Archives de pédiatrie 18 (2011) 111–118
Diagnostic prénatal non invasif de la mucoviscidose§ Non-invasive prenatal diagnosis of cystic fibrosis P. Paterlini Bréchot a,*,b, H. Mouawia a, A. Saker a a
Unité Inserm 807, faculté de médecine Necker–Enfants-Malades, 156, rue de Vaugirard, 75015 Paris, France Laboratoire de biochimie A, hôpital Necker–Enfants-Malades, AP–HP, université Paris Descartes, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France b
Disponible sur Internet le 21 décembre 2010 Résumé La mucoviscidose est une maladie héréditaire autosomique récessive fréquemment fatale, qui affecte environ un sur 3000 nouveau-nés en France. La probabilité d’être porteur de la maladie varie de 1–20 à 1–40 sujets selon l’origine géographique. La maladie est causée par un défaut du canal chlore attribuable à des mutations du gène cystic fibrosis transmembrane conductance regulator (CFTR). Environ 1200 mutations différentes ont été découvertes. Parmi celles-ci, la mutation F508del est responsable de 70 % des allèles mutés à travers le monde. Le diagnostic prénatal (DPN) de désordres monogéniques héréditaires comme la mucoviscidose dépend couramment de procédures invasives – amniocentèse, prélèvement des villosités choriales (CVS) – qui comportent un risque non négligeable de provoquer une fausse-couche (de 0,5 à 3 %). Plusieurs méthodes ont été proposées pour enrichir les cellules fœtales circulantes (CFC) du sang et pour les utiliser en DPN. Cependant, jusqu’à ce jour, aucun test ne s’est révélé assez fiable pour une application de routine en remplacement des protocoles invasifs. En combinaison avec la microdissection laser, le isolation by size of epithelial tumor/ trophoblastic cells (ISET) permet l’analyse de mutation de l’ADN de cellules uniques dont on a démontré par génotypage short tandem repeat (STR) qu’elles sont d’origine fœtale (cellules fœtales trophoblastiques circulantes [CFTC]) et non contaminées par l’ADN maternel. L’application de ce protocole à 12 couples à risque d’avoir un enfant atteint de mucoviscidose a montré, dans une étude en aveugle, que la nouvelle méthode permet un DPN fiable et sans risque de fœtus malade, de fœtus porteur sain ou normal non porteur. Une nouvelle étude prospective en aveugle a ensuite été réalisée sur 32 couples à risque d’avoir un enfant atteint. Pour chaque mère, cinq ou dix CFTC ont été analysées et un diagnostic génétique individuel par CFTC a été réalisé. Les résultats obtenus dans 240 CFTC ont montré que sept des 32 mères étaient porteuses d’un fœtus atteint, avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 100 % par rapport à la méthode invasive. Ces data encouragent la mise en place d’une validation clinique multicentrique et ouvrent la voie à l’application future de l’approche non invasive ISET en remplacement des méthodes invasives. ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Cystic fibrosis (CF) is a frequently fatal autosomal recessive inherited disease affecting around one in 3000 newborns in France, the carrier frequency varying from one in 20 to one in 40 subjects depending on the geographical area. The disease is caused by a chloride channel defect that is attributable to mutations in the gene that encodes the CF transmembrane conductance regulator (CFTR). Approximately, 1200 different mutations have been discovered. Among them, the F508del mutation accounts for 70% of mutated alleles worldwide. Prenatal diagnosis (PND) of inherited monogenic disorders such as CF currently relies on invasive procedures-amniocentesis, chorionic villus sampling (CVS) – which carry a significant risk of miscarriage (from 0.5 to 3%). Several methods have been proposed to enrich circulating fetal cells (CFCs) from blood and use them in PND. However, up to now, no assay has been shown to be reliable enough for routine application in place
§ Travail financé par l’Inserm, l’Association Anjou mucoviscidose, l’Association française contre les myopathies (AFM), l’Association Vaincre la mucoviscidose (VLM), l’Association ABCF Muco. * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Paterlini Bréchot).
