published by Elsevier Masson SAS. Mots clés : Dépistage ; Cancer de la prostate Keywords: Screening; Prostate cancer

1. Introduction Le dépistage de masse du cancer de la prostate est un concept attrayant pour les patients et leurs médecins, car il

Adresse e-mail : [email protected]. 0928-1258/$ – see front matter # 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.mednuc.2007.11.005

sous-entend en théorie moins de souffrance et moins de morts de la part d’un cancer fréquent chez l’homme de plus de 50 ans. L’utilisation massive de la mesure du taux d’antigène prostatique spécifique (PSA) sérique depuis une vingtaine d’année témoigne de l’engouement et des espoirs mis dans ce concept.

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Cependant, pour justifier la mise en place d’un dépistage de masse du cancer de la prostate, il faut pouvoir en quantifier les bénéfices et les risques, et prouver que la mortalité dans la population dépistée baisse suffisamment du fait du dépistage pour largement compenser la morbidité induite. Cette relation de causalité entre un dépistage et une baisse de mortalité ne peut être établie que par une étude prospective randomisée [19]. Deux études sont en cours : l’une en Europe (l’ERSSPC) [1] et l’autre aux États-Unis (PLC) [2]. Les résultats sont attendus d’ici trois à quatre ans. Ainsi aujourd’hui, le bien-fondé du dépistage de masse du cancer de la prostate pose une question sans réponse, car aucune preuve n’est disponible pour justifier ou refuser sa mise en place. En attendant les résultats des études randomisées, pour entretenir le débat et éclairer la position que chacun peut prendre vis-à-vis du dépistage de masse du cancer de la prostate, il est intéressant d’analyser de manière critique les conditions qui président à la décision d’un dépistage de masse. Nous parlons ici du dépistage de masse, appelé aussi systématique ou organisé, qui s’oppose à la détection ou diagnostic précoce réalisé à l’échelle individuelle. C’est ainsi que se définissent deux grands concepts :  le dépistage de masse est décidé à l’échelle d’une population, ciblée par un facteur de risque (par exemple, les hommes de plus de 50 ans), pris en charge par une instance supérieure (État, collectivité ou entreprise). Il ne peut être mis en place sans avoir fait la preuve de son bénéfice pour la population ciblée. Le bénéfice étant la diminution de la mortalité. La charge de la preuve du bénéfice repose sur la société qui préconise le programme de dépistage. Ainsi, un dépistage programmé est un risque « institutionnalisé » qui doit être compensé par un bénéfice : la baisse de la mortalité ;  le diagnostic précoce est décidé à l’échelle individuelle par le couple patient/médecin. Sa mise en place repose sur la conviction du patient et de son médecin que la détection précoce apporte un bénéfice sans trop d’effet délétère : diminution de la morbidité et/ou un allongement de la survie. La distinction entre ces deux concepts est souvent difficile à comprendre : chacun intuitivement pensant que ce qui pourrait être bon à l’échelle individuelle est forcément bon à l’échelle du groupe et inversement. Malheureusement, il n’en est pas ainsi et un test de détection, justifié à l’échelle d’un individu ne l’est pas forcément à l’échelle du groupe. Il en est de même pour un traitement. Pour que la société puisse bénéficier d’un dépistage organisé, l’OMS, en 1968, a dressé la liste des conditions qui doivent être satisfaites [3] (Tableau 1). Les dix critères interagissent entre eux et tous doivent être optimisés pour réduire le risque de mortalité. Pour des raisons de clarté et simplicité, nous n’évoquerons que les cinq critères les plus « médicaux » pour montrer les difficultés méthodologiques que pose la mise en œuvre d’un dépistage de masse.

Tableau 1 Critères de l’OMS qui président à la décision de mise en place d’un dépistage de masse Table 1 WHO criterions for the application of a mass screening La maladie doit être une menace grave pour la santé publique L’histoire naturelle de la maladie est connue La maladie est décelable pendant une phase de latence ou au début de la phase clinique Les moyens appropriés de diagnostic et de traitement sont disponibles Une épreuve ou un examen de dépistage efficace existe L’épreuve utilisée est acceptable pour la population Un traitement efficace doit être disponible Le choix des sujets qui recevront un traitement est opéré selon des critères préétablis Le coût de la recherche des cas (y compris les frais de diagnostic et de traitement des sujets reconnus malades) n’est pas disproportionné par rapport au coût global des soins médicaux. La recherche des cas est continue et elle n’est pas considérée comme une opération exécutée « une fois pour toutes »

