Distribution des terres rares et de quelques éléments en trace dans les sédiments récents des fosses de la Mer Rouge

Distribution des terres rares et de quelques éléments en trace dans les sédiments récents des fosses de la Mer Rouge

Chemical Geology, 20 (1977) 57--72 57 c Elsevier Scientific Publishing Company, Amsterdam - - Printed in The Netherlands D I S T R I B L ' T I O N ...

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Chemical Geology, 20 (1977) 57--72

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c Elsevier Scientific Publishing Company, Amsterdam - - Printed in The Netherlands

D I S T R I B L ' T I O N D E S T E R R E S R A R E S E T D E Q U E L Q U E S I~.LI~MEN'TS EN TRACE DANS LES S]~DIMENTS RI~CENTS DES FOSSES DE LA MER ROUGE

CHANTAL COURTOIS et MICHEL TREUIL

Laboratoire de GSoehimie des Roches SSdimentaires, Universit~ Paris XI, 91405 Orsay (France) lnstitut de Physique du Globe, Unicersit~ Paris VI, 75005 Paris (France) ( R ~ u le 31 mai, 1976; accept6 pour publication le 17 septembra, 1976)

ABSTRACT Courtois, C. et Treuil, M., 1977. Distribution des terres rares et de quelques 61~ments en trace dans les s6diments r6cenm des losses de la Mar Rouge - - (Distribution of rare earths and other trace elements in Recent sediments of Red Sea deeps). Chem. Geol., 20: 57--72. Sediments of three cores in Atlantis II and Chain deeps of Red Sea were analysed for rare earths elements (REE) and other trace elements (Th, Hi, Sr, Cs, Ta . . . . ) by n e u t r o n activation. REE, and Ta, Cs and Th conten~s are excessively low (avarage REE ~ 20 p p m ) The chondritic normalization curves show an enrichment in light REE and excess Eu c o n t e n t (Eu/Sm ratio from 0.25 to 0.75) in several samples. Two hypotheses are di~ cussed: the nature of parent rocks of these sediments and the physico-chemieai conditions of sedimentation especially complexation and oxydo-reduction phenomenons. Sedimentation environment could not induce trace elements distribution. On the other hand, the very low concentrations, the general shape of distribution curves and the extess Eu c o n t e n t are quite similar to those observed in ultrabesic rocks. Thus, these sediments seem to have been deposited after deep hydrothermai alteration of ultrabasic rocks like peridotite.

R~-SUME Les terres rares (TR) et d'aurzes (fl6ments an trace comme Th, Hi, Sr, Cs, Ta . . . . sour anaiys~s par activation neutronique darm les s6diments de trois sondages dens les losses Atlantis II et Chain de la Mar Rouge. Les teneurs en terres rares et en Ta, Cs, Th sont extr~mement faibles ( m o y e n n e TR d n s ~ s ~" 20 ppm). Les courbes de normaiisation par rapport aux chondrites m o n t r e n t u n enrichL_~_ ent en tetras rares l ( ~ I s et u n m~c~s en Eu (Eu/Sm de 0,o-5 ;i 0,75) daus certaios ~chantilloos. Deux hypoth~,ses sont envisage,s: la nature de la roche m~re de ces s~diments et les conditions physico-ch/miques du milieu de s6dimentation plus particuli~wement les ph6nom6nas de complexation et d'oxydo-r6duction, n semble que le milieu de s ~ l i m e n t a t i o n na peut p u rendra compte de la distribution des 616ments en trace ohserv6e. Par contra, les tr@s faibles concentrations, railura g6n6raie des courbes de distribution et les anomalies en Eu sont tr~s proches de ce que l'on observe dans les roches ultrabasiques. Ainsi, ces s6diments proviendraient de l'ait~ration par des m u x hydrothermaies profondes d ' u n e roche m6ra ultrabasique de type p~ddotite.