0929-693X/$ see front matter ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.arcped.2010.10.028
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of the invasive protocols. When combined with laser microdissection, isolation by size of epithelial tumor/trophoblastic cells (ISET) allows mutation analysis of DNA from single cells demonstrated to be fetal (circulating fetal trophoblastic cells [CFTC]) by short tandem repeat (STR) genotyping and uncontaminated with maternal DNA. Application of this protocol to 12 couples at risk of having a child affected by CF has shown, in a blind study, that the new method affords a reliable and safe PND of affected fetus, healthy carrier or normal non carrier fetus. A following prospective blind study has then been performed on 32 couples at risk of having an affected child. For each mother, five or 10 CFTCs have been analyzed with an individual genetic diagnosis performed per CFTC. Results have been obtained in 240 CFTC showing that seven mothers were carrying an affected foetus, with 100% sensitivity and 100% specificity. These results open the way to a multicenter clinical validation trial and to the potential future application of the ISET non invasive approach as a reliable alternative to the invasive PND procedures. ß 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. LA MUCOVISCIDOSE La mucoviscidose ou fibrose kystique du pancréas est une des maladies génétiques les plus fréquentes (en France : un sur 3000 naissances vivantes) avec des variations selon les régions. Elle résulte d’une anomalie du transport transépithélial du chlore et de l’eau. Touchant le système exocrine, elle est caractérisée par la production d’un mucus abondant et visqueux et une sueur salée. L’expressivité de l’affection est variable, tant sur le plan pulmonaire que pancréatique. Cette variabilité est en partie explicable par l’hétérogénéité allélique des mutations du gène responsable de cette maladie. La forme classique reste sévère à terme malgré les progrès de la prise en charge, essentiellement en raison de l’atteinte respiratoire qui résulte de l’accumulation d’un mucus difficile à expulser favorisant l’infection bactérienne et la réponse inflammatoire chronique. Chez 85 % des patients, on note également une insuffisance pancréatique exocrine, conséquence de l’obstruction des canaux excréteurs et à l’origine d’une maldigestion lipidoprotidique et d’une malabsorption. L’évolution de cette maladie est très variable allant de formes rapidement létales à des formes paucisymptomatiques. La mucoviscidose reste malheureusement une maladie contre laquelle aucun traitement définitif n’est encore disponible. La survie médiane des malades dépasse aujourd’hui 35 ans. Le pronostic est étroitement lié à l’atteinte respiratoire dont le traitement est purement symptomatique. Ce pronostic est meilleur si le diagnostic et la mise en route du traitement sont précoces. Les avantages d’un dépistage systématique en période néonatale sont le traitement précoce des atteintes pulmonaire et pancréatique et la possibilité de donner un conseil génétique approprié aux parents. Il est réalisé par la mesure de la trypsine immunoréactive (TIR) dans le sang et une confirmation par un test de la sueur est indispensable. Une fois le diagnostic clinique établi, une recherche en biologie moléculaire doit être réalisée afin de caractériser les mutations responsables.
Néanmoins, la sévérité est variable, il existe des formes sans insuffisance pancréatique et des formes respiratoires frustes chez des patients adultes avec test de la sueur normal. Cette expressivité variable dépend de plusieurs facteurs encore mal déterminés (nature des mutations, gènes modificateurs. . .). En 1989, le gène impliqué dans la mucoviscidose a été identifié [1]. Il contient 27 exons s’étendant sur 230 kilobases du chromosome 7, en 7q31, et code un ARNm de 6,5 kilobases pour la protéine transmembranaire cystic fibrosis transmembrane conductance regulator (CFTR) qui est un canal chlore établissant un équilibre hydroélectrolytique de part et d’autre de la membrane. Cette protéine est synthétisée au sommet des cellules épithéliales des canaux du pancréas et de la vésicule biliaire, des cryptes de l’intestin, des bronches, de l’appareil génital et des glandes sudoripares. Elle appartient à la superfamille des protéines ATP-binding cassette (ABC). On dit que les protéines ABC sont des « protéines canaux » car elles sont des canaux permettant le transport d’éléments d’un côté à l’autre de la membrane cellulaire, grâce à l’utilisation d’une source énergétique, l’ATP. Plus de 1200 mutations différentes sont actuellement connues. La mutation la plus fréquente, une délétion de trois nucléotides aboutissant à l’élimination de la phénylalanine en position 508 (F508del) sur le premier domaine de fixation à l’ATP de la protéine CFTR rend compte de 70 % des allèles cystic fibrosis (CF) [1]. Il existe une grande hétérogénéité de répartition de cette anomalie, suivant un gradient Nord-Ouest/ Sud-Est en Europe, avec, par exemple, 88 % de F508del au Danemark, 81 % en Bretagne et 50 % en Italie. Les anomalies moléculaires ont des conséquences variables sur la protéine CFTR et sa fonction. Une classification de ces anomalies par rapport à la fonction canal Cl a été proposée. Des kits basés sur des tests polymerase chain reaction (PCR) permettent de rechercher les 31 mutations les plus fréquentes. 3. DIAGNOSTIC PRÉNATAL (DPN) DE LA MUCOVISCIDOSE
2. LE DIAGNOSTIC GÉNÉTIQUE La fibrose kystique est une maladie autosomique récessive, sa fréquence en France et dans les populations européennes est d’environ une naissance sur 3000 et un individu sur 25 est porteur sain. La pénétrance de l’affection est habituellement complète chez les homozygotes avec mutations sévères.
