Détection des situations à risque infectieux : un dispositif d’alerte efficace

Détection des situations à risque infectieux : un dispositif d’alerte efficace

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Détection des situations à risque infectieux : un dispositif d’alerte efficace La France dispose d’un dispositif réglementaire d’alerte sur les infections nosocomiales. Le nombre de signalements d’infections à bactéries est en baisse, mais ces dernières sont plus volontiers multirésistantes. Les infections virales sont en hausse, notamment dans les établissements de réadaptation et les Ehpad. Ces signalements ont identifié des risques jusqu’alors méconnus : rougeole, entérobactéries BLSE, infections importées. Certes ce système est efficace, mais il est encore perfectible : ainsi la mise à disposition d’une base de données centralisée des signalements serait fort utile.

L

e signalement externe des infections nosocomiales (IN) est un dispositif réglementaire d’alerte mis en place en France en 2001. Orienté vers l’action, son objectif premier est de détecter les situations à risque infectieux suffisamment graves ou récurrentes imposant la mise en place rapide de mesures de contrôle à l’échelon local, régional ou national. Un bilan, présentant les caractéristiques des signalements externes transmis par les établissements de santé (ES) et reçus par l’Institut de veille sanitaire (InVS) par l’intermédiaire des Ddass (remplacées depuis avril 2010 par les agences régionales de santé – ARS), a été réalisé pour la période 2007 à 2009.

Ř'HVVLJQDOHPHQWV¢Staphylococcus aureus, 40 % concernaient des souches résistantes à la méticilline et 3 % des souches de sensibilité intermédiaire aux glycopeptides, sans évolution significative par rapport aux années antérieures.

Tableau I. Nombre de signalements externes d’infections nosocomiales et de cas signalés par micro-organisme en France entre 2007 et 2009 Famille

Micro-organisme

Cocci à Gram positif

Staphylococcus aureus Autre staphylocoque Streptococcus pyogenes Streptococcus pneumoniae Enterococcus spp Autres cocci à Gram+ Neisseria meningitidis Autres cocci à Gram– Listeria monocytogenes Autres bacilles à Gram+ Enterobacter spp Escherichia coli Klebsiella pneumoniae Autres entérobactéries Pseudomonas aeruginosa Acinetobacter baumannii Legionella spp Bordetella pertussis Autres bacilles à Gram– non entérobactéries Clostridium difficile Autres anaérobies stricts Mycobacterium tuberculosis Mycobactéries atypiques Candida spp Aspergillus spp Autres levures et champignons Sarcoptes scabei Autres parasites Hépatite A Hépatite B Hépatite C Grippe Adénovirus Rotavirus Virus respiratoire syncytial (VRS) Virus varicelle-zona (VZV) Autres virus

1 200 signalements en moyenne par an Entre 2007 et 2009, l’InVS a reçu 3 721 signalements (1 222 en 2007, 1 313 en 2008, 1 186 en 2009) soit une moyenne annuelle de 1 240 signalements, en augmentation de 23 % par rapport à l’année 2006. Ces signalements provenaient de 778 ES et de 51 établissements médico-sociaux. Le taux annuel moyen de signalements était de 29,4 pour 10 000 lits d’hospitalisation complète (LHC) sur la période 2007-2009 en augmentation de 42 % par rapport à l’année 2006 mais variant d’une région à l’autre (19,3 en interrégion Ouest et 50,5 en interrégion Est). À la date du signalement, une investigation locale était en cours ou réalisée pour 57 % des signalements effectués. Des mesures correctives étaient mises en place dans deux tiers des épisodes. Bien que non concernés réglementairement par le dispositif de signalement, le nombre total d’Ehpad, non rattachés à un ES, ayant signalé au moins une fois, a doublé entre la période 2001-2006 et la période 2007-2009. 30 % des 88 signalements concernés correspondaient à un ou plusieurs cas de gastro-entérites. Les 1 222, 1 314 et 1 186 signalements reçus en 2007, 2008 et 2009 correspondaient respectivement à 4 280, 5 393 et 5 519 cas d’infections ou colonisations. Il s’agissait en premier lieu des infections et colonisations du tractus digestif (38 %), suivies des infections respiratoires (16 %), des bactériémies (10 %) et des infections du site opératoire (8 %).

