Doit-on utiliser les immunosuppresseurs au cours du traitement de la dermatite atopique ?

Doit-on utiliser les immunosuppresseurs au cours du traitement de la dermatite atopique ?

REVUE FRAN~AISE D'ALLERGOLOGIE 128 ET D'IMMUNOLOGIE CLINIQUE Dolt-on utiliser les immunosuppresseurs au cours du traitement de la dermatite atopiqu...

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REVUE FRAN~AISE D'ALLERGOLOGIE

128

ET D'IMMUNOLOGIE CLINIQUE

Dolt-on utiliser les immunosuppresseurs au cours du traitement de la dermatite atopique

?

Y. de PROST

MOTS-CLI~S : Der matate. - Atopie. - I m m u n o s u p p r e s s e u r s ,

KEY-WORDS : D e r m a t i t i s - Atopy. - I m m u n o s u p p r e s s o r s .

L'utilisation des traitements immunosuppresseurs a augmentd r6guli~rement depuis une dizaine d'ann6es en Dermatologie, essentiellem e n t dans des grandes dermatoses inflammatoires comme le psoriasis et la dermatite atopique. Nous ne savons pas gufirir la dermatite atopique, ni bien stir changer le terrain atopique, et tous nos traitements ne sont que symptomatiques. L'dviction des allerg~nes (adro-allerg~nes ou allerg~nes alimentaires) n'entra~ne au mienx q u ' u n e amelioration discrfite et ne permet pas, dans la majorit~ des cas, de modifier de rayon significative l'affection. Le traitement classique, qui repose sur l'utilisation de traitements anti-infectieux et surtout de traitements anti-inflammatoires ~t base de dermocorticoides, reste actuellement le traitement le plus efficace des formes d'intensit~ faible et mod~r~e. Cependant, sa r~pfitition fait apparaitre les effets secondaires de la corticoth6rapie locale. Une meilleure connaissance de la physiopathologie de la dermatite atopique a permis de mieux c o m p r e n d r e certains m6canismes immunologiques : r61e des r6cepteurs ~ IgE et du transport de l'information antiganique par les cellules de

Langerhans, r61e des lymphocytes T et essentiellement des lymphocytes TH2 et des s~cr~tions de cytokines (IL3, IL4 et IL5), r(51e antagonism de l'interf~ron-7. Les traitements qui ont 6tfi jusqu'fi pr6sent proposes tentent d'agir sur l'une de ces composantes immunologiques. La thymopentine ou TP5 a 6t~ utilis~e par L e u n g et coll. chez 100 patients atteints de dermatite atopique s~v6re. Le r6sultat ~tait m~diocre, avec une rechute apr~s l'arr~t du traitement. Darts une 6rude plus r~cente publi~e en 1994, Stiller et coll. ont confirm~ l'action mod~r~e du TP5 an cours d ' u n e fitude multicentrique contre placebo [1]. Les rfisultats sont donc d6cevants avec la thymopentine, ils sont peut-6tre dus fi sa demi-vie tr~s courte, de l'ordre de 30 minutes. L'interffiron gamma : les deux premi6res 6tudes en 1990, ~urent celles de Boguniewitz et coll., et de Reinhold et coll. qui d~montr~rent une am& lioration de patients porteurs d ' u n e dermatite atopique sdv~re, trait6e par des injections souscutan~es d'interf~ron [2, 3]. Et plus rficemment, S. Stevens et coll. dans un essai contr61~ chez 83 patients ont montr~ des r6sultats int6ressants

Service de Dermatologie, H6pital Necker-Enfants Malades, 149-161, r u e d e S~vres, 75743 PARIS C e d e x 15.

de PROST Y. - Dolt-on utiliser les immunosuppresseurs au cours du traitement de la dermattte atopLque? Rev. ft. Allergol., 2000, 40 (1), 128-130

T i r ~ s & p a r t ; Pr Y. d e Prost, adresse ci-desssus.

