Déshydratation hypernatrémique et allaitement maternel

Déshydratation hypernatrémique et allaitement maternel

Journal de pédiatrie et de puériculture 19 (2006) 265–267 a v a i l a b l e a t w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m j o u r n a l h o m e p a g...

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Journal de pédiatrie et de puériculture 19 (2006) 265–267

a v a i l a b l e a t w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m

j o u r n a l h o m e p a g e : h t t p : / / f r a n c e . e l s e v i e r. c o m / d i r e c t / P E D P U E /

ARTICLE ORIGINAL

Déshydratation hypernatrémique et allaitement maternel Hypernatremic dehydration and breast-feeding M. Hsairia, H. Ben Hamoudaa,*, B. Mahjouba, A. Bedouia, Y. Belkhira, H. Souaa, H. Brahamb, M.-T. Sfara a b

Unité de néonatologie, service de pédiatrie, hôpital universitaire Tahar Sfar, 5111 Mahdia, Tunisie Service des laboratoires et de la banque du sang, hôpital universitaire Tahar Sfar, 5111 Mahdia, Tunisie

MOTS-CLÉS Déshydratation ; Hypernatrémie ; Nouveau-né ; Allaitement maternel

Résumé La déshydratation hypernatrémique liée à l’allaitement maternel est une complication rare au cours de la période néonatale, exposant le nouveau-né à des séquelles graves. Les auteurs rapportent l’observation d’un nouveau-né de sexe masculin, né à terme, ayant un poids de naissance de 2800 g, allaité exclusivement au sein. Il a présenté, au septième jour de vie, une déshydratation sévère avec une insuffisance rénale, une acidose métabolique, une natrémie à 170 mmol/l et une kaliémie à 7,1 mmol/l. Ce tableau s’est rapidement aggravé par la survenue d’une crise convulsive. Les échographies rénale et transfontanellaire étaient normales. La déshydratation hypernatrémique était due à un apport sodé excessif. Le taux de sodium dans le lait de mère était trois fois plus élevé que celui du témoin (97 vs 36 mmol/l). La réhydratation intraveineuse prudente a permis une correction des troubles hydroélectrolytiques et une guérison sans séquelles. Cette observation met le point sur une complication rare de l’allaitement maternel et sur la gravité de la déshydratation hypernatrémique chez le nouveau-né.

© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Dehydration; Hypernatremia; Neonate; Breast-feeding

Abstract Hypernatremic dehydration due to breast-feeding is a rare complication during neonatal period, and can expose neonates to severe sequels. A 7-day-old exclusively breast-fed male, with a birth weight of 2800 g, had suffered from severe dehydration with acute renal failure and metabolic acidosis, with 170 mmol/l of serum sodium and 7,1 mmol/l of serum potassium, rapidly complicated with seizures. Renal and brain ultrasounds were normal. The hypernatremic dehydration was contributed to an excess of sodium intake. The rate of sodium in mother’s milk was three times as high that witness (97 vs 36 mmol/l). Careful intravenous rehydration allowed the correction of hydroelectrolytic disorders and cure without effects. In this observation, the authors present a rare complication of breast-feeding, and severe neonatal dehydration.

© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Ben Hamouda).

0987-7983/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jpp.2006.08.005

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Introduction Compte tenu des particularités néonatales, les troubles hydroélectrolytiques posent parfois un problème diagnostique, et exposent le nouveau-né à des complications sévères. Ils peuvent mettre en jeu le pronostic vital et laisser des séquelles graves [1]. Nous nous proposons, à travers cette observation, d’étudier l’aspect clinicobiologique et évolutif d’une déshydratation hypernatrémique secondaire à l’allaitement maternel chez un nouveau-né à terme.

Observation Un nouveau-né de sexe masculin, issu d’une mère multipare âgée de 38 ans, sans antécédents pathologiques notables, naît à terme avec un poids de 2800 g, après une grossesse et un accouchement normaux. Le bébé était allaité exclusivement au sein. Il s’est présenté au septième jour de vie avec un tableau de déshydratation stade 3 et une perte pondérale de 500 g (18 % de son poids de naissance), une oligurie et une hypotonie axiale. Le bilan sanguin a montré une urée à 25 mmol/l, une créatinine à 144 μmol/l, une natrémie à 170 mmol/l, une kaliémie à 7,1 mmol/l, une glycémie à 8,4 mmol/l, une osmolarité sanguine à 383 mOsm/l, une calcémie à 2,55 mmol/l, une acidose métabolique sévère avec un pH à 7,12, une PCR (Protéine C-réactive) négative et une numération formule sanguine normale. Dans les urines, le sodium était à 92 mmol/l, le potassium à 47 mmol/l avec une hyperosmolarité urinaire, une hématurie à deux croix et une protéinurie à une croix. L’enfant a été réhydraté par voie veineuse sur la base de 150 ml/kg par 36 heures, avec une correction de l’acidose métabolique. L’hyperkaliémie a été corrigée par du polystyrène sulfonate de sodium par voie gastrique. L’évolution immédiate était marquée par l’apparition, au bout de dix heures, d’une convulsion hémicorporelle droite de brève durée. Le bilan de contrôle a montré une natrémie à 155 mmol/l, une kaliémie à 5 mmol/l, une urée à 27 mmol/l, une glycémie à 7,23 mmol/l. Un allaitement artificiel a été entamé 24 heures après l’hospitalisation. L’évolution ultérieure était marquée par l’augmentation de la diurèse à 2 ml/kg par heure, au bout de 72 heures, un gain de poids de 500 g et une normalisation de l’ionogramme sanguin et urinaire ainsi que de la fonction rénale. Les échographies transfontanellaire et rénale ainsi que l’électroencéphalogramme (EEC) étaient normaux. En raison de l’absence de cause expliquant cette déshydratation hypernatrémique, l’analyse du lait maternel réalisée à j8 post-partum a montré un taux de sodium à 97 mmol/l (normal : 7–10 mmol/l). Un dosage similaire fait chez trois autres mères à j6, j8 et j12 post-partum a montré une teneur en sodium dans leur lait comprise entre 36 et 42 mmol/l. Concernant la mère, il n’y avait pas de prise médicamenteuse ni d’insuffisance de sécrétion de lait. Son régime était un peu salé avec une carence d’apport hydrique. À l’âge de 14 mois, l’enfant était encore allaité au sein. Il a un examen clinique normal, un bon développement psychomoteur et une bonne croissance staturopondérale.