Il est basé actuellement sur des prélèvements de tissus fœtaux effectués de façon « invasive », avec effraction de la barrière placentaire. Ces actes sont associés à un risque de complication iatrogène, principalement de fausse-couche, dont l’ordre de grandeur est variable selon l’expérience de l’opérateur, de 0,5 à 3 %.
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trisomie 21, une affection virale, etc. Dans cette situation, un caryotype doit donc toujours être effectué. La découverte d’une hyperéchogénicité intestinale en l’absence d’antécédents familiaux de mucoviscidose doit faire rechercher cette affection selon l’âge gestationnel : à 18 semaines, un dosage d’enzymes dans le liquide amniotique associé à une recherche de mutations peut être effectué ; après 20–22 semaines, seule la recherche de mutations est possible (le taux d’enzymes n’a plus de valeur) ; si une seule mutation est retrouvée, une recherche plus exhaustive d’une éventuelle deuxième mutation est nécessaire ; si aucune mutation n’est retrouvée, le diagnostic de fibrose kystique est peu probable mais il ne peut être exclu (origine ethnique ; exhaustivité de la recherche des mutations). Fig. 1. Prélèvement de villosité choriales (prélèvement de villosités choriales ou choricentèse) : voie transabdominale.
Le DPN est proposé aux couples hétérozygotes pour la mutation du gène CFTR par biopsie de villosités choriales à 12 semaines d’aménorrhée (SA) pour étude de l’ADN fœtal avec recherche des mutations si celles-ci ont été préalablement identifiées et/ou analyse indirecte familiale avec les polymorphismes intragéniques si la/les mutations n’ont pas été identifiées Fig. 1. Si le DPN par l’analyse génétique est impossible (mutations non connues, absence d’informativité par analyse familiale indirecte), une amniocentèse peut être réalisée à 18 semaines pour dosage des isoenzymes de la phosphatase alcaline dans le liquide amniotique Fig. 2. Un taux normal permet d’éliminer une mucoviscidose. Un taux effondré peut correspondre à une mucoviscidose, mais aussi à une autre pathologie (faux-positif) telle qu’une
Fig. 2. Le prélèvement de liquide amniotique (amniocentèse).