Essentiellement des bactéries multirésistantes Les infections à bactéries multirésistantes restaient parmi les plus fréquemment signalées (tableau I).

Cocci à Gram négatif Bacilles à Gram positif Entérobactéries

Bacilles à Gram négatif, non entérobactéries

Anaérobies stricts Mycobactéries Levures et champignons Parasites* Virus

* Voir l’article Gale et poux sont toujours d’actualité, page 12.

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OptionBio | Lundi 2 mai 2011 | n° 454

Signalements N % 351 9,4 113 3,0 144 3,9 16 0,4 530 14,3 35 0,9 7 0,2 2 < 0,1 11 0,3 15 0,4 99 2,7 118 3,2 75 2,0 82 2,2 197 5,3 149 4,0 131 3,5 54 1,5 52 1,4 576 15,5 26 0,7 44 1,2 10 0,3 11 0,3 121 3,3 10 0,3 101 2,7 3 < 0,1 1 < 0,1 3 < 0,1 17 0,5 62 1,7 1 < 0,1 16 0,4 11 0,3 5 0,1 69 1,9

Cas signalés N % 576 3,8 170 1,1 203 1,3 38 0,3 1 177 7,7 38 0,3 7 < 0,1 2 < 0,1 12 < 0,1 42 0,3 269 1,8 269 1,8 207 1,4 118 0,8 323 2,1 491 3,2 142 0,9 160 1,1 123 0,8 1 230 8,1 37 0,2 61 0,4 11 < 0,1 45 0,3 172 1,1 10 < 0,1 650 4,3 3 < 0,1 1 < 0,1 3 < 0,1 17 0,1 552 3,6 1 < 0,1 254 1,7 84 0,6 28 0,2 1 623 10,7

veille sanitaire

Ř6XUVLJQDOHPHQWV¢Acinetobacter baumannii, 63 % concernaient des souches résistantes à l’imipénème, en augmentation régulière par rapport aux précédents bilans publiés. Ř3DUPLOHVVLJQDOHPHQWV¢HQW«UREDFW«ULHVFRQFHUnaient des souches productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE), également en augmentation par rapport aux précédents bilans publiés. Ř/HVLQIHFWLRQV¢Clostridium difficile (ICD) représentaient 576 signalements, soit 8 % de l’ensemble des cas signalés sur la période (chiffre en diminution par rapport à 2006). La proportion de cas groupés d’ICD était de 39 % avec un nombre médian de 8 cas par épisode (2 à 32). Ř(QWUHHWVLJQDOHPHQWVGőHQW«URFRTXHV résistants aux glycopeptides (ERG) ont été reçus. Trente et un pour cent correspondaient à des cas groupés avec un nombre médian de 14 cas par épisode (2 à 48). Une diminution de 50 % des signalements à ERG a été observée en 2009 (251 en 2008 pour 131 en 2009) reflétant le contrôle progressif d’épidémies régionales, principalement importante en Alsace-Lorraine. Ř/HVLQIHFWLRQV¢Pseudomonas aeruginosa concernaient 197 signalements ; 56 % des souches étaient résistantes au ceftazidime ou à l’imipénème et plus d’un épisode sur 5 correspondait à des cas groupés (2 à 10 cas au maximum). Ř/HQRPEUHGHVLJQDOHPHQWVGHO«JLRQHOORVHDGLPLQX«DYHF moins de 50 signalements par an. Seuls 6 signalements concernaient des cas groupés (2 à 4 cas au maximum). Ř/HVVLJQDOHPHQWVGőLQIHFWLRQLQYDVLYH¢Streptococcus pyogenes concernaient majoritairement les services de gynécoobstétriques (75 %). Parmi les 203 cas signalés (43 % d’endométrite et 32 % de vaginites), 10 décès ont été constatés. Moins d’un signalement sur 4 concernait des cas groupés (2 à 13).