/ IMM~'OSUPPRESSEURS E T TRAITEMENT DE LA DERMAT1TE ATOPIQUE •

apr6s des injections sous-cutan~es de 50 U / m 2 / j p e n d a n t 12 semaines [4]. L'arr~t du traitement a entra*n6 des rechutes prdcoces dans les 4 ~t 7jours pour la plupart des cas. Les effets secondaires &taient ceux de l'interf6ron avec essentiellement des syndromes pseudo-grippaux, des myalgies et des malaises. Le taux des 6osinophiles diminuait au cours du traitement alors que les taux des IgE ne se sont pratiquement pas modifies. Reinhold et coll. ont 6galement publi6 une sdrie de 14 dermatites atopiques s6v&res, trait6es avec des injections sous-cutan~es, 8 patients ont montr~ une amdlioration clinique p e n d a n t le traitement, qui persistait dans 4 cas 3 mois apr6s l'arret du traitemerit. Le mycoph~nolate mofetil (MMF) est utilisd pour pr6venir le rejet des greffes r6nales. Ce m6dicament bloque la synth&se de novo des nucl6otides utiles pour la synth~se du DNA et du RNA p e n d a n t la prolif6ration des cellules T et des cellules B. I1 a 6t6 utilis6 en dermatologie pour traiter des dermatoses bulleuses auto-immunes et des Pyoderma gangrenosum. Grundmann-Kollmann et coll. ont rapport6 r~cemment l'am6lioration franche chez deux adultes atteints de dermatite atopique s6v6re ayant r~sist~ aux traitements conventionnels incluant la puvath6rapie et meme la ciclosporine pour le premier cas [5]. La eiclosporine A par voie syst~mique a fair l'objet de n o m b r e u x travaux 6tudiant son efficacit6 au long cours dans les formes s6v&res de la dermatite atopique chez l'adulte et chez l'enfant. Ces travaux ont tous montr6 une efficacit~ certaine ~t des doses comprises entre 4 et 5 m g / k g / j . Des ~tudes de traitement au long cours ont permis de montrer une assez bonne acceptabilit6 du produit ~ doses faibles. Le traitement au long cours par la ciclosporine a ~t6 ~tudi6 n o t a m m e n t par Berth Jones et coll., cette 6tude portant sur 100 dermatites atopiques. Le traitement d'entretien avec des doses moyennes de 3 m g / k g / j a montr6 un effet tr6s significatif sur les scores 16sionnels de la dermatite atopique. La majorit6 des patients ont rdcidiv~ apr~s l'arr& du traitement (d'une dur6e moyenne de 48 semaines), mais l'intensit6 de cette rechute a toujours 6t6 infdrieure au niveau de base avant traitement [6, 7]. Le probl&me majeur du traitement par la ciclosporine est la survenue de rechutes an cours de la diminution du traitement ou apr~s son arr&t. I1 semble q u ' u n e diminution tr6s lentement progressive des doses prdvient en partie ces r6cidives. La ciclosporine A a obtenu l'autorisation gouvernementale d'utilisation au cours de la dermatite Rev. fr. AllergoL, 2000, 40, 1

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atopique de l'adulte dans de nombreux pays. Elle ne peut ~tre prescrite qu'apr6s 6chec de tousles traitements classiques et dans les formes tr&s s&v&res. Son utilisation pose surtout le probl6me des effets secondaires survenant avec ce type de produit : avant tout n~phrotoxicit6, hypertension art~rielle, mais 6galement les complications de toute immunosuppression au long cours, c'est-~tdire l%ventuelle survenue de lymphomes ou de cancers visc6raux. Le taerolirnus ou FK506 est un nouveau macrolide qui c o m p o r t e des propri6t6s i m m u n o suppressives qui a 6t6 d6couvert r6cemment par la firme japonaise Fujisawa. Le n o m de tacrolimus vient pour le T de la montagne Tsukuba o~ le champignon a 6t6 d6couvert, acrol pour macrolide et imus pour imnmnosuppression. Le tacrolimus a 6t6 introduit dans les armies 90 pour la pr6vention des rejets de greffes apr6s transplantation essentiellement h6patique. Son utilisation syst6mique est associ6e ~ des effets secondaires importants, avant tout la n6phrotoxicit6 et l'hypertension. Le m6canisme du tacrolimus est vraisemblablement identique ~ celui de la ciclosporine mais celle-ci a incontestablement une action par voie locale. In vitro, les effets du tacrolimus sont une inhibition de la lib6ration d'histamine par les mastocytes et les basophiles, une inhibition de I'IL2, I'IL3, I'IL4, I'IL5 et une stimulation de la production d'interf6ron gamma [8]. Le traitement par voie topique a 6t~ utilis6 sous forme de p o m m a d e ~ 0,03, 0,1 et 0,3 %. I1 a d'abord 6t6 montr~ efficace dans une 6tude de Nakagawa chez 50 patients porteurs d ' u n e dermatite atopique du visage, et dans une autre 6tude 6galement chez l'adulte par Ayoma. Thomas Ruzicka et coll. ont pr6sent6 les r6sultats d ' u n e 6tude multicentrique randomis6e contre placebo en 6tudiant les trois concentrations pr& cit&es p e n d a n t 3 semaines chez 215 patients. Ils ont d&montr6 une efficacit6 sur le score 16sionnel global pour les trois concentrations avec une diff6rence significative par rapport au placebo. Une 6rude m u l t i c e n t r i q u e am6ricaine de Boguniewicz et coll. avec un protocole tr6s proche, a montr6 une tr6s bonne efficacit6 chez 180 enfants, ~tg6s de 7 ~ 16 ans. L'appr6ciation clinique montrait une amelioration de 75 % dans plus de 67 % des cas aux 3 concentrations. Une r&idive apparait en moyenne 7jours apr~s l'arr& du traitement. Les effets secondaires sont un prurit et des sensations de brfilure apr6s l'application du produit surtout dans les premiers jours de traitement. Aucun effet syst~mique n'a 6t6 rapport6 [9, 10].