4. LE DIAGNOSTIC PRÉNATAL NON INVASIF (DPN-NI) DE LA MUCOVISCIDOSE Les recherches qui visent la mise au point d’un DPN-NI ont pour but d’éviter le risque de fausse-couche iatrogène associé aux méthodes invasives, prélèvement de villosités choriales (PVC) et amniocentèse. 4.1. Présence des cellules fœtales dans le sang maternel Schmorl fut le premier à mettre en évidence, en 1893, des cellules multinucléées d’origine placentaire dans les vaisseaux pulmonaires de femmes décédées d’éclampsie et à envisager le passage de cellules fœtales dans le sang maternel. D’autres équipes confirmèrent ces données en observant la présence de cellules du syncitiotrophoblaste dans les vaisseaux pulmonaires de femmes décédées pendant la grossesse et dans les veines du
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ligament rond, ovariennes et la veine cave inférieure de patientes bénéficiant de césarienne. En 1969, Walknowska a mis en évidence la présence dans le sang de cellules avec caryotype 46 XY chez des femmes enceintes d’un enfant de sexe masculin [2]. Ces travaux furent ensuite confirmés par d’autres auteurs. L’isolation de ces cellules fœtales circulantes (CFC) est très difficile à cause de leur très faible concentration dans le sang maternel, de l’ordre d’une cellule (tous types confondus) par millilitre de sang, soit une cellule fœtale mélangée à environ dix millions de globules blancs et cinq milliards de globules rouges maternels [3]. 4.2. Les différents types cellulaires Au cours de la grossesse, des érythrocytes fœtaux anucléés (globules rouges) peuvent traverser la barrière placentaire et être responsables d’une allo-immunisation Rhésus maternelle. Ces cellules sont mises en évidence par le test de KleihauerBetke. Toutefois, ces cellules étant dépourvues de noyaux, elles ne peuvent pas être utilisées pour la réalisation d’un DPN non invasif de maladie génétique et/ou chromosomique. En revanche, les cellules trophoblastiques (épithéliales fœtales), les cellules hématopoïétiques (les érythroblastes, les leucocytes) et les cellules souches, nucléées, possèdent un matériel génétique théoriquement exploitable. Ces quatre types cellulaires ont été étudiés comme des candidats potentiels au DPN non invasif. 4.3. Les techniques d’enrichissement des cellules fœtales circulantes Quel que soit le type cellulaire fœtal étudié, les approches méthodologiques se heurtent au problème majeur de la prédominance des cellules d’origine maternelle dans les échantillons sanguins. Un des objectifs des équipes a donc été d’optimiser leur technique de séparation afin d’enrichir au maximum en cellules fœtales les prélèvements maternels. Le plus souvent, des étapes préliminaires ont été élaborées dans le but d’éliminer les cellules maternelles indésirables. Ces processus d’élimination peuvent être suivis par des étapes de sélection au cours desquelles les cellules fœtales d’intérêt sont dissociées de l’environnement en cellules maternelles qui persistent. Les étapes préliminaires peuvent être de nature plus ou moins spécifique comme l’utilisation de solutions lytiques ciblant un type cellulaire maternel ou encore comme la mise en place de diverses centrifugations en gradient de densité. Par ailleurs, des techniques plus spécifiques de sélection des cellules fœtales et/ou déplétion en cellules maternelles sont souvent utilisées telles que la cytométrie en flux ( fluorescence activated cells sorting [FACS]) ou la séparation par billes immunomagnétiques (magnetic activated cells sorting [MACS]). Enfin, une approche nouvelle et très prometteuse a été développée par notre équipe, l’approche de filtrationmicrodissection isolation by size of epithelial tumor/trophoblastic cells (ISET).
4.4. La persistance post-partum des cellules fœtales circulantes Une des critiques le plus souvent opposées au DPN-NI par analyse des CFC dérive de la crainte d’isoler du sang des cellules provenant d’une grossesse ou d’une fausse-couche antérieure. Il a été établi que la persistance des cellules fœtales dans le sang d’une femme ayant accouché dépend du type de cellule fœtale, certaines cellules souches hématopoïétiques d’origine fœtale pouvant être retrouvées très longtemps après une grossesse. L’équipe de Bianchi a étudié une série de huit femmes non enceintes mais ayant accouché d’un garçon entre six mois et 27 ans plus tôt et a montré la persistance de cellules Y positives (fœtales) : progéniteurs lymphoïdes (CD34 CD38+), cellules