Des cheveux et des gènes : des progrès constants

Des cheveux et des gènes : des progrès constants

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2010) 137, 576—577 CHRONIQUE GÉNOMIQUE Des cheveux et des gènes : des progrès constants Hair and genes: ...

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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2010) 137, 576—577

CHRONIQUE GÉNOMIQUE

Des cheveux et des gènes : des progrès constants Hair and genes: Continuing progress O. Dereure Service de dermatologie, hôpital Saint-Éloi, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France Disponible sur Internet le 21 aoˆ ut 2010

Les recherches concernant les génodermatoses avec atteinte dominante ou isolée des cheveux continuent de progresser. Ainsi, l’équipe d’Angela Christiano, localisée à New York, s’est intéressée récemment à deux entités : l’hypotrichose héréditaire simplex et les cheveux laineux autosomiques dominants. L’hypotrichose héréditaire simplex a récemment fait l’objet d’une vaste étude de liaison génétique qui a abouti à des conclusions inattendues ayant fait l’objet d’une publication sous la forme d’une lettre dans le très prestigieux périodique Nature, un véritable honneur pour la génodermatologie. L’hypotrichose héréditaire simplex est une affection autosomique dominante rare caractérisée par une miniaturisation progressive des follicules pileux aboutissant à une perte progressive des cheveux débutant durant l’enfance. Un certain nombre d’études antérieures avaient cru identifier l’origine génétique de cette affection assez mystérieuse, mais les résultats n’étaient pas franchement convaincants. En utilisant une technique assez classique d’analyse de liaison génétique sur trois familles informatives, les auteurs ont identifié un nouveau locus situé sur la région 18p11.22, puis une mutation (Leu9Arg) au sein du gène APCDD1 pour Adenomatosis polyposis down regulated 1 [1]. Ce gène, qui est sous-exprimé comme son nom l’indique dans les polypes adénomateux bénins du colon, est en fait une glycoprotéine intramembranaire exprimée de fac ¸on particulièrement abondante dans les follicules pileux

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et qui peut interagir in vitro avec les protéines WNT3A et LRP5, qui sont deux composants essentiels de la voie de signalisation dépendant de Wint, voie qui joue elle-même un rôle fondamental dans le développement des organismes multicellulaires et dont on connaît par ailleurs l’implication dans les proliférations épithéliales bénignes et malignes du colon. Plus spécifiquement, la protéine APCDD1 inhibe la signalisation dépendant de Wint, en amont de la bêtacaténine qui un est des maillons essentiels de cette voie signalétique intracellulaire et qui est souvent mutée dans les carcinomes développés sur polype. APCDD1 inhibe en réalité les effets biologiques de l’activation de toute cette voie de transduction comme les auteurs l’ont bien démontré au cours du développement des neurones dans des modèles animaux, développement qui est entravé par cette protéine. La mutation mise en évidence dans l’hypotrichose héréditaire simplex est située dans une région très particulière de la protéine, le peptide signal, ce qui perturbe très vraisemblablement le trafic intracellulaire de la molécule, et en particulier sa translocation du réticulum endoplasmique à la membrane plasmique. L’expression membranaire est donc vraisemblablement diminuée par la mutation et il est très probable que la forme mutée fonctionne d’une fac ¸on dominante négative, c’est-à-dire qu’elle inhibe la stabilité et la translocation membranaire de la protéine « sauvage ». Il semble donc qu’une inhibition permanente de la voie de signalétique intracellulaire dépendant de Wint joue un rôle important dans le maintien d’une activité normale (ou d’une durée de vie normale, trop vite épuisée en cas d’activité indue de la voie Wint-dépendante ?) des follicules pileux

0151-9638/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2010.07.003

Des cheveux et des gènes : des progrès constants mais le mécanisme biochimique intime de ces interactions reste encore à définir. Dans un domaine complètement différent, les cheveux laineux autosomiques dominants représentent une entité rare qui n’a jusqu’à présent pas été l’objet d’une analyse vraiment systématique sur le plan génétique. À partir d’une famille pakistanaise de grande taille et informative, une analyse assez similaire de liaison génétique a identifié un locus morbide sur la région 12q12-q14.1, incluant notamment le groupe « cluster » des gènes codant pour les kératines de type II. Une analyse systématique des gènes en question a conduit la même équipe, décidément très productive, à la découverte d’une mutation hétérozygote p.Asn148Lys, située dans la région hélicoïdale initiale de la kératine 74, mutation présente chez tous les membres atteints dans la famille en question [2]. La kératine 74 est un composant spécifique de la gaine pilaire interne et la mutation décrite chez les patients aboutit à une perturbation importante dans la formation des filaments intermédiaires de kératine dans les cellules en culture issues des patients, là-encore, très vraisemblablement, sur un mode dominant négatif, ce qui explique la transmission autosomique dominante de la maladie. Il est intéressant de noter qu’une

577 mutation hétérozygote d’un gène très voisin, codant la kératine 71, a été identifiée chez une race de souris ayant un pelage ondulé, aspect très proche des cheveux laineux humains. Les gènes des kératines épithéliales contenus dans la gaine claire interne semblent donc jouer un rôle très important dans le maintien de la texture pilaire, à la fois chez l’homme et dans d’autres espèces de mammifères.

Conflit d’intérêt Aucun conflit d’intérêt pour cet article.

Références [1] Shimomura Y, Agalliu D, Vonica A, Luria V, Wajid M, Baumer A, et al. APCDD1 is a novel wint inhibitor mutated in hereditary hypotrichosis simplex. Nature 2010;464:1043—7. [2] Shimomura Y, Wajid M, Petukhova L, Kurban M, Christiano AM. Autosomal dominant woolly hair resulting from disruption of keratine 74 (KRT74), a potential determinant of human hair texture. Am J Hum Genet 2010;86:632—8.