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L e S D Z A S M 981 : il s'agit ~galement d ' u n nouveau macrolactame d6riv6 de l'ascomycine. Le SDZ ASM 981 inhibe la ddgranulation des mastocytes, supprime la production du TNF [11]. I1 inhibe ~galement les r~ponses inflammatoires aux allerg~nes chez des souris et rats sensibilis6s e t a 6t6 montr6 efficace par voie locale chez l'anireal au cours d'ecz6mas de contact exp6rimentaux. I1 est ~galement d6montr6 que ce produit n'entra~ne pas d'atrophie cutan~e chez le cochon lorsqu'il est appliqu6 avec occlusion. La premiere &ude chez l'adulte a dt6 fake par Van Leent dans une fitude comparative droite, gauche comparant une cr6me ~t 1 % de SDZ ASM 981 / t u n placebo chez 34 adultes atteints de dermatite atopique mod~rfie [12]. Les applications fitaient faites 2 fois/j et il y a eu une diminution significative du score clinique en 5 jours. An bout de 3 semaines de traitement, la r6duction du score clinique dtait de 71,9 % pour le score global du c6td trait6 par le principe actif alors qu'elle n'&ait que de 10,3 % du c6t6 trait~ par le placebo. I1 n'y a pas eu d'effet secondaire syst~mique.

CONCLUSION A la question : <
a) par voie syst6mique, seule la ciclosporine A a d6montr4 une efficacit6 satisfaisante au cours des formes tr6s s4vhres de dermatite atopique. Son utilisation doit cependant 6tre tr6s surveill6e et ne peut se faire qu'en cas de r6sistance/t tousles autres traitements classiques, y compris la PUVAth4rapie ; b) l'avenir et les espoirs se t o u r n e n t maintenant vers l'utilisation d'immunosuppresseurs locaux qui pourraient traiter des 14sions de dermatite atopique m6me dans les formes mod4r6es ou de gravit6 moyenne en rempla~ant la corticoth4rapie locale et en 4vitant ainsi les effets secondaires du traitement st4roidien ; c) des dtudes sont n6cessaires pour trouver l'excipient id6al qui a un r61e important dans la p4n4tration et dans l'activit4 de l ' i m m u n o suppresseur par voie locale, pour essayer de trouver la concentration id4ale et le type de traitem e n t d'entretien ; d) les immunosuppresseurs locaux actuellem e n t 4tudi6s apparaissent d6pourvus d ' e f f e t sensibilisant ou de toxicit4 syst4mique. Cependant, ils sont irritants, souvent en d6but d'application. La recherche concernant les nouveaux immunosuppresseurs utilis6s par voie locale est trhs prometteuse, elle est pour l'instant un espoir pour le traitement des formes d'intensit4 mod& r4e et moyenne de dermatite atopique.

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RmR Rev. fr. Allergol , 2000, 40, 1