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Presse Med 2005; 34: 738-44
Neurologie
Douleur chronique et altération cognitive, une association méconnue
Centre d’évaluation et traitement de la douleur, Hôpital neurologique, Hospices civils de Lyon (69) Correspondance: Gérard Mick, Rue Beegue, 38500 Voiron Tél. : 06 80 13 40 09 Fax : 04 76 67 36 14
[email protected]
Gérard Mick Catherine Labeye
Key points
Points essentiels
Chronic pain and cognitive changes, a little-known association
• La douleur chronique peut induire une altération des processus cognitifs. • Les mécanismes neurophysiologiques impliqués ne sont pas élucidés, mais les données plaident en faveur d’un mécanisme indépendant de l’intensité ou de l’étiologie de la douleur, plutôt étroitement lié à la modalité douloureuse et à la durée de la situation douloureuse chronique. • Pour le patient, le dysfonctionnement cognitif, au minimum des troubles de l’attention et de la concentration, s’ajoute au handicap et à l’altération de qualité de vie corollaires de la douleur, en limitant ou altérant ses capacités à réagir de façon adaptée à la problématique douloureuse et aux défis de la vie quotidienne. • L’existence éventuelle d’un déficit cognitif significatif doit être prise en compte au cours de l’évaluation d’un syndrome douloureux chronique et lors de la mise en œuvre des objectifs thérapeutiques.
• Chronic pain can induce changes in cognitive processes. • The neurophysiological mechanisms involved are unclear, but the data suggest a mechanism independent of pain intensity and etiology but related to the type of pain and the time it has been chronic. • Patients suffer from the cognitive changes, or at least attentional and concentration problems, as well as from the consequent handicap and life changes due to the pain, which limits or modifies their capacity to react appropriately to the pain and the challenges of daily life. • The possible existence of significantly impaired cognitive processing should be taken into account during the assessment of chronic pain and in initiating therapeutic strategies.
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après l’International Association for the Study of Pain,la douleur est « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en de tels termes ».Cette définition,qui privilégie la dimension perceptive de toute sensation douloureuse, devrait concerner tout autant, implicitement, le retentissement individuel de cette sensation en terme d’altération psychique.La sensation douloureuse,dès lors qu’elle se perpétue,s’associe à une altération des performances cognitives se caractérisant au minimum par des troubles 1 de l’attention et de la concentration .
Un constat clinique quotidien encore peu étudié Les patients douloureux chroniques se plaignent fréquemment de troubles cognitifs. Les aspects neuropsychologiques liés à la douleur chronique ont été peu étudiés, par comparaison avec les modulations des affects 2 corollaires de l’état douloureux.Grisby et al. ont étudié les performances cognitives de patients ayant une dou738 - La Presse Médicale
leur chronique en les comparant à un groupe de patients sans douleur et avec antécédent de traumatisme crânien léger à modéré.Les fonctions cognitives ont été évaluées au moyen d’un système informatique (HPMS-BEP I : Human Performance Measurement System-Basic Elements of Performance I) qui permettait de mesurer pour chaque groupe de patients la rapidité des actes moteurs, la coordination motrice, la mémoire visuelle à court terme, la rapidité de traitement des informations cognitives. Malgré ses limites (faible nombre de patients étudiés,analyse rétrospective),cette étude était l’une des premières sur les troubles cognitifs associés à la douleur chronique. Les résultats étaient clairs : pour 11 des 12 items testés, le groupe avec douleur chronique avait des scores moyens inférieurs au groupe sans douleur.
DÉFICIT COGNITIF ET DOULEUR CHRONIQUE Des arguments en faveur d’un déficit cognitif associé à la douleur chronique avaient déjà été constatés dans plusireurs études. ❚ Taimela et al.3 avaient observé une diminution du temps de réaction et de la rapidité de traitement d’infor4 juin 2005 • tome 34 • n°10
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mations cognitives chez des patients ayant une lombalgie chronique. Cette étude n’avait pas permis de déterminer si ces altérations étaient consécutives au comportement d’évitement de la douleur, à l’affection causale, ou à un déficit cognitif proprement dit. ❚ L’hypothèse de Grigsby et al. d’un déficit cognitif directement corollaire du syndrome douloureux a été 1,4-7 confirmée . ❚ Sjogren et al. ont noté la détérioration des performances cognitives chez des patients atteints de cancer et ayant des douleurs néoplasiques, par rapport à des 6 patients cancéreux sans douleur .
