Gynécologie Obstétrique & Fertilité 31 (2003) 757–758 www.elsevier.com/locate/gyobfe
Journée thématique de la SFEF (Paris, 2003)
Dysimmunité et troubles de la reproduction > Dysmimmunity and reproduction difficulties Alors que des outils de plus en plus complexes nous permettent d’étendre sans cesse le champ de nos connaissances, le dialogue materno-fœtal demeure une énigme. La compréhension des mécanismes moléculaires de l’implantation permettrait le traitement des situations pathologiques et la prévention de cet état physiologique constitué par la grossesse. Pour aborder une des facettes de cette problématique, la Société française pour l’étude de la fertilité (SFEF) a dédié sa 34e journée thématique à l’immunologie de la reproduction. Biologistes et cliniciens, fondamentalistes et vétérinaires sont venus exposer, et confronter leurs expériences. La première partie de la matinée a été consacrée aux gamètes. Après le premier exposé sur les cibles antigéniques dans l’ovaire, nous avions déjà une approche de la complexité de la situation. Et il ne s’agissait « que » du gamète féminin ! La grossesse étant encore le fruit, n’en déplaise aux cloneurs en tout genre, d’une collaboration étroite entre gamètes féminin et masculin, nous n’étions pas au bout de nos interrogations. Comment penser que nous maîtrisons nos thérapeutiques alors que nous ignorons encore de nombreux schémas physiologiques ! L’étude des conséquences immunitaires d’une volonté de maîtrise de la reproduction dans certains élevages montre que cette pratique est souvent suivie d’une diminution de la fertilité du troupeau. Il apparaît une réaction immunitaire contre la gonadotrophine chorionique équine injectée pour le déclenchement synchrone des femelles. Ces constatations sont à rapprocher de la relation négative notée entre anticorps anti-ovaires et protocoles d’assistance médicale à la procréation chez la femme. Cause ou conséquence ? Le débat reste ouvert, mais certaines étiologies de stérilité évoluant dans des contextes auto-immuns pourraient réagir plus particulièrement à une sollicitation du système immunitaire liée au protocole thérapeutique. Puisqu’une réaction immunitaire vis-à-vis des gamètes est possible, diminuant la fertilité, notre intérêt s’est tourné vers l’immunocontraception. Les enjeux sont considérables :
> Le Comité de rédaction de Gynécologie Obstétrique & Fertilité exprime ses vifs remerciements à Catherine Poirot (laboratoire de fécondation in vitro de la Pitié-Salpêtrière), qui a été l’artisan essentiel à la publication des articles de la Journée de la SFEF du 7 mai 2003 (Ndlr).
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S1297-9589(03)00215-7
10 milliards d’êtres humains en 2050 si nous continuons au rythme démographique actuel. Des anticorps anti-récepteurs de la FSH donnent des résultats prometteurs chez le primate. Mais il faut choisir l’épitope avec soin et s’assurer de l’absence d’effets adverses cytotoxiques qui seraient irréversibles... Après cette incursion gamétique, le reste de la journée a été dévolu au dialogue maternofœtal. Simple : un embryon puis un fœtus et sa mère. Oui mais, dans un environnement. Et nous voici repartis dans les méandres du stress, aigu, chronique, et dans ses implications avec les échecs de reproduction. Autre acteur à prendre en compte : le placenta et particulièrement une protéine nommée HLA G, dont l’importance physiologique au cours de l’implantation et de la grossesse est capitale. Alors que nous étions plongés dans nos perplexités, l’origine immunitaire de la maladie abortive a été discutée. En fait, oui, elle existe ou plus exactement elles existent car différents profils cytokiniques sont actuellement démembrés. Donc, pas de cause unique immunitaire, ce qui enlève l’espoir d’un traitement unique « simple », de ces maladies abortives. Après un exposé sur les examens biologiques immunologiques à demander en cas de maladie abortive, nous avons entendu les modalités thérapeutiques possibles en présence d’anticorps dits antiphospholipides. Et la journée s’est terminée sur une table ronde autour de ce syndrome des anticorps antiphospholipides. Ici encore, l’accent a été mis sur la diversité des cibles antigéniques, ce qui impose une grande rigueur pour une interprétation des résultats biologiques. Au total, l’immunologie de la reproduction qui couvre le champ de la gamétogenèse mâle et femelle et celui de la tolérance materno-fœtale, aussi bien au plan de la physiologie que de la pathologie et de la fertilité contrôlée est, par essence, multidisciplinaire. Le morcellement des approches qui en résulte, ainsi que l’éclatement géographique des équipes dont la taille, qui plus est, reste de ce fait le plus souvent en dessous de la masse critique, n’a pas permis jusqu’à présent la reconnaissance de cette discipline en tant que telle, malgré des efforts qui ont bien failli aboutir il y a une vingtaine d’années à la suite de la dynamique créée par Claude Sureau et son école. Il est à craindre que cette fragilité structurelle, qui n’a rien à voir
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avec l’extrême vitalité des chercheurs, constitue un handicap dans cette période de remise en question du volume des crédits alloués à la recherche. Pourtant il convient de rappeler sans relâche que, tout en suivant ses préoccupations spécifiques, l’immunologie de la reproduction vogue « de conserve » avec la cancérologie et la biologie des greffes. La progression « masquée » du trophoblaste, les enzymes mises en œuvre et les interactions avec la matrice extracellulaire, l’organisation à son profit d’un nouveau territoire vasculaire montrent à l’évidence la communauté des mécanismes mis en jeux dans ces domaines en même temps que l’étendue des applications médicales qui résulteront de leur meilleure connaissance. De par l’origine (et souvent l’originalité) de ses membres ainsi que grâce aux travaux conduits par certains d’entre eux, la SFEF était particulièrement à même de percevoir les potentialités de cette thématique et de maintenir ou mieux, d’activer la flamme. Elle a donc délibérément fixé son choix sur ce sujet pour sa journée annuelle. La journée a tenu ses
promesses. L’immunologie de la reproduction existe dans notre pays, et de la confrontation des expériences fondamentales et cliniques, humaines et animales naissent les bases de connaissances solides qui nous permettent de répondre à notre mission de soins. Merci à tous les orateurs et au public pour cette journée riche de nombreux échanges. P. Monnier-Barbarino* H. Gérard U.F. de médecine de la reproduction et gynécologie médicale, maternité régionale universitaire de Nancy, 10, rue du Docteur-Heydenreich, 54042 Nancy cedex, France Adresse e-mail :
[email protected] (P. Monnier-Barbarino). * Auteur correspondant.