2. Les arguments contres Nous passerons en revue les principales questions que pose le dépistage du cancer de la prostate par la mesure du taux sérique du PSA. 2.1. Le cancer de la prostate est-il un problème de santé publique ? Pour justifier la nécessité du dépistage, il est souvent avancé que le cancer de la prostate est très fréquent, le premier de l’homme après 50 ans, et qu’il a même, dans certains pays, dépassé le cancer du poumon ; l’incidence d’un cancer est un mauvais indicateur de gravité de la maladie. L’argument selon lequel le cancer de la prostate est la deuxième cause de la mortalité par cancer chez l’homme n’est pas plus convaincant, car le cancer de la prostate survient tard dans la vie (à l’opposé du sein). L’âge médian de mort par cancer de la prostate est de 79 ans pour la période 1993 à 1999. Un quart des décès par cancer de la prostate survient après 85 ans [4]. Le nombre d’année de vies perdues par le cancer est un indice qui reflète mieux l’impact social de la maladie. Si l’on classe les cancers selon ce critère, on constate que le cancer de la prostate vient au sixième rang après le poumon, le sein, le colorectum, l’estomac, la pancréas. Ainsi le retentissement social du cancer de la prostate est moindre que ne le laisse penser sa grande fréquence. Cet argument ne met pas en cause le fait que le cancer de la prostate présente un potentiel de létalité [5]. Ainsi le choix de mettre en place un dépistage de masse est une décision de santé publique qui doit prendre en compte non seulement la population atteinte par la maladie, mais aussi la population saine qui pourrait pâtir de la manœuvre de dépistage et enfin les autres maladies qui pourraient être prioritaires selon l’impact social qu’elles génèrent. Il s’agit d’une décision politique qui ne peut être laissée à la responsabilité de groupe de pression qui pourrait défendre des intérêts particuliers.

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2.2. La mesure du taux du PSA est-elle efficace comme test de dépistage ?

les effets du dépistage sur la mortalité et la qualité de vie évalués.

La seconde condition pour pouvoir entreprendre un dépistage de masse est la disponibilité d’un test simple et fiable. La mesure du taux sérique du PSA, introduite dans les années 1980, a révolutionné la découverte du cancer de la prostate et sa prise en charge. Sa sensibilité est estimée à 72 %, sa spécificité à 93 % et sa valeur prédictive à 25 % [6]. Son utilisation en routine amène à réaliser des biopsies sur des patients qui, huit fois sur dix, ne sont pas porteurs de cancer de prostate. Ce taux important de faux positif est une charge lourde pour la communauté et n’est pas exempt d’une certaine morbidité. Malgré de nombreux essais pour améliorer la spécificité du test de dépistage (aux dépens de la sensibilité), sa valeur prédictive reste faible. Lorsqu’on analyse les données de la littérature dans un contexte de dépistage (faible prévalence), la valeur prédictive du PSA totale est encore plus basse ; sensibilité : 34,6 %, spécificité : 91,2 %, valeur prédictive positive : 7,3 % [7,8]. La valeur seuil à partir de laquelle se déclenche la biopsie est un sujet de controverse : les cancers détectés pour une valeur de PSA supérieure à 4 mg/L sont déjà dans la prostate lorsque la valeur est inférieure à 4 [9]. Cela explique que certaines équipes proposent une biopsie prostatique pour des valeurs de 3 mg/L ou même 2,5 mg/L avec l’espoir de découvrir des cancers dans des formes encore plus favorables pour un traitement curateur. L’abaissement de la valeur seuil augmente la sensibilité au dépend de la spécificité. Le risque de biopsie inutile augmente de même que le risque de surtraitement. Enfin un doute commence à planer concernant l’utilité de la mesure du taux de PSA dans la recherche du cancer de la prostate. La relation entre le taux sérique de PSA et le volume tumoral qui dans les années 1980, lors de son introduction, était importante (R2 = 0,43), a presque disparu dans les années 2000 (R2 = 0,02) [10]. Ce fait, s’il se vérifie, remet en cause la valeur du taux de PSA comme test de dépistage. Si le PSA perd sa valeur discriminante du fait de la migration des stades vers les faibles volumes il faudra alors se poser la question d’une biopsie de prostate de dépistage chez tous les hommes après 50 ans. Et cependant, des essais de dépistage du cancer par la mesure du taux de PSA sont disponibles dans la littérature. Le dépistage du cancer de la prostate multiplie par trois le nombre de cancers détecté. Il réduit le nombre de lésions de haut grade ou les formes avancées [11]. Intuitivement, une manœuvre de dépistage devrait s’accompagner d’un bénéfice pour la population qui y est soumise. Mais il reste à prouver que les avantages apportés par le traitement dans la population malade sont supérieurs aux inconvénients provoqués par le traitement dans la population malade et par la manœuvre de dépistage dans la population saine. La vraie valeur du dépistage de masse des cancers de la prostate ne pourra être estimée qu’une fois les résultats des études prospectives randomisées auront été analysés et