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INTRODUC~ON La zone des saumures chaudes de la Mer Rouge comporte plusieurs losses profo.ades oh se d~posen1~ des s~iimen1~ anormalement enrichis en m~taux comme le Cu et le Zn. Cette r~gion a ~t~ intens~ment ~tudi~e tent sur le plan de la g~ologie l~gionale et de la g~ophysique que sur celui de la g~ochimie des eaux, des s~diments et de la m~tallog~nie; les principaux r6sultats sont ra~ sembl~s dens le livre ~dit~ par Degens et Ross (1969). Les ~chantfllons ~tudi~s ici proviennent de sondages effectu~s dans la fosse Atlantis II (sondages 120 K et 128 P) et sur la bordure de la fosse Chain (sondage 161 K) et ant ~t~ pn~lev~s ~ diff6rentes profondeurs ~ partir de la surface des s~diments. Suivant la profondeur, ces ~chantillons appartiennent aux diff~rents facies: montmorillonite ferrif~re, goethite amorphe, anhydrite et sulfures dont la min~ralogie est- d~crite par Bischoff (1969). Le probl~me se pose de savoir quelle est l'origine de ces s~diments. En effet, on se trouve en presence d'un milieu de s~Umentation tr~s particulier, caract~ris~ par une forte temperature et une salinit~ ~lev6e. I] s'agit de savoir si les caract~ristiques chimiques et min~ralog~ques de ces d~pots sont dues ~ des processus s~dimentaires ou magmatiques. Ces deux ph~nom~nes, ont-i]s une importance ~quivalente dan_~ l'~laboration de cette s~dimentation? Pour tenter de r~soudre ce probl~me. nous avons choisi d'~tudier la r~partition d'un certain nombre d'~l~menr~ traces dans ces s~diments. En effet, certaines traces et plus particuli~rement les lanthanides constituent le plus souvent des marqueurs g~ochimiques fid~les qui ont surtout ~t~ utilis~s pour les roches magmatiques mais qui peuvent ~galement servir d'ertregistreurs des diverses ~tapes des processus s~dimentaites. Aphis une presentation rapide des r~sultats, nous envisagerons successivem e n t l'influence du contexte p~trographique environnant de la Mar Rouge, puis cel]e des conditions physico-chimiques du milieu de s~dimentation. R~.SULTATS ANALYTIQUES

Technique analytique Les dosages ont ~t~ effectu~s par activation neutronique au sein du Groupe des Sciences de la Terre du laboratoire Pierre Siie (Saclay, France). Les ~l~ments 6 t u d i ~ correspondent ~ dram grandes f2milles: (1) Le groupe des terres rares (TR) est isol~ des autzes ~l~ments apr~s irradiation par s~paration chimique sur des n~sines ~changenses d'ions suivant la m~thode de TTeuil et al. (1973). (2) Certains alcalins, alcalino-terreux et autres ~K~ments dont le comporr~ment est maintenant bien connu dans les processus magmatiques ont ~t~ doses par voie purement instrumentale (Chayla et -I., 1973). L'~limination des ~l~ments susceptibles de perturber le spectre des TR permet d'avoir une precision relativement bonne (inf~rieure ~ 5% pour La.

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R}sultats Tous les ~chantillons ~tudi~ ici appartiennent soit au facies montmorill(~ nite ferrif~re, soit au facies goethite amorphe ~ l'exception de l'un d'entre eux (sondages 120 K,--430 cm) qui est un m~lange d'anhydrite et de sulfures L8 fraction d~tritique n'y est que faiblement repz~menr~e et Bkchoff (1969i signsle qu'elle exc~de rarement 5% dans les d~pots de la fosse Atlantis II. En outre, les min~mux accessoires susceptibles de concentrer les ~l~ments en trace comme les zircons ou l'apatite pour les TR n'ont pas ~t~ signal,s dsns la phase d6tritique de ces s~diments. Nous avons report~ les r~sultats obtenus pour les diff~rents sondages dans le Tableau I pour les TR et le Tableau II pour les autres ~16ments. Le trait

T A B L E A U I! Teneum ms 61krnenta traces des s~.diments p r o f o n d s d e la Mer R o u p en p p m .

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le plus marquant de ces analyses est l'extr~me pauvret~ en U~ces de ces s~diments particuli~rement pour les TR et des ~l~ments comme Th, C.s et Ta. Pour un m~me sondage, les concentrations varient peu d'un 6chantillon l'autre exception faite du Ba et du Sr. Les teneurs moyennes globales en TR oscillent autour de 20 ppm ce qui les oppose aux concentrations habituellement rencontr~es dans les s~diments actuels ou anciens qui sont d'environ 275 ppm (Haskin et Gehl, 1962; Balashov et al., 1964; Haskin et al., 1966). Cette pauvret6 est d'autant plus surprenante que ces s~diments sont, pour l'essentiel, constitu~s d ~ y d r o x y d e de fer et d'argiles, phases qui sont toutas deux r6put~es pour pi~ger des quanfit~s importantes d'~l~ments en trace (Kmuskopf, 1955; Goldschmidt, 1958). A priori, deux explications sont envisageables: (1) Soit le mat~riau qui a donn~ naissance ~ ces s~diments ~tait lui-m~me tr~s pauvre en ~l~ments traces. (2) Soit les conditions physico-cblmiques particuli~ras du ,nl, eu de s~dimentafion sont responsables du maintien en solution de ces ~l~ments. Nous verrons plus loin les arguments qui nous permett~ont de choisir l'une de ces deux hypotheses. Cl4~.r IC ~