❚ Une revue de la littérature sur les troubles cognitifs associés aux céphalées primaires a montré l’existence d’une diminution des performances cognitives dans 8 8 des 9 études analysées . ❚ Dick et al. ont montré que la baisse du seuil global de sensibilité somatique n’était pas corrélée au degré de 1 déficit cognitif . Qu’il s’agisse de patients ayant un syndrome fibromyalgique (au cours duquel la sensibilité somatique a un seuil bas), une polyarthrite rhumatoïde, ou des douleurs musculo-squelettiques focales non spécifiques,tous dans cette étude avaient un déficit cognitif avéré (tableau 1). ❚ Eccleston et al. ont démontré l’existence de troubles de l’attention chez des patients douloureux chroniques, constatant que ces troubles étaient plus prononcés lorsque les patients avaient une douleur intense et une 5 sensibilité somatique élevée . Selon leur étude, alors qu’une corrélation positive a été établie entre les troubles de l’humeur évalués par les échelles HAD (Hamilton Anxiety and Depression Scale) (encadré 1) et de Zung (encadré 2) et l’intensité de la douleur évaluée par l’EVA (échelle visuelle analogique) (encadré 3),
5
ces 2 facteurs n’étaient pas corrélés au déficit cognitif . Cette étude était la première à montrer que l’association d’un déficit cognitif à une douleur chronique n’était pas une conséquence directe de la pathologie responsable de la douleur ; elle suggérait que le déficit cognitif intervenait comme une composante initialement corollaire mais susceptible de devenir secondairement indépendante du syndrome douloureux chronique. ❚ Hart et al. ont suggéré que certaines manifestations attribuées à des conséquences directes de la douleur, tels la perturbation des activités quotidiennes ou le déficit attentionnel, étaient en partie liées aux troubles 7 cognitifs associés .
Altération cognitive et douleur aiguë ❚ Dans les études de Crombez et al. qui ont développé un modèle pour évaluer la “quantité” d’attention mobili9,1 sée par la douleur , la présence d’un dysfonctionnement cognitif était associé à une douleur aiguë.Les sujets avaient pour consigne de tenter d’ignorer la douleur et de réaliser simultanément une tâche cognitive.Une diminution de performance, en termes de rapidité et de précision dans la réalisation de la tâche cognitive en cours, constituait un indicateur du déficit attentionnel associé à la douleur. Dans ce modèle, une douleur thermique provoquée expérimentalement chez des volontaires sains retardait significativement la réalisation de tâches de dis10 crimination auditive . Il a été montré, au moyen du même outil,que l’altération des performances cognitives intervenait plus spécifiquement au début de la stimulation induisant la douleur, puis qu’un phénomène d’accoutumance apparaissait,ce dernier ne s’accompagnant 9 toutefois pas de la disparition du déficit cognitif .
Tableau 1
Comparaison de scores de performance cognitive chez des patients avec et sans douleurs chroniques Types d’affections avec douleur chronique Critères de performance
Polyarthrite rhumatoïde
Fibromyalgie
Affections musculo-squelettiques
Sans douleur chronique Groupe contrôle
Score moyen (TEA) d’attention quotidienne
8.0 ± 1,1#
8,7 ± 1,6#
8,6 ± 2,0#
10,5 ± 1,4
Attention sélective
24,8 ± 6,1#
25,2 ± 6,6#
25,1 ± 10,1#
33,4 ± 8,0
Attention soutenue
23,8 ± 4,6#
27,4 ± 3,5
25,6 ± 5,9
29,3 ± 3,7
Capacité de transfert
7,4 ± 3,5
9,2 ± 3,6
7,6 ± 2,9
9,5 ± 3,1
15,0 ± 4,4#
17,9 ± 5,5#
18,5 ±4,0
22,2 ± 4,4
Mémoire de travail
Moyenne ± écart-type, TEA : Test of Everyday Attention # p < 0,005 par rapport au groupe contrôle Source : Dick B, Eccleston C, Crombez G. Attentional functioning in fibromyalgia, rheumatoid arthritis, and musculoskeletal pain patients. Arthritis Rheum 2002; 15: 639-44.