B (CD19 CD23+) et cellules T (CD3 CD4 CD5+) entre un et 27 ans après parturition [4]. À l’évidence, ces cellules à vie longue ne peuvent pas être utilisées pour la réalisation du DPN-NI. Au contraire, les cellules trophoblastiques et érythroïdes sont la bonne cible pour développer le DPN-NI. 4.5. Une alternative à l’étude des cellules fœtales ? l’ADN fœtal libre La première détection de l’ADN fœtal (non cellulaire) dans la circulation maternelle remonte à 1997 [5]. Cette étude originale a décrit l’identification du gène SRY dans le plasma des femmes enceintes portant des fœtus masculins. L’ADN fœtal circulant n’est pas contenu dans un noyau cellulaire. Par ailleurs, cet ADN fœtal, qui représente environ le 2,4 % de tout l’ADN libre dans le plasma, est « dilué » dans l’ADN libre circulant d’origine maternelle sans qu’on puisse l’isoler spécifiquement actuellement. Cette donnée est fondamentale puisque ne pourront être recherchées et/ou étudiées que les seules séquences géniques fœtales absentes ou différentes du génome maternel. Par voie de conséquence, les deux indications essentielles de l’analyse de l’ADN fœtal circulant dans le sérum maternel sont actuellement la détermination du sexe fœtal et le génotypage RHD fœtal. L’ADN fœtal libre n’est pas utilisable à l’heure actuelle pour le DPN-NI de la mucoviscidose. 5. LA TECHNIQUE D’ENRICHISSEMENT ISOLATION BY SIZE OF EPITHELIAL TUMOR/ TROPHOBLASTIC CELLS L’objectif de l’ISET [6] est d’extraire et enrichir de façon très sensible les cellules fœtales trophoblastiques circulantes (CFTC) à partir d’échantillons sanguins maternels tout en maintenant l’intégrité cellulaire et celle des acides nucléiques. L’approche permet de filtrer sélectivement les cellules de grande taille, incluant les CFTC, par rapport aux cellules leucocytaires maternelles [7]. À la suite d’une microdissection laser ciblée, les cellules d’intérêts sont soumises individuellement à des analyses moléculaires capables de préciser de façon
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Fig. 3. Appareil de traitement du sang isolation by size of epithelial tumor/trophoblastic cells.
indiscutable l’origine fœtale de la cellule pour l’étudier ensuite à des fins diagnostiques. 5.1. Traitement du sang Le sang périphérique (prélevé sur EDTA) est dilué avec un tampon de lyse des globules rouges qui fixe également les cellules ; ensuite, le sang est laissé à température ambiante durant 10 min avant traitement par un appareil adapté [6–8] Fig. 3. Les cellules présentes dans 1 ml de sang et dont le diamètre est supérieur à la taille des pores du filtre (8 mm) se retrouvent étalées sur la surface du filtre (Fig. 4 et 5). Lorsque la totalité de l’échantillon est passée à travers le filtre, la membrane est rincée avec du tampon phosphate-buffered saline (PBS) et séchée à l’air ambiant et enfin colorée par un mélange hématoxyline et éosine ou par un marquage immunohistochimique en utilisant des anticorps spécifiques des cellules épithéliales comme les anticorps KL1. Cette coloration ou marquage permettent de visualiser en microscopie les cellules adhérentes sur la membrane. Les filtres sont conservés individuellement 20 8C.
Fig. 4. Filtre.
Fig. 5. Cellule fœtale trophoblastique circulante sur filtre (un leucocyte est visible en bas à gauche).
5.2. La microdissection (système Nikon1) La découpe de petites zones contenant des cellules individuelles s’effectue au moyen d’un laser à UV pulsé dont le rayon est dirigé sur le contour de la zone sélectionnée par déplacement de la platine motorisée. La surface découpée est collée au bouchon du tube stérile qui est recouvert d’un film adhésif. Le contrôle de la réussite se fait grâce à un déplacement de la focalisation de l’objectif du filtre vers le bouchon (Fig. 5–7). Tous les composants du système tels que : activation laser, déplacement de coupe, fonctions du microscope (déplacement
Fig. 6. Microdissection de la cellule fœtale trophoblastique circulante : a : filtre avec cellules avant microdissection ; b : microdissection laser autour d’une cellules ; c : le morceau de filtre avec la cellule a été coupé ; d : le morceau de filtre avec la cellule est visible dans le bouchon du tube à PCR.
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façon linéaire. Cette étape d’expansion de l’ADN dénommée primer extension preamplification (PEP), utilise une amorce dégénérée 15 N, constituée d’une base dégénérée à chacune des 15 positions.