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N-'-rr~ A1om~It~e par rapport aux choodrit~, sondale 120 K.

~I[,1. C~ood~t~ normalized REE abundances, core 120 K.

FilL2. Courbes de normalisation des TR par rapport aux ehondrites, sondalJe 128 P. Fig.2. Chondritic normalized REE abundances, core 128 P.

62 NormaUsotion des terres rares

11 est devenu classique de repr~enter la r~parfition des TR dens les miniraux et les roches au moyen de courbes de normalkation (Coryell et al., 1963) en prenant comme r6f6rence la distribution des TR dens les chondri~es Ces courbes de distribution ( F i p . l - - 3 ) font apparm'tre un fractionnement important du groupe des hmthanides avec enrichissement en ~erres l~g~res (de La i Eu) par rapport aux lourdes. D'autre pert, certaius 6chantillons prSsentent une auomalie positive en Eu. Celle-~i n'est cependant pas syst~matique et son intensit6 est variable: les valeurs du rapport Eu/Sm varient de 0,26 i 0,75 pour l'anomalie la plus forte.

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Fig.3. ~ b e s

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de r~rmal~tion des TR par rapport aux eho~lNt~, ~ l q e

161 K.

Fig.3. Chondritie normalized REE abundances, core 161 K. LN~RPR~rATION L "h~ritage

On Ad,~et g~r~ralement que l'alt~ration conttnentale ne provoque pas ou peu de fractionnement des TRles trees par rapport aux autres (Ronov et al.. 1967; Wfldeman et Heskin, 1973; Courtois, 1974a). 11 existe ainsi une sorte d'h~ritage global du spectre des TR des roches sources. Lorsque l'on dispose des roches m~res des al~rations, les courbes de normalisation effectu~es par rapport ~ la distribution des lanthanides darts ces m~mes roches m~res pr~sentent un profil tr~s plat (Steinberg et Courtois, 1976). Cette absence de

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fractionnement n'exclut pas un enrichissement ou un appauvnssement g~n~rat des teneurs dens les diverses assises d'at~mtion, mais les ~l~ments de la famille des TR conservent un comportement tr~s homog~ne les uns par rapport aux autres. Dans les cas favorables, cet "h~ritage" est un des moyens qui permet de retrouver la nature d'une roche m~re ~ partir de ses produits d'att~mtion (Rivi~re et Courtois, 1975). Pour ~vatuer l'importauce d'un tel ph~nom~ne sur les s~dlments profonds de la Met Rouge, nous avons atom compar~ nos r~sultats aux distributions observ~es darts les cliff,rents types de roches magmatiques (Haskin et at., 1966). Un fracfionnement r~gulier des TR a lieu au cours de la diff~rencia~on magmafique et il se tmduit par un enrichissement progressif en terres 16g~res au fur et ~ mesure que l'on s'adresse ~ des termes plus acides. Les p6ridotites sont, de loin, las roches crmtaUines les plus pauvres en TR. D'autre part, les lanthanides et des 616ments comme le Th, le Ta et le Cs ont un caract~re hygromagmatophfle mm~qu6 et sont entichis dans les liquides correspondant au d6but de la fusion ou ~ la fin de la diff~renciation (Treuil, 1973) Au eontraire, las 616ments de transition sont entrafn6s plus facilement dans les phases solides, le Ei et le Cr 6tant les ~16ments les plus concentn~s dans les n~sidus de fusion ou dans les premiers mln~mux de la cristatlisafion fractionn~e. En conclusion, les tr~s faibles concentrations en ~16ments hygromagmatophfles (lanthanides, Th; Cs et Ta) rencontr~es dans ces s~diments pr~sentent une grande similitude avec ceUes que l'on connm't dans les roches ultrabasiques de type p~ridotite. Pour plus de precision, il est n~cessatre de comparer non seulement les abondances absolues en ~16ments traces mats ~gatement l'atlure g6n~rate des spectres de distribution. Nous avons donc report~ sur la Fig.4 les courbes de r~partition des TR dans des grands types de roches basiques et ultrabasiques. 11 s'agit de p~ridotites (Montigny et al., 1973; All~gre et at., 1973) et de basatte (Schilling, 1970) qui consfitue l'essentiel des mat~riaux du substratum du rift de la Mer Rouge. Parmi les p~ridotites doivent ~tre distingu~es les restites, r~sidus des processus de fusion partielle, des cummulats de la diff~renciation. Les thol~ii~es sont soit non fractionn~es avec un prof'fl de distribution tr~s plat, soit appauvries en terres l~g~res et pr~sentent ators un fractionnement inverse de celui que l'on observe dans les s~diments de la Met Rouge. Les p~ridotites (resfites) ~tudi~es par Montigny (1975) pn~sentent des courbes en V avec des rapports de normatisation aux chondrites compris entre 10 -z et 10 -~ . Les p~ridotites de cummulats se diff~rencient des pr~c~dentes par des concentrations en terres l~g~res 5 ~ 10 fois sup~rieures et leur enrichissement par rapport aux terres yttriques est atom tr~s important. On se rapproche ici des courbes rencontr~es darts nos ~ehantillons. Certaines de ces p~ridotites pr~sentent par atlleurs une anomatie positive en Eu sur laquelle nous allons revenir. En conclusion, l'atlure des courbes de distribution des TR dans ces