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❚ D’autres études ont montré que la douleur aiguë diminuait la précision et le temps de réaction néces11 saires à la réalisation de tâches de mémorisation . Seltzer et Yarcozer ont observé une diminution de la capacité à mémoriser des séries de mots positifs et une augmentation de la capacité à mémoriser des séries de mots négatifs chez des patients ayant des 12 douleurs aiguës . Une observation similaire a été rapportée par Mc Kellar et al. chez des patients ayant 13 une douleur chronique . Une diminution des performances cognitives chez des patients douloureux chroniques a été observée avec le modèle de Crom10 bez et al. .
Hypothèses psychophysiologiques et neurophysiologiques UNE MODÉLISATION PSYCHODYNAMIQUE ❚ Les dysfonctionnements cognitifs constatés chez les patients douloureux ont probablement plusieurs origines,en dehors de l’affection causale elle-même :le déficit cognitif n’est pas forcément en rapport direct avec le mécanisme à l’origine de la douleur, en dehors du fait évident qu’il peut aussi être l’un des effets latéraux d’un traitement antalgique. ❚ Chapman et Turner ont établi une liste non exhaustive des différents processus cognitifs associés à la perception douloureuse (figure 1),si l’on considère les fonctions cognitives comme des processus psychiques au tra-
Planification
Attention
et prévision Imagination et schéma perceptuel
Expectative
Mémoire
P E
Prise
R
P
de décision
C
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et classification
E
N
P
Douleur
S
T
É
I
E
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Signification
vers desquels l’individu élabore une image personnelle de la réalité, fonction de ce qu’il vit à un moment donné 14 (présent) et de ce qu’il a vécu (biographie) .Le modèle dynamique proposé suggère une multitude d’interactions entre douleur et cognition. Sa principale caractéristique est l’existence systématique de difficultés de concentration, secondaires à un déficit attentionnel accompagnant la sensation douloureuse. Dans certains cas, l’association douleur chronique et trouble cognitif devient propice à la construction de nouveaux schémas perceptuels pouvant expliquer une sensation douloureuse en l’absence de stimulus nociceptif. Ce type de manifestation a été observé après amputation d’un membre quand les patients décrivent une douleur du membre absent ressentie comme réelle (algohalluci15 nose) . ❚ Dans une revue critique des données factuelles, Pincus et Morley ont considéré que la démonstration de l’existence au cours des états douloureux chroniques de troubles de l’attention, de l’interprétation et de la mémoire (en particulier concernant le rappel, la reconnaissance et la mémoire autobiographique), devrait être 16 plus convaincante . ❚ Apkarian et al. ont apporté un éclairage consensuel en montrant que les troubles cognitifs intéressaient avant tout la prise de décision :les patients lombalgiques chroniques adoptent moins facilement que les sujets contrôle une stratégie décisionnelle adéquate, et adoptent préférentiellement un comportement de choix beaucoup plus aléatoire vis-à-vis d’une décision aboutissant à un 17 bénéfice direct d’autre part .Ils ont montré que le degré d’altération était corrélé à l’ancienneté de la situation douloureuse et à la modalité douloureuse, les patients lombalgiques chroniques étant plus affectés que les patients ayant une algodystrophie (syndrome douloureux régional complexe de type I selon l’International 17 Association for the Study of Pain) .
DES ARGUMENTS INDIRECTS AU NIVEAU CORTICAL Calcul Langage et autosuggestion Acquisition de connaissances
Figure 1 Processus cognitifs impliqués dans la douleur. Celle-ci se situe à la croisée des diverses modalités cognitives qu’elle influence. Source : Chapman CR, Turner JA. Psychological aspects of pain. In : Loeser JD. Bonica’s Management of Pain.Third Edition. Philadelphia : Lippincott
En mesurant les modifications d’activité cérébrale induites lors d’une stimulation douloureuse,un stimulus douloureux thermique appliqué au cours de la réalisation d’une tâche sémantique a entraîné, d’une part, une activité plus importante au niveau de l’aire de Broca, du cortex préfrontal dorso-médian et cingulaire médian, d’autre part, une diminution au niveau du cortex cingulaire postérieur,de l’insula, 18 et du thalamus médian . Ces résultats ont suggéré qu’en présence d’une stimulation algogène,le maintien d’une activité cognitive à son niveau antérieur, c’est-à-dire celui qui précédait la stimulation douloureuse,impliquait une “mobilisation fonctionnelle” accrue des aires cognitives impliquées dans la tâche en cours de réalisation (figure 2). Une
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certaine spécificité des troubles cognitifs liés à la douleur semblant se dégager des études citées (difficultés attentionnelles, altérations des facultés décisionnelles), Stuss et al. ont considéré que cette spécificité relative, en comparaison d’autres modalités d’altérations cognitives dans différentes pathologies, montrait l’implication préférentielle 19 du cortex orbito-frontal .