5.4. PCR microsatellites et génotypage : étape d’identification des cellules fœtales circulantes
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Fig. 7. Microdissecteur laser (système Nikon ).
du filtre, changement de grossissement, ouverture de l’éclairage) sont commandés par l’informatique. Ce système est le seul à l’heure actuelle qui permet la microdissection de cellules individuelles à partir du filtre sans que celles-ci soient perdues pendant les traitements successifs où les cellules uniques ne sont plus visualisables au microscope. En effet, le système Nikon1 permet de coller la cellule microdissequée à un endroit précis dans le bouchon du tube et de la cibler par la suite par des solutions adaptées. 5.3. Analyse de la cellule microdissequée La lyse de la cellule unique libère l’ADN de son environnement protéique, mais aucune extraction n’est effectuée afin de minimiser les pertes du génome. Une fois la lyse cellulaire effectuée, l’ADN de la cellule est amplifié de
L’identification fiable des CFTC est obtenue par le génotypage à l’aide des marqueurs microsatellites. Les marqueurs microsatellites sont composés de répétitions en tandem (short tandem repeats [STR]), le plus souvent poly CA/ GT. Les variations alléliques, dues à la variation du nombre des répétitions, sont aisément détectées par PCR grâce à l’utilisation d’amorces fluorescéinées correspondant aux séquences uniques flanquant le microsatellite. En amont de la mise au point des PCR microsatellites sur les cellules uniques, il est nécessaire de choisir une gamme d’amorces très informatives. Ce critère de sélection des amorces repose sur leur capacité à amplifier des fragments de tailles très diverses correspondant aux deux allèles. Après que l’amplification des régions microsatellites ait été confirmée sur gel d’agarose, les produits de PCR sont analysés sur séquenceur afin d’identifier le génotype et donc l’origine des cellules en examen. Les cellules dont le génotype ne peut être établi (problème technique lors de la PCR, perte d’allèle ou encore génotype maternel), sont exclues des analyses moléculaires ultérieures. L’identification de la nature fœtale des cellules microdisséquées par les marqueurs microsatellites assure la fiabilité des résultats de l’analyse génétique qui est ainsi adressée à un génome fœtal pur (Fig. 8).
Fig. 8. Génotypage de la cellule microdissequée (ligne supérieure : ADN maternel, ligne intermédiaire : ADN paternel ; ligne inferieure : ADN de la cellule en analyse ; on y retrouve un allèle paternel et un allèle maternel, la cellule est donc fœtale [CFTC]).
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Fig. 9. Les différents profils de l’analyse génétique du locus F508 dans l’ADN des cellules fœtales trophoblastiques circulantes dérivées de 3 mères différentes. A. Profil hétérozygote (fœtus porteur sain). B. Profil homozygote normal (fœtus normal). C. Profil homozygote muté (fœtus atteint de mucoviscidose).
5.5. Analyse génétique des cellules fœtales circulantes : étape diagnostique À partir du produit de PEP provenant des cellules identifiées comme fœtales par le génotypage STR, l’analyse génétique est effectuée par des PCR spécifiques de la mutation en question Fig. 9. Cette phase diagnostique permet de réaliser un DPN non invasif et savoir si le fœtus est atteint de mucoviscidose [9]. 5.6. Caractéristiques de l’isolation by size of epithelial tumor/trophoblastic cells L’approche ISET permet potentiellement de réaliser de façon fiable, spécifique et reproductible, le DPN non invasif d’une maladie génétique. En effet, les CFTC sont d’abord enrichies de façon très efficace par filtration directe du sang (minimisation des manipulations du sang et donc de perte de cellules fœtales), ensuite elles sont identifiées par analyse de leur génome (génotypage par STR) et non par l’utilisation d’anticorps (source de faux-positifs). Les CFTC sont ensuite analysées individuellement pour effectuer le diagnostic génétique, ce qui évite les erreurs dues au mélange de génomes différents (génome fœtal et génome maternel). Enfin, le diagnostic génétique est répété, pour chaque prélèvement de sang maternel, pour le nombre de cellules fœtales identifiées (de 1 à 3 par ml de sang). Cela signifie que, pour un prélèvement de 10 ml de sang maternel, le diagnostic peut être répété de dix à 30 fois, ce qui rend le test extrêmement fiable. 