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FilL4. Courbm de normsUmtiondes TR par rapport aus ©hondritmdsns des bualtes (d'apr&s Schilling, 1970) et des roches ultrabuklues (d'apr~ MontiBny, 1975 ). Fig.4. C~ondritie no_. ~ i z e d REE_.abun.dancmin bMaltm(from Schilling, 1970) and ultra. basic rocks (from Monti~qp~y,1975). Extrapolation for La (-) values. s~Uments eat t r ~ comparable ~ celle des p~ridofites et se distingue nettement de celle des bssaltes oc~miques. Reste ~ expliquer l'anomalie positive en Eu r e n c o n t r ~ dnn. cert~ns ~ m n W I o n s . Nous en .rmqleons " deux hypotheses principsles: cette anomalie provient de la roche m ~ e ou bien etle eat induite pos~zieurement par les conditions physico-chimiques du milieu de s~dlmentafion dont deux aspects seront retenus: le rble des complexes, et l'oxydo-r6duction. L'anome~Je de hz roche v~ve. Si l'on consid~re les coefficienl~ de partalpe solide/liquide des TR dens les pzincipaux min~raux des roches 6ruptives (All~p~ et el., 1978; Mont~lny, 1975), on constate que lea diff~renta lantlmhides rue r ~ l p u e n t pea de la m~me f ~ o n suivant lea phases qui crist=m,ent. En effet, lee ffrenats et, de fa~on moins accentu6e, lea orthopyrox~nes sont appauvrb en terrm ~ziques. Lea spinelles, par eontre, sont tr~s enrichis en terms l ~ r e s alors que l'olivine pr6sente un spectre en V t r ~ ouvert, le point le plus bee correspondmz,t i l'Eu. Un fraetionnement avec appauvrJssement en terms lourdes se rencontre dam lee plasioelues qui sont d'autre part t r ~ enriehis en Eu. Cette anomslie de concentration de l'Eu typique des