DES HYPOTHÈSES AU NIVEAU BIOCHIMIQUE ❚ Hart et al.7 ont émis l’hypothèse que le mécanisme de modulation fonctionnelle des aires corticales par une situation douloureuse chronique faisait intervenir l’axe hypothalamo-hypophysaire et la plasticité neuronale. La douleur provoquerait un stress chronique se traduisant par une modification profonde des activités cérébrales, ces modifications entraînant une réponse physiologique inadéquate. Comme au cours des troubles de l’humeur, un dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire et une diminution du volume de la région hippocampique ont été constatés au cours des états de stress post-traumatiques avec phénomènes dou5 loureux . Biologiquement, le stress répété pourrait induire une atrophie dendritique dans la région hippocampique, éventuellement due au glutamate dont la concentration locale augmente en présence de glucocorticoïdes et de sérotonine, neuromédiateurs dont les concentrations intraneuronales sont fortement majorées au cours du stress. Chez l’animal, Mac Ewen avait montré que de courtes périodes de dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire suffisaient pour être domma20 geables au niveau neuronal .
situation, limitant ainsi sa capacité propre à faire face au stress et aux difficultés de la vie quoti14 dienne .C’est ainsi que le handicap fonctionnel est double : les activités physiques sont limitées par la douleur et les activités intellectuelles par le déficit cognitif, en particulier du fait d’une altération de l’attention et de la concentration. C’est par ces 2 biais, douleur et déficit cognitif, que le syndrome algique contribue à diminuer les activités sociales, familiales et professionnelles des patients douloureux chroniques.
Quelles conséquences pour le patient douloureux ? En pratique courante, on ne considère souvent la douleur que du point de vue sensori-discriminatif ; la douleur est alors caractérisée par l’intensité et la localisation du phénomène ressenti. Il pourrait en être autrement, si l’on prend en compte la composante cognitive associée à la perception douloureuse, puisqu’il est licite de considérer le retentissement fonctionnel de la douleur à 2 niveaux. Un individu souffrant d’une douleur aiguë rebelle ou de douleur chronique développe, outre des difficultés de concentration, des modifications cognitives qui entravent la prise d’une décision adéquate, génèrent un stress persistant et peuvent entraîner le patient dans un cercle vicieux : le sujet douloureux a plus de difficultés à appréhender sa
Figure 2 Carte paramétrique statistique des variations de débit sanguin observées au cours d’une tâche cognitive selon la présence ou l’absence de douleur (cartes réalisées à partir de coupes cérébrales sagittales et axiales). Les principaux effets produits par la réalisation d’une tâche sont représentés en jaune-rouge en l’absence de douleur et en bleu-violet en présence de douleur (p < 0,01). Les variations positives et négatives sont respectivement représentées en rouge-blanc et bleu-vert (p < 0,05). Source : Remy F, Frankenstein UN, Mincic A, Tomanek B, Stroman PW. Pain modulates cerebral activity during cognitive performance. Neuroimage 2003; 19: 655-64.
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Quelles conséquences en terme de prise en charge ? Il semble justifié de considérer qu’au syndrome douloureux chronique s’associe fréquemment un dysfonctionnement cognitif. Le traitement du syndrome douloureux devra prendre en compte cet aspect. Une telle approche est étayée par les résultats d’une étude d’une durée de 7 semaines,dont l’objectif était la réhabilitation fonctionnelle de patients douloureux chro21 niques plutôt que le soulagement de la douleur . Le protocole consistait à associer une thérapie cognitivocomportementale (TCC) et une réduction progressive des doses d’antalgiques.Avant de participer à l’étude, seuls 18,4 % de patients exerçaient une activité professionnelle, proportion atteignant 48,1 % après la période de 7 semaines de prise en charge et 59,1 % après la période de suivi. La pratique de la TCC chez des patients lombalgiques (48,1 %) ou ayant une douleur post-traumatique chronique (28,5 %), quels que soient l’étiologie et le mécanisme de la douleur, a permis une réduction significative de la douleur, de l’anxiété,et de la dépression à la sortie du programme et après la période de suivi. Ces résultats incitent à considérer la TCC,dont l’efficacité est empiriquement
démontrée, comme une modalité thérapeutique d’importance majeure au cours de la prise en charge des 22 douleurs chroniques . La prescription pendant 12 mois d’antalgiques opioïdes efficaces ne suffit pas à améliorer le déficit cognitif constaté chez des patients ayant une douleur 23 néoplasique . Prenant en compte des effets sédatifs fréquents des médications antalgiques majorant potentiellement l’altération cognitive,Dalal et Melzack s’interrogent sur l’utilisation en pratique d’une com24 binaison antalgique/psychostimulant .