5.7. Résultats obtenus par l’application du protocole isolation by size of epithelial tumor/ trophoblastic cells pour le diagnostic prénatal non invasif de la mucoviscidose Nous avons d’abord testé le sang périphérique de 12 femmes à qui un PVC a été effectué pour le DPN de la mucoviscidose entre juillet 2003 et juillet 2005. Dans dix couples, les deux parents étaient porteurs de la mutation DF508. Dans un couple, seulement un parent était porteur de DF508, l’autre parent étant porteur d’une mutation inconnue. Enfin, dans le dernier couple, les deux parents étaient porteurs de mutations inconnues. Il est à noter que pour ces deux derniers cas, les parents avaient un enfant atteint de mucoviscidose (cas index), indiquant le risque pour la grossesse en cours. Après avoir
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obtenu les consentements éclairés des femmes enceintes, le prélèvement sanguin a été obtenu à 11–13 semaines d’aménorrhée avant PVC. Le sang a été traité par ISET comme précédemment décrit. Les cellules épithéliales circulantes ont été microdisséquées et génotypées par les marqueurs microsatellites short tendem repeats (STR) préalablement démontrés informatifs sur l’ADN extrait du sang paternel et maternel. La présence d’un profil biparental avec 3 marqueurs STR informatifs a confirmé l’origine fœtale de certaines cellules. Le DPN-NI a ensuite été réalisé à partir du produit de PEP de ces CFTC. Pour les 10 couples porteurs de la mutation DF508, nous avons eu recours à la technique de diagnostic direct permettant de détecter la mutation DF508. Dans le cas des autres couples où au moins un des parents était porteur d’une mutation inconnue, le DPN non invasif a été réalisé par la méthode indirecte en utilisant les marqueurs STR informatifs liés au gène CFTR sur le chromosome 7. Lorsque la détection directe de mutation est impossible, le diagnostic des maladies monogéniques peut faire appel aux techniques de diagnostic indirect. Ces dernières sont basées sur l’étude familiale (enfant malade, par exemple) de marqueurs polymorphes intragéniques ou proches du gène (CFTR dans ce cas). Les marqueurs polymorphes les plus couramment utilisés sont les marqueurs microsatellites ou STR. C’est l’analyse de ségrégation qui détermine si le fœtus a hérité ou non de(s) l’allèle(s) muté(s) parental(aux). Le diagnostic indirect est particulièrement utile pour le DPN ou le DPI des maladies causées par une grande variété de mutations (comme la mucoviscidose) pour lesquelles la mise au point d’un diagnostic spécifique par mutation est irréalisable. Dans notre étude, nous avons étudié deux couples à risque d’avoir un enfant atteint de la mucoviscidose ayant des mutations inconnues. Pour réaliser un DPN non invasif indirect de la mucoviscidose à partir des CFTC, nous avons choisi des marqueurs STR liés au gène CFTR (chromosome 7) et prouvés informatifs (par le test sur l’ADN paternel et maternel). Ces marqueurs ont été testés sur l’ADN provenant du cas index pour savoir quels sont les allèles associés à la mutation et hérités de chaque parent. Ensuite, l’application de ces marqueurs au produit de PEP des CFTC nous a permis de savoir si le fœtus a hérité (ou non) un (ou deux) allèle(s) STR lié(s) aux mutations parentales. Les résultats que nous avons obtenus ont montré un profil hétérozygote des CFTC provenant du couple où seulement un parent (le père) était porteur de la mutation DF508 et la mère était porteuse d’une mutation inconnue. Ce profil a montré que le fœtus a hérité l’allèle STR lié à la mutation maternelle (inconnue) alors que l’analyse du locus F508 a montré deux allèles normaux. Nous avons conclu que le fœtus a le profil hétérozygote sain porteur pour la mutation maternelle inconnue. Pour l’autre couple où les deux parents étaient porteurs des mutations inconnues, les CFTC avaient un profil homozygote pour les allèles parentaux normaux. Le fœtus était donc sain non porteur. Dans ces 12 cas de couples à risque d’avoir un enfant atteint de mucoviscidose la méthode ISET, effectuée en aveugle par rapport à la méthode invasive, a obtenu des
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P. Paterlini Bréchot et al. / Archives de pédiatrie 18 (2011) 111–118