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plagioclases est li~e aux conditions d'oxydo-n~duction. Le potentiel redox standard du couple Eu3+/Eu2÷ est de --0,43 V, et les conditions tn~s r~ductrices susceptibles d'exister dans les magmas peuvent entrafner une anomalie de comportement de cet ~l~ment par son passage ~ l'~tat 2~ alors que les autres lanthanides restent trivalents. Cette incorporation pr~f~rentieUe de l'Eu se r~parcute dans les spectres de distribution des TR des roches, comme par exemple darts le cas des p~ridotites repr~sent~es sur la Fig.4. Ainsi, l'anc~ rnalie positive en Eu des s~diments peut s'expliquer par le fair que leur roche m~re ~tait ell~m~me d~j~ enrichie en cet ~l~ment. T~s m~canismes de mobilisation et de transport des ~l~ments en trace sont encore real connus. Qu'il s'agisse d'une alteration m~t~orique ou d'un processus hydrothermal, la liberation d'ions en solution s'effectue par l'interm~diaire d'une hydrolyse des min~raux et/ou du contenu des fissures intracristallines des roches m~res. De nombreux "modes de transport" peuvent ~tre envisages: transport sous forrne ionique vraie ou plus vralsemblablement sous forme d'ions hydrates, transport par l'interm~dialre d'ions complexes ou encore ~ l'~tat d'ions adsorb~ sur des particules en suspension, coilofdes ou phases min~rales fmes. Faute de donn~es pr~cises sur ces m~canismes en ce qui concerne les ~l~ments traces, nous nous limiterons ~ ralsonner sur ce que l'on connm't du comportement des TR en solution pour tenter d'expliquer les distributions observ~es dam les s~diments. En effet, les conditions physico-chimiques actuellement connues dans les saumures chaudes de la Mer Rouge m~ritent d'etre discut~es, car, le faible pH, la ~emp~rature ~lev~e et la tr~s forte salinit~ des eaux de cette r~gion peuvent avoir leur influence sur la r~partition des traces. Le r~le du milieu de s~dimentation Le p H et les complexes. La premiere question est de savoir si les conditions de milieu contrblent les concentrations absolues en ~l~ments traces des s~diments. En effet, alors que la precipitation d ~ y d r o x y d e ferrique en milieu ammoniacal entrafne quantitativement les lanthanides (Courtois, 1974b), un essai de precipitation effectu~ ~ pH 5 dans une solution tampon de pyridine-nitrate de pyridine nous a montr~ que, darts ces conditions, 6% seulement de la quantit~ totale de TR en solution est entrafn~ dans la phase solide. Le caract~re basique diminuant r~guli~rement du La au Lu, on devrait remarquer un enrichissement croissant depuis les TR c~riques jusqu'aux terres yttriques dans la phase solide si les solubilit~ des hydroxydes ~talent le facteur d~terminant. Ceci ne semble pas ~tre le cas puisque le fractionnement observ~ est inverse. Par contre la stabilit~ des complexes (carbonates, stflfat~s) augmente du La au Lu et les TR lourdes seront donc malntenues plus facilement en solution. Si les complexes jouent un rble important, ils expliquent bien le fractionnement des hmthanides dans les s~diments. Une analyse des eaux chaudes serait, ~ ce titre, indispensable pour v~rifler cette hypoth~se. Guichard (1974),

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~mdiant le rble des complexes clans la r~partition des TR darts les barytines, montre que la con .centration d'un ~l~ment dens la phase solide est d~finie par une relation simplifi~e de la forme: (Ln3")iolide = D - ' • (?solu=ion " [1 +.:[ (CO~ ~-)4 ~ .3= (504;-) + ~) (C]-}]si l'on ne tient compte que des complexes carbonates, sulfates et chlorur~s. Dane cette expression, (Ln3-)6ollde est la concentration de l'~l~ment consid6~ dans la phase solide; D est le coefficient de partage solution/solide de l'616ment; Ciolution est la concentration totale de l'61~ment dans la solution. c'est i dire la concentration de l'616ment pris sous forme d'ion simple et sous forme d'ion complexe,~,, 32 et ~3 sont les conitentel de mtabilit~ respectives des complexes carbonate, sulfates et chlorur~; CO32. SO~- et CI- sont lee concentrations des ions carbonates, sulfates et chlorures de la solution. Ainsi, la conce~z~afion d'un 616ment d a m le solide est inversement proportionnelle i la concentration des eslK,ces eblmlquei susceptibles de former des complexes avec cet 616ment. Mak, si les termes ~, (CO32-) 4 . ~2 (SO~-) et/ou ~3 (CI') sont n&gligeables devant 1, les esp~ces complexes ne jouent plus aucun rble et la teneur de la phase solide est directemen$ proportionhelle/L la concentration totale de la solution. DAnR le cas des saummures de la Mer Rouge, les concentrations en SO~et en C O / - sont telles que ces deux esp~ces n'entrent pas en jeu d'autant plus que l'ion carbonate intervient dans l'6quation ~ la puissance 4. De plus les carbonates complexes de lanthanides ne sont- stables qu'en milieu alcalin ou neutre, conditions non satisfaites par les saumures de la Mer Rouge. Par contre, compte-tenu de la forte salinit~ de ces eaux, on dolt s'attendre un rble preponderant des complexes chlorur~s. Or les constantes de stabilit~ des complexes chlorur~s des lanthanides sont t ~ s proches les unes des autres (~3 = 10) (F. Guichard, communication personnelle, 1975), et la proba bilitd d~nduire un fractionnement ou des modifications importantes de la courbe de distribution reste faible. Ne connaissant pas l'importance relative des divers complexes les uns par rapport- aux autres, il est difficile d'~liminer leur rble ~ventuel. En conclusion, la concentration ~lev~e en CI- des saumures, favorisant le maintien des TR en solution, peut ~tre la cause des tr~s faibles teneurs des s6rllments; maSs les chlorures n'induisant pes de fractionnement darts la famiUe des lanthanides, l'allure g6n~rale des courbes de distribution reste inexpliqu~e. Par contre, l'intervention des sulfates ou des carbonates provoque un fractionnement identique ~ celui que l'on observe dans les s~iimerits maSs leur concentration en solution est trop faible pour qu'ils p-J~ent jouer le rble principal. En outre, reste encore incormue la cause de l'anomalie en Eu. Signalons toutefois, clue la stabflit~ des complexes d'Eu ~- form,s avec I'EDTA est inf~rieure ~ celle des complexes Eu~*(Malinowski, 1963). Sous