Conclusion La prise en charge spécifique du trouble cognitif associé à la douleur chronique se justifie,en particulier dans la mesure où ce déficit entretient le syndrome douloureux, le handicap fonctionnel corollaire, et entraîne des répercussions notables sur les activités sociales, professionnelles ou familiales. Les mécanismes du déficit cognitif s’associant à la douleur restent à élucider. Les données de la littérature laissent entrevoir l’opportunité pour les praticiens d’envisager une approche cognitive au cours de la prise en charge globale de la douleur chronique. ■
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Encadré 1 Echelle HAD (Hospital anxiety and depression scale) L’échelle HAD est un instrument qui permet de dépister les troubles anxieux et dépressifs. Elle comporte 14 items, cotés de 0 à 3. Sept questions se rapportent à l’anxiété (total A) et 7 autres à la dimension dépressive (total D), permettant ainsi l’obtention de 2 scores (note maximale de chaque score = 21). A. Je me sens tendu(e) ou énervé(e) : ❒ 3. La plupart du temps, ❒ 2. Souvent, ❒ 1. De temps en temps, ❒ 0. Jamais D. Je prends plaisir aux mêmes choses qu'autrefois : ❒ 0. Oui, tout autant, ❒ 1. Pas autant, ❒ 2. Un peu seulement, ❒ 3. Presque plus A. J’ai une sensation de peur comme si quelque chose d’horrible allait m'arriver : ❒ 3. Oui, très nettement, ❒ 2. Oui, mais ce n'est pas trop grave, ❒ 1. Un peu, mais cela ne m'inquiète pas, ❒ 0. Pas du tout D. Je ris facilement et vois le bon côté des choses : ❒ 0. Autant que par le passé, ❒ 1. Plus autant qu'avant, ❒ 2. Vraiment moins qu'avant, ❒ 3. Plus du tout A. Je me fais du souci : ❒ 3. Très souvent, ❒ 2. Assez souvent, ❒ 1. Occasionnellement, ❒ 0. Très occasionnellement D. Je suis de bonne humeur : ❒ 3. Jamais, ❒ 2. Rarement, ❒ 1. Assez souvent, ❒ 0. La plupart du temps A. Je peux rester tranquillement assis, à ne rien faire et me sens décontracté(e) : ❒ 0. Oui, quoi qu'il arrive, ❒ 1. Oui, en général, ❒ 2. Rarement, ❒ 3. Jamais D. J’ai l’impression de fonctionner au ralenti : ❒ 3. Presque toujours, ❒ 2. Très souvent, ❒ 1. Parfois, ❒ 0. Jamais A. J’éprouve des sensations de peur et j'ai l'estomac noué : ❒ 0. Jamais, ❒ 1. Parfois, ❒ 2. Assez souvent, ❒ 3. Très souvent D. Je ne m’intéresse plus à mon apparence : ❒ 3. Plus du tout, ❒ 2. Je n'y accorde pas autant d'attention que je le devrais, ❒ 1. Il se peut que je n'y fasse plus autant attention, ❒ 0. J'y prête autant attention que par le passé A. J’ai la bougeotte et n'arrive pas à tenir en place : ❒ 3. Oui, c'est tout à fait le cas, ❒ 2. Un peu, ❒ 1. Pas tellement, ❒ 0. Pas du tout D. Je me réjouis d’avance à l’idée de faire certaines choses : ❒ 0. Autant qu'avant, ❒ 1. Un peu moins qu'avant, ❒ 2. Bien moins qu'avant, ❒ 3. Presque jamais A. J’éprouve des sensations soudaines de panique : ❒ 3. Vraiment très souvent, ❒ 2. Assez souvent, ❒ 1. Pas très souvent, ❒ 0. Jamais D. Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission de radio ou de télévision : ❒ 0. Souvent, ❒ 1. Parfois, ❒ 2. Rarement, ❒ 3. Très rarement Total anxiété : ................. Total dépression : .............................. Sont considérées comme valeurs seuils pour chaque sous-échelle : - 10 dans un objectif de spécificité ; - 8 dans un objectif de sensibilité. Un score global de 19 ou plus traduit un épisode dépressif majeur. Un score global de 13 correspond à des troubles de l'adaptation et aux dépressions majeures. Source : Zigmond A.S., Snaith R.P. The Hospital Anxiety and Depression Scale. Acta Psychiatr Scand, 1983; 67: 361-70. Traduction française J.F. Lépine.