résultats identiques et a identifié un fœtus malade, 4 fœtus sains normaux et sept fœtus porteurs sains de la maladie [9]. Suite aux résultats très encourageants de cette étude, notre équipe a entrepris une étude de validation clinique plus vaste. Sur la base des indications du statisticien de l’Hôpital Necker–Enfants-Malades, Dr Jean Philippe Jais, le sang de 32 femmes enceintes à risque d’avoir un enfant avec mucoviscidose a été collecté avant PVC et étudié. Cinq ou 10 CFTC ont été analysées par mère. L’étude a été conduite complètement en aveugle. À l’ouverture de l’aveugle en 2009, les résultats ont montré une concordance absolue entre les résultats obtenus par la méthode ISET de DPN-NI et ceux obtenus par la méthode invasive (PVC). Au total, 605 cellules ont été microdisséquées, permettant la détection de 285 CFTC. Il a été possible d’effectuer le DPN-NI dans 240 d’entre elles, ce qui a montré l’absence de mutations dans 185 CFTC, dérivées de 25 mères et la présence de mutations dans 55 CFTC dérivées de sept mères. Au total donc, la méthode ISET a identifié sept mères comme porteuses d’un fœtus atteint, 15 mères porteuses d’un fœtus porteur sain de la maladie et dix mères porteuses d’un fœtus sain normal. Dans 6 couples, le DPN-NI a été réalisé par la méthode indirecte car un ou les deux parents étaient porteurs d’une mutation inconnue. Le diagnostic direct (analyse du locus F508) a été effectué dans les autres cas. Un résultat identique a été obtenu par la méthode invasive. La méthode ISET non invasive a ainsi montré une spécificité de 100 % et une sensibilité de 100 %. Le DPN non invasif a été effectué à l’unité Inserm 807 et dans le service de biochimie A de l’hôpital Necker–Enfants-Malades, complètement en aveugle. Les résultats de DPN invasif (PVC) ont été obtenus dans le service de génétique médicale du même hôpital (Directeur Dr Jean-Paul Bonnefont, laboratoire du Prof Arnold Munnich). 5.8. Perspectives Ces résultats apparaissent comme très novateurs et encourageants. Il est clair que d’autres études doivent être réalisées en utilisant la méthode ISET dans des protocoles
multicentriques. Toutefois, ces travaux ont montré pour la première fois qu’il est possible de réaliser un DPN-NI de la mucoviscidose de façon fiable et robuste. Ils laissent entrevoir des retombées importantes pour le DPN-NI de la mucoviscidose et, par analogie, des maladies génétiques en général. CONFLIT D’INTÉRÊT Le Pr. Paterlini-Bréchot est inventeur de la méthode ISET et co-inventeur, avec le Dr Saker et 2 autres, de la méthode noninvasive de DPN des maladies génétiques. Les brevets relatifs appartiennent à Inserm, université Paris Descartes et Assistance publique–Hopitaux de Paris (AP–HP). Le Pr PaterliniBréchot est conseiller scientifique et actionnaire des sociétés Rarecells et Rarecells, Inc. RÉFÉRENCES [1] Kerem B, Rommens JM, Buchanan JA, et al. Identification of the cystic fibrosis gene: genetic analysis. Science 1989;245(4922):1073–80. [2] Walknowska J, Conte FA, Grumbach MM. Practical and theoretical implications of fetal-maternal lymphocyte transfer. Lancet 1969;1(7606):1119–22. [3] Bianchi DW, Shuber AP, DeMaria MA, et al. Fetal cells in maternal blood: determination of purity and yield by quantitative polymerase chain reaction. Am J Obstet Gynecol 1994;171(4):922–6. [4] Bianchi DW, Zickwolf GK, Weil GJ, et al. Male fetal progenitor cells persist in maternal blood for as long as 27 years post-partum. Proc Natl Acad Sci U S A 1996;93:705–8. [5] Lo YM, Corbetta N, Chamberlain PF, et al. Presence of fetal DNA in maternal plasma and serum. Lancet 1997;350(9076):485–7. [6] Vona G, Sabile A, Louha M, et al. ISET, isolation by size of epithelial tumor cells: a new method for isolation, immunomorphological and molecular characterization of circulating tumor cells. Am J Pathol 2000;156(1):57–63. [7] Vona G, Béroud C, Benachi A, et al. Enrichment, immunomorphological, and genetic characterization of fetal cells circulating in maternal blood. Am J Pathol 2002;160(1):51–8. [8] Béroud C, Karliova M, Bonnefont JP, et al. Prenatal diagnosis of spinal muscular atrophy (SMA) by genetic analysis of circulating fetal cells. Lancet 2003;361:1013–4. [9] Saker A, Benachi A, Bonnefont JP, et al. Genetic characterisation of circulating fetal cells allows non-invasive prenatal diagnosis of cystic fibrosis. Prenat Diagn 2006;26:906–16.