67 forme complex~e, Eu 2" est moins stable en solution que Eu 3. et ceci pourrait expliquer sa concentration plus importante dans la phase solide. Encore faut-il que, daus ce milieu suIsa]~, les complexes organiques j o u e n t u n rble aussi important que les complexes chlorun~s ou sulfaths.

L'oxydo-r~duction.

I1 convient de d~terminer si Eu 3÷ est r~ductible dens les conditions qui d~finissent le milieu ~tudi~, et si Eu 2÷ est stable daus ces conditions. Nous avons pour cel~ construit le d i s g m m m e Eh--pH pour les diff~rentes esp~ces de l'Eu (~ig.5). Les calculs sont effectu6s ~ partir des donn~es suivantes: le potentiel standard du couple Eu='/Eu3-; le produit de solubilit~ de Eu(OH)3 ; le produit de solubilit~ de Eu(OH)~ ;

E° =--0,43 V Ks = 1 0 -~l's

K~ = 10 -2 par comparaison avec celui de Sr(OH)~

Les ~quations p e r m e t t a u t de tracer les limites des domainas de stabilit~ sont les suivantes: (1) Limite Eu2*-Eu3*: si Eu ~" = Eu 2",

Eh = --0,43 + 0,059 log (Eu3"/Eu ~*)

Eh -- - - 0 , 4 3 V

(2) Equilibre Eu ~÷ -- Eu(OH)s :

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pH = 6 , 8 4 - - 0 , 3 3 l o g [ E u 3° ]

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Fig.5. Dial~ramme Eb--p[-I des diff6rentes espies de |'L;~t.

Fig.5. Eh--pH diagram for ~ ions.

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P o u r u n e c o n c e n t r a t i o n t o t a l e en Eu j+ de 10 -+ , l ' h y d r o x y d e trivalent d'Ett ne pr~cipite qu'~ p a r t i r de p H = 8:84. (3) i~-quilibre Eu ~ -- E m O H J : :

p H = 1 3 - 0,5 log [ E u + - |

C o m p t e t e n u des tr~s faibles c o n c e n t r a t i o n s en Eu, Eu(OH)2 n'intervJent pas. (4) I~quilibre E u 2" -- E u ( O H h :

Eh = + 0 . 8 0 - - 0 , 0 5 9 log [ E u 2 " J - - 0 , 1 8 pH

Les limites d e stabilit~ d e l'eau ~galement report+es sur le d i a g r a m m e sont d~finies par les ~quations suivantes:

dissociation

2 H 2 0 - 2 e- = H2 + 2 O H

: E = = 0,00--0,059 p H

dissociation

2 H ~ O ~ 02 ~ 4 H" - 4 e

: E ~ = 1,228--0.059 p H

O n constate que le domaine de stabilit~ de l'Eu ~ l'~tat 2+ dans ies ea'~.x naturelles est tr~s r~duir~ Sa presence sous forme E u 2. d a m les conditions standard ne peut ~tre en~dsag~e qu'au del~ de p H 7. Darts les conditions de Eh (+ 0,3 ~ - 0,4 V) et de p H (6,1 ~ 7,0) mesuree~ dans les saumures actuelles de la Mer Rouge (Brooks et al., 1969), les anomalies en E u ne peuvent donc pas s'expliquer par une r~duction de ce~ ~l~ment, provoqu~e au sein du milieu de s~dirnentation. Par aiUeurs: l'~tude min~ralogique des s~diments montre que l'on dolt se trouver dans le domaine de stabilir~ de l'hydroxyde ferrique Fe(OH)3. Si on compare le diagrarnme Eh--pH des diff~rentes esp~ces de l'Eu avec celui des phases ferrif~res IGarrel.~ et Christ, 1964), on constate que le domaine de stabilith de Eu ~" se situe ,~ la limite entre Fe. Fe-'" et Fe(OH)2. Les domaines de stabilit~ de Fe(OHb, et de l'Eu 2- ne se recoupent pas. l] ne peut donc y avoir coexistence de ces deux phases ~ l'~quilibre au m o m e n t du d~pot des s~diments. D'autre part, si on fair intervenir le sulfate d'europium (Ks = 9.8- IU-". Malinowski, 1963), il ne modifie que tr~s peu la limite Eu2*--Eu ~'. Pour de~ concentrations en Eu'-- de 10 -6 et en SO~- de 10 -2 , le Eh atteint une valeut de --0,49 V. Et pour Eu 2- = 10 -4 , la limite n'est remont~e qu'~ la valeur de --0,38 V. Or les concentrations clans les eaux sont tr~ inf~rieures ~ ce~te valeur (Goldberg et al., 1963; H~gdahl et al., 1968) et l'intervention du sulfate favoriserait une r~duction du domaine de stabilit~ de l'Eu 2-. Les seules conditions oxydo-r~ductrices, ~tudi~es il es~ vrai dans les conditions standard, ne sont pas la cause de l'anomalie positive en E u des s~dirnents. Les facteurs que nous venons d'~tudier montrent qu'U est logique de penser clue l'anomalie en Eu, la concentration totale en ~l~menm traces et l'allure g~n~rale des spectres de distribution des T R sont le reflet de leur r~partition darts la roche m~re. Celle-~i, trAs probablement de type p~ridorite serait alt~r~e p r e s q u e sur place p a r des e a u x h y d r o t h e r m a l e s p r o f o n d e s .

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VARIATION DES ABONDANCESAU COURS DU T~MPS Les ~chantillons ayant ~t~ pr~lev~s ~ diff~rentes profondeurs ~ partir de la surface des s~diments, il est naturel de voir s'il existe une ~volution des concentrations en ~l~ments traces dens le temps. L'~tude de ces variations verticales montre qu'il existe une chflte tr~s nette des teneurs en TR dans deux sondages: 120 K et 128 P. Cette diminution apparaTt au voisinage de la cote--200 cm. Les ~chantillons dont nous disposons dans le sondage 161 K sont r~partis en dessous de ce niveau, il est donc difficfle de savoir si la m~me diminution a lieu dans ce sondage. Toutefois, l'~chantillon le plus superficiel, situ~ ~ --200 c m n e contient que 9 ppm de TR. Parmi les quatre ~chantillons du sondage 120 K, celui qui a ~t~ pr~lev~ ~ --210 c m e s t aussi le plus pauvre en Th, Ba, Sr, Sc, Co et Ni. Pour ces $1~ments, tr~s peu concentr~s, la precision des dosages ~tant mauvaises, les variations de teneurs absolues doivent ~tre consid~r~es avec prudence. Cette chflte des teneurs en traces apparm't au sein d'un m~me facies, la montmorillonite ferrif~re et n'est donc pas li~e ~ un changement min~ralogique total. Cependant, la proportion des divers composants min~ralogiques peut varier b l'int~rieur d'un facies. Si la proportion des ~l~ments d~trifiques augmente ~ certains niveaux, on aura une dilution globale des phases min~ralogiques porteuses des ~l~ments en trace qui paraTtront alors moins concentr~. Bischoff (1969) montre clue les phases min~ralogiques des s~diments dans les sondages 128 P e t 161 K sont principalement: des amorphes, la montmorillonite ferrif~re et la goethite, et des constituants d~tritiques. S'y ajoute de la manganc~sid~rite dens le sondage 120 K. La proportion d'61~ments d~trifiques reste sensiblement la m~me aux divemes profondeurs de pr~l~vements dans les sondages 128 P e t 161 K. Par contre, dans 120 K, elle augmente jusqu'au niveau--200 cm pour ensuite faire place b la mangano-sid~rite et aux amorphes. La diminution des teneurs en ~l~ments traces au niveau--200 cm dam ce dernier sondage est donc peut-~tre li~e ~ une augmentation des ~l~ments d~tritiques ~ c e d e m~me profondeur. Elle reste par contre difficilement explicable dans les deux flUtres sondages. Les vitesses de s~dimentation sont extr~mement variables d'un sondage l'autre mais ~galement d'un niveau ~ l'autre ~ rint~rieur d'un m~me sondage (Ku et al., 1969). Les datations effectu~es par la m~thode U/Th (Ku, 1969) montrent que la vitesse minimale de s~dimentation est de 40 cm pour 1.000 arts. Cet auteur trouve un ~ge de 3.300 ans ~ --170 cm dans le sondege 120 K et de 3.400 am ~ --180 cm dans le sondage 161 K. Par extrapolation ~ partir de ces valeurs qui correspondent ~ des profondeurs tr~s proches de 200 cm, l'~ge cslcul~ ~ ce niveau est de 3.880 arts pour 120 K et de 3.780 arts pour 161 K. Les valeurs obtenues pour le sondage 128 P sont invers~es, les s~diments de surface ~tant dates ~ 5.500 ans alors que ceux situ~s ~ une profondeur de 440 cm n'ont que 4.500 ans. Nous manquons de donn~es pour pouvoir r~soudre le probl~me pos~ par les variations des teneurs dans ce sondage.