| formation

Des importations par transferts de patients Suite à des signalements récurrents de bactéries multirésistantes importées lors du transfert de patients porteurs en provenance de l’étranger, une étude de ces signalements a été conduite en 2009. Du 1er janvier 2006 au 30 juin 2009, 42 signalements de ce type ont été reçus concernant 27 ES dans 13 régions. Acinetobacter baumannii, les entérocoques résistants aux glycopeptides et Klebsiella pneumoniae représentaient plus des deux tiers des 59 micro-organismes isolés. Le portage de ces BMR était connu avant l’admission dans moins d’un quart des épisodes. Deux ES seulement avaient une politique d’isolement et de dépistage systématique pour ce type de patients.

Identification de risques jusqu’alors méconnus Le dispositif de signalement a également permis de détecter entre 2007 et 2009 quelques cas d’infections associées aux soins contractées en médecine de ville. Deux signalements d’infection cutanée à Mycobacterium chelonae ont pu être reliés à un usage inapproprié de l’eau du robinet lors de soins invasifs à visée esthétique. Par rapport aux années précédentes, le signalement a permis, sur la période 2007-2009 de détecter plusieurs risques précédemment méconnus : identification de l’émergence de cas groupés de rougeole en milieu de soins, augmentation de la proportion de signalements à entérobactéries BLSE (ce phénomène concernant l’hôpital et la ville), risque lié au transfert de patients provenant de l’étranger lorsqu’ils sont porteurs de bactéries hautement résistantes aux antibiotiques, signalements d’infections cutanées à mycobactéries atypiques contractées en ville.

Un dispositif à perfectionner Infections virales surtout en Ehpad et services de réadaptation

Source Poujol I, Thiolet JM, Bernet C et al. Signalements externes des infections nosocomiales, France, 2007-2009. BEH. 2010 ; 38-39 : 393-7.

Les procédures de signalements des IN facilitent depuis plusieurs années la remontée de signalements en provenance des Cinquante-quatre épisodes de coqueluche ont été signalés, 38 Ehpad, notamment pour les cas groupés d’infections respirad’entre eux correspondant à des cas groupés (médiane de 5 cas toires aiguës ou de gastro-entérites. par épisode). Dans près de 6 épisodes sur 10, un ou plusieurs Le signalement des IN s’est implanté au sein des ES et fait aujourd’hui la preuve de sa plus-value. L’utilité de ce système membres du personnel étaient impliqués. Les infections virales concernaient 185 signalements pour un d’alerte, complémentaire des surveillances pérennes, est recontotal de 2 309 cas dont 51 épisodes de gastro-entérites (48 nue aux niveaux national et international. Il peut encore mieux épisodes groupés avec une médiane de 30 cas par épisode). faire puisque plus de la moitié des ES n’ont encore jamais effecLes services de soins de longue durée ou de réadaptation et tué de signalement externe depuis 2001 et que d’importantes les secteurs d’Ehpad étaient les plus concernés (63 % des disparités régionales persistent dans les taux de signalement. signalements). Il serait judicieux de disposer à l’avenir d’une base de données Ř/HVVLJQDOHPHQWVGőK«SDWLWHVYLUDOHVFRQFHUQDLHQWGHVFDV centralisée des signalements, autorisant leur partage et leur suivi isolés en hémodialyse (8), médecine (7) ou chirurgie (3). par chacun des acteurs concernés (ES, CClin, ARS et InVS). | Ř/HVVLJQDOHPHQWVGHJULSSHRQWIRUWHPHQWDXJPHQW«HQ en raison de la pandémie A/H1N1. Il s’agissait dans 75 % de cas CHANTAL BERTHOLOM groupés avec une médiane de 11 cas par épisode. professeur de microbiologie École nationale de physique-chimie-biologie, Paris (75) Ř/HVVLJQDOHPHQWVGHURXJHROHQRVRFRPLDOHRQW«JDOHPHQW[email protected] menté avec un total de 13 signalements, dont 10 en 2009. 38 % rapportaient des cas groupés liés à une transmission pendant une L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en lien avec cet article. prise en charge dans un service d’accueil des urgences.

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