M. Hsairi et al.

L’analyse du lait maternel réalisée à cet âge a montré un taux de sodium à 12,7 mmol/l.

Commentaire La déshydratation hypernatrémique est une complication rare au cours de l’allaitement maternel [1]. Elle est plus souvent rencontrée chez les femmes primipares [2]. Le premier signe constaté par les parents est la stagnation ou la perte pondérale, qui peut atteindre plus de 25 % du poids de naissance [3]. Les signes sont variables, il peut s’agir d’une simple léthargie, d’une fièvre ou d’une déshydratation. L’hospitalisation se fait en moyenne vers l’âge de dix jours.

Habituellement, le bébé est hypotonique et peu réactif, avec une oligurie et une diminution de la fréquence des selles. Le bilan biologique montre une hémoconcentration, une hyperosmolarité sanguine et urinaire, une insuffisance rénale et une acidose métabolique. Cependant, devant de telles constatations, certains diagnostics doivent être éliminés, en particulier un diabète insipide. Des complications parfois sévères sont possibles, certaines au cours du traitement, à type de convulsions, d’anurie, d’ischémie cérébrale, d’accidents vasculaires cérébraux, de coagulation intravasculaire disséminée, de thromboses vasculaires et d’hémorragie intraventriculaire. Le décès peut survenir par œdème cérébral ou par infarcissement [1,4]. Dans notre cas, les convulsions survenues après dix heures de réhydratation intraveineuse sont très probablement en rapport avec une correction assez rapide de la déshydratation. Le but du traitement est de réduire le taux de sodium dans le sérum de 10 à 15 mEq/kg par jour. Les solutions hypotoniques sont à éviter du fait du risque d’œdème cérébral [5]. Le déficit en apport hydrique est calculé en fonction de la sévérité de la déshydratation et le pourcentage de perte pondérale. La correction doit être lente et étalée sur 48 heures au minimum, afin d’éviter les changements rapides de l’osmolarité sanguine. Une hyperglycémie ou une hypocalcémie associée peut se voir, et doit être corrigée [5]. L’évolution sous traitement peut être marquée par des convulsions, souvent dues à une correction trop rapide plutôt qu’à l’hypernatrémie elle-même [4]. La physiopathologie n’est pas clairement identifiée. Toutefois, il semble que cette déshydratation hypernatrémique est due à une carence d’apport hydrique avec un défaut de succion et de contrôle de l’appétit souvent associé [1], témoignant d’une pauvre interaction bébé/sein [4]. En outre, tous les auteurs qui ont analysé le lait de ces mères rapportent, comme dans notre observation, une composition lactée hypersodée, dont la signification reste encore obscure. Cependant, certains l’attribuent à un défaut de lactation et à un retard de maturation de colostrum dans le lait [3,5,6]. Concernant la mère de notre patient, il n’y avait pas de prise médicamenteuse ni d’insuffisance de sécrétion de lait. Son régime était un peu salé, avec une carence d’apport hydrique pouvant

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expliquer le taux de sodium élevé dans le lait maternel, qui était dix fois plus élevé que la normale. En effet, la teneur normale en sodium dans le lait maternel est de 7 mmol/l [1]. Quoi qu’il en soit, une telle complication de l’allaitement maternel doit être connue. D’autre part, une attitude préventive pourrait être recommandée, impliquant des conseils concernant les techniques de base de l’allaitement maternel et un contrôle fréquent de la croissance pondérale aux premiers jours de vie.

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Références [1]

Boumahni B, Pyaraly S, Randrianaly H, Robillard PY, Renouil M. Déshydratation hypernatrémique et allaitement maternel. Arch Pediatr 2001;8:731–3.

[2]

Mercier JC, Outin S, Paradis K, Hartmann JF, Lescoeur B, Lenoir G, et al. Allaitement maternel et déshydratation hypernatrémique (3 cas). Arch Fr Pediatr 1986;43:465–70.

[3]

Livingstone VH, Willis CE, Abdel-Wareth LO, Thiessen P, Lockitch G. Neonatal hypernatremic dehydration associated with breast-feeding malnutrition: a retrospective survey. CMAJ 2000;162:647–52.

[4]

Oddie S, Richmond S, Coulthard M. Hypernatraemic dehydration and breast feeding: a population study. Arch Dis Child 2001;85:318–20.

[5]

Bhat SR, Lewis P, Dinakar C. Hypernatremic dehydration in a neonate. Indian Pediatr 2001;38:1174–7.

[6]

Yaseen H, Salem M, Darwich M. Clinical presentation of hypernatremic dehydration in exclusively breast-fed neonates. Indian J Pediatr 2004;71:1059–62.

Conclusion Cette observation met le point sur une complication rare de l’allaitement maternel ainsi que la gravité de la déshydratation chez le nouveau-né. Une analyse correcte des désordres hydroélectrolytiques et une bonne connaissance de leurs conséquences physiopathologiques permettent sans doute de prévenir les complications sévères, surtout rénales et cérébrales.