70 A u m ~ m e titre clue les vitesses de s~dimentation, les variations de r~parfition des ~l~ments en trace d~pendent de nornbreux facteurs. Dmls le cas de la Mer Rouge, ils'agitp~d.ncipalement de la topographie des fonds, de la distance au point de d~charge des saumures ou encore de fluctuations dens les l~riodes d'activit~ de ces saumures. A titre d'hypoth~se, la diminu~on des teneurs en ~l~men~s traces observ~es aux environs de 3.800 ans dens les sonda~es 120 K et 161 K peut ~tre en relation avec une l~riode d'activit~ moins intense ou m ~ m e d'arr~t des saumures, ces deux sond~es ~mnt proches du point de d~clmr~. II semit toutefois indispensable de disposer d'un ~chantillon~e plus d~taill~ pour pouvoir suivre les variations verr~cales des teneurs en 61~merrts traces evec s~curit~. CONCLUSION La r~partition des 616ments en trace dans les s6diments r~cents des fosses de la Met Rouge est principalement caract~ri~e par: (1) Des mneurs extr6mement faibles en TR et en 616men~s hydromasmato

philes. (2) Un fractionnement des courbes de distribution des lanthanides avec enrichissement important en TR c~riques par rapport aux TR yttriques. (3) Des anomalies positives en Eu dens quelques ~chantillons se traduisant par des vsleurs ~lev~es du rapport Eu/Sm. Les conditions physico-chimiques du milieu de s6dimentation, envisages sous l'angle des p h ~ n o m ~ e s de complexation et d'oxydo-r~duction ne permettent pas d'expliquer les distributions observ~es. En particulier, le passage de l'Eu ~ l'~tat 2+ au sein du milieu de s~dimentation n'est pss compatible avec la min~ralo~ie des s~dimenm et les anomalies r e n c o n t r e s sont la cons~quence d'une r~duction de cet ~l~ment ant~rieure ~ la s~dimentation. La distribution des ~ l ~ e n t s en trace est le reflet caract~ristique de ce que r o n connait darts les roches ultrabesiques, en particulier dens les p~ridotites. L'apport s'effectuerait par l'interm~diaire d'eaux hydrothermales profondes raises au contact de roches ultrabesiques, sans doute le massif intrusif localis~ par la g~ophysique sous la vaU~e m~diane de la Mer Rouge (Miller et el.. 1966). Ainsi, la competition entre g~ochimie du milieu de s~dimentation et h~rit~e ~ parfir des roches m~res semb]e jouer en faveur de ce dernier param~tre pour la r~parUtion des ~l~ments traces dens ces s~diments. REMERCIEMENTS Nous tenons ~ remercier ici J.L. Bischoff qui n o u s a aimablement procur~ les ~chantitlons ainsi que J.G. Schilling pour sa competence clans l'analyse et la g~ochimie des terres rares.

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