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Encadré 2 Évaluation de la dépression de Zung Les réponses aux questions ci-dessous doivent refléter le ressenti de la personne au cours des 2 dernières semaines. Les résultats doivent être apportés lors de la visite chez le médecin traitant. Jamais ou exceptionnel Quelquefois Souvent La plupart du temps 1. Je n’ai le cœur à rien, je me sens mélancolique et triste. ❒ ❒ ❒ ❒ 2. C’est le matin que je me sens le mieux. ❒ ❒ ❒ ❒ 3. Il m’arrive de pleurer ou d'avoir envie de pleurer. ❒ ❒ ❒ ❒ 4. J’ai du mal à dormir la nuit. ❒ ❒ ❒ ❒ 5. Je mange autant qu’avant. ❒ ❒ ❒ ❒ 6. J’éprouve encore de l’intérêt pour les activités sexuelles. ❒ ❒ ❒ ❒ 7. Je remarque que je perds du poids. ❒ ❒ ❒ ❒ 8. J’ai un problème de constipation. ❒ ❒ ❒ ❒ 9. Mon coeur bat plus vite que d’habitude. ❒ ❒ ❒ ❒ 10. Je me sens fatigué(e) sans raison apparente. ❒ ❒ ❒ ❒ 11. J’ai l'esprit aussi clair qu'avant. ❒ ❒ ❒ ❒ 12. Il m’est facile de faire les choses que j’ai l’habitude de faire. ❒ ❒ ❒ ❒ 13. Je suis agité(e) et ne peux pas rester tranquille. ❒ ❒ ❒ ❒ 14. Je suis optimiste quant à l'avenir. ❒ ❒ ❒ ❒ 15. Je suis plus irritable que d'habitude. ❒ ❒ ❒ ❒ 16. Il m’est facile de prende des décisions. ❒ ❒ ❒ ❒ 17. Je me sens utile et je sens que l’on a besoin de moi. ❒ ❒ ❒ ❒ 18. Ma vie est bien remplie. ❒ ❒ ❒ ❒ 19. Je pense que ce serait mieux pour les autres si je disparaissais. ❒ ❒ ❒ ❒ 20. J’éprouve toujours autant de plaisir à faire ce que je faisais auparavant. ❒ ❒ ❒ ❒ Source : fr.depnet.ca/universe2/
Encadré 3 Échelle visuelle analogique (EVA) L’échelle visuelle analogique se présente sous la forme d’une réglette à 2 faces orientées de gauche à droite sur laquelle se déplace un curseur. Une face (ou recto) est destinée au patient. Son envers (ou verso) est utilisé pour mesurer l’intensité de la douleur. 1) Face patient : son extrémité gauche est marquée “pas de douleur”. Elle est reliée par un trait bleu à l’extrémité droite, marquée “douleur maximale imaginable”. Le soignant demande au patient de déplacer le curseur de la gauche vers la droite sur la ligne bleue, selon ce qu’il perçoit de l’intensité de sa douleur. pas de douleur
douleur maximale imaginable
2) Face de mesure : le soignant retourne alors la réglette sur son envers, qui est gradué de 0 à 10 de droite vers la gauche. Il est alors possible de visualiser le score d’EVA localisé par le trait rouge du curseur que le patient a positionné. Périodiquement cette même évaluation est réalisée afin de conserver l’efficacité du traitement antalgique ou de l’adapter selon le protocole thérapeutique.
Source : www.sniil.fr/html/DSI_echelle_eva.htm
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