2.3. Un traitement curatif est-il disponible ? Parmi les deux traitements validés (chirurgie radicale et radiothérapie), aucun d’entre eux n’a fait l’objet d’une étude randomisée qui permet de quantifier avec certitude le bénéfice. L’étude de Holmberg et al. [12] est un essai randomisé qui compare la survie des patients traités par prostatectomie radicale à ceux qui ont été simplement surveillés. Elle montre qu’à huit ans, le risque de mort par cancer est diminué par deux (7,1 contre 13,6) de même que celui de développer des métastases (13,4 versus 23,3). En revanche, la survie globale n’est pas significativement différente entre la chirurgie et la surveillance (20 % contre 28 %). Cette étude apporte un certain nombre d’éléments qui explique la conviction de nombreux urologues en faveur d’un traitement chirurgical ; cependant, elle ne permet pas de justifier le recours à un dépistage de masse, car les cancers inclus dans cette étude l’ont été sur des bases cliniques (toucher rectal) et seuls 5 % des cancers ont les caractéristiques de cancer dépisté par le PSA. On ne peut donc pas généraliser les conclusions de cette étude à une cohorte de patients porteurs d’un cancer de prostate dépisté par le PSA [13]. Par ailleurs, en terme de survie globale, il n’y a pas (encore ?) de différence et comme nous l’avons vu, il s’agit du critère principal sur lequel se fonde la décision d’un dépistage de masse. 2.4. L’histoire naturelle de la maladie est-elle connue ? La discordance entre une prévalence très élevée (8 % des hommes dans leur vingtième année et 80 % dans leur soixantedixième année sont porteurs d’un cancer de la prostate) [14] contraste avec une incidence clinique faible (9 % de risque de souffrir d’un cancer clinique au cours d’une vie) et une létalité encore plus faible (3 % de mourir d’un cancer de la prostate). Aujourd’hui aucun marqueur n’est disponible pour prévoir l’évolutivité d’un cancer de la prostate. L’évolutivité du cancer de la prostate est très variable : des temps de doublement ont été décrits entre quelques mois à des dizaines d’années. Les tumeurs à évolutivité réduite n’ont pas besoin d’être dépistées. Le risque de sur-diagnostic est estimé entre 16 et 56 % [15]. Si tous les cancers détectés sont traités, on imagine facilement les conséquences néfastes. 2.5. La mortalité a-t-elle baissée ? Enfin, la condition sine qua non pour justifier la mise en place d’un dépistage de masse est la baisse de la mortalité dans la population dépistée, démontrée à l’occasion d’une étude contrôlée. La baisse de la mortalité, comme critère de jugement, peut paraître inappropriée et l’on pourrait se contenter d’une amélioration de la qualité de vie ou d’une diminution du risque de métastase.

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En fait, une amélioration de la qualité de vie de quelques-uns aux prix d’une augmentation de la mortalité de quelques autres est irrecevable. La qualité de vie est un critère secondaire. Dans la littérature, de nombreux travaux étudient l’évolution des taux de mortalité par cancer de la prostate depuis l’utilisation du taux de PSA comme test de dépistage [4]. En l’absence de groupe témoin, il n’est pas possible d’apporter la preuve d’un lien de causalité entre le dépistage par le PSA et la survie. La baisse de la mortalité par cancer est un phénomène général qui touche plusieurs types de cancer, la plupart n’ayant pas fait l’objet d’un dépistage. Dans cette même ligne de pensée, le travail de Lu-Yao et al. [16] qui compare la mortalité entre des populations identiques appartenant, l’une à la région de Seattle, qui a fait l’objet d’un dépistage intensif, et l’autre à la région du Connecticut, qui n’a pas fait l’objet de dépistage, montre que la mortalité n’est pas différente dans les deux groupes. On ne peut pas accepter le raisonnement qui consiste à relier entre eux les évènements suivants : la mesure du taux de PSA est responsable d’une augmentation de l’incidence du cancer de la prostate elle-même responsable d’une migration vers des stades cliniques de meilleur pronostic qui expliquerait en dernier recours la baisse de la mortalité. Il s’agit d’un raisonnement a posteriori qui est sujet à de très nombreux biais :  intervalle latent (déplacement artificiel de l’origine de la maladie par le dépistage donnant l’impression artéfactuelle d’amélioration du devenir) ;  évolutivité (sélection des formes les moins évolutives) ;  sur-diagnostic (découverte de formes qui n’évoluent pas et qui ne seront jamais un problème pour le patient), facteurs environnementaux différents. Le déplacement de l’origine de la maladie par le dépistage de masse est estimé à 11,2 années (biais de l’intervalle latent ou avance au diagnostic) [17]. 3. Conclusion Assez curieusement, dans l’histoire du dépistage du cancer de la prostate, en l’absence de fondement scientifique pour sa mise en œuvre, une forte pression s’exerce pour l’appliquer. Cet enthousiasme se traduit par une bonne volonté évidente à dépister et à traiter les cas positifs dépistés, sans même qu’il existe des preuves suffisantes qu’un cancer de la prostate dépisté à un stade précoce et traité évolue mieux qu’un cancer non traité [18]. Peut-être encore plus inquiétant est le fait que les patients dépistés positifs et traités, lorsqu’ils souffrent individuellement d’effets indésirables (incontinence et impuissance) se disent sauvés par cette stratégie plutôt que dupés. Ainsi en l’absence de preuve formelle sur le bénéfice apporté par le dépistage de masse du cancer de la prostate, il paraît sage de suivre l’avis de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) [19] et du Conseil de l’Union

Tableau 2 Recommandation de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) Table 2 ‘‘Anaes’’ recommendations Quelles informations délivrer à un homme souhaitant réaliser un dépistage du cancer de la prostate ? Communiqué de presse Anaes [19] À la demande de la Direction générale de la santé, l’Anaes propose aux médecins généralistes et aux urologues des éléments d’information à délivrer aux hommes qui envisagent la réalisation d’un dépistage individuel du cancer de la prostate et qui consultent pour la première fois à ce sujet. Afin que le patient puisse prendre une décision éclairée, l’information qui lui est transmise doit être objective, hiérarchisée et compréhensible. Elle doit faire état des bénéfices escomptés du dépistage ainsi que des risques potentiels En France, le cancer de la prostate est le plus fréquent chez l’homme de plus de 50 ans. Il représente la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme, après celui du poumon. En 2000, 40 000 nouveaux cas et 10 000 décès ont été enregistrés. Bien que certaines formes de ce cancer puissent être agressives, il s’agit généralement d’un cancer peu symptomatique et d’évolution lente. À ce jour, les bénéfices attendus de la démarche de dépistage individuel ne sont pas clairement démontrés et le manque de données dans la littérature ne permet pas de conclure à une recommandation de ce type de dépistage. Toutefois, en vue de favoriser un diagnostic à un stade précoce, une démarche de dépistage individuel, non systématisée, par le biais du test de dosage de PSA, de préférence associé à un toucher rectal, peut être envisagée. Elle peut être proposée au cas par cas, en se fondant sur des facteurs de risque statistiquement et cliniquement significatifs, ou réalisée à la demande du patient. Lorsque la démarche est envisagée, la décision doit être partagée avec le patient et doit être prise en tenant compte de ses préférences, de son anxiété et de son aversion pour le risque. La qualité et les modalités d’information du patient sont primordiales.

européenne [20] qui ne recommandent pas le dépistage organisé du cancer de la prostate. En revanche, la détection précoce reste la recommandation de sagesse, car elle permet une amélioration de la prise en charge des patients qui le demandent sans prendre de risques avec la population asymptomatique qui ne demande rien. Dans un contexte de grande incertitude, le respect du malade repose sur une information claire, loyale et équilibrée (Tableau 2). Références [1] Schroder FH, Denis LJ, Roobol M, Nelen V, Auvinen A, Tammela T, et al. ERSPC. The story of the European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer. BJU Int 2003 Dec;92(Suppl. 2):1–13. [2] de Koning HJ, Auvinen A, Berenguer Sanchez A, Calais da Silva F, Ciatto S, Denis L, et al. Large-scale randomized prostate cancer screening trials: program performances in the European randomized screening for prostate cancer trial and the prostate, lung, colorectal and ovary cancer trial. Int J Cancer 2002 Jan 10;97(2):237–44. [3] Wilson, JMG, Jungner, G. 1970. Principes et pratique du dépistage des maladies. Coll. « Cahiers de santé publique, no 34 ». Genève: Organisation mondiale de la santé, 181 p. [4] Boyle P. Screening for prostate cancer: have you had your cholesterol measured? BJU Int 2003 Aug;92(3):191–9. [5] Johansson JE, Andren O, Andersson SO, Dickman PW, Holmberg L, Magnuson A, et al. Natural history of early, localized prostate cancer. JAMA 2004 Jun 9;291(22):2713–9.

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